Bénin et Broudier s’en félicitent. Parfois l’un d’eux donne un léger coup de frein pour ne pas dépasser l’autre.
Dans la nuit molle ils entrent une joie à double soc. Alors ils savent ce qu’est le monde pour deux hommes en mouvement.
Bénin roule à gauche, Broudier à droite. Voilà qu’il n’y a plus ni droite, ni gauche. Il y a le côté Bénin et le côté Broudier.
Le monde se divise en deux parts : celle qui est au delà de Bénin et dont il est responsable ; celle qui est au delà de Broudier et qui dépend naturellement de lui.
Mais de Bénin à Broudier un espace se réserve, hors du monde.
Bénin, lorsqu’il est seul, ne porte qu’un présent tout petit que compriment à la fois le passé dense et l’avenir volumineux. Mais, entre Bénin et Broudier, comme un ballot, un présent énorme oscille.
Bénin, lorsqu’il est seul et immobile, se compare lui-même à une sorte de pieu, d’une épaisseur insignifiante, planté au centre de