Wikipédia:RAW2021-02-01
Infolettre francophone mensuelle no 229
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Brèves
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Le 15 janvier dernier, la Wikipédia en anglais a fêté ses 20 ans. Que de chemin parcouru : un milliard de modifications, plus de 6 millions d'articles, une encyclopédie incontournable dans de nombreux domaines, dont santé, politique américaine, armement, histoire américaine, Seconde Guerre mondiale, actualités américaines, histoire britannique, Hollywood, histoire indienne, conflits majeurs, histoire australienne, biologie, météorologie, royauté britannique et sport. Cette encyclopédie jouit aussi de plusieurs publications périphériques : une infolettre (Signpost), des recherches financées par la Wikimedia Foundation (WMF), un blogue soutenu par la même organisation, sans oublier les médias américains à grande diffusion qui la mentionnent régulièrement pour souligner ses contenus et ses erreurs. |
▲ Il était une fois... — La chaîne culturelle Arte a produit Il était une fois Wikipedia, un documentaire de 51 minutes qui souligne les vingt ans de l'encyclopédie libre. La vidéo, qui présente différents aspects de Wikipédia et les opinions de différentes personnes, est en libre diffusion jusqu'au 4 avril 2021.
Les personnes interviewées sont :
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Jimmy Wales (cofondateur de Wikipédia)
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Katherine Maher (directrice générale de la WMF)
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May Hashem (wikimédienne en résidence au Caire)
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Larry Sanger (cofondateur de Wikipédia)
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Andrew Keen (en) (écrivain britannique)
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Emna Mizouni (cybermilitante et journaliste tunisienne)
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Martin Cohen (en) (philosophe britannique)
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Simon Winchester (journaliste et écrivain américain)
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John Seigenthaler (journaliste américain ; affaire Seigenthaler)
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Marvin Oppong (de) (journaliste allemand)
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Achim Raschka (biologiste et wikipédien allemand)
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Theresa Hannig (écrivaine allemande),
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Aaron Halfaker (en) (programmeur américain ayant travaillé pour la WMF)
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Jan Böhmermann (journaliste et présentateur allemand)
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Jules* (wikipédien francophone)
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Ivonne Gonzalez Nunez (wikipédienne cubaine/suisse),
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Sverker Johansson (wikipédien suédois, dompteur de Lsjbot)
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Felix Nartey (wikipédien ghanéen).
Voici quelques extraits :
- Martin Cohen demande (23 min 10 s) : « Pourquoi peut on être anonyme sur Wikipédia ? Ce n'est pas indispensable. La plupart des contributeurs sont prêts à révéler leur identité [...] Mais la politique de Wikipédia est de permettre à chacun de se cacher derrière l'anonymat. »
- Theresa Hannig déclare (24 min 5 s) : « Je suis contre l'obligation de donner son vrai nom. Je pense à des consœurs qui s'engagent sur des sujets sensibles depuis des années et qui se font insulter. Si elles dévoilaient leur véritable identité, elles ne pourraient plus sortir de chez elles. »
- Emna Mizouni affirme (24 min 35 s) : « Il ne faut pas oublier que Wikipédia est écrite et lue non seulement dans les pays occidentaux, où les libertés individuelles sont garanties, mais aussi dans les États dirigés par des régimes autoritaires. »
- Achim Raschka affirme (31 min 30 s) : « Les critères admissibilité sont les mêmes pour les hommes que pour les femmes. Par exemple, [...] être un professeur ou une professeur n'a aucune importance. La seule chose qui compte est de détenir un titre de professeur dans une université. Mais [...] dans les universités allemandes, seuls 20 % des professeurs sont des femmes. C'est pareil dans tous les domaines. [...] les femmes sont très souvent sous-représentées aux postes clés. » Par la suite, Theresa Hannig déclare que c'est Wikipédia qui crée la notoriété d'une personne en acceptant ou pas un article sur celle-ci.
- Katherine Maher (46 min 5 s) : « Ce que je trouve fascinant avec Wikipédia, c'est qu'au début tout le monde pensait : "Mon Dieu, ça va beaucoup trop loin. Comment se fier à ces informations ?" [...] Vingt ans plus tard, on reproche à Wikipédia d'être trop proche de l'érudition traditionnelle. »
▲ Lutte quotidienne — Franceinfo a publié un article et une vidéo pour souligner les 20 ans de Wikipédia. Selon le bénévole Jules*, les contributeurs « se sont professionnalisés » au fil des années. Pour lui, le caviardage façon Wikipédia est la suppression d'une information soutenue par des sources de qualité. Il rappelle que la communauté dispose de plusieurs outils pour lutter contre la dégradation de l'encyclopédie libre, ce qui lui permet de lutter quotidiennement contre la désinformation.
▲ Dinosaure — Le quotidien Sud Ouest a publié un article pour souligner les 20 ans de « l’un des derniers "dinosaures" de l’internet libertaire et participatif ». Rémi Mathis souligne que bâtir une encyclopédie est plutôt le fait des CSP+. Selon Lionel Barbe, « Wikipédia, c’est quand même le plus grand bien commun numérique que nous ait livré internet ». Pour Marie-Noëlle Doutreix, le Web marchand a intérêt à ce que Wikipédia continue d'exister, citant Google qui recourt régulièrement aux contenus de Wikipédia. Plus bas dans l'article, Lionel Barbe explique que le modèle participatif de Wikipédia ne peut pas servir à résoudre les problèmes sociaux de l'heure.
▲ Wikipédia en 2005 — Pour souligner les 20 ans de l'encyclopédie libre, l'INA a mis en ligne la vidéo 2005, "une encyclopédie gratuite sur le net qui s'appelle Wikipedia".
▲ Colosse aux pieds agiles — C'est ainsi qu'est décrite l'encyclopédie libre dans un article du journal Le Devoir. Pour Steve Jankowski (d), qui complète un doctorat sur le biais de genre sur Wikipédia, l'encyclopédie libre est comparée à Britannica à cause de son « incroyable succès » au XXe siècle. Selon lui, les internautes s'attendent à ce que les articles de Wikipédia soient classés en ordre alphabétique, qu'ils soient courts, rédigés par des experts et mis à jour de temps à autre. « Wikipédia est numérique, peut être édité de manière anonyme, inclut tout sujet notable et est gratuit. » Jankowski juge que Wikipédia appartient à une tradition commencée avant Britannica : il cite une encyclopédie romaine rédigée sur papyrus, des encyclopédies islamiques écrites au XVIe siècle et l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Ces ouvrages n'ont pas utilisé la même façon d'organiser la connaissance. Toutefois, l'encyclopédie libre, malgré son mode de production participative, ne s'est pas affranchie du modèle de production de Britannica.
▲ IGN et le libre — La faute à Wikipédia ? « Depuis le 1er janvier 2021, l'IGN [français] rend toutes ses données publiques relatives à la topographie, au relief et à la visualisation du territoire libres et gratuites. » Les photographies aériennes et les données d'altitude se trouvent dans ce périmètre. Les cartes et les scans, produits par les entités tierces, sont exclus. (fr)[1], (fr)[2]
▲ Wikisource en français, 2020 — Grâce à sa communauté vibrante, ce wiki a transcrit et publié 849 ouvrages pendant l'année 2020, ce qui le place en première position parmi toutes les Wikisources linguistiques . Et pourtant, la communauté veut faire mieux en 2021 . (fr)[3]
▲ 2 millions — La Wikisource en français comprend dorénavant plus de 2 millions de pages corrigées (transcriptions jugées bonnes pour la lecture) ou pages validées (transcriptions relues par au moins deux contributeurs). (fr)[4] C'est donc autant de textes libres à parcourir et à partager en confiance.
▲ WhatsApp — Les règles d'utilisation de WhatsApp, acquis par Facebook en 2014, vont changer le 8 février 2021. Auparavant, vous pouviez refuser que vos données personnelles soient transmises à des tierces parties. Le dernier contrat de service, que vous devez accepter si vous désirez poursuivre l'utilisation du logiciel, inclut plusieurs clauses qui minent votre vie privée. En effet, dès février 2021, le logiciel transmettra à Facebook plusieurs informations, dont :
- votre numéro de téléphone
- les numéros de téléphone stockés dans votre appareil ;
- le nom de votre compte ;
- les photos de votre compte ;
- les messages de statuts, y compris la dernière fois que vous avez été en ligne ;
- les données issues des applications qui servent aux diagnostics.
Selon les termes du contrat, Facebook se réserve le droit de partager ces données avec des sociétés de son réseau d'affaires. [5] En pratique, WhatsApp partage déjà ces données depuis plusieurs années avec Facebook. Pour les utilisateurs européens, ce partage de données serait de moindre ampleur. Peu importe, ce changement suscite son lot de critiques et l'adoption de l'application Signal ou Telegram par des millions d'utilisateurs de WhatsApp. [6]
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Wikipédia et les bibliothèques
[modifier le code]Phoebe Ayers, bibliothécaire spécialisée en génie et informatique au MIT [7] et wikimédienne depuis 2003 [8], a publié un long billet en octobre 2019 sur une récente compétitrice dans l'économie du savoir, devenue une collaboratrice des bibliothèques : Wikipédia.
Se disant à la fois bibliothécaire et wikipédienne, elle affirme que les deux activités, l'une rémunérée l'autre bénévole, poursuivent le même but : partager la connaissance avec le monde. Pour elle, Wikipédia et les bibliothèques ont des aspirations et des buts semblables. Ils servent à la fois à informer, à organiser la mémoire de notre société et à organiser la communauté. Malgré leur mode de fonctionnement différent et la nouveauté de Wikipédia, il existe selon elle des centaines de projets collaboratifs entre les bibliothèques et les wikipédiens dont le but est de construire le futur du savoir ouvert.
Pour Ayers, la collaboration des bibliothécaires à la construction de Wikipédia s'est démarquée dans trois domaines qui concernent le futur de Wikipédia : qualité, inclusion et durabilité. Dans ces trois domaines, les institutions et les bibliothécaires ont réalisé un extraordinaire travail et ont encore un rôle à jouer. Ce n'est toutefois pas une voie à sens unique : les aspirations, les idéaux et le bonheur du projet Wikipédia peuvent aussi améliorer l'ancien métier de bibliothécaire, même si les bibliothécaires critiquent et améliorent l'encyclopédie libre.
Son histoire est à propos de la construction du plus grand ouvrage de référence au monde. Elle parle de bibliothèques et de Wikipédia, de ce que signifie rédiger une encyclopédie et de faire partie d'une communauté. Chez elle, ces trois aspects sont inséparables.
- I. Au début
20 ans de Wikipédia | |
(Phoebe Ayers se souvient d'un évènement qu'elle a vécu en juillet 2010.)
Tard dans la nuit à Gdańsk en Pologne (ville industrielle près de la mer et berceau du mouvement polonais Solidarność), des shots de vodka alimentent d'intenses discussions dans une douzaine de langues. Les wikipédiens autour de la table parlent de stratégies pour impliquer les populations locales dans l'édition en ligne et du droit d'auteur, bien sûr. Et qu'en est-il de l'Égypte, en 2008 ? Là, les bibliothécaires de la nouvelle bibliothèque d'Alexandrie, la Bibliotheca Alexandrina, ont montré aux wikipédiens qui étaient en ville comment ils transformaient des manuscrits arabes datant de centaines d'années en texte numérisé lisible. Nous avons parlé de la façon de mettre ces manuscrits en ligne et de ce que cela signifierait pour cette bibliothèque — ou pour toute autre bibliothèque — de collaborer avec des bénévoles du monde entier qui n'étaient coordonnés que de façon très approximative. Ou, pourquoi ne pas commencer par Cambridge au Massachusetts ? Par une chaude soirée de l'été 2006, des wikipédiens du monde entier (Venezuela, Taïwan, Pays-Bas) sont assis sur les marches de la bibliothèque de la faculté de droit de Harvard, en regardant l'une des plus grandes universités du monde, et rêvent de créer des sites web où les gens de n'importe quel endroit pourraient s'informer sur n'importe quel sujet — où l'apprentissage transcenderait le lieu et où des gens de tous les endroits d'où nous venions contribueraient.
Elle se souvient de la première fois qu'elle a contribué, en août 2003. Elle est assise dans sa cuisine à Seattle, ville où elle a commencé son programme de formation en science des bibliothèques. Elle avait lu un article sur Wikipédia, ce qui l'avait intrigué. Elle a alors consulté le site, puis lu quelques pages d'aide. Elle a ensuite cliqué sur l'onglet « Edit this page » (« Modifier cette page »), écrit quelques phrases et cliqué sur « Enregistrer ». Après quelques instants, son texte est apparu dans le navigateur Web : son souffle s'est arrêté car elle venait de modifier l'encyclopédie.
Son étonnement découlait en partie du fait que la modification et la publication avaient été faciles, quelque chose que nous avons oublié dans l'univers numérique d'aujourd'hui à cause des applications efficaces et du magasinage en ligne instantané. En 2003, elle utilisait régulièrement Internet et rédigeait depuis des années sur les différentes plateformes en ligne. À cette époque, vous deviez avoir un compte ou jouir d'un accès FTP pour mettre à jour une page en HTML. L'interface d'édition de Wikipédia n'était pas conviviale (elle ne l'est toujours pas selon Ayers), mais pour ce type de site Web — le wiki inventé par Ward Cunningham en 1995 —, c'était simple. Rédiger dans le navigateur Web, puis cliquer « Enregistrer ». Chaque modification, chaque enregistrement est noté dans une version distincte que vous pouvez retrouver en consultant l'historique de la page. Selon Ayers, ce service rend faciles la collaboration et la révision par plusieurs personnes.
Les conséquences de cette technologie appliquée à la création d'une encyclopédie sont, selon Ayers, extraordinaires : des internautes bénévoles qui ne se connaissent pas et qui n'ont pas été vérifiés et qui n'ont pas reçu d'autorisation préalable peuvent utiliser cet outil pour créer un enregistrement de toute la connaissance. Ensemble, utilisant Internet, il est possible de construire un site en perpétuel changement et mis à jour qui capturerait ce que nous savons en tant qu'espèce sur chaque aspect de notre monde. Encore aujourd'hui pour Phoebe Ayers, ces conséquences et cette aspiration l'émerveillent. Même après avoir effectué presque vingt mille modifications, des douzaines de voyages sur la planète et avoir discuté d'innombrables heures avec d'autres contributeurs, elle est toujours saisie d'émerveillement.
Elle affirme avoir passé seize années, depuis sa première contribution, à partager par l'écriture et l'enseignement ce projet magique, inspirant, joyeux, exaspérant et problématique avec d'autres personnes, en essayant d'ouvrir la porte de Wikipédia à de nouveaux contributeurs. Elle a essayé de rendre la communauté Wikimedia plus forte et plus stable par le biais de la gouvernance et des rencontres en personne. Elle a également essayé de réunir ses collègues bibliothécaires et le projet Wikipédia, qui ressemble plus à une start-up ou une vieille étable (tout le monde sur le pont, les personnes qui se présentent font les règles) qu'à une institution formelle. En cours de route, elle a réfléchi aux façons dont les deux groupes pourraient se transformer mutuellement : comment les bibliothèques, avec leurs grandes collections et leurs racines communautaires, peuvent aider Wikipédia et, à son tour, comment Wikipédia, avec son idéalisme, son autonomisation individuelle et sa portée mondiale, peut aider les bibliothèques et tout le reste de l'écosystème de la connaissance.
Tout au long de cette période, elle affirme que ce sont ses amitiés et ses collaborations avec d'autres contributeurs de Wikipédia qui ont le plus changé sa vie. Parce que pour elle, l'encyclopédie libre est une affaire d'individus. La personne assise à sa table à manger essaie d'améliorer un article parce qu'elle se soucie du sujet ou peut-être simplement parce qu'elle se soucie de l'exactitude des informations en ligne. Il s'agit de photographes qui organisent des voyages en groupe pour prendre des photos gratuites de haute qualité de sites du patrimoine culturel à ajouter à la banque de fichiers multimédia libres Wikimedia Commons, avant que ces sites ne soient définitivement perdus. Il s'agit de bibliothécaires qui ajoutent des références et des citations aux articles, liant Wikipédia aux connaissances publiées. Il s'agit de traducteurs qui rendent Wikipédia accessible dans leur langue, et qui rédigent souvent la toute première encyclopédie qui ait jamais existé dans leur langue. Et il s'agit de ces chaudes nuits d'été autour du globe lors d'une conférence annuelle et d'autres rencontres, soirées au pub et edit-a-thons, où des gens se retrouvent pour travailler à et rêver d'un monde meilleur. Wikipédia est une communauté composée d'individus et, comme toutes les communautés, elle est pleine de blagues et d'arguments, de désaccords et de compromis. Elle est aussi pleine de relations humaines ordinaires, en personne comme en ligne : la communauté wikipédienne a connu des mariages et des ruptures, des naissances et des décès, et les gens célèbrent et pleurent comme le ferait tout groupe de personnes qui dépendent les unes des autres.
Quand elle regarde Wikipédia, elle ne voit pas des mots, des images, mais les gens qui y ont participé, qui y participent et qui y participeront.
- II. Bibliothèques
Elle est devenue bibliothécaire parce qu'elle voulait aider les gens qui voulaient trouver des informations sur quelque chose. Bien que cela soit au cœur du travail des bibliothécaires, aider les autres à trouver des informations n'est qu'une des nombreuses missions des bibliothèques. Dans leurs différents types et lieux, les bibliothèques servent également de centres communautaires, d'institutions d'archives et de lieux d'apprentissage, qu'il s'agisse d'enseigner aux étudiants de l'université à plonger dans les archives historiques ou d'apprendre aux enfants à lire des livres d'images à l'heure du conte. Les bibliothèques publiques servent d'institutions civiques, souvent les seuls lieux publics d'une communauté qui soient ouverts à tous. Les bibliothèques et les archives de toutes sortes ont également un rôle à jouer en tant que conservateurs de la mémoire par le biais des archives communautaires et de recherche. Plus fondamentalement, les bibliothèques sont des institutions qui aident à interagir avec les histoires et le travail des autres et à en tirer des enseignements.
Rétrospectivement pour elle, il semble évident qu'il existe une congruence naturelle entre les bibliothèques et les bibliothécaires, avec leur vaste mission d'aider à connecter les gens à l'information, et Wikipédia, avec sa vaste mission de collecte d'informations sur tous les sujets du monde. Mais en 2003, lorsqu'elle a commencé à devenir à la fois bibliothécaire et wikipédienne, le site était encore pratiquement inconnu. Lorsqu'il est devenu connu des bibliothécaires et des éducateurs, il a été considéré avec un scepticisme mérité, tout comme le reste de l'Internet en plein essor, créé par les utilisateurs. Il était clair qu'un site de loisirs, construit par des contributeurs anonymes, n'était pas la même chose que les ensembles d'encyclopédies en plusieurs volumes, écrits et édités par d'éminents spécialistes, que les bibliothèques se donnaient beaucoup de mal, encore aujourd'hui, à collectionner. Il était également clair que Wikipédia ne pouvait pas, et ne devait pas, être recommandé comme source équivalente ; l'idée était insultante pour beaucoup.
Encore aujourd'hui, lorsque des bibliothécaires et des éducateurs recommandent Wikipédia aux étudiants et aux chercheurs, cette recommandation est assortie de nombreuses réserves : Les articles de Wikipédia sont écrits de manière incohérente et invérifiés, ils peuvent être incomplets ou biaisés, et les étudiants devraient se fier davantage aux références citées qu'à l'article lui-même. Et bien sûr, Wikipédia n'est bon que pour un certain type d'information — il vise à inclure des faits enregistrés qui sont scientifiquement vérifiés, et non des anecdotes ou le type de récit qui donne de la richesse à notre héritage culturel. Par conséquent, parce qu'il reflète les préjugés des sources de connaissances passées, une vaste partie de l'expérience humaine est entièrement exclue de Wikipédia.
Malgré toute cette raisonnable méfiance au début, la relation entre les bibliothécaires et Wikipédia a changé au cours de la première décennie d'existence de l'encyclopédie libre. Tout d'abord, Wikipédia s'est développée à un rythme effréné, dépassant toutes les attentes. Elle a rapidement dépassé la capacité de toute autre source de référence traditionnelle à suivre le rythme du monde, en particulier autour de sujets comme les actualités. Cette première croissance rapide de Wikipédia, de 2002 à 2008 environ, est survenue alors que la participation en ligne en général explosait, amenant de nouveaux lecteurs et écrivains potentiels pour Wikipédia. Donc, quelques années après la naissance de Wikipédia, les bibliothécaires et les éducateurs ont dû se résoudre à accepter que les étudiants, les professeurs et leurs lecteurs l'utilisaient. Wikipédia leur était utile, parfois même plus pratique et plus complète que toute autre source. Elle était bien pour les traductions, pour aider à trouver des faits obscurs, et pour obtenir des images sous licence libre. Elle était remarquablement bien pour trouver des informations sur des sujets que les collections des bibliothèques locales ne permettaient pas de traiter, en particulier dans les domaines où les bibliothèques travaillaient avec des ressources limitées. Et elle était bien pour l'éducation, car elle offrait aux étudiants, comme aucune autre, une fenêtre sur le processus de collecte et de conservation des informations.
Les bibliothèques et les archives du monde entier ont également découvert l'énorme pouvoir de Wikipédia et de ses projets frères — Wikimedia Commons en particulier — pour partager des collections d'archives qui étaient jusqu'alors enfermées, accessibles seulement à quelques-uns. Les bibliothèques ont également relié Wikipédia et d'autres projets Wikimedia, tels que Wikidata, à des systèmes techniques et des catalogues afin de relier les ressources d'information existantes à Wikipédia. Et les bibliothécaires sont devenus des éditeurs à titre individuel, ajoutant des articles et les améliorant, et formant d'autres personnes à le faire également.
Enfin, les bibliothèques et les wikis de l'écosystème Wikimedia sont similaires dans leurs idéaux et leurs objectifs politiques. Tout comme les bibliothèques, les projets Wikimedia ont pour but de promouvoir la disponibilité des connaissances pour tous, et non pas un objectif neutre. De plus, tant les bibliothèques que Wikipédia se soucient profondément du respect de la vie privée des utilisateurs, de l'ouverture et de l'accessibilité à tous, et de la résistance à la censure. Wikipédia est confrontée aux menaces actuelles et futures des réglementations gouvernementales sur l'internet, de la censure nationale et locale, et des lois régissant la vie privée, les droits d'auteur et la propriété intellectuelle. Les bibliothèques sont confrontées aux mêmes menaces et défis et devraient partager leurs politiques et tactiques avec le mouvement pour un internet libre et ouvert dont Wikipédia fait partie.
Les bibliothèques, comme Wikipédia, sont largement concernées par les questions de la qualité de l'information, de l'inclusion (à la fois l'accès à l'information et la création d'information) et de la durabilité de l'écosystème de l'information. Ces trois domaines sont également cruciaux pour l'avenir de Wikipédia : sans le maintien d'une information de haute qualité dans les articles, d'une base de contributeurs inclusive et diversifiée et d'articles qui couvrent l'ensemble des connaissances du monde, et d'un modèle durable d'édition et de contrôle des articles, Wikipédia ne pourra pas continuer vingt ans encore. Ces domaines méritent donc d'être approfondis pour savoir comment les bibliothèques et Wikipédia peuvent travailler ensemble.
- III. Qualité
Les encyclopédies diffèrent des autres types d'ouvrages de non-fiction et de sources d'information en ce sens qu'elles ne rendent pas compte des découvertes originales mais plutôt de ce que d'autres déclarent être vrai (« pas de recherche originale »). C'est particulièrement important pour Wikipédia, qui est surtout rédigée par des contributeurs anonymes - contrairement à un manuel scolaire qui se fonde dans une certaine mesure sur la réputation de l'auteur ou à un article de recherche qui repose sur un examen par les pairs pour la vérification. En effet, il n'est pas facile de dire qui a écrit une partie donnée d'un article donné, ou quel est son passé, ou si ce qui a été revendiqué a été examiné par quelqu'un d'autre. Le wikipédien qui a ajouté cette phrase peut être un scientifique senior primé, ou un jeune de treize ans particulièrement brillant (et en fait, certains des meilleurs wikipédiens que j'ai connus ont commencé à rédiger des articles au lycée).
En conséquence, Wikipédia s'appuie sur des références — citations de travaux publiés et fiables sur un sujet. Cela n'a pas toujours été le cas. Dans les premières années de Wikipédia, les auteurs écrivaient en grande partie à partir de leurs connaissances personnelles ; s'ils puisaient dans des sources, elles étaient citées de manière incohérente. Mais on s'est vite rendu compte que si ce projet global devait conserver une certaine qualité — plus précisément, éviter les théories conspirationnistes, les rumeurs, les fake news et la publicité —, il lui faudrait laisser le processus d'examen par les pairs et de vérification de ce qui est « notable » aux publications savantes et d'information traditionnelles. Aujourd'hui, en théorie, tout ce qui se trouve dans Wikipédia doit d'abord être vérifié ailleurs et documenté dans une source, que les wikipédiens citerons ensuite comme un bon érudit. Au fil des ans, ces directives de sélection des sources sont devenues plus rigoureuses : Elles doivent être publiées par une personne autre que celle qui fait l'objet de l'article ; elles doivent être examinées par des pairs ; et elles doivent avoir plusieurs sources de confirmation si possible.
Les bibliothèques sont, bien sûr, dans le commerce des sources. Un projet lié aux bibliothèques et à Wikipédia est la campagne #1lib1ref. Il a pris son envol lorsque des centaines de bibliothèques et de bibliothécaires ont participé. L'idée est que, bien que Wikipédia manque de nombreuses citations pour les informations existantes, si chaque bibliothécaire ayant accès à une collection de recherche ajoutait une seule citation — un bibliothécaire, une référence — nous commencerions à faire une brèche dans l'amélioration de la qualité de Wikipédia.
Pourquoi les bibliothécaires en particulier ? En règle générale, ils ont une propension à procurer des choses et à rechercher des informations. Mais ils ont également le privilège d'avoir accès à des sources d'information, notamment des livres et des bases de données de recherche qui coûtent très cher. L'amélioration de l'accès à l'information pour tous est au cœur de la mission wikipédienne, mais cet objectif est entravé par les systèmes actuels d'édition scientifique, qui limitent l'accès à une grande partie des dernières recherches publiées par des revues et des bases de données payantes dont le prix est hors de portée de toutes les bibliothèques de recherche, sauf les plus grandes et les plus riches. C'est une question de justice sociale aussi bien que d'économie ; seule une infime partie de la population a accès à ces collections universitaires. Et ironiquement, la plupart des rédacteurs de Wikipédia — qui sont les gardiens de la source d'information la plus lue au monde — n'ont pas non plus accès à ces ressources de recherche. Depuis plus de dix ans, les bibliothèques du monde entier ont résolu ce problème en ouvrant leurs portes aux wikipédiens, en organisant des visites, des edit-a-thons et des rassemblements pour les contributeurs actifs afin d'accroître l'accès aux collections. Les bibliothécaires ont également accueilli des wikipédiens en résidence, des bénévoles ou des chercheurs temporairement rémunérés qui s'affilient à une institution dans le but d'ajouter à Wikipédia des informations disponibles dans les bibliothèques. Deux wikimédiens ont également travaillé à mettre en ligne les recherches universitaires, documents qui sont à la disposition des wikipédiens agréés par le projet The Wikipedia Library. Bien que cela soit très utile au travail de rédaction d'une encyclopédie, cela n'aide pas les lecteurs, qui doivent également pouvoir accéder aux citations sur lesquelles Wikipédia s'appuie.
Alors que nous attendons avec impatience de voir comment améliorer la qualité de Wikipédia, un domaine qui exige continuellement notre attention est d'accroître l'accès ouvert à l'édition scientifique et de rendre accessibles, à tous, les collections numériques verrouillées. Ici, les objectifs de Wikipédia convergent avec le travail de pointe que les bibliothèques font pour changer les modèles commerciaux de l'édition dans le but de rendre publiques les archives et les catalogues. Wikipédia fournit l'un des meilleurs arguments pour continuer à le faire. Bien que le libre accès pour la recherche soit reconnu depuis plus de dix ans comme un domaine où les bibliothèques et Wikipédia ont des aspirations similaires, en regardant vers l'avenir, les bibliothèques s'efforcent également de rendre publiques les données ainsi que les publications. Les bibliothécaires et les wikimédiens qui travaillent sur ce dossier reconnaissent que l'infrastructure sous-jacente des métadonnées des bibliothèques doit également être rendue libre et ouverte et connectée aux systèmes de données interconnectés qui sous-tendent Wikipédia et Wikidata afin d'avoir un écosystème scientifique ouvert à tous.
Ayers déclare adorer ajouter des citations aux articles qui en manquent. Elle trouve plaisir à plonger dans la littérature de recherche pour trouver la source de certaines informations sur Wikipédia qui semblent plausibles mais qui n'ont pas de source. C'est également une grande satisfaction pour elle de pouvoir relier les documents historiques et de pouvoir utiliser les compétences professionnelles qu'elle a acquises. Mais c'est un travail qui nécessite de nombreuses mains, et pour rendre la recherche vraiment accessible, il faudra des changements profonds à la fois dans les bibliothèques et dans l'édition savante.
- IV. Inclusion
Phoebe Ayers affirme que, pour trouver des sources, vous avez besoin des collections des bibliothèques. Et chaque collection, quel que soit le type de bibliothèque ou d'archive où elle se trouve, est choisie et conservée par des particuliers. Bien qu'il existe différents mécanismes et mesures pour la sélection des livres en fonction de la taille et du style de la bibliothèque, les grandes bibliothèques reçoivent souvent des envois automatiques de tous les livres sur un sujet particulier — à un moment donné, une personne choisit tous les livres qui se trouvent sur une étagère de la bibliothèque.
Même les plus grandes bibliothèques ont des limites à leurs collections ; toute bibliothèque est forcément incomplète. Les bibliothèques nationales peuvent par exemple collectionner tous les livres publiés dans un pays donné ; les plus grandes bibliothèques de recherche peuvent collectionner de manière exhaustive dans une poignée de domaines. Mais la plupart des bibliothèques sont beaucoup, beaucoup plus petites que cela. Les bibliothécaires élaborent avec soin les politiques des collections et choisissent des collections en rapport avec les nombreuses missions : servir la communauté, fournir des divertissements, éduquer, gérer le dossier historique. Néanmoins, une bibliothèque donnée n'a jamais que la plus petite partie du document historique représentée dans ses murs physiques ou numériques. Par conséquent, l'histoire racontée par les livres, les revues et les collections d'archives d'une bibliothèque donnée n'est et ne pourra jamais être qu'un sous-ensemble de la connaissance humaine, biaisé de certaines façons vers des perspectives particulières.
Pour y remédier, les bibliothèques sont devenues des maîtres de la collaboration : grâce au prêt interbibliothèques, au catalogage coopératif et à la collecte partagée, les bibliothèques travaillent ensemble pour accroître ce qui est disponible pour leurs communautés. Mais il est plus difficile de surmonter les préjugés inhérents à l'édition : les histoires marginalisées ne sont pas enregistrées, ou si elles le sont, elles ne sont pas largement diffusées. Les bibliothèques ont tendance à collecter dans les langues de leurs membres, laissant de côté les œuvres publiées dans le reste du monde. Et en tant qu'universitaire, il est beaucoup plus facile d'obtenir un financement et d'être publié si vous êtes déjà un chercheur bien financé travaillant dans une université prestigieuse que si vous ne l'êtes pas. Les collections sont également vivantes et évoluent : une collection de bibliothèque du XIXe siècle n'intéresse aujourd'hui que les historiens. La conservation est une activité aussi importante que la collection.
En outre, la plupart des collections de bibliothèques et d'archives sont à accès restreint, réservées à ceux qui peuvent physiquement y accéder et qui ont des privilèges pour le faire. Les projets de numérisation de masse ont changé cette situation en convertissant les objets physiques en objets numériques qui peuvent être facilement partagés ou visualisés à distance. Ces représentations numériques doivent cependant toujours être partagées ouvertement. Wikipédia et Wikimedia Commons offrent un moyen de le faire qui a une large portée. L'un des premiers projets de partage d'une énorme collection de documents d'archives via Wikimedia a été le projet de la National Archives and Record Administration d'ajouter des centaines de milliers d'images historiques du domaine public à Wikimedia Commons. Aujourd'hui, ces fichiers, librement réutilisables par tous, peuvent être ajoutés aux articles appropriés de Wikipédia, ce qui enrichit notre compréhension de ces sujets historiques. Des dizaines de bibliothèques et d'archives du monde entier ont suivi le mouvement, soit en ajoutant des liens vers les collections dans les articles de Wikipédia, soit en ajoutant les collections à Wikimedia Commons. Cependant, des milliers de collections sous licence libre sont encore inaccessibles, laissant des lacunes dans notre compréhension collective et dans la représentation de l'histoire par Wikipédia.
Dans Wikipédia, les questions d'inclusion sont centrées sur ce qui est écrit et par qui. L'encyclopédie libre est rédigée par des individus qui écrivent principalement sur ce qui les intéresse, ce qui peut entraîner des inégalités. Les wikipédiens ont inventé un terme pour désigner le phénomène de la couverture des articles de Wikipédia, en laissant de côté certains domaines de la perspective et de la connaissance humaines et en mettant l'accent sur d'autres : « biais systémique ». À cause de ce biais, la couverture de Wikipédia dérivera vers les biais de ses contributeurs et vers le poids de l'histoire publiée sur lequel Wikipédia s'appuie. Ayers affirme observer clairement ce biais, par exemple, dans la répartition géographique des sujets des articles : Wikipédia (dans toutes les langues) compte beaucoup plus d'articles sur les villes, les communes et les institutions d'Amérique du Nord et d'Europe que partout ailleurs. Cela est dû à la fois à la partialité des contributeurs, qui ont tendance à être originaires de ces endroits, et à la partialité des sources publiées, qui, grâce aux colonialismes européen et occidental, ont privilégié l'histoire de l'Occident par rapport à tous les autres endroits pendant des centaines d'années.
Elle constate une nouvelle fois un parti pris systématique dans la couverture de l'actualité : il y a une pénurie d'articles sur les femmes scientifiques (là encore, en raison du parti pris des contributeurs mais aussi du parti pris des sources historiques contre les écrits sur les femmes dans les sciences), et il y a une surabondance d'articles sur des sujets d'histoire militaire, un sujet qui intéresse peut-être davantage les contributeurs de Wikipédia que la population en général. Elle constate ce biais de manière plus subtile dans la manière dont les articles sont écrits : en se concentrant sur l'histoire coloniale plutôt que sur l'histoire des autochtones, par exemple ; ou encore quand les articles sur les technologies ne donnent que des exemples sur les utilisations aux États-Unis plutôt que dans une perspective mondiale. Elle dit le constater lorsqu'elle compare les différentes éditions linguistiques de Wikipédia, qui adoptent des approches différentes pour couvrir l'histoire, même si c'est de façon subtile. Les wikipédiens aspirent à combler ces lacunes et à corriger ces préjugés, mais c'est un travail sans fin et souvent difficile, sujet à débat et à rancune car les objectifs concurrents (c'est-à-dire ne s'appuyer que sur des sources publiées fiables et ajouter des éléments manquants dans le dossier historique) s'affrontent.
Wikipédia est inachevée. Pareil pour beaucoup de collections dans les bibliothèques. L'encyclopédie libre diffère toutefois par son aspiration : elle a un objectif, peut-être irréalisable, de représentation complète et équitable de toutes les connaissances du monde. Il convient de se demander si c'est possible ou si les aspirations de Wikipédia ne devraient pas plutôt s'orienter vers la reconnaissance de l'impossibilité de rester neutre et d'exposer ouvertement les complications liées au fait de raconter de nombreuses histoires d'une seule manière. En tant que wikipédiens, nous avons passé les vingt dernières années à démontrer que le format de l'encyclopédie peut être étiré pour contenir encore plus que jamais auparavant. Au cours des prochaines décennies, la communauté wikipédienne pourrait tendre vers une nouvelle aspiration : la construction d'une source faisant autorité qui montre clairement qu'il existe de nombreuses autorités et histoires possibles en parallèle et qui montre ce qui manque à l'encyclopédie aussi clairement que ce qu'elle contient.
De cette manière, elle pense que Wikipédia sert à la fois d'exemple instructif et d'inspiration non seulement pour d'autres ouvrages de référence mais aussi pour les bibliothèques en général : pour rendre nos préjugés visibles de manière spécifique et granulaire. Les bibliothèques ne sont pas neutres, mais les bibliothécaires agissent souvent comme s'ils l'étaient. Toujours selon Ayers, ils ne sont pas particulièrement compétents pour rendre visible aux lecteurs ce que leurs collections soigneusement conservées comprennent et ne comprennent pas et pourquoi.
Les encyclopédies existent sous une forme ou une autre depuis des milliers d'années, mais Wikipédia se distingue des tentatives passées tant par son ampleur que par sa couverture. Il n'y a pas de public défini pour Wikipédia, et les seules limites en termes de portée sont le style plutôt que le sujet (elle n'est pas un annuaire, les articles ne doivent pas être trop granulaires, les informations doivent être bien documentées). Par conséquent, puisque les plus grandes éditions linguistiques de Wikipédia approchent un certain degré d'exhaustivité apparente, nous devons nous pencher, encore et encore, non seulement sur la manière dont nous savons ce que nous savons et ce qui manque, mais aussi sur les personnes dont les histoires sont racontées et sur la manière dont elles le sont.
- V. Durabilité
Selon Phoebe Ayers, il ne fait aucun doute qu'il est difficile de travailler avec de nombreux contributeurs de Wikipédia. Pédant et concentré jusqu'à l'obsession, le projet attire ceux pour qui l'accomplissement de tâches précises au service de la rédaction d'une encyclopédie est un passe-temps attrayant. Comme il s'agit d'un projet qui n'est jamais terminé, les listes de choses à faire peuvent s'étendre sur des années, ce qui peut susciter l'impatience des nouveaux contributeurs qui repartent à zéro sur le même travail. Elle affirme que ceux qui sont présents sur le projet font la loi sur Wikipédia. Pendant la majeure partie des deux dernières décennies, ceux qui étaient présents étaient résolus et argumentatifs, désireux et capables de passer des centaines d'heures à travailler seuls en ligne.
Et pourtant, les contributeurs de Wikipédia sont aussi, dans l'ensemble, des gens merveilleux. Sans exception, tous les contributeurs de bonne foi que j'ai rencontrés (et j'ai eu le privilège de rencontrer des centaines de contributeurs, lors de rencontres sur les cinq continents) ont été passionnés par ce qu'ils savent et par la connaissance en général ; généreux en temps, en attention et en collaboration ; curieux de tout ; et prêts à faire des efforts extraordinaires pour construire le projet pour le bien de tous.
Sans les quelque soixante-dix mille rédacteurs actifs dans les différentes langues — et parmi ceux-ci, en particulier les quelque dix mille qui effectuent plus d'une centaine de modifications par mois, ajoutent des articles, suppriment les spams et assurent la maintenance générale du site —, il n'y a pas de Wikipédia. Certes, il y aurait des articles statiques, qui seraient proposés en ligne à perpétuité. Mais sans une ruche active de personnes chargées de l'élagage, de la mise à jour et de la révision, ces articles se dégraderaient lentement en qualité, deviendraient obsolètes et seraient sujets à du vandalisme et des préjugés, intentionnels ou non. Wikipédia fonctionne le mieux à grande échelle — lorsque de nombreux yeux sont braqués sur le problème — et la santé et la force de notre communauté détermineront l'avenir de l'encyclopédie libre. Alors qu'Internet en général évolue vers un monde où il y a moins d'ordinateurs de bureau que d'utilisateurs mobiles et que le site Wikipédia semble dépassé et complexe, l'acquisition de nouveaux contributeurs est un défi. Et comme les contributeurs actuels quittent le site en raison de conflits ou de changements d'intérêts, le maintien d'une base de bénévoles importante et active est un défi pour la viabilité à long terme de Wikipédia.
En plus d'avoir besoin de contributeurs actifs, Wikipédia a besoin de diversité. Pour bien couvrir le monde, le projet a besoin de la participation de personnes de tous les sexes, ethnies, origines géographiques, langues et milieux socio-économiques. D'une certaine manière, le projet est le pionnier de la diversité en ligne, en valorisant les contributions de ceux qui parlent des langues non occidentales qui sont autrement mal représentées sur Internet, par exemple. Toutefois, à bien des égards, la base de contributeurs s'est orientée vers ceux qui ont eu du temps libre, un accès abondant à l'internet et les ressources nécessaires pour contribuer — principalement des hommes, surtout des blancs, et surtout des contributeurs situés dans l'hémisphère nord, en particulier l'Amérique du Nord et l'Europe.
Les bibliothèques aspirent à travailler avec et à servir des personnes de toutes sortes, dans des institutions universitaires et des communautés de toutes sortes. Comme beaucoup de ses pairs dans les bibliothèques qui ont travaillé avec Wikipédia, Ayers indique avoir appris à des centaines de personnes à comprendre et à modifier Wikipédia au fil des ans : des étudiants aux professeurs, à la fois dans le cadre d'événements ponctuels d'édit-a-thons organisés par la bibliothèque et dans des classes de plus longue durée. Les bibliothécaires qui proposent des formations peuvent servir de pont entre un site souvent apparemment impénétrable et les personnes avec lesquelles ils travaillent dans leurs communautés. Cela peut contribuer à accroître la diversité et, en fin de compte, la durabilité de la base de contributeurs à Wikipédia. Selon Ayers, la plupart des personnes qu'ils forment dans le cadre d'ateliers et de cours ne reviendront jamais pour éditer le site par leurs propres moyens. Mais certains le feront, et beaucoup d'autres auront une meilleure compréhension de ce que signifie créer des informations en ligne et les appliquer à d'autres situations. Alors qu'Internet dans son ensemble se transforme pour devenir plus commercialisé et contrôlé que jamais — la plupart des gens ont une expérience d'être en ligne qui existe entièrement dans le jardin clos des applications mobiles —, il sera plus important que jamais de connaître un Internet ouvert généré par les utilisateurs, dont Wikipédia est un exemple.
La durabilité, en tant que concept, s'applique également de manière plus fondamentale à la notion de projet d'encyclopédie tout court. Qu'est-ce qu'une encyclopédie, et que signifie collecter et résumer des connaissances et, en fin de compte, que signifie tenter de représenter la vérité ? Est-ce que l'idée même d'une encyclopédie sera viable à l'avenir, ou est-elle trop simpliste et imparfaite pour continuer ?
Former les étudiants à l'édition signifie les former à penser comme un contribueur d'encyclopédie. Cela signifie en partie qu'il faut apprendre à regarder l'information d'un œil critique et réfléchi. En tant qu'éditeur de Wikipédia, « référence nécessaire » devient un mode de vie, qu'il s'agisse de lire le journal ou une publicité à l'arrêt de bus. Comment savoir ce que nous savons ? Comment séparer les faits des suppositions ou reconnaître les croyances créées par la culture et notre environnement par rapport à ce que nous apprenons explicitement, par rapport à ce que nous découvrons par l'expérimentation et la mesure ?
En ce moment, en tant que culture, nous sommes aux prises avec la bonne façon d'évaluer l'information, les faits et la vérité. Nous n'avons pas de modèles, dans les bibliothèques ou ailleurs, pour savoir ce que signifie la fiabilité et la vérité lorsque des images truquées générées par l'intelligence artificielle sont impossibles à distinguer de vrais portraits ou lorsque les réseaux sociaux sont inondés de mèmes qui font circuler des rumeurs. Nous vivons dans un monde où la désinformation sert d'arme. En même temps, dans des domaines allant du harcèlement sexuel aux droits des autochtones, les personnes historiquement marginalisées racontent leurs histoires et revendiquent le droit de parler pour elles-mêmes plutôt que d'être subsumées dans les histoires racontées par d'autres. L'idée qu'une seule histoire peut définitivement parler pour ce qui s'est passé n'a jamais été juste, et nous réapprenons cette idée aujourd'hui encore et encore. En attendant, notre rythme de changement technologique est plus rapide que jamais : la science et la technologie, tout comme notre climat et notre monde naturel, sont en constante découverte et en grande mutation.
Selon Phoebe Ayers, les bibliothécaires ont trop longtemps enseigné aux étudiants qu'il existe des ouvrages et des sources définitives et éminemment fiables, et que le fait de critiquer l'information peut s'arrêter au choix de la bonne source. Pour elle, certaines sources sont plus fiables que d'autres, car elles sont plus soigneusement produites, plus basées sur une méthode scientifique et représentant plus complètement le savoir tel qu'il est actuellement. Mais aucune source n'est entièrement complète ou entièrement définitive ; aucune méthode de production de la connaissance n'est parfaite. Wikipédia, avec son hypothèse explicite d'être perpétuellement incomplète et en perpétuel progrès, peut enseigner à chaque consommateur d'information une leçon importante : que la connaissance évolue et que nous réécrivons l'encyclopédie au fur et à mesure.
- VI. Notre futur
Alors que nous approchons des vingt ans du projet Wikipédia, Ayers s'inquiète pour l'avenir. Wikipédia, comme les bibliothèques, a toujours été une entreprise de longue haleine. À première vue, Wikipédia semble, comme la plupart des sociétés Internet et des sites Web, être un projet du moment. En vérité, bien que personne n'ait prévu cela au départ, la mission ambitieuse du projet est bien plus que cela : fournir et enregistrer notre patrimoine et nos connaissances à perpétuité pour tous. Penser Wikipédia comme une bibliothèque ou un musée est logique : c'est quelque chose qui doit être géré en permanence, quelque chose qui sera découvert, enrichi et modifié par chaque nouvelle génération, et quelque chose qui tire sa valeur de la longévité.
Mais pour tenir cette promesse, pour demeurer présente dans le Web, rester utile et devenir meilleure, Wikipédia est confrontée à de nombreux défis existentiels allant de la réglementation de la propriété intellectuelle à la participation de nouveaux collaborateurs, en passant par la nature de notre perception de la vérité. Ce sont des défis qui doivent être relevés par tous les participants au projet et aussi par les nombreux types d'institutions de la société (y compris les bibliothèques, les archives et les universités) qui ont intérêt à rendre le savoir libre. Nos solutions à ces défis iront de la mise à disposition d'œuvres au plus grand nombre à l'enseignement aux nouvelles générations de la pensée critique sur l'information.
Au cours des vingt dernières années, Ayers indique avoir vu Wikipédia passer d'une expérience — quelque chose que des gens ont construit pour voir s'ils pouvaient le faire — à quelque chose qui est devenu une partie fondamentale de l'infrastructure de l'information d'Internet ; il est en effet difficile d'imaginer le monde sans elle. Le défi de la communauté wikipédienne pour les vingt, cinquante et cent prochaines années est d'ouvrir les portes de Wikipédia plus largement qu'elles ne l'ont jamais été auparavant — de partager la joie de documenter et de découvrir les coins curieux du monde avec de nouveaux contributeurs partout. Et en tant que wikipédiens et bibliothécaires, nous devons rassembler Wikipédia avec les institutions qui ont historiquement géré le savoir humain pour rendre Wikipédia plus accessible, plus ouverte, plus complète et plus durable que jamais.
Pour elle, Wikipédia représente un espoir : l'espoir qu'avec les bonnes structures, les humains puissent collaborer et coopérer à des projets de grande envergure sans structures ou contrôle du haut vers le bas et l'espoir que nous puissions considérer toutes les parties du monde comme importantes et dignes d'être documentées. C'est une vision extraordinairement optimiste et idéaliste, une idée qui trouve ses racines dans les traditions encyclopédiques du siècle des Lumières mais qui, dans son exécution, est devenue un type de référence que nous n'avons jamais vu auparavant — une création unique.
Quand elle parcourt un article de Wikipédia, elle affirme voir les personnes qui se cachent derrière — les âmes généreuses, excentriques et enthousiastes qui écrivent et sont les conservateurs de Wikipédia. Et elle voit le poids des connaissances accumulées — ce que nous savons et ce que nous ne savons pas encore et ce qui n'a pas encore été enregistré dans Wikipédia. Nous écrivons le monde tel qu'il est fait et nous construisons notre avenir au fur et à mesure.
(Phoebe Ayers termine son long billet en le dédiant à quelques personnes et en remerciant des bibliothécaires et des wikipédiens pour le partage d'informations.)
Dans les coulisses de la Wikimedia
[modifier le code]▲ Logo Wikipédia 20 ans — La communauté de la Wikipédia en français a voté sur un logo pour souligner les 20 ans de Wikipédia, logo qui apparaît dans toutes les pages du site au début janvier 2021. Plusieurs propositions ont été faites, mais aucune parmi celles proposées n'a été retenue intégralement.
▲ Infobox Logiciel — L'article Winamp est doté de ce type d'infobox. Si vous observez les champs dans cet article, dont les valeurs proviennent presque toutes de Wikidata, vous noterez que la valeur du champ « Version avancée » est suivie d'une source : elle provient également de Wikidata. {{infobox Biographie2}}, par exemple, ne répercute pas ces sources wikidatiennes.
▲ Une Wikipédia pro-francophones ? — Un contributeur, à la suite d'une PàS sur un député ukrainien, demande si les critères de notoriété des personnalités politiques ne devraient pas être modifiés pour éviter [NdE : selon notre interprétation.] une surreprésentation de personnalités politiques « locales ». Un contributeur suggère de modifier les critères en fonction de l'appartenance à la francophonie. Cette proposition est toutefois contestée : « Wikipédia étant une encyclopédie dont le but est de faire la synthèse du savoir humain établi, et non du seul savoir relatif à la francophonie, j’aimerais bien comprendre au nom de quel principe les critères d’admissibilité devraient varier selon la langue du sujet ! » (fr)[9]
▲ Citez vos sources — Comment la Wikipédia en français a-t-elle accueilli, puis adapté la notion de « Citez vos sources » ? À quand remonte la première apparition de cette idée qui est, en 2021, largement acceptée par la communauté ? Consultez Citez vos sources (historique) pour en savoir plus. (fr)[10]
▲ Vecteur ? Intemporel ? — Dans chaque wiki de l'écosystème Wikimedia, vous pouvez choisir l'habillage qui vous plaît, au nombre de cinq. Vous utilisez peut-être les habillages Vector dans Wikipédia (conçu par les développeurs de la WMF à cet effet) et Timeless dans Wiktionnaire (recommandé par la communauté). Les noms en français de ces deux habillages ont été, brièvement, changés pour « Vecteur » et « Intemporel », modifications qui ont été contestées puis annulées. (fr)[11], (fr)[12]
▲ Restriction thématique COVID-19 — Depuis mars 2020, donc depuis le début de la pandémie de la COVID-19 dans le monde occidental, la communauté de la Wikipédia en anglais applique une restriction thématique sur tous les articles liés à la COVID-19. Les administrateurs jouissent d'une liberté d'action certaine lorsqu'un contributeur a été averti :
- « Tout administrateur non impliqué peut, à sa discrétion, imposer des sanctions à tout éditeur travaillant dans la zone de conflit si, en dépit d'un avertissement, cet éditeur manque de manière répétée ou grave à l'objectif de Wikipédia, aux normes de comportement attendues, ou à tout processus éditorial normal. »[trad 2]
- « Les sanctions imposées peuvent inclure des blocages d'une durée maximale d'un an, l'interdiction d'éditer toute page ou ensemble de pages dans la zone de conflit, l'interdiction de toute édition liée au sujet ou à ses sujets étroitement liés, des restrictions sur les retours ou autres comportements spécifiés ; ou toute autre mesure que l'administrateur qui intervient estime raisonnablement nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du projet. »[trad 3]
▲ Arbitrage Agamitsudo-Sebleouf — Agamitsudo souhaite obtenir une forme de réparation de Sebleouf à la suite d'un harcèlement dont il se dit victime de 2011 à la fin 2015. Sebleouf a déclaré avoir participé à des échanges dans un salon mené par *SM* (bloqué en février 2015, puis banni par la WMF en mars 2019) et animé entre autres par Meodudlye (contributeur bloqué en août 2016).
- Dans la demande d'arbitrage, Sebleouf a entre autres écrit le ceci à l'intention d'Agamitsudo [13] :
« Mes souvenirs de cette époque ne sont pas hyper clairs, ayant la chance d'avoir une mémoire sélective qui efface elle-même certains mauvais souvenirs, mais il me semble qu'il y avait bien 25-30 personnes qui passaient sur ce salon. Je pense que tout le monde a été témoin à un moment ou à un autre, même en étant naïf, de discussions répréhensibles. En conséquence, tout ce monde est complice, volontairement ou non, de ces dénigrements, de ces harcèlements. Je suis donc moi-même complice. Et pas seulement complice par naïveté, comme au début sûrement (la vingtaine, je m'ennuie le soir, on m'invite sur un salon où des gens sympas discutent, je me laisse un peu embarquer), mais un complice actif. Même si je ne vais pas harceler directement et que j'ai toujours essayé d'être en retrait de tous les conflits, afin de ne pas en souffrir, j'ai été un complice actif car il s'avère qu'à cette époque, je te connaissais IRL. »
▲ Entrées en vedette sur le Wiktionnaire — Depuis le 1e janvier 2021, la page d’accueil du Wiktionnaire a évolué pour proposer des entrées en vedette qui changent chaque jour. Il s’agit d’une entrée en français et d’une entrée dans une autre langue. Elles illustrent la diversité du contenu du Wiktionnaire avec des noms de lieux, du vocabulaire de spécialité, des mots d’usage régional, des noms d’agent au féminin, des mots anciens comme nouveaux. Il y a même parfois des blagues ou des hommages cocasses. Un premier bilan a été publié à l’issue de ce premier mois, incitant à ce que davantage de personnes s’impliquent dans les propositions pour que la diversité des contenus soit la plus large possible.
▲ Gestion de conflits — « L'l’Institut Européen de Développement Humain (IEDH), en partenariat avec Wikimédia France mène une enquête sur les conflits et les méthodes de gestion de ces conflits dans le cadre des activités de contribution aux projets Wikimédia. Si vous avez été témoin, acteur ou victime d'un conflit, n'hésitez pas à venir partager votre expérience. » (fr)[14]
▲ Wikimania 2021... — aura lieu en ligne. Le projet est toutefois à l'état d'ébauche. [15]
Courrier du lectorat
[modifier le code](Il nous fera plaisir de lire les messages déposés ici et, si nécessaire, d'y répondre dans les plus brefs délais.)
- Dans la vidéo d'Arte, j'observe que les membres des groupes sous-représentés dans la Wikipédia empruntent un ton politique, exigeant par exemple une exception ethnique. Selon ma lecture, ils veulent surfer sur la popularité de Wikipédia tout en refusant d'adhérer aux principes qui ont permis à l'encyclopédie libre d'atteindre sa notoriété actuelle. Puisque le savoir est libre et universel, ces personnes devraient créer leur encyclopédie libre, en utilisant MediaWiki comme moteur (il est publié sous une licence libre). — Cantons-de-l'Est p|d|d [sysop] 11 janvier 2021 à 18:22 (CET)
- Cela rejoint ce post que j'avais écrit il y a quelques années : « Qu'est-ce que l'encyclopédisme ? ». FredD (discuter) 1 février 2021 à 08:11 (CET)
- D'accord que les arguments politiques ne sont pas forcément la bonne approche. De mon côté, je pense que la sous-représentation des articles liés à l'Afrique (et à d'autres continents) vient du manque de sources considérées comme de qualité par les Occidentaux. Je serais plutôt partisan d'appliquer des critères d'admissibilité différents pour ces articles en acceptant par exemple de sources qui ne sont pas acceptées pour les les articles « occidentaux ». Par exemple, il me semble que la Wikipédia en atikamekw qui rencontre également le problème de sources écrites (la langue a une tradition orale), accepte de sourcer les informations en indiquant le nom et l’adresse de la personne qui peut attester de la véracité de cette information. C'est juste un exemple pour illustrer quelles sources différentes est-ce qu'on pourrait ou non accepter. Donc de mon point de vue, il faudrait laisser la communauté s'intéressant aux sujets touchant à l'Afrique s'auto-organiser pour définir ces propres critères d'admissibilité. Je pense que la qualité des articles et de sources augmentera avec le temps tout comme ça a été le cas avec les sujets « occidentaux ». Pamputt ✉ 1 février 2021 à 10:08 (CET)
- Mais le problème d'accepter des informations "avec le nom et l'adresse" (par exemple) est universel, pas occidental : les dérives sont tellement évidentes que ce n'est même pas la peine de les mentionner. Et la non-véracité des informations n'est qu'une partie, assez faible, des problèmes potentiels. Le problème n'est pas là. Nous supprimons tous les jours des informations ou articles parfaitement vrais et vérifiables. Le problème est la pertinence, qui n'est pas jugeable objectivement sans Proportion. Simples exemples parmi des milliers : comment empêcher des articles sur des ancêtres plus ou moins célèbres ou nobles (avec informations attestées avec nom et adresse !). Pression déjà considérable, et qui ne pourra que s'accroître. Ou la mise en avant de courants de pensée ou médecine alternative ultra-minoritaire (qui sont les équivalents occidentaux de traditions "sous représentées"), dérivant des druides, new age etc.. ? A part établir une liste complètement arbitraire de domaine où c'est autorisé, et où cela ne l'est pas ? Jean-Christophe BENOIST (discuter) 1 février 2021 à 11:18 (CET)
- Je vais faire une redite de ce que @Pamputt a écrit, mais il me semble important d'insister.
- Beaucoup de communautés plus « petites » ou « locales » ont effectivement des règles plus souples ou spécifiques par rapport au Grand Savoir Occidental, qui les met de côté. Par exemple, et sans aller jusqu'à regarder la grande Afrique, la Wikipédia en breton part du point de vue que si on fait quelque chose pour la langue, alors on est admissible.
- Le modèle que nous avons actuellement avait été adopté quand Wikipédia a eu le début de son succès en Europe de l'ouest et en Amérique francophone ; ce succès a amené à de vertes critiques quant à la qualité des ajouts et au fait que le wiki soit une auberge espagnole tendant vers l'annuaire. Pour combattre ces critiques, il est alors demandé des « sources de qualité » pour « prouver l'admissibilité » : exclure permet de conserver une certaine qualité, et d'éviter (heureusement) d'avoir des articles sur tous les groupes de rock de garage ou toutes les PME.
- Cependant, ce processus d'exclusion s'alimente de lui-même, en mettant sur le bord d'autres connaissances qui ne suivent pas ce modèle. De plus, autant tout le monde connaît Le Soir, Le Temps ou Le Monde comme étant prescripteurs de notoriété, mais peu de personnes sont capables de dire quels sont les prescripteurs de notoriété en Afrique ou en Amérique du Sud. Je me souviens de ma galère quand j'ai aidé sur un article sur un artiste de stand-up béninois, et qu'il a été apposé un bandeau d'admissibilité, puis une PàS avec pour motif « Sources de faible envergure ». Au Bénin, ces sources sont quelques sites inconnus de l'occident. Je ne souhaite pas blâmer, mais juste illustrer le fait qu'il peut exister un décalage.
- Donc oui, il faut laisser à la chaque projet le soin de déterminer des critères d'admissibilité. Trizek bla 1 février 2021 à 11:58 (CET)
- Chaque projet, pourquoi pas (mais je leur souhaite bon courage). Mais s'ils s'agrandissent car ils sortent du "processus d'exclusion qui s'alimente de lui-même", alors ils passeront fatalement par les même problèmes que nous, et par les mêmes vertes critiques, et devront trouver des sources vraiment "de qualité". En passant je ne trouve pas la WP:breton, décrite ainsi, très WP:NPOV mais bon, ce n'est qu'un principe fondateur. Evidemment, si on fait une croix sur NPOV, pour favoriser telle culture, telle langue etc.. tout devient possible (et arbitraire). Jean-Christophe BENOIST (discuter) 1 février 2021 à 12:16 (CET)
- Je crois qu'il y a un problème de hiérarchisation. Il y a effectivement de grandes quantités d'information sans "support" de transmission concret. Mais ce n'est pas à Wikipédia de changer ses critères pour intégrer ces savoirs, les wikipédiens anonymes n'ayant pas la légitimité nécessaire à une telle transmission : c'est aux circuits du savoir (recherche, documentation, édition...) de faire leur boulot, et ensuite Wikipédia pourra couvrir lui aussi ces champs du savoir. Mettre la charrue avant les bœufs n'aiderait rien ni personne - l'interdiction du TI est un principe fondamental de wiki -, et ouvre à un bien trop grand risque pour le projet. FredD (discuter) 1 février 2021 à 12:37 (CET)
- Il va s'en passer du temps avant que Britannica ou Universalis couvrent Mistissini. J'ai pu augmenter la couverture visuelle de cette communauté quand j'y suis allé, mais on a tellement bien réussi à fermer le site avec le temps que j'ai même pas pensé pouvoir développer les articles de frwiki sur les Cris.
Si je peux comprendre, à défaut de les accepter, la peur de dérives engendrées par le TI, je ne peux comprendre qu'on ait fini par faire de la présence sur frwiki une sorte de récompense, un club sélect où de plus en plus de personnes croient que seules deux sources "de qualité" (qualificatif qui permet d'intégrer la perception occidentalocentrée d'une source) réparties sur au moins deux ans permettent l'entrée. Vous avez idée de tous les pans du savoir que cela exclut?
L'intérêt principal d'un wiki public est son ouverture, de pouvoir être réactif sur les sujets traités et de rendre facile le traitement de sujets hors normes à partir du moment où on a quelqu'un de suffisamment motivé pour écrire dessus. Que sa source de motivation soit altruiste ou promotionnelle, j'en ai rien à faire, du moment où on peut nettoyer par la suite.
Donc, amenez-les les groupes de rock de garage ou toutes les PME, mais ne tentez pas de les gonfler plus qu'ils ne le sont. Et si ça arrive parce que la communauté n'arrive pas à réviser, et bien ce n'est pas la fin du monde. Je préfère la présence de 10 contenus promotionnels à la suppression d'un légitime.
Alors, par pitié, ouvrez la porte à tou-te-s et les articles de celles et ceux qui sont "notables" (selon la définition que vous donnez à ce concept) feront leur chemin. Les autres demeureront dans le fond du bazar et, de temps à autres, certains seront déterrés et mis en valeur. - Simon Villeneuve 1 février 2021 à 13:30 (CET)
- Il va s'en passer du temps avant que Britannica ou Universalis couvrent Mistissini. J'ai pu augmenter la couverture visuelle de cette communauté quand j'y suis allé, mais on a tellement bien réussi à fermer le site avec le temps que j'ai même pas pensé pouvoir développer les articles de frwiki sur les Cris.
- Je crois qu'il y a un problème de hiérarchisation. Il y a effectivement de grandes quantités d'information sans "support" de transmission concret. Mais ce n'est pas à Wikipédia de changer ses critères pour intégrer ces savoirs, les wikipédiens anonymes n'ayant pas la légitimité nécessaire à une telle transmission : c'est aux circuits du savoir (recherche, documentation, édition...) de faire leur boulot, et ensuite Wikipédia pourra couvrir lui aussi ces champs du savoir. Mettre la charrue avant les bœufs n'aiderait rien ni personne - l'interdiction du TI est un principe fondamental de wiki -, et ouvre à un bien trop grand risque pour le projet. FredD (discuter) 1 février 2021 à 12:37 (CET)
- Chaque projet, pourquoi pas (mais je leur souhaite bon courage). Mais s'ils s'agrandissent car ils sortent du "processus d'exclusion qui s'alimente de lui-même", alors ils passeront fatalement par les même problèmes que nous, et par les mêmes vertes critiques, et devront trouver des sources vraiment "de qualité". En passant je ne trouve pas la WP:breton, décrite ainsi, très WP:NPOV mais bon, ce n'est qu'un principe fondateur. Evidemment, si on fait une croix sur NPOV, pour favoriser telle culture, telle langue etc.. tout devient possible (et arbitraire). Jean-Christophe BENOIST (discuter) 1 février 2021 à 12:16 (CET)
- Hello, Cantons-de-l'Est. Il y a cette phrase à corriger : « capable de noter tous les aspects de notre que notre espèce connaît. » Notre quoi ? Cordialement, --Warp3 (discuter) 1 février 2021 à 18:01 (CET). → •
- D'accord avec Katherine Maher : on (surtout des journalistes) a traité d'abord WP de projet utopique, une encyclopédie rédigée par des personnes de ne n'importe où qui ne suivaient pas l'académisme des grandes encyclopédies en papier. Et maintenant, on lui reproche d'être trop académique, de n'être ni assez « progressiste », ni assez ouverte à tout le monde... Faudrait savoir ! Cordialement, --Warp3 (discuter) 1 février 2021 à 23:22 (CET).
- Warp3, La Vérité est ailleurs. — Cantons-de-l'Est p|d|d [sysop] 2 février 2021 à 11:04 (CET)
- Ainsi, Cantons-de-l'Est serait le « Meuldeur » de WP... Ben ça ! --Warp3 (discuter) 2 février 2021 à 23:14 (CET).
- Warp3, La Vérité est ailleurs. — Cantons-de-l'Est p|d|d [sysop] 2 février 2021 à 11:04 (CET)
- Génial cet historique pour l'ajout des sources. Il me semblait bien que dans mes premières années de contribution, ce n'était pas une préoccupation. Voici qui met des mots sur une impression! Je me suis de plus permis quelques corrections triviales ici et là. Merci encore pour tout ce beau travail, Dirac (discuter) 2 février 2021 à 14:51 (CET)
- Dirac, Merci pour les corrections. — Cantons-de-l'Est p|d|d [sysop] 3 février 2021 à 09:58 (CET)
Un professeur qui encourage l'utilisation de Wikipédia est l'équivalent intellectuel d'un diététicien
qui recommande une alimentation régulière de Big Mac tout garni.[trad 4],[2] – Michael Gorman, 2007 (alors président de l'American Library Association) |
- (en) « Wikipedia is pushing the venerable field of librarianship to recognize a lesson of the twenty-first century: making knowledge accessible to all requires Wikipedians, librarians, academics, and citizens to work together in collaboration and community. »
- (en) « Any uninvolved administrator may, at their own discretion, impose sanctions on any editor working in the area of conflict if, despite being warned, that editor repeatedly or seriously fails to adhere to the purpose of Wikipedia, any expected standards of behavior, or any normal editorial process. »
- (en) « The sanctions imposed may include blocks of up to one year in length, bans from editing any page or set of pages within the area of conflict, bans on any editing related to the topic or its closely related topics, restrictions on reverts or other specified behaviors; or any other measures which the imposing administrator believes are reasonably necessary to ensure the smooth functioning of the project. »
- (en) « A professor who encourages the use of Wikipedia is the intellectual equivalent of a dietician who recommends a steady diet of Big Macs with everything. »
- « Date anniversaire de la Wikipédia francophone », sur fr.wikipedia.org,
- (en) Michael Gorman, « Jabberwiki: The Educational Response, Part II », Britannica Blog,