La fabuleuse année du petit électroménager [Dossier]
En 2020, les Français ont passé beaucoup de temps chez eux et ont dû cuisiner. Les résultats du petit électroménager s’en ressentent : ils n’ont jamais été aussi bons. Explications.
Magali Picard
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Magali Picard
- + 11 % : l’évolution du chiffre d’affaires du petit électroménager en 2020
- + 4,9 % : l’évolution en unités à 56,4 millions de produits
- Le secteur a bénéficié d’un contexte favorable avec l’engouement pour le fait-maison, contraint par les confinements. Sept Français sur dix sont restés chez eux pendant le deuxième épisode et un sur quatre a cuisiné davantage.
- Le marché reste tiré par des produits à forte valeur ajoutée : robots chauffants, machines à café avec broyeur ou aspirateurs balais et robots.
- La tendance devrait perdurer : un quart des Français ont un projet de rénovation de leur cuisine pour 2021 et le retour aux produits frais risque de durer.
Du jamais vu depuis au moins dix ans. Avec une croissance de plus de 11 %, à presque 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, le petit électroménager connaît l’une de ses meilleures années. Étonnantes performances que celles des machines à pain (+ 82 % en valeur), des friteuses (+ 25 %) ou des tondeuses à cheveux (+ 47 %). Moins surprenante, l’explosion des ventes des robots chauffants (+ 42 %) ou des machines à café avec broyeur (+ 56 %). « Nul n’aurait prédit un tel atterrissage, souligne Brigitte Petit, présidente du Gifam (Groupement des marques d’appareils pour la maison). Dès le premier confinement se sont amorcés des pics extraordinaires de consommation. » Le secteur a affiché jusqu’à 78 % de croissance pendant ces quelques semaines. Cet engouement s’est poursuivi après cette période et a terminé l’année en beauté (+ 74 % en décembre).
Mais alors que s’est-il passé pour que le petit électroménager, certes habitué à la croissance, mais plutôt autour des 4-5 %, soit aussi plébiscité ? « Le contexte a joué incontestablement, analyse Damien Chicaud, directeur de la statistique au Gifam. Sept Français sur dix sont restés chez eux pendant le second confinement, et un quart des achats ont été déclenchés par cette situation. » Contraints, ils ont cuisiné midi et soir – un Français sur quatre a utilisé davantage ses appareils de petit électroménager – et ont fait plus le ménage (15 %). Résultat : déjà ancré dans les habitudes, le fait-maison s’installe durablement dans la manière de consommer. « Il a servi de déclencheur d’achat pour toutes les personnes qui ne se sont pas encore converties au blender ou au robot chauffant », poursuit Damien Chicaud. Le taux d’équipement des ménages dans ces derniers appareils, par exemple, ne dépassait pas 13 % en 2018. Il y avait donc de la marge, et il y en a toujours. « Le développement du fait-maison et l’attrait pour des produits culinaires à forte valeur ajoutée datent d’avant le Covid, renchérit Stanislas de Gramont, directeur général délégué chez Seb. Mais la crise sanitaire a eu un effet accélérateur très fort sur cette tendance. »
Prouesses en cuisine
Habituellement portée par l’entretien des sols et le soin de la personne, la croissance du petit électroménager a, cette fois, été nourrie par la préparation culinaire, la cuisson des aliments et le petit déjeuner. Le Gifam a ainsi calculé avec l’institut GfK que la cuisine avait généré 304 millions d’euros de recettes supplémentaires. De quoi inciter des marques à entrer sur ce segment. Comme Bosch, cantonné jusqu’à présent sur les mixeurs plongeants ou les robots culinaires, qui arrive sur les robots chauffants. D’abord lancé en Allemagne et en Autriche en juin 2020, le Cookit sera présent chez une cinquantaine de distributeurs en France fin mars. Car Bosch a choisi le même système que son concurrent Vorwerk, qui vend ses Thermomix essentiellement par des réunions à domicile. Cookit, à 1 299 €, sera disponible sur le site de l’industriel, chez les gens directement par le biais d’« experts » et chez quelques distributeurs indépendants. « Le Cookit résulte de la combinaison entre le savoir-faire culinaire de Bosch, via son usine en Slovaquie, et celui de la cuisson, via son usine de fours en Bavière, détaille Guy Foare, directeur projet smart home de Bosch France. Ce produit assez cher nécessite des explications. D’ici à la fin de l’année, nous aurons 150 experts pour le vendre. »
Bosch s’attaque à un créneau déjà bien occupé par Vorwerk, Seb, Lidl, Kenwood, Magimix… Chez Seb, qui fabrique encore des produits à forte valeur ajoutée dans ses usines françaises, le culinaire est aussi le grand gagnant de 2020. Les machines à pain sont en hausse de 39 %, les yaourtières de 26 % et la machine à gâteaux Cake Factory, lancée en 2018, s’envole de 93 % !
Le fabricant Lagrange a aussi bénéficié de cette année faste. Ses gaufriers ont battu des records (+ 30 %), comme ses yaourtières (+ 48 % pour le modèle made in France et + 88 % pour l’appareil sourcé en Chine) et ses appareils à raclette (+ 20 %). Le chiffre d’affaires de la PME dépassera ainsi les 20 millions d’euros en 2021. « Nous avons eu du mal à suivre au niveau de la production de certains produits, avoue Marie Fouquet, sa directrice marketing. Mais devant la fermeture des magasins en avril, nous avons été obligés d’ouvrir notre propre site à la vente en ligne. » Résultat : le nombre de commandes a triplé, passant de 3 000 à 10 000 en avril !
Environnement et réseaux sociaux
L’attrait du fait-maison s’accompagne d’un soin plus grand accordé à son intérieur. Restés chez eux, consacrant plus de temps au ménage, les Français ont eu envie d’aspirateurs balais ou robots et de défroisseurs vapeur. La question est de savoir si le phénomène va durer. Selon Damien Chicaud, « le fait-maison n’est pas près de disparaître. Un quart des Français ont un “projet cuisine” en 2021 et les deux tiers se disent soucieux de la qualité de leur alimentation ». Et, que les industriels le gardent bien en tête, les critères d’achat favorisent plus que jamais la responsabilité environnementale. En décembre dernier, 62 % des consommateurs sondés par le Gifam se sont dits prêts à payer plus cher un produit dont le fabriquant a un comportement responsable. C’est quasi dix points de plus qu’en octobre. Durée de vie, consommation énergétique, facilité de la réparation, pays de fabrication, usage de matériaux recyclés : autant d’arguments devenus incontournables.
Pour continuer à profiter de ce rebond, les marques investissent aussi les réseaux sociaux. Pendant les confinements, recettes de cuisine et jeux concours ont explosé sur Facebook et Instagram. Lagrange a ainsi vu le nombre de ses abonnés sur Instagram doubler. Seb a même pris une participation minoritaire dans Chefclub, start-up créée en 2016 par les frères Lang. Productrice de contenus de cuisine sur les réseaux où 100 millions de followers suivent la marque, c’est une source de visibilité pour Seb. « Le public jeune de Chefclub découvre le fait-maison, précise Stanislas de Gramont. Faire des produits cobrandés Tefal-Chefclub nous permet de rajeunir notre marketing et de comprendre les nouveaux codes. » Trois produits sont déjà sortis, sous forme de kits pour réaliser des pâtes ou des crêpes. Seb s’essaie aussi à de nouveaux modes de communication tel le live streaming. « Le petit électroménager cartonne en live streaming », assure Olivier Garcia, responsable des produits pour Fnac Darty, qui en a déjà une soixantaine au programme en 2020. Seb, venu avec son influenceur, y a vanté les qualités de ses produits imaginés avec Chefclub. Le début d’une nouvelle histoire.
- + 27,5 % : ’évolution en valeur en 2020
- + 14,5 % : l’évolution en valeur en 2020
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- + 8,7 % : l’évolution en valeur en 2020
- - 11,2 % : l’évolution en valeur en 2020
- - 7,7 % : l’évolution en valeur en 2020