n’est pas encore fixé sur les raisons qui amenèrent la distinction des patriciens et des plébéiens. Suivant une opinion très répandue, les patriciens auraient, dans le principe, composé à eux seuls l’état romain, et l’église qui lui servait de base. Les plébéiens n’auraient été que des annexés, privés au début de tout droit politique. Laissés de la sorte en dehors de l’état et de l’église, ils restaient étrangers aux traditions morales, politiques et religieuses. La nécessité de grossir les armées obligea de les introduire petit à petit dans l’état, de leur donner une part à la souveraineté. Malheureusement on lésina, quand il eût fallu se montrer large. On accorda le droit de suffrage ; mais on refusa l’accès de la magistrature et du sacerdoce. On avait un excellent prétexte : les magistrats et les prêtres étaient les intermédiaires entre la divinité et le peuple. Confier ces fonctions à des gens qui ignoraient ce qui était dû aux dieux, c’était s’exposer à irriter les immortels et compromettre gravement le salut de la république.
Tout en admettant que l’ordre populaire renfermait de nombreux élémens étrangers, nous croyons plutôt que la plèbe représente la nation primitive, du sein de laquelle les patriciens se seraient lentement séparés. Les derniers étaient les élus auxquels on confiait les charges et les places dans le sénat. Par la force des choses, les honneurs se continuaient toujours dans les mêmes familles, dont les membres n’ont pas eu de peine à se réserver le monopole des traditions religieuses et politiques, et se sont efforcés d’assurer leur domination par l’exclusion toujours plus complète du reste du peuple. Ainsi les deux ordres, au lieu d’être deux élémens de provenances différentes qui seraient venus se souder pour se confondre lentement, seraient au contraire le résultat d’une scission qui aurait eu lieu au sein d’une masse d’abord compacte. Quelque opinion qu’on adopte, un fait est constant : dès les premiers temps de la république, la distinction existait ; dès lors il n’y avait plus de théocratie, ni de sacerdoce universel que pour les patriciens. Le reste du peuple n’était plus en relation directe avec la divinité ; entre elle et lui s’était interposée une classe de médiateurs humains, sous la dépendance desquels il se trouvait ; pour lui, le gouvernement était hiérarchique.
Dans cette position, il n’y avait que trois issues possibles. Il fallait faire entrer franchement les plébéiens dans l’église en leur communiquant les connaissances nécessaires : on aurait pu alors les faire entrer dans l’état ; ou bien il fallait les exclure à la fois de l’église et de l’état ; ou enfin il fallait renoncer à fonder l’état sur l’église. De ces trois voies, la première était assurément la meilleure. Les patriciens auraient associé les plébéiens à la grande entreprise de la conquête et de l’éducation du monde, ils auraient