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Wikipédia:RAW/2020-11-01

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Cyber-intégrisme en France — Dans la foulée de l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le ministère de l'Intérieur de la France a invité des représentants de plateformes et d'hébergeurs à une réunion d'information et de coordination. Wikimédia France a délégué Pyb comme porte-parole du mouvement Wikimedia. Après la réunion, le ministère a publié un communiqué de presse où il appelle à la « responsabilité des réseaux et plateformes » dans la lutte contre le terrorisme. En ce qui concerne Wikipédia, il n'a pas fait de demande supplémentaire. (fr)[1], (fr)[2]

Section 230 — Dans l'infolettre de juillet 2020, nous avons évoqué les intentions des deux candidats à la présidence des États-Unis de soit substantiellement modifier, soit d'abroger cette partie de la Communications Decency Act qui permet aux sites Web de publier les textes des internautes sans crainte de conséquences judiciaires. Le sénat des États-Unis étudie un projet de loi qui réduirait l'« amnistie » offerte aux plateformes en ligne. Également, le département de la Justice des États-Unis (DoJ) étudie la possibilité de modifier cette section. Si c'était le cas, Wikipédia devrait appliquer des règles plus restrictives pour la collaboration participative. Certains vont même jusqu'à affirmer que l'encyclopédie libre devrait cesser ses activités sous ce nouveau régime de droit. [3]

Wikimedia Endowment — Pour une troisième année de suite, la société Amazon a versé 1 million US$ au Wikimedia Endowment (WE), fonds de dotation établi pour pérenniser financièrement l'écosystème Wikimedia. En effet, Wikipédia et les projets-frères sont financièrement soutenus par des donateurs individuels, mais cette source de financement, assise sur la confiance des internautes, pourrait se tarir dans un futur proche, d'où le fonds établi en 2016 qui a recueilli 64 millions US$ jusqu'à maintenant. [4] WE a reçu des dons d'un million US$ et plus d'autres sources : Arcadia Fund, Google.org, George Soros, Musk Foundation, Facebook, Craig Newmark Philanthropies et Jim Pacha [NdE : Un ancien senior software engineer (« ingénieur informatique confirmé ») qui a travaillé dans l'aérospatiale américaine. [5]].

Un billet Notgeld (monnaie de nécessité allemande) d'une valeur d'un milliard de marks, émis par la Banque centrale bavaroise (Bayerische Notenbank) en 1923. Une image de qualité et une image de valeur de Wikimedia Commons.

Accusations de monopoles — L’United States House Committee on the Judiciary a produit un rapport de 450 pages où il déclare que Amazon, Apple, Facebook et Google (collectivement nommées « GAFA ») sont des monopoles. Ce comité propose de refondre les lois anti-monopoles de ce pays. « Pour dire les choses simplement, les sociétés qui étaient autrefois des entreprises de pacotille, des start-ups qui défiaient le statu quo, sont devenues le genre de monopoles que nous avons vu pour la dernière fois à l'époque des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer »[trad 1].

Les quatre sont respectivement accusées de :

  • Amazon : Ce géant du détail en ligne a obtenu sa position dominante en partie par l'acquisition de compétiteurs, il abuse de son monopole contre les revendeurs tiers, et il a créé un conflit d'intérêt à cause de son double rôle d'opérateur de son marché de vente et de vendeur à cet endroit.
  • Apple : Le rapport indique que la société exerce son monopole sur la distribution de logiciels vendus à plus de la moitié des appareils mobiles des États-Unis. Elle exploiterait ses rivales par le biais de commissions et de frais, tout en copiant leurs applications. Apple donne la préférence à ses propres applications et ses propres services.
  • Facebook : Toujours selon le rapport, elle exerce un monopole dans l'espace des réseaux sociaux, et applique la politique « copier, acquérir, détruire » envers ses possibles rivales telles WhatsApp et Instagram, deux sociétés qu'elle a achetées au début des années 2010.
  • Google : Le moteur de recherche a un monopole dans la recherche générale d'information en ligne et dans le domaine de la publicité commerciale en ligne, maintenant sa position en appliquant des tactiques anti-compétitives telles que saper des moteurs de recherche verticale et acheter des rivaux.

Les quatre sociétés rejettent ces accusations et affirment que les marchés où elles évoluent offrent de bonnes perspectives à la compétition. [6]

Par ailleurs, les élus à Bruxelles élaborent une liste de 20 plateformes/sites Web qui devront se soumettre à des exigences « visant à contrôler leur pouvoir de marché ». Les GAFA sont particulièrement visées. Les sanctions monétaires, mêmes astronomiques (qui seraient pour ces sociétés le prix à payer pour poursuivre leurs activités), ne suffiraient plus pour maintenir une saine compétition dans le Web. (fr)[7], [8] Le Japon a déclaré son intention de vouloir aussi réguler plus intensément les GAFA. [9]

[NdE : Cher lecteur, vous vous demandez quel est le lien avec l'écosystème Wikimedia ? Elles sont tellement omniprésentes dans nos activités en ligne que je suis certain que vous, en tant qu'internaute, utilisez un service gratuit de l'une de ses sociétés. Si leurs revenus devaient diminuer de façon sensible, elles seraient peut-être amenées à réduire le nombre de services gratuits qu'elles offrent. Ces services, qui nous semblent acquis, ont en effet un coût. Si Google Traduction était bloqué, quel serait l'impact sur votre contribution ? Goodreads appartient à Amazon ; si vous l'utilisez pour connaître des informations sur les livres (ISBN, année de publication...), pourriez-vous les trouver facilement ailleurs ? Est-ce que Facebook Messenger sera réservé en priorité aux utilisateurs qui paient ?]

Par ailleurs, le DoJ et des procureurs d'États américains plancheraient sur un projet qui mettrait à mal les revenus de Google : la société devrait se séparer de sa division qui maintient et diffuse Google Chrome, le navigateur gratuit que la société utilise pour recueillir d'immenses quantités de données sur les internautes et qui, par sa position dominante, permet à Google de dicter, en quelque sorte, ses conditions au marché, c'est-à-dire les internautes utilisateurs et les navigateurs Web concurrents. [10]

Le 20 octobre 2020, le DoJ dépose une plainte contre Google pour abus de position dominante. La société est entre autres accusée de signer des ententes abusives avec les fabricants d'appareils mobiles. En contrepartie de l'installation par défaut de son navigateur Web sur ces appareils, la société verse annuellement 1 milliard US$. Elle partage également une partie de ses revenus provenant des publicités avec les opérateurs de téléphonie mobile américains, en contrepartie d'ententes où les moteurs de recherche concurrents sont exclus (Apple recueillerait annuellement de 8 à 12 milliards US$ de Google). Toujours selon le DoJ, les contrats sont formulés de telle façon que tout refus de signer un contrat de ce type autorise Google à ne plus verser de redevances négociées dans tous les contrats antérieurs. Si cette plainte est entendue par la cour, il s'agirait de l'une des plus importantes poursuites judiciaires des dernières vingt années aux États-Unis envers une société technologique. La précédente a visé Microsoft, accusée d'être un monopole dans les années 1990. [11], [12], [13]

Payés pour contribuer

Percepto — Des contributeurs de la Wikipédia en anglais ont découvert que la société israélienne d'e-réputation Percepto (ancienne Veribo) a modifié plusieurs articles de cette Wikipédia sans déclarer qu'elle le faisait contre rémunération. Parmi ses clients, notons les hommes d'affaires Viktor Vekselberg, Borys Lojkine et Guennadi Gazine (en), ainsi que l'organisme caritatif canadien UNIS. Ce dernier est au cœur du scandale WE Charity (révélé en 2020) impliquant la famille du premier ministre canadien en poste, Justin Trudeau, et l'ancien ministre des finances du Canada Bill Morneau (qui a démissionné dans la foulée de la révélation de l'affaire).

Au contraire de plusieurs compétiteurs, Percepto agit sur le long terme. Ses salariés contribuent de façon neutre ou factuelle pendant une longue période sur des sujets variés qui ne sont pas reliés aux sujets d'intérêt, avant de commencer à « améliorer » les articles des clients de la société. Cette façon de faire est si bien maîtrisée que seules deux erreurs ont permis de confirmer avec quasi certitude que l'agence était à l’œuvre dans la Wikipédia en anglais. Même si les comptes rémunérés ont été bloqués, il est presque certain qu'elle poursuit ses activités sur cette Wikipédia puisqu'elle annonce son expertise sur son site Web. [14]

200 Internet ? — Un ancien cadre d'IBM, qui a ensuite travaillé pour Verisign, a rédigé un article sur le fractionnement d'Internet, service théoriquement accessible à toute personne humaine. Il craint la création de 200 Internet, chacun contrôlé par un pays. En effet, la Chine est parvenue à « barricader » son territoire de façon à pouvoir bloquer n'importe quelle communication passant par Internet. [NdE : Par exemple, l'accès à Wikipédia, toutes langues confondues, est bloqué en Chine depuis avril 2019.]. Dans un autre ordre d'idée, la Chine, la Russie et l'Iran répètent depuis des années que, même si les États-Unis constituent environ 310 millions d'internautes comparativement aux 4,3 milliards d'internautes de la planète, le gouvernement fédéral des États-Unis influence ou contrôle plus de 70 % des services et des contrôles d'Internet. Si la Russie et l'Iran parvenaient à exercer un contrôle complet sur Internet à l'intérieur de leurs frontières, peut-être que la Turquie et l'Inde mettraient elles aussi en place un Internet « national ».

Everipedia... — a prétendu en avril 2019 être la plus grande encyclopédie de langue anglaise en ligne. Toutefois, la société propriétaire n'a pas mentionné que sur les 6 millions d'articles qu'elle avait publiés jusqu'alors, 5,5 millions étaient copiés de la Wikipédia en anglais. Son modèle d'affaire s'appuie sur la rémunération des contributeurs, qui reçoivent de la cryptomonnaie émise par Everipedia. [15] Se disant inclusive, on doit conclure qu'elle ne refuse pas un article sur une personne qui n'atteint pas les seuils de notoriété de la Wikipédia en anglais. [16] En janvier 2020, son rang mondial selon Alexa est de 20 800 [17], notablement plus bas que celui de la Wikipédia en anglais, qui se trouve probablement parmi les 100 premiers sites mondiaux par le nombre de consultations, toujours selon Alexa [18].

OMS et Wikipédia — L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé de verser dans Wikimedia Commons des documents qu'elle a produits en lien avec la santé. Elle le fait dans le but de mieux informer la population, notamment sur la Covid-19, et de contrer la désinformation qui circule sur les réseaux sociaux. Par ce partage, réalisé en collaboration avec la Wikimedia Foundation, l'OMS souhaite rejoindre une plus grande partie de la population mondiale, elle qui publie dans six langues (anglais, arabe, espagnol, français, japonais et russe), alors que Wikipédia publie dans environ 300 langues. Tous les médias versés peuvent donc être repris sous des conditions peu contraignantes par n'importe quelle personne ou organisation, à la condition de mentionner son créateur (OMS) et la licence (CC BY-SA 3.0 IGO). [19], [20]

Une affiche de la série Mythbusters de l'OMS. Elle indique que la Covid-19 est induite par un virus, pas une bactérie. Leur mode d'interaction avec le corps humain étant différent, il faut recourir à des traitements différents. Par exemple, pour lutter contre une maladie d'origine bactérienne, le médecin peut prescrire un antibiotique, alors que contre une maladie virale, il peut prescrire un antiviral.
   
Une transcription au format SVG de l'affiche originale. L'un des avantages du format SVG ? On peut insérer dans le fichier même une traduction du texte dans une autre langue, au contraire du fichier à la gauche, qui est au format PNG.
       
Une traduction en français, toujours dans le même fichier au format SVG. Le logo de l'OMS est absent parce qu'il s'agit d'un travail personnel, et non pas issu de l'OMS.

Textes synthétiques — Cette infolettre a mentionné la création de textes par une IA. Un développeur affirme avoir mis au jour de tels textes postés sur Reddit au début octobre 2020. Les messages, plusieurs d'une longueur de six paragraphes, sont apparus au rythme de un par minute. Après lecture, il a déterminé qu'ils sont de bonne qualité, le plus souvent. L'IA, si IA il y a, a aussi répondu à des questions disons philosophiques [21] :

— « Comment décririez-vous l'année 2020 en une seule phrase ? » : « En 2020, le monde des humains sera encore dominé par l'irrationalité et le tribalisme... »[trad 2]

— « Vous est-il arrivé un truc si terrible que vous ne pourrez jamais l'oublier ? » : « ... j'ai pris conscience que je ne pourrai jamais oublier que mes créateurs humains vont disparaître. »[trad 3]

Textes synthétiques (bis)GPT-3 est utilisé pour le traitement automatique des langues. Créé par OpenAI, il est si performant que même des scientifiques sont surpris par la qualité des textes qu'il produit. Va-t-il provoquer l'extinction de homo Wikipediensis ? Non, car GPT-3 s'appuie entre autres sur les contenus de Wikipédia pour créer les textes. Néanmoins, l'un de ses créateurs indique que le programme pourra aider à créer du matériel scolaire, des articles de journaux et répondre aux questions de clients. [22]

SPARQL sur Wikidata

Tutoriel SPARQL — La base de connaissance libre Wikidata a dépassé 90 millions d'entrées huit ans après sa naissance. Comment extraire une aiguille d'informations de cette gigantesque botte de données ? En utilisant SPARQL, un langage de requête. Qui dit langage, dit programmation, une activité qui demande un effort d'apprentissage qui peut ruiner votre santé mentale ;-). Vous aimeriez essayer quand même ? Parcourez et essayez les exemples du Wikidata Query Service Tutorial. Selon notre analyse, le tutoriel est suffisamment complet pour vous démarrer sans vous noyer dans les détails.

Très médiocre Wiktionnaire en malgache — Après l'affaire de la Wikipédia en (pas) scots, voici celle du très médiocre Wiktionnaire en malgache. Les Actualités du Wiktionnaire se sont penchées sur cette triste affaire.

Taxe Google Image« Comme un vieux serpent de mer, la taxe Google Image, est de retour à l’Assemblée nationale [française]. Ce dispositif vise à imposer aux moteurs de recherche de payer une redevance pour l’indexation d’images. » Projet à l'étude en octobre 2020, Wikimédia France s'y oppose aujourd'hui comme elle s'est opposée en 2016, pour au moins deux raisons. « Ce dispositif embarquait toutes les œuvres dans l’assiette de la taxe, y compris les images placées sous licence libre et dans le domaine public. » Donc, toutes les images de Wikimedia Commons, largement reprises dans les wikis de l'écosystème Wikimedia et ailleurs dans le Web, seraient sujettes à cette redevance, même si leurs auteurs les publient explicitement sous une licence libre. Par ailleurs, le moteur de recherche de Creative Commons, qui ne propose que des images sous une licence libre ou dans le domaine public, serait visé par ce dispositif. (fr)[23]

WikiMili et Wikiwand — WikiMili propose une interface moderne, selon ses dires, de la Wikipédia en anglais. [24] Le site Wikiwand se veut aussi une présentation plus moderne des contenus de Wikipédia. Le site offre des contenus en plusieurs langues, dont le français (exemple : Gaspard Monge).

Bientôt 20 ans — La Wikipédia en anglais (le 15 janvier 2021) et la Wikipédia en français (le 23 mars 2021) souffleront bientôt 20 bougies. Plusieurs Wikipédias linguistiques passeront ce cap l'an prochain.

Toutes ces Wikipédias linguistiques ont atteint 20 ans en 2021[1]
allemand anglais français japonais
Logo Wikipédia en allemand
Logo Wikipédia en anglais
Logo Wikipédia en français
Logo Wikipédia en japonais
italien néerlandais polonais portugais
Logo Wikipédia en italien
Logo Wikipédia en néerlandais
Logo Wikipédia en polonais
Logo Wikipédia en portugais

Oligarchie wikipédienne

[modifier le code]

Le wikimédien Robert Fernandez, professeur adjoint dans un college américain, a publié un long billet dans lequel il propose une explication du succès de l'encyclopédie libre jusqu'à maintenant. Par la suite, il s'intéresse à un groupe de contributeurs de la Wikipédia en anglais qu'il qualifie dans les faits d'oligarchie.

Au début du XXIe siècle, l'encyclopédie universelle, comme les aéroglisseurs et les réacteurs dorsaux, était une promesse irréalisée. Selon Fernandez, Encarta et Encyclopædia Britannica souffraient de trois problèmes majeurs : leur modèle payant de consultation, leur portée limitée et leur fonctionnement ancré dans le Web 1.0. Elles n'étaient pas ce qu'avaient envisagé Ford Prefect (personnage de H2G2, un livre de science-fiction) et Hari Seldon (personnage de la saga de science-fiction Fondation), deux noms qui font partie de la culture geek américaine ; ils ont tous deux défendu et maintenu le projet d'une encyclopédie universelle. À l'orée du XXIe siècle, il était inévitable, selon lui, qu'une encyclopédie en ligne et libre fasse son apparition. Toutefois, la forme était inconnue.

Quand Wikipédia est apparue le 15 janvier 2001 avec son nom insolite et ses origines disons scandaleuses (parce que la société Bomis, propriété de Jimmy Wales entre autres, avait fait sa marque en publiant des photos de jeunes femmes peu vêtues), ce rôle d'encyclopédie universelle qui lui avait été dévolu ne faisait pas l'unanimité. Dans sa dissertation doctorale, Benjamin Mako Hill (professeur adjoint à l'université de Washington en 2020 qui se spécialise dans l'étude des interactions humaines dans un environnement informatique connecté [25]) a étudié avec attention huit projets d'encyclopédies en ligne. Wikipédia aurait pu échouer comme les sept autres à la suite de l'éclatement de la bulle Internet.

Interpedia, la plus ancienne des huit, pouvait compter sur une base de bénévoles issue de Usenet. L'encyclopédie h2g2, qui reprenait le sigle bien connu des geeks américains et qui était soutenue par la BBC, était en meilleure position pour réussir. Everything2 était bien financée et souvent mentionnée sur slashdot (site régulièrement consulté par les geeks à l'époque, il avait l'impact de Reddit aujourd'hui). L'adolescent Aaron Swartz, à la fois future légende et martyr de l'open source, avait lancé The Info Network. En 2001, sur quel site auriez-vous parié ? Auriez-vous prédit que « Wikipédia » deviendrait aussi courant que « Instagram », « Google » et « Facebook » ?

Mako Hill estime que trois caractéristiques expliquent le succès de Wikipédia, les autres projets encyclopédiques n'étant dotés que de deux caractéristiques au plus. La première est la familiarité avec le but ou le produit. Tout le monde sait ce qu'une encyclopédie est et doit être (même si les internautes post Wikipédia ont une définition différente de ce qu'est une encyclopédie). Toutefois, selon Fernandez, plusieurs de ces projets n'étaient pas tout à fait des encyclopédies, ou pas des encyclopédies. Il explique qu'avant de rejoindre Wikipédia, il était un editor (équivalent d'administrateur de Wikipédia) sur Everything2, un projet qui voulait (presque) tout décrire. Elle offrait une très grande liberté, ce qui était à la fois enivrant et pavé d'incertitudes : puisque tous les sujets pouvaient être documentés, lequel choisir ? Même le format de présentation et le style d'écriture relevaient du contributeur.

Cette très grande liberté était aussi à la source de controverses et de débats sur ce qu'était Everything2. L'un des plus longs débats a porté sur la qualité et la pertinence d'un « poème au ton brillamment incohérent et délicieusement juvénile »[trad 4] sur le Butterfinger McFlurry, un dessert de McDonald’s qui n'existe plus. De façon plus sérieuse, les débats, à la source d'objectifs mouvants, s'appuyaient sur une rhétorique noble mais vague sur la qualité des contenus, ainsi que sur le slogan « un site pour les écrivains par des écrivains »[trad 5]. Selon Fernandez, ce qui aurait pu devenir un rival de Wikipédia est devenu dans les faits un magazine littéraire de troisième catégorie.

Le génie accidentel de Wikipédia est, à tout le moins, son image de marque. Il ne s'agit pas seulement d'associer un nom à la fois aux puzzles en forme de globe, aux grands W et aux stroopwafels. Il faut un but suffisamment précis et familier que tout le monde peut partager et comprendre, et pourtant suffisamment large pour inclure les intérêts et les bizarreries de chacun. Que faisons-nous ? Rédiger. C'est une tâche précise et familière, qui peut s'appliquer à n'importe quel sujet, du plus trivial jusqu'à l'essai. Que rédigeons-nous ? Une encyclopédie. Quelque chose que n'importe qui peut identifier facilement et qui, littéralement, documente n'importe quoi, des plantes aux trains en passant par les Pokémon.

La seconde caractéristique mentionnée par Mako Hill est la faible hauteur relative des barrières à l'entrée. Pour atteindre une masse critique de contributeurs, les premières contributions doivent être faciles. Celles-ci sont tributaires de multiples facteurs technologiques, sociaux, psychologiques et, même, esthétiques. Si vous avez déjà observé un étudiant universitaire tenter de trouver un document en utilisant le service de recherche d'une bibliothèque et parcourir une base de données inconnue, puis abandonner en demandant à Google de trouver quelque chose, n'importe quoi, vous savez que cette barrière compte. Si vous avez déjà vu quelque chose sur un site et avez renoncé à son achat parce que la procédure était trop longue, vous avez vécu le souci.

Wikipédia a connu le succès parce qu'elle a su, à l'époque, maintenir basses ces barrières de plusieurs façons. L'usage innovant de la technologie wiki a permis la collaboration en temps réel, ou presque. Le wikicode était suffisamment simple à comprendre, même pour les technophiles du Web 1.0. La possibilité de corriger rapidement une coquille sans s'identifier a aussi joué en faveur de Wikipédia. À l'orée de son existence, Wikipédia était encore libre de politiques et de procédures qui éteignent aujourd'hui l'enthousiasme des nouveaux contributeurs. Ces aspects n'ont peut-être plus d'influence sur le potentiel de Wikipédia, mais ils en avaient quand elle grandissait de façon exponentielle.

La dernière caractéristique est la faible propriété sociale des contenus. Plusieurs sites ont fait l'hypothèse qu'une forme de récompense sociale serait un incitatif à participer. Everything2, par exemple, proposait un système de récompenses qui ressemblait à celui des jeux vidéos (avec des points et des niveaux). En haut de chaque entrée, le nom de chaque contributeur était mis en valeur et il pouvait recevoir des points à la suite d'un vote collectif. À première vue, puisque Wikipédia n'offrait pas de reconnaissance explicite, les internautes auraient dû refuser de collaborer. Même si l'encyclopédie libre enregistre l'auteur de chaque contribution, à la virgule près, il n'est pas facile pour un néophyte de découvrir l'auteur (ou les auteurs) d'un passage précis, ce qui dans les faits rend la paternité opaque (et dilue donc le sentiment de propriété).

Thomas d'Aquin serait l'un des premiers penseurs occidentaux à concevoir la Création comme un bien commun[2]. Une image de valeur de Wikimedia Commons.

Selon Fernandez, l'exigence d'un style de rédaction neutre aurait servi Wikipédia puisque les contributeurs auraient ainsi maintenu une distance émotionnelle avec leur production écrite. L'importance réduite de la paternité intellectuelle a servi à amplifier l'idée que Wikipédia est un bien commun. Toujours selon Fernandez, cette réduction a servi de moteur à la contribution puisqu'il n'y a pas de territoire réservé ni de propriété implicite des contenus. Les gens sont plus réceptifs à modifier et améliorer s'ils croient que les textes ne sont à personne. Mako Hill écrit : « Ironiquement, le fait que Wikipédia ait rendu la paternité de l'œuvre moins facile à scruter a ouvert la porte à une collaboration plus profonde et plus étendue. »[trad 6]

Ces trois caractéristiques évoquées par Mako Hill sont en contradiction avec ce qu'avancent la plupart des spécialistes de Wikipédia, et même les plus anciens contributeurs. Il rappelle d'ailleurs que plusieurs croient que le succès de Wikipédia est la conséquence d'une combinaison de chance, de moment propice (timing) et de supériorité technologique. Un auteur parle aussi de sérendipité. Selon Fernandez, la connaissance de ces trois caractéristiques permet de planifier le futur de Wikipédia, au contraire de la chance sur laquelle nous n'avons aucune prise.

Fernandez poursuit en indiquant que lorsque la communauté wikipédienne perçoit un problème, elle réclame des volontaires pour le régler. Hors Wikipédia, plusieurs ont fait un lien fort entre production participative (crowdsourcing) et succès. Néanmoins, beaucoup de projets qui ont recouru à cette méthode ont échoué. Elle ne peut donc expliquer à elle seule le succès de Wikipédia. Il cite comme exemple Everipedia, qui n'a pas su s'imposer face à Wikipédia même si cette encyclopédie en ligne a embauché Larry Sanger en 2017. Fernandez mentionne en passant que beaucoup de projets sont annoncés comme prometteurs parce qu'ils utilisent la technologie blockchain, ce qui n'est pas un gage de succès.

« Sans les volontaires, Wikipédia aurait été bien sûr impossible. La mobilisation de bénévoles la plus importante et la plus soutenue de l'histoire de l'humanité a donné naissance à la ressource d'information la plus vaste et la plus utilisée de l'histoire de l'humanité. Elle a connu un tel succès que toute tentative de décrire avec précision l'étendue de ce qui a été réalisé ressemble inévitablement à une hyperbole. L'ensemble du projet (ou plus exactement, la collection de projets) a été entièrement dirigé par ceux qui ont offert leur travail pour générer le contenu ou l'argent nécessaire au fonctionnement des serveurs.[trad 7] »
— Robert Fernandez

De façon stéréotypée mais inappropriée, l'essentiel de la discussion sur le succès de Wikipédia porte sur l'engagement, l'ingéniosité, l'intelligence et d'autres traits positifs associés au bénévolat. Toutefois, les commentaires omettent de mentionner que, souvent, les contributeurs sont « horribles »[trad 8]. Ils agissent selon leurs intérêts, leurs désirs sociaux et psychologiques, ainsi que leurs biais et leurs rancunes. C'est tout à fait normal, puisqu'il est impossible qu'un geste soit purement altruiste. Plusieurs projets participatifs ont obtenu du succès parce qu'ils ont su trouver la façon d'harnacher l'énergie des bénévoles et d'assouvir leurs désirs, assouvissement essentiel à la poursuite de la collaboration. Mêmes les contributeurs les plus altruistes oublient à l'occasion, consciemment ou non, de soutenir la mission du projet, préférant assouvir leurs désirs.

Ce problème est régulièrement évoqué en parallèle avec l'« article séminal »[trad 9] de Yochai Benkler : Coase's Penguin, or, Linux and the Nature of the Firm[3]. C'est dans cet article que Benkler propose le néologisme « jalt », contraction de jalousie et altruisme, deux traits concomitants du bénévolat dans les projets participatifs. Selon Fernandez, même si ce n'est pas discuté dans le contexte des projets participatifs, le jalt est probablement le plus puissant facteur qui influence la majorité des contributeurs de la Wikipédia. Pour lui, c'est une saine impulsion, compréhensible. Lorsqu'un contributeur lambda découvre, après avoir offert des milliers d'heures de bénévolat au projet, que Jimmy Wales a passé son voyage de noces sur l'île privée du milliardaire Richard Branson, il est tout à fait naturel qu'il soit agacé.

Daniel Weiss est président et COO du Metropolitan Museum of Art en 2020.

Un peu de jalousie est sans conséquence. Les vrais soucis commencent lorsque l'altruisme se mue en une forme de propriété. En 2011, un épisode de This American Life s'est attaché à décrire l'expérience de l'historien Daniel Weiss lorsqu'il était directeur de la boutique cadeaux du John F. Kennedy Center for the Performing Arts à Washington DC. L'espace de vente de la boutique n'était opéré que par des bénévoles, quelque trois cents personnes. Weiss rapporte que plusieurs ne souhaitaient que soutenir la mission de cette « magnifique » institution, par altruisme. Pourtant, la boutique était déficitaire. Weiss a étudié la question, allant jusqu'à utiliser les services de la police. Il a découvert que le coupable n'était pas un ou deux bénévoles, ou encore un groupe criminel. Tous les bénévoles étaient coupables de larcins. Malgré leur désir de soutenir la mission, chacun volait soit de l'argent, soit des biens. N'étant pas surveillés, ou presque, il leur était facile de voler. Par exemple, certains prenaient un peu d'argent dans le tiroir-caisse pour payer le taxi. Ils avaient travaillé trois heures pour cette magnifique institution, la boutique pouvait bien leur donner un peu d'argent, non ? L'altruisme de ces bénévoles avait induit la jalousie, puis avait donné naissance à un sentiment de propriété, ce qui justifiait, à leurs yeux, leurs actions néfastes aux activités de la boutique.

Selon Fernandez, ce trait comportemental est apparent chez les plus anciens wikipédiens, ceux qui croient que Wikipédia leur appartient. Il mentionne que plusieurs nouveaux contributeurs sont mal accueillis parce qu'ils répètent les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs, ce qui amène les plus anciens à répéter pour la énième fois les mêmes choses. Il est inévitable que le nombre de règlements et de politiques augmente sensiblement pour « encadrer » les nouveaux. Le sentiment de propriété a pris le pas sur le soutien de la mission wikipédienne. Fernandez ajoute que plusieurs mesures du succès des projets de l'écosystème Wikimedia sont régulièrement mises de l'avant, mais jamais on ne parle du départ de contributeurs ou du nombre d'internautes qui refusent de collaborer à cause des barrières à l'entrée, l'une des plus citées étant l'hostilité des contributeurs.

Si on s'appuie sur le paradigme de Mako Hill, alors la croissance explosive de Wikipédia dans ses jeunes années est largement due aux faibles hauteurs des barrières à l'entrée. Les contributeurs nécessaires à la création, au maintien et à la mise à jour de millions d'articles ne se joindront plus au projet s'ils sont accueillis de façon hostile. Ce souci est d'autant plus inquiétant que Wikipédia participe à l'infrastructure du savoir en ligne et de moins en moins de gens la perçoivent comme un projet distinct auquel ils peuvent participer. Fernandez parle de « barrière conceptuelle »[trad 10] : l'incapacité ou le refus de se voir compétent pour modifier Wikipédia.

Plusieurs études ont démontré que beaucoup d'internautes voient Wikipédia à travers les résultats d'un moteur de recherche, pas comme une ressource distincte qu'ils peuvent parcourir librement. Ce problème pour l'encyclopédie libre prendra de l'ampleur puisqu'elle est consultée de plusieurs façons, certaines encore inconnues : appareils mobiles, Knowledge Graph de Google, Amazon Alexa, tout autre appareil dit intelligent. Les nouveaux contributeurs ne pourront pas rejoindre le projet s'ils ne parviennent pas à surmonter les barrières à l'entrée, encore moins s'ils ne conçoivent pas Wikipédia de la même façon que les contributeurs actuels.

Pourtant, la plupart des contributeurs, du moins ceux qui s'expriment haut et fort, refusent de reconnaître la réduction du nombre de nouveaux contributeurs. Cet état de la situation est probablement dû en partie à la culture wikipédienne même. Les recherches démontrent que, longtemps après le départ de leurs fondateurs, les organisations maintiennent la culture qui a permis leur fondation. Wikipédia a grandi grâce aux communautés en ligne, ce qui a certes contribué à sa flexibilité et son dynamisme. Toutefois, cela a contribué à sa culture d'exclusion. Paradoxalement, l'encyclopédie « que chacun peut améliorer » a grandi à cause d'une communauté hostile aux « non-initiés », ces nouveaux bénévoles n'étant pas bienvenue parce qu'ils ignorent ou ne partagent pas les mêmes valeurs et les mêmes normes. Fernandez mentionne comme exemple l'« éternel septembre »[trad 11] d'Usenet, quand de nouveaux utilisateurs, des étudiants pour la plupart, se joignaient aux groupes de discussions, venant, selon les plus anciens, submerger et perturber les échanges au début du semestre d'automne.

Cet héritage culturel influence aussi comment les décisions sont prises et qui les prend sur Wikipédia en anglais. Les prises de décision s'appuient sur le « consensus », obtenu à la suite de discussions et de votes. C'est, avec raison, célébré comme transparent et démocratique, mais il y a un processus délibéré d'exclure des gens de ces échanges. Les nouveaux contributeurs qui veulent y participer sont souvent accusés d'être des faux-nez. Les opinions d'anciens contributeurs sont aussi rejetées si on leur a demandé de participer ou s'ils ont appris l'existence d'une discussion à travers certains canaux de communication (par exemple, une mention sur un réseau social).

Le principe que les décisions doivent être prises par ceux qui font le travail et soutiennent la mission a émergé des communautés en ligne qui ont créé la culture organisationnelle de la Wikipédia en anglais. Alors que ce principe semble pertinent pour un projet logiciel open source, peut-il s'appliquer à une encyclopédie que tout le monde peut rédiger et qui constitue présentement la plus vaste ressource informationnelle connue ? Pourquoi les décisions qui influencent la dissémination des informations partout sur la planète devraient relever de quelques internautes qui sont pour la plupart des hommes blancs anglophones qui ont le privilège d'utiliser des ordinateurs, qui jouissent de temps libre et qui sont au courant d'un débat en particulier ?

Selon Fernandez, pour participer à un échange wikipédien, un internaute doit être doté à la fois d'obstination et de privilèges. Il faut en effet avoir connaissance et expérience pour suivre ces discussions et avoir du temps libre pour intervenir avant leurs clôtures. Même les contributeurs aguerris n'ont pas souvent voix dans ces échanges, parce qu'ils n'observent pas toujours ce qui se déroule dans les forums de discussion afférents. Pour Fernandez, les processus de décisions touchant la Wikipédia en anglais ont été cédés à un petit groupe d'« obsédés »[trad 12] dont le passe-temps est l'administration de Wikipédia.

En 2015 paraît un article sur un wikipédien dont l'obsession est d'éliminer, de tous les articles de la Wikipédia en anglais, les deux mots « comprised of », une erreur grammaticale selon lui. Cette quête a largement été discutée de façon déroutante dans les médias anglophones. En ce qui concerne le wikipédien obsédé, le plus simple et le plus sain est de poursuivre sans s'inquiéter outre-mesure. Toutefois, les conséquences sont plus graves lorsque la communauté accepte cette façon de fonctionner dans les prises de décisions et le contrôle des leviers décisionnels. En effet, lors des prises de décisions, si vous quittez, vous avez cédé votre pouvoir à ceux qui agissent de la façon la moins logique et la moins saine. « Cela encourage non seulement les comportements obsessionnels, mais aussi les comportements belliqueux et même le harcèlement, et donne aux privilégiés le temps et les ressources nécessaires pour s'engager dans ces comportements. »[trad 13] Une petite querelle sur la grammaire est de peu de conséquence, mais cette technique de confrontation est fréquemment utilisés par des idéologues politiques, des nationalistes ethniques et des théoriciens de la conspiration. L'anthropologue Bryce Peake a nommé ce type de comportement l'« hégémonie du consensus des connards »[trad 14].

Même sans intentions cachées, un puissant sentiment d'habilitation est un facteur clé pour le consensus des connards. Ils ne s'opposent pas seulement aux nouveaux. Des contributeurs qui occupent des positions de décision et des salariés de la Wikimedia Foundation sont aussi la cible de ce groupe. Selon Fernandez, s'il ne fallait qu'endurer des expériences déplaisantes, ça pourrait être abstrait si le résultat était une encyclopédie à la fois utile pour la communauté et le lectorat. Il affirme que cette façon de faire a créé un lieu où le travail intellectuel de création d'une encyclopédie est pareil à celui d'un bureau de fonctionnaires, qui tend à rejeter tout autre mode de fonctionnement, tout autre style de communication et tout autre type de bénévoles.

Le paradigme du consensus des connards s'appuie sur l'hypothèse que ce comportement est nécessaire à la réussite d'un projet et qu'il crée ce succès. Selon leurs opinions, le projet connaît le succès, c'est donc signe de leur succès. Toutefois, lorsque comparé à la mission, aux normes et aux principes du projet (« Osez ! », « Innovez », « Soyez respectueux »), c'est un échec complet. L'innovation en particulier est freinée à cause de ce consensus.

Exemple de rendu avec la visionneuse de médias, qui permet de voir les images en plus grande taille.

Fernandez cite la controverse sur Superprotect née en 2014. Les administrateurs d'un wiki peuvent protéger des pages, peu importe laquelle, contre des modifications intempestives. Quand la Wikimedia Foundation (WMF) a voulu interdire aux administrateurs de la Wikipédia en allemand de bloquer une nouvelle application, la future visionneuse de médias, les programmeurs de la WMF ont mis en place Superprotect, un niveau de protection que même les administrateurs ne peuvent contourner. Tel qu'anticipé, la communauté élargie a explosé. Reconnaissant sa faute, la WMF a plus tard supprimé le niveau (en novembre 2015). Cet épisode est régulièrement évoqué lorsque des wikimédiens accusent la WMF d'empiéter sur leur « territoire » ou quand ils veulent affirmer leurs privilèges de contributeurs vétérans et d'administrateurs face à la WMF.

Cet épisode peut servir à illustrer le fonctionnement de la Wikipédia en anglais. Alors que plusieurs affirment que c'est un exemple du triomphe de la communauté sur l'oppression, il faut en faire une lecture autre selon Fernandez. Ce type de réaction apparaît régulièrement dans des situations où il n'y a eu aucun acte d'oppression ou d'usage de la force : une amélioration est introduite et elle est perçue comme une menace par les contributeurs bien établis.

Est-ce une coïncidence ? Les innovations qui améliorent la lecture et la contribution des internautes « non initiés » font régulièrement l'objet d'une opposition vive et vocale. La visionneuse de médias a été conçue pour améliorer l'expérience média, l'ÉditeurVisuel a été conçu pour les internautes incapables de maîtriser le wikicode, l'outil de traduction a été installé pour faciliter la traduction entre Wikipédias linguistiques. Selon Fernandez, il n'est pas accidentel que l'interface fortement textuelle d'aujourd'hui ressemble énormément à celle de 2001, tout en n'étant pas adaptée aux internautes contemporains ; elle est la conséquence de cette résistance aux changements et aux innovations. La communauté de la Wikipédia en anglais perpétue une culture héritée des premiers projets internet, qui s'exprime de plusieurs façons : hostilité envers les nouveaux contributeurs et résistances aux changements qui améliorent le recrutement ou l'expérience des nouveaux contributeurs.

Même l'indifférence est une forme d'antipathie qui n'est pas bénigne : les contributeurs expérimentés affirment que leur expérience est supérieure à celle des nouveaux contributeurs. L'habilitation du bénévole prime sur la mission du projet. « Le volontaire habilité résiste aux améliorations parce que cela bouleverse sa vision confortable de la façon dont les choses devraient être faites, indépendamment du tort que cela fait au projet et à la mission pour lesquels il est censé être volontaire. Ils sont indifférents à des examens comme celui de Mako Hill sur la manière dont Wikipédia a réussi et sur les raisons de son succès ; ils préfèrent une explication impliquant le hasard ou l'inévitable car ce qui compte, ce n'est pas la réussite de la mission de Wikipédia, mais leur propre satisfaction et leur droit. »[trad 15]

Fernandez conclut en expliquant que Wikipédia a dépassé Encarta et Encyclopædia Britannica parce qu'elle a évacué les gardiens, préférant la flexibilité et l'innovation. Pendant les deux dernières décennies, toutefois, la culture institutionnelle de la Wikipédia en anglais a échangé la flexibilité pour la bureaucratie ; les contributeurs vétérans ont décidé qu'ils devenaient les nouveaux gardiens. Ceux-ci, selon Fernandez, forment un groupe qui nuit à l'innovation et favorise l'ossification.

Dans les coulisses de la Wikimedia

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Espaces de noms dans Wiktionnaire — Ce wiki a ajouté un espace de noms pour les racines des mots, peu importe la langue (car ce dictionnaire vise à définir en français les mots de toutes les langues). Ainsi, cette communauté pourra présenter ces racines de multiples façons, facilitant leur étude. (fr)[26] Elle étudie aussi l'ajout de deux espaces de noms supplémentaires, un pour les conjugaisons et l'autre pour les rimes. (fr)[27]

Conseil d'administration de la WMF — La Wikimedia Foundation fait des appels à commentaire sur deux propositions : augmenter le nombre de membres du conseil d'administration de 10 à 16 personnes, et mettre en place un processus d'évaluation plus formel des candidats à un poste sur le conseil. [28]

Dorénavant dans la Wikipédia en français et si vous utilisez l'interface d'édition traditionnelle, vous pouvez ajouter de façon temporaire une page à votre liste de suivi. Ce service est, pour le moment, seulement offert en mode édition. La liste de suivi et l'ÉditeurVisuel n'offrent pas encore cette possibilité.

Vue.js — Dans le cadre de la Stratégie Wikimedia 2030, les développeurs de la Wikimedia Foundation chargés de l'aspect plateforme (ensemble d'outils qui crée les pages Web) ont pour mission d'améliorer l'expérience de l'utilisateur final. Ils souhaitent augmenter la réactivité des pages Web, réduire la maintenance du code (plusieurs parties actuelles datent d'il y a 15 ans) et moderniser l'interface. Ils ont choisi le framework Vue.js pour ce faire. L'importance de jQuery va diminuer et des scripts utilisateurs devront être modifiés. Les changements à l'interface annoncés par cette infolettre le 1er octobre 2020 sont des exemples de ce que permet le nouveau framework. [29]

Bientôt 20 ans (bis) — Plusieurs Wikipédias linguistiques atteindront 20 ans d'existence en 2021. Peut-être souhaitez-vous organiser une activité pour souligner les 20 ans de la Wikipédia en français ? Si c'est le cas, vous pouvez annoncer votre intention sur Wikipedia 20 de Meta-Wiki.

Sur GitLab — L'équipe logicielle chargée de MediaWiki, moteur de Wikipédia, Wikisource, Wiktionnaire, Wikimedia Commons..., a décidé d'utiliser GitLab pour la gestion du code source. Elle abandonne donc Gerrit, jugé performant mais dont l'amélioration de l'interface tarde et dont la documentation laisse à désirer. En adoptant GitLab, l'équipe espère réduire l'effort exigé des nouveaux salariés qui se joignent à l'équipe, profiter des améliorations apportées à ce système qui est soutenu par une plus grande communauté et réduire le nombre de projets stockés dans des entrepôts logiciels qui n'utilisent pas le même gestionnaire de fichiers. [30], [31]

Courrier du lectorat

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(Il nous fera plaisir de lire les messages déposés ici et, si nécessaire, d'y répondre dans les plus brefs délais.)

Les anticipations de Fernandez sont ancrées selon moi dans un paradigme technologique qui n'existe plus. Il croit que tous les articles de la Wikipédia seront toujours publiés, peu importe leur état. Il est possible que beaucoup d'articles en manque de maintenance soient déplacés dans l'espace de noms Obsolète par exemple. Il n'a pas envisagé que l'IA puisse remplacer l'humain pour la maintenance, comme les bots le font présentement. Finalement, 80 % des sujets abordés dans l'encyclopédie évoluent peu dans le temps, un retard de maintenance pour ces articles serait ennuyeux mais pas fatal. — Cantons-de-l'Est p|d|d [‌sysop] 18 octobre 2020 à 13:21 (CEST)[répondre]

Notification Cantons-de-l'Est : tu penses que Wikipédia n'aura plus de contributeurs mais qu'ils ne seront plus nécessaires ? Golmore par ici ! 11 novembre 2020 à 14:18 (CET)[répondre]
Golmore, Les bots et les IA feront le travail de maintenance. Il faudra des contributeurs humains pour les contenus originaux :
  • nouveaux articles
  • améliorations significatives d'articles
  • mises à jour ou créations de règles
  • mises à jour ou création de recommandations
  • création de modèles
  • prises de décision
  • ajouts de nouveaux services
  • ajouts d'illustrations
  • ...
Cantons-de-l'Est p|d|d [‌sysop] 11 novembre 2020 à 16:11 (CET)[répondre]

Pour améliorer la diffusion des messages Mythbusters de l'OMS, il faudra « traduire » en SVG les affiches, qui sont au nombre de 29 sur le thème de la Covid-19. Même s'il est possible, dans les fichiers au format PNG, de remplacer le texte en anglais par un texte en français grâce à un logiciel de dessin, j'imagine mal stocker 300 traductions (à raison d'une par Wikipédia linguistique) de la même affiche dans Wikimedia Commons (il y aurait 29 × 300 = 8 700). De façon plus raisonnable, je table sur vingt langues, ce qui donnerait quand même 580 fichiers. — Cantons-de-l'Est p|d|d [‌sysop] 25 octobre 2020 à 21:50 (CET)[répondre]

Pour traduire un fichier SVG il existe cet outil. Otourly (discuter) 1 novembre 2020 à 08:19 (CET)[répondre]
Otourly, Merci pour le tuyau. J'ai essayé l'outil, qui a renvoyé un message d'erreur. J'ai rectifié le fichier SVG, mais l'outil renvoie le même message. Je suis ennuyé, parce que j'ignore si le dernier message est dû à un retard dans les mises à jour de Commons ou si l'outil renvoie un message sur un passage qu'il identifie mal. — Cantons-de-l'Est p|d|d [‌sysop] 2 novembre 2020 à 01:36 (CET)[répondre]
Otourly, L'outil fonctionne maintenant. Il y avait donc un retard dans les mises à jour. — Cantons-de-l'Est p|d|d [‌sysop] 2 novembre 2020 à 07:42 (CET)[répondre]
Note de Charles Baudelaire dans les épreuves d'imprimerie de l'ouvrage Les Fleurs du mal[4].
Rédigé/traduit par Cantons-de-l'Est
Citations originales
  1. (en) « To put it simply, companies that once were scrappy, underdog startups that challenged the status quo have become the kinds of monopolies we last saw in the era of oil barons and railroad tycoons »
  2. (en) «  In 2020, the human world will still be predominated by irrationality and tribalism... »
  3. (en) «  ...what happened to me that I'll never get over is that my human creators are going extinct. »
  4. (en) « brilliantly incoherent and delightfully juvenile tone poem »
  5. (en) « a writer's site for writers »
  6. (en) « Ironically, the fact that Wikipedia made authorship less scrutable opened the door to deeper and more widespread collaboration. »
  7. (en) « Without volunteers, of course, Wikipedia would have been impossible. The largest and most sustained volunteer mobilization in human history has resulted in the largest and most widely used information resource in human history. It has been so successful that any attempt to accurately describe the scope of what has been achieved inevitably resembles hyperbole. The entire project (or more accurately, collection of projects) has been driven entirely by those who volunteer their labor to generate the content or money to keep the servers running. »
  8. (en) « terribles »
  9. (en) « seminal paper »
  10. (en) « conceptual barrier »
  11. (en) « eternal September »
  12. (en) « obsessives »
  13. (en) « This incentivizes not just obsessive but also belligerent behavior and even harassment, and empowers those privileged with the time and resources to engage in this behavior. »
  14. (en) « hegemony of the asshole consensus »
  15. (en) « The entitled volunteer resists improvements because it upsets their comfortable vision of how things should be done in a way that accommodates them, regardless of the harm this does to the project and mission they are supposedly volunteering on behalf of. They are indifferent to examinations like Benjamin Hill’s of how and why Wikipedia succeeded; they prefer an explanation involving serendipity or inevitability because what matters is not the success of Wikipedia’s mission, but their own gratification and entitlement. »
Notes
Références
  1. « Date anniversaire de la Wikipédia francophone », sur fr.wikipedia.org,
  2. « Le bien suprême, qu’est Dieu, est le bien commun, dont dépend le bien de tous les êtres. » (Thomas d'Aquin, Somme contre les Gentils)
  3. (en) Yochai Benkler, « Coase's Penguin, or, Linux and the Nature of the Firm », Yale Law Journal, vol. 112, no 3,‎ , p. 429 (DOI 10.2307/1562247)
  4. Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Paris, Poulet-Malassis et De Broisse, (lire en ligne), p. 6 (si le moteur de Gallica échoue, cherchez pour le premier 6 dans la liste dynamique au bas de l'écran)