demanda-t-il de son propre chef au pouvoir fédéral, le 25 octobre 1870, si « la confédération helvétique exigerait et au besoin ferait respecter par ses armes la neutralité stipulée par elle et pour elle. » Quelques jours après, le comité républicain de Bonneville (Haute-Savoie) députa deux de ses membres à Berne pour demander l’occupation de leur pays. La Suisse eût donc pu se dire appelée par le vœu des populations à franchir ses frontières du sud-ouest. Elle n’en resta pas moins chez elle, ne voulant pas même être soupçonnée d’exploiter nos désastres. Elle répondit à ceux qui l’appelaient qu’il y avait un gouvernement à Tours. Or ni ce gouvernement, ni celui de Paris, ne tenant à l’occupation, la question resta pendante. La Suisse aurait eu grand intérêt cependant à la résoudre, non qu’elle songeât aucunement à reculer ses frontières ; jamais cette idée n’entra dans les plans du pouvoir fédéral. Dans l’opinion nettement formulée de cette autorité, l’annexion de la Savoie du nord serait fâcheuse, et l’occupation de ce pays serait le pire moyen d’y arriver. C’était donc sans la moindre idée d’annexion que l’occupation militaire était débattue à Berne ; la Suisse eût pu l’effectuer dans un intérêt européen, pour protéger la neutralité d’un pays qui, d’après les traités, faisait partie de la neutralité helvétique, — ou encore dans un intérêt national, pour prendre possession d’un droit qu’elle aurait peut-être à revendiquer plus tard, — ou enfin dans un intérêt purement humain, pour sauver la Savoie d’une invasion. C’était là le but à atteindre, bien plutôt qu’un accroissement de territoire qui aurait renforcé sans profit la minorité française et la minorité catholique de la population. Le pouvoir fédéral renonça donc à cette idée, craignant de révolter la Suisse et d’affliger la France par une mesure qui, mal comprise, était appelée déjà « le coup de pied de l’âne. » C’est ainsi que la petite république resta neutre : noblement neutre, sans courber le front devant les vainqueurs, et sans vouloir user même de son droit pour ne pas froisser les vaincus.
II. — LA CHARITÉ SUISSE.
Cependant notre voisin des Alpes ne devait pas se contenter du simple rôle de spectateur. S’il n’avait eu d’autre souci que de se tenir bien prudemment à l’écart, sans offenser personne, et de défendre sa maison, peut-être eût-on bien fait de l’appeler égoïste ; mais il fut dans cette guerre le plus actif, le plus dévoué des états neutres ; il intervint du premier jour et jusqu’à la fin dans l’intérêt de l’humanité. Il s’imposa d’abord pour mission de faire respecter la convention de Genève. Nous n’avons plus à faire l’histoire d’une convention qui sera l’honneur de ce siècle ; un autre l’a faite ici