ressort de sa politique. Il voyait l’opposition républicaine s’étendre dans certaines contrées, tandis que, sur d’autres points, l’alliance des rancunes révolutionnaires ne lui prêtait pas assez de force pour arrêter les progrès d’une opposition légitimiste et cléricale. On pouvait donc prévoir qu’une révolution nouvelle ramènerait en province les mêmes luttes et les mêmes périls qu’en 1848. On a vu en effet plusieurs des départemens où les candidatures impérialistes gardaient encore leur prestige en 1869 revenir avec ensemble, un an plus tard, les uns à la démagogie, les autres au droit divin. Si le parti radical n’a pas reconquis tout le terrain qu’il possédait il y a vingt ans, il serait téméraire d’en faire entièrement honneur au bon esprit des populations. La question s’est moins posée pour elles entre telle ou telle forme de gouvernement qu’entre la guerre et la paix. Or le parti radical, depuis le 4 septembre, a été partout le parti de la guerre. Ç’a été sa force là où les ardeurs belliqueuses ont pu jusqu’au bout se nourrir d’illusions ; ç’a été sa perte dans toutes les régions où il n’a pu dissimuler ni l’étendue des désastres, ni l’impuissance des moyens sur lesquels il comptait pour les réparer. L’épreuve n’est donc pas faite ; mais, si l’on peut tirer quelque induction des résultats constans, ils ne permettent guère d’espérer que le suffrage universel, livré à lui-même, soit plus à l’abri des influences révolutionnaires en province qu’à Paris, dans les campagnes que dans les villes.
Si l’esprit révolutionnaire s’est ranimé plus vite et avec plus de succès dans les grandes villes et surtout à Paris, c’est que la compression n’a pu y être aussi forte et l’aveuglement aussi général. L’intimidation et la séduction ont moins de prise sur une population nombreuse que dans une petite ville ou dans un village. La dépendance y est moins personnelle, moins directe à l’égard des pouvoirs publics ; on s’y dégage plus aisément des intérêts locaux ; il s’y établit plus librement des courans d’opinion qu’aucune force ne peut arrêter, et, soit par l’effet du caractère national, soit par l’égale inhabileté des gouvernemens qui se succèdent à se concilier longtemps la faveur publique, ce sont presque toujours des courans d’opposition. De là, dès 1852, les premiers échecs des candidatures officielles, à Paris, à Lyon et à Lille. Le parti républicain eut seul l’honneur et le bénéfice de ces actes exceptionnels d’indépendance. Dans les autres partis, le prestige encore entier du nom de Napoléon et la peur du spectre rouge avaient assuré au coup d’état une adhésion ou du moins une résignation à peu près générale. Les protestations n’y avaient été que le cri isolé de quelques consciences plus hautes et plus inflexibles que les autres. Quand les esprits sortirent de leur torpeur, le parti républicain se grossit peu à peu de cette masse flottante que le besoin d’ordre peut jeter dans les bras