poète, historien, homme politique français (1790-1869) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, né le à Mâcon et mort le à Paris, est un poète, romancier, dramaturge, historien et homme politique français. Il est l'une des grandes figures du romantisme en France. Il participe aussi à la révolution de 1848 et proclame la Deuxième République.
Alphonse de Lamartine | |
Lamartine peint par François Gérard en 1831 (Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon). | |
Fonctions | |
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Député français | |
– (2 ans, 4 mois et 24 jours) |
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Élection | 8 juillet 1849 |
Circonscription | Loiret |
– (11 mois et 22 jours) |
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Élection | 24 avril 1848 |
Circonscription | Seine |
– (15 ans, 1 mois et 17 jours) |
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Élection | 7 janvier 1833 |
Réélection | 21 juin 1834 4 novembre 1837 2 mars 1839 9 juillet 1842 1er août 1846 |
Circonscription | Nord(1833-1837) Saône-et-Loire(1837-1848) |
Ministre des Affaires Etrangères | |
– (2 mois et 16 jours) |
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Président | Jacques Charles Dupont de l'Eure |
Gouvernement | Provisoire |
Prédécesseur | François Guizot |
Successeur | Jules Bastide |
Président du Conseil général de Saône-et-Loire[1] | |
– (3 ans) |
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Prédécesseur | Charles Dariot |
Successeur | Eugène Ier Schneider |
– (moins d’un an) |
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Prédécesseur | Charles Dariot |
Successeur | Charles Dariot |
– (4 ans) |
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Prédécesseur | Arnould Humblot-Conté |
Successeur | Charles Dariot |
– (1 an) |
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Prédécesseur | Arnould Humblot-Conté |
Successeur | Arnould Humblot-Conté |
Conseiller général de Saône-et-Loire | |
– (17 ans, 5 mois et 25 jours) |
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Circonscription | Canton de Mâcon-Nord |
Titulaire du fauteuil 7 de l'Académie française | |
– (39 ans, 3 mois et 23 jours) |
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Prédécesseur | Pierre Daru |
Successeur | Émile Ollivier |
Biographie | |
Nom de naissance | Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Mâcon (Royaume de France) |
Date de décès | (à 78 ans) |
Lieu de décès | Paris 16e (Second Empire) |
Sépulture | Saint-Point (France) |
Nationalité | Française |
Parti politique | Parti social (1834–1839) Républicains modérés (1848–1851) |
Père | Pierre de Lamartine |
Mère | Alix de Lamartine |
Conjoint | Elisa de Lamartine |
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Il passe son enfance en Bourgogne du sud, en particulier à Milly, qui nourrira son inspiration poétique, et se forme au collège à Lyon puis à Belley avant de revenir dans le Mâconnais où il mène une vie de jeune homme oisif et séducteur. Il voyage en Italie et occupe une éphémère fonction militaire auprès de Louis XVIII. En , en cure à Aix-les-Bains, la rencontre avec une jeune femme mariée, Julie Charles, marque un tournant décisif dans la vie du poète mais leur histoire d'amour passionnée vire à la tragédie lorsque Julie, restée à Paris, meurt en . Alphonse de Lamartine écrit alors les poèmes des Méditations dont le recueil est publié en 1820 et obtient un succès fulgurant. Il épouse la même année Mary Ann Elisa Birch, une jeune Anglaise, et occupe des fonctions de secrétaire d'ambassade en Italie avant de démissionner en 1830. Il publie durant cette période d'autres œuvres poétiques comme, en 1823, les Nouvelles Méditations poétiques et La Mort de Socrate, ou encore, en , les Harmonies poétiques et religieuses après avoir été élu à l’Académie française en 1829.
En 1830, il décide d'entrer en politique en se ralliant à la monarchie de Juillet mais échoue à la députation. Il effectue alors un voyage en Orient, où il visite la Grèce, le Liban et les lieux saints du christianisme, relaté dans Voyage en Orient et marqué par le drame de la mort de sa fille Julia. De 1833 à 1837, Lamartine est élu député du Nord. Il joue un rôle important au moment de la révolution de 1848, proclamant la République, et assure pendant trois mois le poste de député siégeant à la commission exécutive au gouvernement provisoire. Il se retire de la vie politique après sa lourde défaite à l’élection présidentielle de 1848, alors que Louis-Napoléon Bonaparte l’emporte.
Lourdement endetté, il vend le domaine de Milly en 1860 et écrit des œuvres alimentaires comme de nombreuses compilations historiques, son Cours familier de littérature (1856-1869), et d'autres œuvres moins décriées mais demeurant mineures telles que Le Tailleur de pierres de Saint-Point en 1851[2]. Son dernier grand poème La Vigne et la Maison est écrit en 1857.
Alphonse de Lamartine meurt en 1869, à 78 ans, et repose dans le caveau familial au cimetière communal[3], le long du mur du parc du château de Saint-Point qu'il a habité et transformé depuis 1820.
Son lyrisme associé à une expression harmonieuse fait la qualité des poèmes de Lamartine, la partie la plus marquante de son œuvre étant constituée par les poèmes pleins de sensibilité inspirés par son amante Julie Charles, empreints des thèmes romantiques de la nature, de la mort, et de l'amour (par exemple dans Le Lac, L'Isolement, L'Automne, etc.)[4]. Admiré et salué par toute la génération romantique (Victor Hugo, Nodier, Sainte-Beuve), Lamartine est parfois jugé plus sévèrement par les générations suivantes : Flaubert parle de « lyrisme poitrinaire »[5] et Rimbaud écrit dans sa Lettre du voyant à Paul Demeny que « Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille ». Il reste cependant largement admiré pour la puissance de son génie poétique et compte parmi les plus grands poètes français du XIXe siècle.
Alphonse de Lamartine naît à Mâcon le , dans une maison du plateau de la Baille faisant face au couvent des Ursulines[6]. Son père Pierre de Prat de Lamartine (-Mâcon 1840) est seigneur, chevalier de Prat et capitaine au régiment Dauphin-cavalerie, et sa mère Alix des Roys, « fille de l'intendant général de M. le duc d'Orléans[7] ». Les dix premières années de sa vie, passées à la campagne à Milly, sont influencées par la nature, ses sœurs, sa mère, et surtout par l'abbé Dumont[8], curé de Bussières, qui lui insuffle une grande ferveur religieuse, renforcée par les années qu'il passe au collège de Belley, pendant lesquelles il lit Chateaubriand, Virgile et Horace.
De retour à Milly, il commence à écrire de la poésie sous l'inspiration des poèmes d'Ossian traduits en français par Pierre Baour-Lormian. Puis, après une aventure sentimentale qui inquiète ses parents, il entame un voyage en Italie (1811-1812) pendant lequel il rencontre une jeune Napolitaine, qui sera le modèle de sa Graziella. Il s'essaye ensuite à la tragédie (avec Médée) et écrit ses premières élégies.
Lamartine est nommé maire de Milly en mai 1812[9] par son père, de concert avec le préfet de Saône-et-Loire Louis-Julien de Roujoux, alors que Lamartine n'a que 21 ans[10], la majorité civile de l'époque étant fixée à cet âge[11].
En 1814, il devient quelque temps garde du corps de Louis XVIII une fois ce dernier intronisé[12],[13],[14]. Il est affecté à la 3e compagnie qui a son quartier à Beauvais[15]. Au moment des Cent-Jours, il se réfugie en Suisse et il fait un séjour à Bissy, en Savoie , dans la famille de Xavier de Maistre. Il démissionne finalement en 1815[12],[16]. Il revient ensuite à Milly, et mène une vie de gentleman campagnard. Seul garçon de sa famille, il doit recevoir en héritage les domaines de ses parents, mais, sans y être obligé, il s'engage à indemniser ses sœurs par des rentes.
En 1816, victime de langueurs, il part à Aix-les-Bains en Savoie. Le poète y rencontre Julie Charles, née Bouchaud des Hérettes, une femme mariée, épouse du physicien et aéronaute Jacques Charles, de six ans son aînée, atteinte de « phtisie », comme on appelait à l'époque la tuberculose galopante[17]. Les deux jeunes gens entament une idylle qui durera jusqu'à la mort de Julie en [12], à l'âge de 33 ans. Le poète est profondément marqué par cette perte tragique, qui lui inspire son premier recueil de poèmes, les Méditations poétiques (1820), qui le rendent célèbre[12].
Ce dernier obtient un immense retentissement et le propulse socialement. Il peut alors épouser Mary-Ann Birch, artiste peintre anglaise et fille du major William Henry Birch. Dès lors, il est nommé attaché d'ambassade à Naples. Le couple[note 1] voyage en Italie, en Angleterre, à Paris. En même temps, le poète publie les Nouvelles Méditations poétiques, La Mort de Socrate et Le Dernier Chant du pèlerinage d'Harold.
Le 14 mai 1822[9], naît Julia, sa fille, puis, le 15 février 1824 à Rome, un fils, Alphonse de Lamartine, qui ne vit que vingt mois[9]. Au même moment, il perd ses sœurs : Césarine, épouse du comte Xavier de Vignet, meurt au mois de février, puis son autre sœur Suzanne de Montherot[note 2] en août.
Sa carrière est en demi-teinte. En 1824, il échoue pour sa première candidature à l'Académie française à laquelle il est finalement élu en 1829[18]. En 1825, il est nommé secrétaire d'ambassade à Florence, mais il se voit refuser le poste de ministre de France[20]. Par la suite, il demande un congé, revient en province, et publie Les Harmonies poétiques et religieuses.
Élu à l'académie, Lamartine se rallie sans passion à la monarchie de Juillet mais, à 40 ans, est candidat malheureux à la députation (il échoue dans trois départements, à Bergues[21], où se trouve son beau frère, à Toulon et à Mâcon). Il écrit Sur la politique rationnelle, commence Jocelyn et fait un voyage en Orient dès 1832 : il visite la Grèce, le Liban, va jusqu'au Saint-Sépulcre pour raffermir ses convictions religieuses, mais ce voyage est fortement marqué par la mort à Beyrouth de sa fille Julia atteinte de la tuberculose[22], qui lui inspire le poème Gethsémani ou la Mort de Julia, texte qu'il intégrera par la suite dans son récit du Voyage en Orient. Selon Pierre Bezbakh, « ce voyage modifie la nature de son christianisme »[12].
Pendant ce voyage, le 7 janvier 1833, il est, en son absence, élu député de Bergues, dans le Nord[12], où son beau-frère est établi, comme légitimiste[9]. Il ne paraît à la Chambre qu'un an après son élection. Charles de Rémusat assiste à sa première intervention : « Ce ne fut qu'une suite de phrases vagues et harmonieuses en termes dignes et coulants, mais cela même était quelque chose, et je me suis toujours su gré d'avoir sur ce premier essai reconnu que l'auteur des Méditations tiendrait sa place à la tribune »[23]. Il est réélu l'année suivante lors des élections législatives à Bergues et à Mâcon ; il opte pour Bergues[9]. Il intervient auprès du ministre de l'Intérieur pour faire donner à la ville d'Hondschoote le tableau La Bataille de Hondschoote, peint par Hippolyte Bellangé, en 1839[24].
En 1834, ses écrits se teintent de préoccupations humanistes[12] et il apporte son soutien à la création, par Benjamin Morel, de la Société Humaine de Dunkerque. Il devient membre honoraire de cette société dont le but est de porter secours aux bateaux en perdition et aux personnes profitant des bains de mer[25].
En , il fait partie des fondateurs de la Société française pour l'abolition de l'esclavage[26]. C'est à cette époque qu'il quitte le château de Saint-Point pour s'installer dans le château voisin de Monceau, à Prissé[27].
Lors des élections législatives françaises de 1837, Lamartine est élu dans les deux circonscriptions de Mâcon et réélu à Bergues ; il opte cette fois pour Mâcon[9]. « Pris d'abord par la Chambre comme légitimiste et comme poète, à ces deux titres, il était sans crédit », poursuit Rémusat, « mais il ne devait avec le temps lui rester du légitimiste qu'un fond d'aversion tenace pour la révolution de Juillet et la dynastie qu'elle avait couronnée. Du poète, il garda toujours un certain goût pour le vague et le grandiose, qui lui fit bientôt préférer au libéralisme constitutionnel le lyrisme démocratique ».
Éloigné de Thiers et de Guizot, il soutient le ministère Molé dont il se fait l'orateur privilégié.
En 1838, avec Honoré de Balzac et Paul Gavarni, il va à Bourg-en-Bresse pour témoigner en faveur d'un ancien actionnaire du journal Le Voleur, Sébastien-Benoît Peytel, accusé d'assassinat. Sa démarche est infructueuse puisque l'accusé est guillotiné à Bourg-en-Bresse le [29]. Grand adversaire de la peine de mort, il avait déjà signé un poème sur ce sujet huit ans auparavant (paru en 1830 dans le recueil Odes politiques)[30],[31], alors député de Saône-et-Loire, et prononce un discours à la Chambre des députés le 17 mars 1838, pour demander son abolition[32], à la suite de la discussion du projet de loi sur les détenteurs d’armes et de munitions de guerre[33].
À la suite de ses voyages en Orient, il devient avec Victor Hugo un des plus importants défenseurs de la cause du peuple serbe, dans sa lutte contre l'Empire ottoman[34]. En , lors de sa visite de Niš (en Serbie), Lamartine, devant la tour des crânes, s'écria : « Qu'ils laissent subsister ce monument ! Il apprendra à leurs enfants ce que vaut l'indépendance d'un peuple, en leur montrant à quel prix leurs pères l'ont payée[35]. »
Durant les années 1840, il fait figure d'opposant au régime de Louis-Philippe Ier en tant que député de Mâcon sans toutefois adhérer à un parti organisé et en conservant une indépendance d'esprit politique[12].
Lors des élections législatives françaises de 1842, Lamartine est réélu à Mâcon-ville[9].
À partir de 1843, il se rend souvent au château de Cormatin, propriété d'un de ses proches, Henri de Lacretelle. Au cours de ces années où il connait de graves soucis d'argent, Lamartine envisage d'abandonner la politique et commence à rédiger l'Histoire des Girondins. Son Voyage en Orient, son Histoire des Girondins, qui lui redonne une certaine popularité, ainsi que ses discours à la Chambre manifestent une certaine inflexion dans sa pensée politique. Il se déplace lentement vers la gauche au fil des années. En 1847, il réunit à Cormatin tous ses soutiens politiques et y rédige son programme « républicain et socialiste »[36]. Ce banquet réunit 3000 personnes et son discours est marqué par son annonce d'une "révolution du mépris". Il devient un des seuls députés républicains et en lien avec les mouvements les plus à gauche de Paris. Cette position le met en situation centrale lorsqu'éclate la révolution de 1848.
En 1848, à l'occasion de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la Seconde République, Lamartine est central dans la constitution de la Commission du gouvernement provisoire dont il laisse la présidence nominale à Dupont de L'Eure, mais qu'il dirige de fait. Le 24 février, peu avant minuit, Lamartine annonce à un balcon de l’Hôtel de ville de Paris que « la république est proclamée » devant la foule[12]. Le , à l'appui d'une déclaration devenue célèbre, il s'oppose ainsi à l'adoption du drapeau rouge au profit du drapeau tricolore[37].
« Citoyens, vous pouvez faire violence au gouvernement, vous pouvez lui commander de changer le drapeau de la nation et le nom de la France. [...] Je repousserai jusqu'à la mort ce drapeau de sang, et vous devez le répudier plus que moi, car le drapeau rouge que vous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 91 et en 93, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ! »
Il est ainsi ministre des Affaires étrangères de à et le véritable chef du gouvernement[12].
Dans le gouvernement, il a dû intégrer les partisans d'une réforme politique et sociale (Louis Blanc, Albert, etc.) Mais lui-même est plus proche des libéraux, et de concert avec François Arago et Alexandre Ledru-Rollin, il mène une politique modérée[12]. C'est lui qui signe le décret d'abolition de l'esclavage du défendue par Victor Schoelcher.
Après le résultat des élections, le , le gouvernement provisoire est remplacé par une commission exécutive, dont ont été exclus les plus à gauche (Louis Blanc, etc.). Lamartine siège alors avec François Arago (également président de la Commission), Louis-Antoine Garnier-Pagès, Alexandre Ledru-Rollin et Pierre Marie de Saint-Georges. Il continue de vouloir une politique sociale (annonçant même un projet d'impôt sur le revenu) ce qui lui vaut désormais l'hostilité politique de l'assemblée.
Après la fermeture des ateliers nationaux, imposée par la nouvelle assemblée à Lamartine et décidée par la Commission exécutive, les Journées de Juin sont réprimées dans le sang par le général Cavaignac qu'il avait nommé. Lamartine paraît à cheval devant les barricades, mais, coupé de la droite, il est à présent aussi définitivement coupé du peuple et la Commission démissionne. Le , Cavaignac devient président du Conseil des ministres par intérim.
Isolé politiquement, au second semestre 1848, il occupe la chaire de droit international d'histoire des traités de l'éphémère École d'administration[38]. En décembre, Lamartine n'obtient que 0,26 % lors de l'élection présidentielle qui porte au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte. En -, lors des débats parlementaires sur la loi de déportation politique, Lamartine s'oppose au choix des îles Marquises, bien qu'il ne fût pas opposé au principe même de la déportation[39].
La fin de la vie de Lamartine est marquée par des problèmes d'argent, dus à sa générosité et à son goût pour les vastes domaines. Il revient un temps aux souvenirs de jeunesse avec Graziella, Raphaël, mais doit très vite faire de l'alimentaire. La qualité de ses œuvres s'en ressent rapidement, et désormais les productions à la mesure du poète, telles que La Vigne et la Maison (1857), seront rares. Moqué pour ses souscriptions à répétitions et ses œuvres de circonstance (surnommé « tire-lyre »), oublié du monde politique, il prophétise la carrière politique d'Émile Ollivier.
Lamartine, qui appréciait beaucoup le poète félibrige Frédéric Mistral, chante ses louanges dans le quarantième entretien de son Cours familier de littérature, à la suite de la parution du long poème Mirèio . Mistral dédie son livre à son confrère en ces termes :
« À Lamartine
Je te consacre Mireille : c'est mon cœur et mon âme ;
C'est la fleur de mes années ;
C'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles
T'offre un paysan »[40],[41],[42].
À la fin des années 1860, quasiment ruiné, il vend sa propriété à Milly et accepte l'aide d'un régime qu'il réprouve mais qui le loge gracieusement à Paris, dans un chalet du bois de Boulogne situé au bout de l'actuelle avenue Henri-Martin (au niveau des actuels 107-113)[43]. C'est là, au 135 avenue de l'Empereur, non loin de l'actuel square Lamartine, qu'il meurt en 1869, deux ans après une attaque l'ayant réduit à la paralysie. Ses funérailles, à Mâcon, ne sont suivies d'aucun ancien responsable républicain de 1848, à l'exception d’Émile Ollivier, que l'on peut considérer comme son fils spirituel (il lui succédera d'ailleurs à l'Académie française).
Dès 1830, la pensée politique et sociale de Lamartine va devenir un aspect essentiel de son œuvre. Légitimiste en 1820, il évolue peu à peu vers la gauche, mais voit un danger dans la disparition de la propriété : cette position ambiguë, qui lui inspire la création d'un « Parti social » en 1834, est intenable[44].
En 1831, il est attaqué dans la revue Némésis : on lui reproche d'avilir sa muse en la faisant la servante de ses idées politiques. Lamartine réplique[45], et dès cette période, son œuvre est de plus en plus marquée par ses idées.
Lamartine croit au progrès et a des préoccupations sociales, pacifiques, comme en témoigne Jocelyn et La Chute d'un ange[réf. nécessaire].
Les ouvrages Jocelyn, La Chute d'un ange, le Voyage en Orient révèlent la pensée religieuse de Lamartine. Son déisme est assez vague, mais le poète veut expurger la religion de la croyance aux miracles, de celle de l'enfer, etc. Cependant, certaines de ses œuvres seront mises à l'index. Sa foi en la Providence est contingente des vicissitudes de sa vie, mais le désir de servir Dieu est à chaque fois plus fort. La présence de figures romanesques et religieuses, telles l'abbé Dumont, traversant son œuvre, participe de cette vision évangélique.
Non violent, il prêche également pour le végétarisme. Élevé par sa mère dans le respect de la vie animale, il répugnera toute sa vie à manger de la viande. Il l’écrira même en vers dans La Chute d’un Ange (1838)[46] et plus explicitement dans Les Confidences (1849)[47] et ses arguments seront repris par les défenseurs du végétarisme au XXe siècle.
Maître du lyrisme romantique et chantre de l'amour, de la nature et de la mort, Alphonse de Lamartine marque une étape importante dans l'histoire de la poésie française avec sa musique propre. En effet, « La révolution française de la poésie peut être datée des Méditations poétiques de Lamartine : cette mince plaquette […] eut un effet à la fois détonant et fondateur dans la redéfinition lente de la poésie à laquelle procède le XIXe siècle »[48]. Lamartine, admiré par Hugo, Nodier ou Sainte-Beuve, disait de la poésie qu'elle était « de la raison chantée »[49] et retrouva les accords d'un langage enthousiaste, c'est-à-dire d'une possible communion avec Dieu. La poésie est chant de l'âme. Si ses élégies restent dans la lignée de celles de Chénier, Bertin ou Parny, ses méditations et ses poèmes métaphysiques (notamment « La Mort de Socrate » et « Le Désert ») sont le résultat d'une expérience nouvelle, qui ont pu faire dire à Rimbaud que « Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille » (Lettre du voyant).
L'immense œuvre — 127 volumes — propose parfois des textes moins reconnus (poèmes de circonstances par exemple ou de nombreux textes du Cours familier de littérature)[50], mais on y reconnait le plus souvent l'expression d'un artiste, pour qui la poésie est « l'incarnation de ce que l'homme a de plus intime dans le cœur et de plus divin dans la pensée »[51]. Il restera comme le grand restaurateur de l'inspiration lyrique. La beauté de cette poésie suppose donc la profonde sympathie de son intime lecteur : « La phrase fait secrètement entendre ce qu'elle fait discrètement voir et ressentir. Quiconque la murmure se substitue à celui qui l'inventa et se met à confondre les automnes de son âme avec ceux de la nature car ils sont signes de la déploration qu'il y a en Dieu. / Telle aura été la visitation de Lamartine »[52].
Son Voyage en Orient est avec celui de Nerval, après l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, l'un des chefs-d’œuvre du récit de voyage. Son titre complet, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833), ou Notes d'un voyageur, souligne assez bien l'ambition littéraire de Lamartine, poète d'une nature illimitée dont la vision voluptueuse ouvre un espace immense à la rêverie, à une profonde méditation. « La poésie se rêve en effet le plus souvent chez Lamartine comme une coulée douce, d'ordre presque érotique, chargée tout à la fois de délivrer le moi et d'occuper en face de lui, disons presque de séduire, l'espace d'un paysage »[53].
Dans les années 1840, l'économiste libéral Frédéric Bastiat, qui entretenait un bon rapport avec Lamartine et qui admirait l'écrivain, lui reprocha son incompréhension de l'économie et les positions paradoxales ou ambiguës qui, selon lui, en résultèrent[54].
Dans une lettre à Bastiat, Lamartine écrit : « Votre doctrine n’est que la moitié de mon programme ; vous en êtes resté à la Liberté, j’en suis à la Fraternité ». Bastiat répondit : « La seconde moitié de votre programme détruira la première », et développa ses arguments dans son pamphlet La Loi[55].
Alexis de Tocqueville se montra très critique envers l’homme politique : « Je ne sais si j'ai rencontré, dans ce monde d'ambitions égoïstes, au milieu duquel j'ai vécu, un esprit plus vide de la pensée du bien public que le sien. J'y ai vu une foule d'hommes troubler le pays pour se grandir : c'est la perversité courante ; mais il est le seul, je crois, qui m'ait semblé toujours prêt à bouleverser le monde pour se distraire. Je n'ai jamais connu non plus d'esprit moins sincère, ni qui eût un mépris plus complet pour la vérité. Quand je dis qu'il la méprisait, je me trompe ; il ne l'honorait point assez pour s'occuper d'elle d'aucune manière. En parlant ou en écrivant, il sort du vrai et y rentre sans y prendre garde »[56].
Victor Hugo, que Lamartine nomma maire du 8e arrondissement de Paris et à qui il proposa le poste de ministre de l’Instruction, le présente en revanche comme quelqu’un de « noble, tranquille, généreux, tout entier au pays, poussant le patriotisme jusqu’au dévouement, et le dévouement jusqu’à l’abnégation »[57].
Dans une lettre de 1853 à Louise Colet, Gustave Flaubert écrit : « Lamartine se crève, dit-on. Je ne le pleure pas […]. Non, je nʼai aucune sympathie pour cet écrivain sans rythme, pour cet homme dʼÉtat sans initiative. Cʼest à lui que nous devons tous les embêtements bleuâtres du lyrisme poitrinaire, et lui que nous devons remercier de l'Empire : homme qui va aux médiocres et qui les aime. […] Il ne restera pas de Lamartine de quoi faire un demi-volume de pièces détachées. Cʼest un esprit eunuque, la couille lui manque, il nʼa jamais pissé que de lʼeau claire[58]. » L'année précédente, en 1852, il commentait ainsi le Graziella de Lamartine : « Cʼest un ouvrage médiocre, quoique la meilleure chose que Lamartine ait faite en prose. Il y a de jolis détails… Deux ou trois belles comparaisons de la nature […] : voilà à peu près tout. Et dʼabord, pour parler clair, la baise-t-il, ou ne la baise-t-il pas ? Ce ne sont pas des êtres humains, mais des mannequins. Que cʼest beau ces histoires dʼamour, où la chose principale est tellement entourée de mystère que lʼon ne sait à quoi sʼen tenir ! lʼunion sexuelle étant reléguée systématiquement dans lʼombre, comme boire, manger, pisser, etc. ! Ce parti pris mʼagace. Voilà un gaillard qui vit continuellement avec une femme qui lʼaime, et quʼil aime, et jamais un désir ! Pas un nuage impur ne vient obscurcir ce lac bleuâtre ! Ô hypocrite ! Sʼil avait raconté lʼhistoire vraie, que cʼeût été plus beau ! Mais la vérité demande des mâles plus velus que M. de Lamartine. Il est plus facile en effet de dessiner un ange quʼune femme. […] Mais non, il faut faire du convenu, du faux. Il faut que les dames vous lisent. Ah mensonge ! mensonge ! que tu es bête ! »[59].
La plupart des villes de France ont un odonyme en l'honneur de Lamartine. On citera simplement :
Divers villes et pays - certains visités par Lamartine -, ont honoré son passage:
N.B. Ces œuvres, ainsi que les poèmes dramatiques (théâtre) et les romans en vers (Jocelyn et La Chute d'un ange) sont réunies dans les Œuvres poétiques de la Bibliothèque de la Pléiade aux éditions Gallimard (texte établi, annoté et présenté par Marius-François Guyard).
Le Civilisateur, Histoire de l'humanité par les grands hommes, trois tomes (1852 : « Jeanne d'Arc », « Homère », « Bernard de Palissy », « Christophe Colomb », « Cicéron », « Gutemberg » ; 1853 : « Héloïse », « Fénelon », « Socrate », « Nelson », « Rustem », « Jacquard », « Cromwell » (Première et deuxième parties) ; 1854 : « Cromwell » (Troisième partie), « Guillaume Tell », « Bossuet », « Milton », « Antar », « Mad. de Sévigné »)
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