Khady Légumes : De 20 000 FCFA à un Chiffre d'Affaires Quotidien de Plus de deux Millions de FCFA

Photo de l'Interview avec Khady Légumes dans sa ferme à Diogo.
  • Author, Yaye Awa Niang
  • Role, BBC Afrique

Khady Sow de son vrai nom, la jeune entrepreneure sénégalaise,

s'est fixée pour objectif de réduire le gaspillage des légumes, un fléau qui coûte annuellement environ 43 milliards de francs CFA à l'économie du pays.

C'est par une matinée ensoleillée à Diogo, une localité située à 120 kilomètres à l'est de Dakar, que commence la journée de Khady.

À 30 ans, vêtue d'un tee-shirt, jogging et de baskets, elle marche d'un pas décidé vers un vieil engin situé au pied d'un arbre.

Après quelques tours de manivelle, une épaisse fumée s'élève : la pompe est en marche et va irriguer ses cultures tout au long de la journée.

Le travail commence : entretien des plantes, récolte et vente des légumes, un secteur dans lequel Khady a choisi de s'investir. Aujourd'hui, elle concrétise un rêve qui a débuté il y a quatre ans.

BBC Afrique vous recommande les articles suivants :

De l'échec scolaire au succès agricole

Khady marche dans son champ de 10 hectares. Elle fait une inspection de son une exploitation agricole comme chaque matin.

Elle a été élève au lycée Amary Ndack Seck de Thiès, où elle a échoué au baccalauréat. Cependant, cet échec a agi comme un déclic pour cette jeune femme, qui, depuis l'âge de 7 ans, observait ses parents entretenir de petits potagers.

"Après avoir quitté l'école, j'ai décidé de suivre l'héritage familial : l'agriculture."

Originaire de Thiès, une ville située à l'Ouest du Sénégal, et ayant grandi à Diogo, Khady n'avait pas de moyens pour se lancer. C'est grâce à un don de 20 000 FCFA de sa mère qu'elle réussit à mettre sur pied sa rampe de lancement.

Un investissement qu'elle ne regrette pas aujourd'hui : "Avec 20 000 FCFA, maintenant j'ai une ferme de 10 hectares", confie-t-elle, ses yeux s'illuminant en évoquant ce souvenir.

''Je me souviens encore de mes premiers pas, de mon petit champ que mes parents m'ont prêté où je cultivais bissap, persil et céleri. J'ai commencé à commercialiser cela au marché de Thiaroye [banlieue de Dakar]. J'ai vu que cela intéressait ma clientèle et c'est ainsi que j'ai lancé mon entreprise Khady Légumes."

Une course contre le gaspillage et le temps

À l'aide de l'un de ses employés, elle récolte et attache des oignons verts qu'elle remplit ensuite dans des sacs.
Légende image, À l'aide de l'un de ses employés, elle récolte et attache des oignons verts qu'elle remplit ensuite dans des sacs.

Deux heures après le début de sa journée, Khady a achevé son tour de la ferme et la récolte matinale. Elle se prépare à partir pour Notto Gouye Diama, située à 53 kilomètres de Diogo, où une vingtaine d'employés emballent les légumes pour les expédier sur le marché.

Chaque jour, l'entreprise prépare 4 250 kg de légumes, répartis en 15 variétés. Grâce à son entreprise, Khady Sow lutte contre le gaspillage des légumes. "Je ne conserve pas les sacs de légumes car je n'ai pas de frigo ni de chambre froide. Je suis donc obligée de récolter et vendre le même jour."

Au Sénégal, la perte de légumes est un problème majeur. Selon le Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale (CGIAR), 30 % de la production de légumes est perdue sur le terrain, ne parvenant jamais à être vendue ou consommée.

Réduire ces pertes pourrait augmenter de 45 % la valeur du marché des légumes, soit environ 43 milliards de FCFA par an, tout en réduisant de 22 % les importations annuelles.

À Notto Gouye Diama, les employés s'activent à emballer les légumes dans des sacs de 17 kg.
Légende image, À Notto Gouye Diama, les employés s'activent à emballer les légumes dans des sacs de 17 kg.

L'empaquetage vient tout juste de se terminer. Le défi de l'après-midi pour Khady est de vendre les 250 sacs de légumes récoltés.

Une camionnette, garée à l'entrée, est en pleine opération de chargement. Le temps presse, et la tension monte chez la jeune femme. "Il est 14h, et nous devons être à Dakar à 17h pour la livraison. Le trajet prend entre 2 et 3 heures, dépêchons-nous !", s'exclame-t-elle en s'adressant à ses employés.

Les réseaux sociaux pour vendre plus vite et efficacement

Khady est en direct sur les réseaux sociaux pour stimuler les ventes. Les livreurs chargent 4 à 5 sacs de légumes sur leurs motos.
Légende image, Khady fait souvent des directs sur les réseaux sociaux pour stimuler les ventes.

À 17h, le premier défi est surmonté : les cargaisons viennent d'arriver à Dakar.

Alors qu'une trentaine de livreurs s'emploient à décharger les sacs, Khady met en marche une nouvelle "machine", cette fois-ci technologique.

"Tapotez sur le live, partagez !" répète-t-elle sans cesse. Elle vient de lancer un direct sur TikTok, l'un des réseaux sociaux les plus utilisés dans le pays.

Pendant ce temps, Modou, son assistant, gère la logistique en coordonnant les commandes et en répartissant les livreurs selon les zones géographiques.

"Je gère aussi les commandes en temps réel", explique Khady. "Je fais l'annonce des ventes, et les clients appellent immédiatement. La demande est énorme, surtout entre 18h et 22h."

Peu à peu, le vrombissement des moteurs de motos se mélange aux appels incessants de Khady, qui se trouve désormais tiraillée entre le direct sur les réseaux sociaux et les appels qui saturent son standard.

Chacun des 250 sacs récoltés dans la journée, pesant 17 kilos, sera vendu à 10 000 FCFA. Sur cette base, son entreprise génère un chiffre d'affaires quotidien variant entre 1 et 2 millions de FCFA.

"Ce n'est pas facile", admet Khady. "Gérer les commandes, organiser les livraisons, surtout lorsqu'il y a des erreurs dans les coordonnées, cela peut rapidement devenir stressant."

Vision d'avenir : de la ferme au monde

Khady contemple avec fierté ses pieds de citronniers.

Khady Sow ne se contente pas de gérer une ferme prospère. "Je veux révolutionner l'industrie des légumes, à l'échelle nationale, puis internationale", affirme-t-elle, le regard tourné vers l'avenir.

Elle a déjà élargi son réseau de distribution à des villes comme Thiès, Mbour et Touba.

Son ambition ne s'arrête pas là : "L'objectif est d'ouvrir des magasins Khady Légumes partout au Sénégal. À long terme, je veux me lancer dans la transformation des légumes, ce qui génère plus de revenus. Et pourquoi pas, exporter nos produits à l'international ?"

Khady se veut également un modèle pour la jeunesse sénégalaise : "Ce que je conseille à ceux qui veulent se lancer dans l'agriculture, c'est de ne pas s'attendre à des résultats immédiats. C'est un métier exigeant. Il faut être prêt à travailler dur, de 6h du matin à 22h, et le service après-vente est crucial."

Lauréate de la 17e édition du Prix Calebasse de l'Excellence Awards, un événement dédié à la reconnaissance des acteurs les plus influents d'Afrique pour leur impact positif dans des secteurs tels que l'éducation, l'entrepreneuriat et la culture, Khady Sow considère l'agriculture comme un engagement permanent, un défi à relever avec passion.