bons citoyens de Paris. Si l’on parcourt sans parti-pris l’histoire de nos révolutions successives, on reconnaîtra que nulle part la conscience publique, lorsqu’elle s’est sentie blessée, ne s’est traduite en protestations plus vives et en plus sérieux essais de résistance. Très souvent, il est vrai, la soumission a été générale, et parfois même elle a pris la forme d’une adhésion enthousiaste ; mais en ce point encore Paris ne fait pas exception. Plus d’une révolution a été accueillie en province avec le même enthousiasme qu’à Paris, et ce n’est pas toujours à Paris que le renversement des lois s’est fait le plus aisément accepter.
La facilité avec laquelle l’ordre légal dans notre pays peut tomber en quelques heures sous une insurrection ou un coup d’état tient à deux causes dont l’effet est général : notre centralisation et notre éloignement pour la guerre civile. Il semble étrange que quelques individus, pour s’être emparés du pouvoir par force ou par surprise, se voient aussitôt obéis par toute une nation de trente ou quarante millions d’hommes. C’est que l’initiative de la résistance ne peut légalement être prise par aucun pouvoir, si haut placé qu’il soit, si vaste que soit son ressort. On ne peut qu’opposer usurpation à usurpation, en faisant appel, sans organisation préalable, à une armée de volontaires que n’effraie pas la responsabilité d’une lutte sanglante entre concitoyens pour la défense de l’autorité légitime. Depuis la fronde, la seule tentative de ce genre qui ait eu quelque étendue et quelque durée est la guerre de la Vendée, presque au début de la période révolutionnaire, quand subsistait encore un reste d’indépendance provinciale, et bien des causes étrangères au pur sentiment de la légalité ont concouru soit à la provoquer, soit à la prolonger. Depuis lors, nous avons eu bien des insurrections, le plus souvent pour renverser, rarement pour rétablir ; mais nos institutions et nos mœurs se sont de moins en moins prêtées à une guerre générale entre les défenseurs d’un régime déchu et les fauteurs du nouveau gouvernement. Si la France a pu réagir cette année contre une révolution consommée dans Paris, c’est que son centre politique, accidentellement déplacé, s’est trouvé hors des atteintes de cette révolution : sans cet heureux effet de nos disgrâces, il n’est guère permis de douter que ce coup de force n’eût aussi pleinement réussi que toutes les usurpations précédentes, sans rencontrer plus de résistance en province qu’il ne lui en a été opposé à Paris.
Il reste toujours une tache sur une ville ou sur une contrée, quel que soit le nombre des coupables, quand les actes de désordre y sont en quelque sorte endémiques, et surtout quand ils sont souillés par l’assassinat et par le pillage. Paris garde cette tache ; mais la garde-t-il seul en France ? Notre histoire depuis 1789 est pleine