Mondelez monte en puissance sur le cacao durable au Ghana

Les produits Milka porteront bientôt le logo du programme Cocoa Life de l’américain Mondelez, premier acheteur de fèves de cacao au monde. Reportage au Ghana où a démarré, en 2012, ce plan d’approvisionnement en cacao durable.

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Mondelez monte en puissance sur le cacao durable au Ghana
Bonkuku et ses 600 planteurs de cacao est l’une des 450 communautés affiliées au programme Cocoa Life de Mondelez. À droite, l’évidage des cabosses, préalable au séchage des fèves (ci-dessus).

Chiffres

  • 19 % : le poids du Ghana dans la production mondiale de cacao, derrière la Côte d’Ivoire à 43 %
  • 30 000 à 35 000 tonnes : le poids du cacao acheté par Mondelez chaque année
  • 378 000 tonnes : le poids du marché du chocolat en France en 2017, pour 3,28 Mrds € de CA
  • La France exporte 63 % de sa production
  • 70 % : le pourcentage de chocolat vendu en GMS
  • 7,3 kg : la consommation de chocolat en France par an et par habitant

Source : Syndicat du chocolat

Qu’est-ce que Cocoa Life ?

  • Le programme d’approvisionnement durable en cacao de l’américain Mondelez au niveau mondial entre 2012 et 2022
  • 400 M $ d’investissements sur dix ans
  • 120 500 planteurs de cacao et 1 085 communautés dans six pays (Côte d’Ivoire, Ghana, Indonésie, République dominicaine, Brésil, Inde)
  • 35 % de cacao de sources durables avec un objectif de 100 % à terme

Aujourd’hui, c’est jour de fête à Bonkuku ! Le village est situé dans le West Akim District, au sud du Ghana, deuxième producteur mondial de cacao derrière son voisin, la Côte d’Ivoire. Forte de 600 planteurs, la communauté accueille des représentants français de Mondelez, premier acheteur de fèves de cacao au monde. Ils sont venus voir sur le terrain la réalité du programme de développement Cocoa Life, mis en place en 2012. À cette date, la filière du cacao est à bout de souffle, affectée par la concurrence des palmiers à huile, le vieillissement des cacaoyers et l’appauvrissement des fermiers. La relève n’est plus assurée par la jeune génération, attirée par les promesses de la ville. Samuel, 24 ans, l’un des jeunes fermiers du village, était décidé à quitter la communauté. « J’ai changé d’avis grâce au programme », lance-t-il.

Car pour les fermiers de Bonkuku, Cocoa Life n’est pas juste un simple logo apposé au dos d’une plaquette de chocolat Côte d’Or qu’ils ne dégusteront sans doute jamais, mais le moyen de lutter durablement contre la précarité.

À Bonkuku, les conditions de vie des fermiers restent rudimentaires. L’accès au village se fait par une mauvaise route en terre, difficilement praticable pendant la saison des pluies. Au cœur du village, composé de quelques maisonnettes en terre, les précieuses fèves sèchent au soleil sur de grandes planches en bois. La saison de récolte a commencé depuis octobre. Sur les cacaoyers, les cabosses jaunes, signe de maturité, sont cueillies à l’aide d’une machette, en prenant garde de ne pas amputer les futures pousses. Elles seront ensuite ouvertes, évidées de leurs fèves et de la pulpe pour fermenter pendant six jours au sol entre des feuilles de bananier, avant l’étape du séchage. La collecte est effectuée par les agents des sociétés étrangères à qui l’État donne des licences pour acheter le cacao. Au Ghana, le prix bord champ est fixe depuis 2016, à 7 600 cédis (1 370 €) la tonne de cacao. Le Cocobod, organe ghanéen de régulation du cacao, compense ensuite le différentiel par rapport aux cours mondiaux grâce à son fonds de stabilisation.

Rapide développement

L’accueil des visiteurs se fait dans le seul grand bâtiment en dur du village, où les planteurs se sont regroupés pour l’occasion. En préambule, les représentants locaux de Mondelez interpellent les fermiers : « Ghana ?

- Coco ! rebondit l’assistance d’une seule voix.

- Coco ?

- Business !

- Coopérative ?

- Unity !

- Mondelez ?

- Making snacks right ! »

L’échange vise à inculquer sous forme d’un joyeux mantra la vocation première de Cocoa Life : le busi­ness. Démarré au Ghana, le programme est mondial. Fin 2012, il regroupait 120 000 producteurs de six pays : Côte d’Ivoire, Ghana, Brésil, Inde, République dominicaine et Indonésie. À l’horizon 2020, il en comptera 200 000. « Nous avons besoin d’aller vite pour déployer ce programme, souligne Mathias Dosne, le directeur général de Mondelez France. Le cacao est le premier ingrédient que nous utilisons dans nos produits. Au Ghana comme en Côte d’Ivoire, nous sommes le premier acheteur de cacao. La protection et le développement de la filière sont donc primordiaux. Le cacao est une plantation très sensible qui nécessite un climat et un sol spécifiques. Avoir du cacao de bonne qualité à un prix correct est un vrai enjeu de compétition. »

Chaque année, le groupe injecte 40 millions de dollars (35 millions d’euros) dans ce programme décennal qui repose sur cinq piliers : l’accroissement du revenu des fermiers, l’augmentation de la productivité des fermes grâce à la mise en place de bonnes pratiques agricoles, l’amélioration des conditions de vie, notamment des femmes, la lutte contre le travail des enfants et la protection de l’environnement.

La troisième richesse du pays

Adamu Kasum a 36 ans. Il a commencé la culture du cacao sans rien y connaître et puis « Cocoa Life est venu, explique-t-il. Ils m’ont appris la gestion de l’ombrage et comment tailler et fertiliser. Maintenant, je me lève avec le sentiment d’aller au bureau et de gagner un salaire pour faire vivre ma famille », expli­que-t-il avec fierté. Mieux maîtrisée, la culture du cacao a permis aux fermiers d’augmenter leurs revenus, même s’ils restent confrontés aux conséquences des changements climatiques et aux maladies, comme le « black pod » et surtout le « swollen shoot» , une maladie virale incurable qui affecte aujourd’hui environ 17 % du verger ghanéen et fragilise la filière. Le gouvernement est partie prenante dans cette lutte, notamment à travers le centre agronomique du Cocobod, qui travaille sur la viabilité des semences qu’il fournit gratuitement aux fermiers.

Il faut dire que le cacao est la troisième richesse du pays, derrière l’or et le pétrole. Depuis la grande sécheresse de 2015, Mondelez a aussi mandaté Tree Global, une société canadienne, pour travailler sur des plants hybrides plus petits et plus productifs. « Ces plants sont très demandés. Ils survivent à 95 % et vivent vingt-cinq à trente ans avant le déclin », insiste un responsable de la société. Chaque année, 550 000 plants sont produits par Tree Global, qui les redistribue ensuite gratuitement aux fermiers, encouragés à asperger eux-mêmes les pesticides achetés par les coopératives avec une partie des primes versés par Mondelez (80 dollars par tonne de cacao vendue).

Au-delà des bonnes pratiques agricoles, les fermiers sont formés à mieux gérer leur activité, notamment en comptabilité. Les planteurs ne travaillent d’ailleurs pas en exclusivité avec Mondelez et ont d’autres clients. « Nous voulons qu’ils soient autonomes », martèle Yaa Peprah, la directrice de Cocoa Life au Ghana. Le programme comporte aussi un volet social et éducatif. Car tout ce qui peut améliorer les revenus est encouragé.

Coopérative de femmes

Dans le Bia West District, 33 communautés ont mis leur prime Cocoa Life en commun pendant deux ans pour créer une usine destinée à transformer les coques de cabosses en savon. À Asamankese, la capitale du district West Akim, la coopérative de femmes Nankese Ningo s’est lancée en 2013 dans la vente de produits de boulangerie et pâtisserie. Le programme a permis l’achat d’un four. Aujourd’hui, la coopérative compte plus de 40 femmes et construit un nouveau centre de formation. « Les projets ne sont pas imposés mais planifiés avec la communauté, indique Yaa Peprah. La société évolue. Aujour­d’hui, les femmes ne sont plus des citoyennes de seconde zone. On s’assure aussi que les enfants ne sont pas obligés de travailler, ce qui est compliqué à cause du système traditionnel. »

Aujourd’hui, Cocoa Life compte 450 communautés affiliées au Ghana. À l’horizon 2022, elles seront 500. Mais pour ces petits planteurs qui n’engrangent qu’une infime partie de la manne de l’industrie cacaoyère, et dont le sort reste lié aux spéculations mondiales, le salut passera peut-être par des accords bilatéraux avec la Côte d’Ivoire, signés en mars 2018 à Abidjan, pour peser sur les cours mondiaux. Et par le développement d’une industrie de transformation plus valorisée au plan local.

Pour Mondelez, les résultats sont tangibles à l’autre bout de la chaîne. Au niveau mondial, les volumes fournis par les planteurs de Cocoa Life couvrent environ le tiers du cacao produit par le géant américain. Sans toutefois la certitude pour les acheteurs de consommer une tablette de chocolat 100 % durable, puisque la traçabilité n’est pas physique mais financière. Pour la France, « on va friser les 100 % d’approvisionnement sous Cocoa Life », se réjouit Mathias Dosne, qui achète chaque année 30 000 à 35 000 tonnes de cacao et vend 40 000 tonnes de chocolat. Après Côte d’Or en 2014, Milka est passé sous Cocoa Life au niveau mondial et Toblerone devrait y parvenir d’ici à 2020. « Des progrès que la distribution doit encourager », estime Mathias Dosne. En protégeant de la guerre des prix les produits qui bénéficient de ce type de programme.

2 questions à Mathias Dosne (Mondelez France) : "Cela donne du sens à ce que l’on fait tous les jours"

Quel est l’objectif de Cocoa Life ?

L’objectif de ce programme est d’assurer les rendements des planteurs de cacao par un accompagnement des pratiques agricoles pour garantir la pérennité de la filière, tout en protégeant l’environnement. C’est un enjeu mondial et un partenariat gagnant-gagnant qui passe aussi par l’éducation des enfants et le rôle des femmes. C’est aussi un programme qui a une valeur interne d’engagement au sein de l’entreprise. Cela donne du sens à ce que l’on fait tous les jours et rend nos équipes fières.

Comment est-il perçu par vos clients ?

Les distributeurs nous mettent de plus en plus au défi sur ces problématiques de filière. Car les consommateurs sont demandeurs. Ils veulent du sens dans ce qu’ils achètent et savoir ce qui se passe le long de la chaîne. Il y a dix ans, seuls 10 % des gens regardaient le dos du paquet. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le programme Cocoa Life est expliqué sur les plaques Côte d’Or, comme notre charte Lu Harmony apparaît au dos de nos biscuits. Cette année, Milka va bénéficier de ce programme.

  • Mathias Dosne, DG de Mondelez France, initié à la coupe d’une cabosse.
  • La coopérative de femmes Nankese Ningo.
  • L’équipe Mondelez et les écoliers de Bonkuku.
  • La société Tree Global travaille sur des plants hybrides plus petits et plus productifs.

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