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Kate Bush en studio lors de l'enregistrement de Hounds of Love en 1983.
Kate Bush en studio lors de l’enregistrement de « Hounds of Love » en 1983. Trinity Mirror/Mirrorpix/Alamy Stock Photo

Pourquoi l’album « Hounds of Love » de Kate Bush a été révolutionnaire

Avec son album Hounds of Love, Kate Bush a été pionnière : elle a sorti l’un des disques les plus marquants de la pop des années 80, tout en étant une des premières femmes auteure-compositrice-productrice influente. Elle a également contribué à lutter contre le mythe selon lequel les traumatismes étaient une composante nécessaire d’une œuvre digne de ce nom.


Sorti en 1985, Hounds of Love, l’album conceptuel visionnaire de Kate Bush, est le deuxième qu’elle a produit seule (après The Dreaming en 1982) et le premier à être enregistré dans son propre studio. L’originalité de cet album est indéniable. Avec sa pop progressive combinant musique électronique expérimentale, art rock, folk, musique de chambre et ambiance cinématographiques, il a apporté quelque chose de nouveau et d’esthétiquement distinct.

Kate Bush y a adopté l’échantillonnage numérique grâce au Fairlight CMI, un outil révolutionnaire. La face A enchaîne les hits intemporels : Running Up That Hill (A Deal With God), Cloudbusting, Hounds of Love et The Big Sky, tandis que face B propose le cycle The Ninth Wave, composé de sept chansons, un paysage cauchemardesque immersif qui invite les auditeurs à vivre l’expérience de mort imminente d’une femme perdue en mer.

Aujourd’hui, l’album est unanimement considéré comme un classique, l’un des points d’orgue de la pop des années 1980, créé à une époque où peu de musiciennes avaient accès à des équipements audio et des studios dernier cri.

Le clip de Hounds of Love.

Dans un nouveau livre consacré à Hounds of Love, j’analyse le processus artistique de Kate Bush. La manière dont elle a su défendre son autonomie artistique, ses intérêts, ses idées et ses méthodes de travail, et tracer sa « voix » dans un secteur dominé par les hommes est admirable.

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Une pionnère en tant que femme et an tant qu’artiste

Parmi les 100 titres les plus vendus, diffusés et écoutés sur des plates-formes aux États-Unis, le nombre de productrices est passé de 3,5 % en 2022 à 6,5 % en 2023. Il est difficile de connaître les chiffres du milieu des années 1980, mais on peut raisonnablement supposer que la situation n’était guère plus reluisante.

L’influence de la productrice Kate Bush est considérable. Son travail a encouragé des générations d’artistes marginalisés à assumer ce rôle pour exprimer des idées complexes.

L’autrice-compositrice-interprète islandaise Björk explique ainsi :

« Dans les années 1980, Kate Bush était la seule à faire ce genre de chose. Le patriarcat dominait tout le reste. […] En produisant elle-même son album, elle créait un environnement propice à sa musique. »

Grâce au succès commercial de Kate Bush, les œuvres d’autres musiciennes pop ont été prises davantage au sérieux. Comme le disait l’autrice-compositrice-interprète Imogen Heap :

« À une époque dominée par les hommes, Kate a écrit des morceaux absolument exceptionnels et nous a permis, à nous, les filles, de pas être cantonnées dans le rôle de “la meuf qui a une jolie voix et sait même écrire des chansons”, ce qui était l’attitude de la plupart des dirigeants de labels. »

Indépendamment de son statut de pionnière, du fait de son sexe et de ses créations, les méthodes de travail de Kate Bush – instaurées lors des séances de Hounds of Love (et qui n’ont pratiquement pas changé depuis), réfutent par ailleurs certains clichés largement répandus sur la créativité musicale.


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Le mythe de l’artiste tourmenté

En 1992, Kate Bush estimait que l’enregistrement de Hounds of Love était : « [s]a meilleure expérience, au regard de mes autres albums. » Elle ajoutait :

« Il y en a qui disent qu’il faut souffrir pour créer. […] Je ne partage pas ce point de vue. »

L’« artiste tourmenté » est un cliché omniprésent dans la critique musicale, de Beethoven et Robert Schumann à Kurt Cobain, en passant par Amy Winehouse, une théorie popularisée dans des films comme Whiplash (2014) ou A Star Is Born (2018).

En 2011, Jeff Tweedy, le chanteur du groupe Wilco, qualifiait ce concept de « néfaste » car il l’avait empêché de prendre soin de lui-même lors d’épisodes de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Le fait que Kate Bush ait composé quelques-unes de ses plus grandes chansons dans un état de félicité contribue à briser le mythe dangereux selon lequel les traumatismes sont une composante nécessaire d’une œuvre digne de ce nom.

Éloge du temps long

Un autre mythe, principalement associé à la création musicale en studio, veut que les meilleures idées puissent survenir très rapidement, comme en témoigne l’expérience des White Stripes, qui ont composé Seven Nation Army lors d’une balance audio, ou de Stevie Nicks, qui a écrit Dreams de Fleetwood Mac en une dizaine de minutes.

Mais louer un grand studio pour se livrer à des expérimentations musicales n’a jamais été la tasse de thé de Kate Bush. Comme elle l’expliquait au magazine musical britannique Melody Maker en 1985 :

« Sachant que la location d’un studio représentait des sommes astronomiques, je craignais d’être trop créative ! On ne peut pas expérimenter éternellement. En plus, je travaille hyper lentement. Je me sens bien plus détendue aujourd’hui que j’ai mon propre studio. »

Kate Bush portrait
Kate Bush en 1980. Trinity Mirror/Mirrorpix/Alamy Stock Photo

Le processus minutieux qui a entouré la création de Hounds of Love ne reposait pas sur les synergies de la collaboration de musiciens dans un groupe, mais sur une sélection individuelle mûrement réfléchie. Le succès de l’album rappelle d’ailleurs l’intérêt – souvent négligé – d’un travail réfléchi, d’autant plus qu’il est parfaitement compatible avec une démarche intuitive.

Kate Bush a passé trois ans sur cet album, et encore plus de temps sur chacun des suivants. Il lui a fallu quatre ans pour The Sensual World (1989) et The Red Shoes (1993), suivi, après douze ans d’absence, d’Aerial (2005), autre chef-d’œuvre, puis de 50 Words for Snow (2011), six ans plus tard.

Dans son livre Thinking, Fast and Slow, Daniel Kahneman, spécialiste des sciences comportementales, fait la distinction entre les modes cognitifs rapides et lents. La pensée rapide est intuitive et émotionnelle ; la pensée lente est conscientisée et délibérative.

Un processus créatif lent donne un sens à ce qui pourrait être assimilé à de la procrastination, comme les longues promenades et les rêveries. Les chercheurs pensent que, dans un contexte artistique la lenteur se traduit par une plus grande créativité de la pensée. Kate Bush a écrit les chansons de Hounds of Love : « dans une petite pièce qui donnait sur des champs à perte de vue, [d’où elle observait] la météo changer au loin. »…

This article was originally published in English

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