se cacha derrière les rideaux de son lit. Elle voulait le surprendre, voir sur lui le premier effet de son apparition, l’accabler de son mépris avant qu’il eût préparé une fable pour la tromper encore, et se tuer devant lui en le maudissant.
Mourzakine, en gagnant son appartement, avait déjà demandé à Mozdar si Francia était rentrée, et, sur sa réponse négative, il s’était dit : — Voilà ! je m’en doutais ! mon oncle me l’a enlevée. Du moment où il a deviné que j’aimais mieux celle-ci que l’autre, il m’a laissé l’autre, et s’est vengé en me prenant mon vrai bien !
Il rentra chez lui en proie à un accès de rage et de chagrin qui ne dura pourtant pas très longtemps, car il était dans cette situation de l’esprit et du corps où le besoin de repos est plus impérieux que les secousses de la passion. Pourtant il voulut avant de se coucher connaître les circonstances de l’enlèvement, et, en homme qui paie cher toutes choses, il ne se gêna pas pour faire éveiller et appeler Valentin.
Francia observait tous ses mouvemens, elle attendait qu’il fût seul. Elle voulait se montrer, quand Valentin entra. Mourzakine allait parler en français ; allait-il parler d’elle ? Elle écouta, et ne perdit rien, — Il paraît, mon cher, dit le prince à l’homme d’intrigues, que vous m’avez laissé voler ma petite amie ! Je ne vous aurais pas cru si facile à tromper. Comment se fait-il que vous soyez rentré sur les minuit sans la ramener ?
Valentin montra une très grande surprise, et il était sincère. Il raconta comment le comte lui avait donné congé de la part du prince. Il était impossible de soupçonner un projet d’enlèvement.
— N’importe ! vous avez manqué de pénétration. Un homme comme vous doit tout pressentir, tout deviner, et vous avez été joué comme un écolier.
— J’en suis au désespoir, excellence ; mais je peux réparer ma faute. Que dois-je faire ? me voilà prêt.
— Vous devez retrouver la petite.
— Où, excellence ? À l’hôtel de Talleyrand ? Certes ce n’est pas là que le comte l’aura menée.
— Non ; mais je ne sais rien de Paris, et vous devez savoir où en pareil cas on conduit une capture de ce genre.
— Dans le premier hôtel garni venu. Votre oncle est un grand seigneur, il aura été dans un des trois premiers hôtels de la ville : je vais aller dans tous, et je saurai adroitement si les personnes en question s’y trouvent. Votre excellence peut se reposer ; à son réveil, elle aura la réponse.
— Il faudrait faire mieux, il faudrait me ramener la petite. Mon oncle n’attendra pas le jour pour retourner à son poste auprès de