dans la rapidité des actes nerveux ces erreurs personnelles dont on tient compte dans les calculs astronomiques. Il est assez naturel, quand on y réfléchit, que des fonctions intimement liées aux conditions matérielles d’un organe, fût-il le cerveau, présentent, comme l’organe lui-même, des variétés appréciables d’un individu à l’autre. De là à mesurer le temps nécessaire aux différens actes nerveux, même ceux du sens intime, il n’y avait qu’un pas. Récemment un physiologiste d’Utrecht, M. Donders, a entrepris la construction de deux appareils, aussi ingénieux que délicats, destinés, selon ses propres expressions, l’un « à mesurer la durée de certaines opérations de l’esprit, » l’autre « à mesurer le minimum de temps nécessaire à la production d’une idée ; » M. Donders a donné à ses instrumens deux noms barbares comme la plupart de ceux qu’on fait avec la langue la plus harmonieuse du monde ; il appelle l’un nématochographe et l’autre nématochomètre. Le premier est tout simplement un appareil enregistreur adapté à la mesure de fractions de durée infiniment courte ; un mouvement d’horlogerie imprime à un cylindre noirci à la fumée une rotation rapide ; une barbe de plume, fixée à la branche d’un diapason qu’on fait vibrer, trace sur le cylindre en marche une ligne onduleuse. La note du diapason donne le nombre d’ondulations pour une seconde ; chaque ondulation représente par conséquent une fraction de seconde correspondante : on arrive à mesurer ainsi des quatre-centièmes et des cinq-centièmes de seconde. Maintenant veut-on savoir le temps que met le cerveau à percevoir une impression produite sur un de nos sens par une piqûre, la lumière d’une étincelle ou un son bref, peu importe, l’appareil est disposé de façon que le phénomène qui affecte le toucher, l’œil, l’oreille, s’enregistre au même instant sur le cylindre noir à côté de la ligne onduleuse inscrite par le diapason. La personne qui fait l’expérience doit, aussitôt l’impression ressentie, presser d’un léger mouvement de doigt une détente qui marque sur le cylindre tournant un second trait. Le nombre d’ondulations qui le séparent du premier indique la fraction de seconde écoulée, c’est-à-dire le temps nécessaire à l’impression pour se propager, devenir perception consciente, et provoquer l’acte volontaire transmis à son tour jusqu’aux muscles. Or, la dernière portion du circuit à partir de l’acte volontaire restant toujours semblable à elle-même, on conçoit que M. Donders ait pu, en variant l’expérience, arriver à découvrir si une sensation lumineuse est plus vite perçue qu’une sensation acoustique ou une sensation tactile.
Le nématochographe, dans ce cas, mesure donc une opération fort complexe ; mais il n’en est plus de même dans l’expérience suivante : au lieu d’une sensation simple dont le sujet n’a qu’à bien accuser la perception, il s’agit maintenant de résoudre un dilemme. La