rive enfin à la raison militaire, la plus mauvaise de toutes. On avait sous les armes 300,000 gardes nationaux ; 20,000 à peine eurent l’occasion de tirer un coup de fusil contre les Prussiens. Les autres garnissaient les remparts, et remplissaient les rues de leur turbulente inutilité. La mesure pratique eût été de faire dès le premier jour ce qu’on fit aux derniers jours du siège : lever sous certaines conditions d’âge des bataillons de marche, les exercer à fond, les rompre à la discipline, les encadrer dans l’armée active et dans les régimens de mobiles, qu’ils auraient ranimés de leur ardent et jeune patriotisme. On vit à Montretout quel parti on aurait pu tirer d’une pareille milice. On s’en aperçut le jour même où on lui demandait un héroïsme inutile, la veille de la capitulation. Tout le reste formait des multitudes indisciplinables où des élémens excellens étaient noyés, qui ne firent qu’embarrasser la défense, et qui plus tard servirent merveilleusement l’insurrection, soit par un concours actif, soit par le concours presque aussi funeste de leur inertie.
Je touche un sujet plus délicat en parlant de la solde ; mais ces deux sujets se tiennent : on distribuait des fusils à tous les citoyens pour justifier la solde, on créait la solde pour avoir le droit d’armer tout le monde. Et par là on désorganisait le peu de travail qui restait encore ; on vidait les ateliers, on donnait à l’oisiveté l’apparence d’une occupation utile. Je n’ignore pas les terribles circonstances où l’on était réduit : il fallait à tout prix subvenir à l’affreuse misère qui résultait du chômage universel ; mais il ne m’est pas démontré que l’on ait pris le bon moyen pour y remédier, et peut-être a-t-on pris le plus mauvais. Qu’on multipliât les allégemens de loyer et les secours de toute sorte, que l’on répandît sur la plus vaste échelle l’excellente institution des cantines nationales, que l’on établît par tous les sacrifices possibles la vie à bon marché et même dans la plus large mesure la gratuité de la vie, rien de plus naturel et de plus juste ; mais la solde avait le double inconvénient d’être une excuse pour la paresse et de ressembler à un droit. Combien d’ouvriers honnêtes, mais faibles, ont été détournés de la reprise de leurs travaux par cette dangereuse facilité de vivre mal aux dépens de l’état, bien plus mal qu’ils n’eussent vécu de leur travail et bien moins utilement pour la patrie ! Sous prétexte de ménager la dignité du peuple souverain, on dissimula sous le nom de solde un subside patriotique et momentané. C’était bien mal comprendre cette dignité et bien peu la ménager. On créait ainsi une sorte de rémunération régulière pour l’accomplissement d’un devoir qui n’a sa signification que s’il est gratuit. On ôtait à ce service sa principale valeur, qui est d’être libéral, en l’assimilant à un service