rendu compte de l’état de choses que l’on allait créer ? On pourrait en douter. De toutes nos lois municipales, si nombreuses et si diverses, la dernière est peut-être celle qui donnera lieu au plus grand nombre d’abus et de récriminations. C’est une préoccupation politique, non une pensée administrative, qui a guidé nos législateurs ; ils ont craint l’organisation dans nos provinces de communes analogues à celles de Paris, et l’apparition de fonctionnaires municipaux parlant au nom d’agglomérations considérables. Ont-ils réussi à prévenir ce danger ? Non certes, au contraire. Les chefs lieux de département et d’arrondissement au-dessus de 20,000 âmes sont en général des villes anciennes de petite bourgeoisie et de moyen commerce ; les opinions politiques y sont d’ordinaire modérées, et l’autorité centrale y est fortement représentée. Ce sont ces villes que l’on prive du droit d’élire leur maire, tandis qu’on le concède à toutes les villes au-dessous de 20,000 âmes, c’est-à-dire à des agglomérations pour la plupart récentes, manufacturières, presque uniquement composées d’ouvriers de fabriques ou de mines, privées de l’élément conservateur de la bourgeoisie, comme le Creusot, Rive-de-Gier, Firminy, Fourchambault, Elbeuf, Turcoing, Bolbec, Danietal, Vierzon, Laigle, Fiers, Granville, Tarare, Cette, et tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer. Assurément parmi ces villes il en est de paisibles ; mais combien sont les forteresses du communisme, les repaires de l’Internationale, les théâtres habituels de toutes les grèves sanglantes, les lieux du monde où l’antagonisme social est le plus violent ! L’on compte en France une centaine de pareilles villes dont la population s’échelonne de 10,000 à 20,000 âmes. Voilà les agglomérations auxquelles la loi de 1871 donne non pas le droit commun, mais le monopole de l’élection de leurs maires. Cependant ces magistrats municipaux ont dans ces localités de plus vastes attributions, une plus grande autorité que dans les chefs-lieux d’arrondissement, où résident un sous-préfet et un procureur national. Il y a là une étrange anomalie. Le maire sortira de l’élection dans les villes ouvrières d’Elbeuf et du Creusot ; il sera nommé par le pouvoir central dans les petites cités bourgeoises d’Yvetot et d’Autun. Dans les nombreuses et populeuses agglomérations minières du bassin de la Loire, les conseils municipaux choisiront leur chef ; seule, la ville centrale de Saint-Étienne fera exception ! On a donc créé ce privilège pour les turbulentes agglomérations ouvrières, à peine constituées et fixées au sol, ainsi qu’aux populations disséminées des campagnes. Dans les hameaux et dans les villages, dont beaucoup ont tout au plus 50 électeurs, quelquefois moins, n’est-il pas à craindre que l’esprit de coterie prenne un développement abusif ? Si les maires ruraux conservent dans leur plénitude le pouvoir réglementaire dont ils
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