de la Silésie, avaient pu trouver place. Toute cette administration civile portait la casquette à bandes de couleur, se sanglait dans les uniformes à boutons de cuivre uni, faisait sonner l’éperon, traînait le sabre.
Au-dessous du gouverneur-général et du commissaire civil, viennent les préfets. L’arrondissement de Briey, détaché de la Moselle, n’avait à sa tête qu’un simple sous-préfet, M. von Stockhausen, de Lünebourg, regierungs-assessor brunswickois. On confia la préfecture des Vosges à M. Bitter de Posen, ober-regierungs-rath, — celle de la Meuse à M. Hergenbahn, de Wiesbaden, puis à M. Bethman-Hollweg, de Posen, — celle de la Meurthe à M. le comte Renard, de Gros-Strelitz, en Silésie. Chacun de ces préfets avait à côté de lui, à titre d’attachés ou de conseillers de préfecture, deux ou trois fonctionnaires chargés de l’assister dans l’administration et de le suppléer en cas d’absence : M. Speyer, conseiller de police à Francfort, administra pendant près de deux mois le département de la Meurthe « pour le préfet absent. »
Le comte Renard, malgré son nom d’apparence française, n’était point de race émigrée. Son grand-père ou son bisaïeul n’était ni comte, ni Renard, et s’appelait Fuchs. Il eût paru grand, s’il n’eût été si gros : un paletot militaire, aux vastes proportions, avait peine à embrasser un torse et un abdomen également respectables ; ses gros doigts avaient peine à retenir l’éternel grand sabre, qu’il faut porter, si l’on ne veut pas l’entendre battre le pavé ; ses grosses jambes fourrées dans d’énormes bottes à éperon s’appuyaient lourdement et fortement, comme celles d’un éléphant, sur le sol lorrain. Un visage qui paraissait naturellement jovial et bienveillant, susceptible à l’occasion d’une expression sévère et même féroce, légèrement congestionné, débordait de son triple menton et de son épaisse barbe rousse sur le raide col militaire. Ce gros homme cultivait l’ironie berlinoise et le sarcasme à la Bismarck. Il faisait l’aumône aux pauvres, et donnait l’ordre de brûler les villages. Il se livrait parfois à des exploits d’alguazil, entrant à l’improviste dans un café avec des gens de police et des gendarmes, et procédant en personne à l’arrestation des consommateurs. Spontanément ou « par ordre supérieur, » son administration fut selon le cœur de Bismarck, insolemment bienveillante ou impitoyablement cruelle.
Les maires des communes restèrent partout chargés de l’administration municipale, sous la surveillance du préfet, avec le concours de leur conseil. Leurs attributions furent même augmentées par la suppression des percepteurs. Ils furent chargés de répartir l’impôt et de le percevoir ; ils étaient responsables du montant des