Si le bruit perturbe les apprentissages, les paramètres acoustiques des salles de classe sont encore trop peu pris en compte. Quelques points de repère pour comprendre ce qui se joue au niveau des établissements, des enseignants comme des élèves.
Les conditions dans lesquelles les élèves étudient sont l’objet de nombreux enjeux. Ce n’est pas sans rappeler les conditions de délabrement de certaines écoles pour lesquelles des plans de rénovation ont été engagés, comme à Marseille. Il est établi que la conception des bâtiments scolaires et des salles d’enseignement vient impacter la santé des occupants et les processus d’apprentissages, notamment par l’effet du bruit. L’acoustique constitue le paramètre physique qui a le plus d’impact sur les performances scolaires et sur le bien-être des enseignants.
Néanmoins, les conditions acoustiques des salles de classe ne sont pas encore suffisamment prises en considération. Elles restent souvent peu adaptées aux besoins des élèves et de leurs enseignants. Aussi, les recherches scientifiques s’accentuent, permettant d’objectiver et d’affiner ce constat. Quelques explications sur la question.
Évaluer le « confort acoustique » des élèves
En acoustique des bâtiments, plusieurs variables, étroitement liées entre elles, ont été identifiées. Il s’agit principalement du bruit de fond, de la réverbération et de l’intelligibilité de la parole. Les niveaux de bruit et la réverbération ont une incidence sur l’intelligibilité de la parole pour les auditeurs.
Si la réverbération est importante, les sons indésirables, comme le déplacement des chaises, le feuilletage de papiers, le bruit du matériel scolaire, les chuchotements ou la toux restent plus longtemps dans la classe et font augmenter le niveau sonore. En outre, pendant les activités de classe comme le travail en groupe, la hausse du niveau sonore due à la réverbération se trouve encore amplifiée.
La réverbération est généralement proposée comme un moyen de mesurer la qualité d’écoute des élèves dans les environnements de classe. Il s’agit d’un phénomène acoustique de réflexion qui se produit dans une pièce lorsque les ondes sonores s’écrasent sur le matériau de construction.
Le paramètre qui permet de quantifier la réverbération d’une pièce est le temps de réverbération (TR). Il se définit comme le temps nécessaire, exprimé en secondes, pour que le niveau de bruit diminue de 60 décibels (dB) après l’arrêt de la source sonore. Dans la littérature, la réverbération apparaît comme un facteur plus important que la transmission de la parole pour mesurer le confort acoustique des élèves. Elle constitue également le paramètre de mesure acoustique le plus référencé.
Le temps de réverbération varie selon le volume de la salle et les propriétés d’absorption des matériaux utilisés. Une réverbération universelle et parfaite pour la performance en classe n’existe pas. Selon les recommandations internationales (OMS, 1999), un temps de réverbération inférieur à 0,6 seconde en salle inoccupée est considéré comme optimal.
Néanmoins, les seuils réglementaires varient selon les pays et leurs législations. En France, l’arrêté du 25 avril 2003 relatif à la limitation du bruit dans les établissements d’enseignement impose des valeurs de durée de réverbération comprises entre 0,4 et 0,8 seconde pour des locaux d’enseignement non occupés. En condition de salle occupée, des temps de réverbération entre 0,45 et 0,5 pourraient être optimaux.
Acoustique dégradée : des effets sur les compétences langagières
Une mauvaise acoustique a des répercussions aussi bien chez les enseignants que chez les élèves. En ce qui concerne les enseignants, celle-ci vient affecter leur bien-être ainsi que leur perception du climat de l’établissement. Les enseignants qui travaillent dans des salles avec des temps de réverbération longs ressentent le climat scolaire comme plus compétitif, mais également comme moins détendu et confortable.
Chez les élèves, les conditions acoustiques influencent l’écoute et les apprentissages. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes élèves dont la capacité à reconnaître la parole dans des conditions défavorables n’atteint pas le niveau optimal avant l’adolescence.
Ainsi, une baisse des notes de 5 à 7 % en lecture et numération a été observée chez les élèves travaillant dans une salle de classe dotée d’une acoustique dégradée. Un effet défavorable est également retrouvé sur les compétences langagières, les capacités d’attention et concentration, ainsi que de mémorisation. Une fatigue accrue chez les élèves accompagne ces baisses de performances.
Pour ce qui est des compétences langagières, une étude menée en Allemagne (2010) auprès de 398 élèves d’âge moyen de 8,5 ans indique que les élèves dont les salles de classe possèdent une réverbération élevée (TR > 1 seconde) ont obtenu de moins bons résultats que les élèves dont les salles de classe ont une réverbération optimale (TR < 0,6 seconde) dans une tâche de traitement phonologique. Ces résultats tendent à montrer que l’apprentissage dans des salles réverbérantes – et par conséquent, plus bruyantes – est susceptible d’altérer la perception et la discrimination phonologique, précurseur dans l’acquisition du langage écrit (lecture, écriture).
Une mauvaise acoustique affecte la mémorisation
Concernant l’attention-concentration, une mauvaise acoustique exige une écoute plus laborieuse, ce qui est susceptible d’entraîner une moins bonne concentration et un travail mental plus difficile.
Les tâches complexes comme la mémorisation et la résolution de problèmes sont plus affectées par une mauvaise acoustique que des tâches plus simples et répétitives. Les tâches complexes exigent d’articuler beaucoup d’éléments d’information et de connaissances entre eux. En ce sens, elles mobilisent davantage les processus d’attention soutenue que les tâches plus simples.
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A noter que les élèves à besoins éducatifs particuliers semblent davantage affectés par une acoustique dégradée dans une salle de classe. Cela concerne notamment les élèves souffrant de perte auditive, les élèves présentant des troubles du langage, des troubles de l’attention, ou encore porteurs d’autisme. Les élèves qui étudient dans une langue autre que leur langue maternelle sont également touchés.
Pour le trouble du spectre autistique, comme la majorité des personnes diagnostiquées éprouvent des différences de traitement sensoriel, la qualité acoustique de salles de classe est une préoccupation importante. En effet, une réverbération importante accentue le niveau sonore en classe, ce qui induit des répercussions sur le comportement d’élèves atteints d’autisme en entraînant plus de situations avec des comportements inadaptés.
Des recherches à développer en contexte français
En France, un état des lieux de la qualité acoustique des salles de classe à l’école primaire reste à engager. Une étude a permis d’étudier l’influence de l’acoustique des salles de classe sur les apprentissages en français et en mathématiques chez 230 élèves français de 6 à 7 ans, âge moyen d’acquisition de la lecture, de l’écriture et du calcul. Les résultats ont permis de mettre en évidence l’existence de conditions acoustiques dégradées (au-dessus de la norme française) pour 60 % des élèves de l’échantillon.
Une réverbération trop importante entrainerait une incidence négative sur les progrès aux évaluations nationales de CP en français et en mathématiques entre septembre et janvier, soit quatre mois plus tard. Ce résultat serait d’autant plus significatif que les élèves se trouveraient en situation de difficulté scolaire.
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La mauvaise acoustique ayant des effets négatifs sur les apprentissages des élèves et notamment les plus vulnérables, il apparaît essentiel d’agir sur celle-ci à l’aide de différents moyens. Pour les salles de classe dont les critères ne respectent pas les seuils réglementaires, une intervention directe sur le bâti semble indispensable.
La sollicitation d’un acousticien permettra de cerner les priorités d’action en agissant sur les matériaux, la volumétrie, la configuration, les mobiliers ou encore les équipements techniques. De façon complémentaire, et pour les salles d’enseignement qui respectent les critères réglementaires, des actions sur les comportements en classe peuvent être menées.
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Il s’agira notamment d’encourager les élèves à faire silence aux moments opportuns, de faire du chuchotement la norme, de placer les enfants les plus fragiles scolairement à l’avant de la salle, d’utiliser du matériel adapté (casque anti-bruit, bouchons d’oreille…), ou de diffuser une musique d’ambiance calme et apaisante par moments pour aider les élèves à baisser le volume sonore et à se concentrer.
Ces pistes de recommandations en matière de confort acoustique pourront être proposées aux équipes éducatives et aux mairies, propriétaires des bâtiments d’école primaire. En effet, un accompagnement des établissements est primordial pour fournir un environnement de travail et d’apprentissage adapté aux enjeux du XXIe siècle et relever le défi de l’école inclusive.