Dans l’univers impitoyable du marché de consommation, les marques représentent bien plus que de simples noms. Elles véhiculent un contrat entre l’entreprise et ses clients. Ce « contrat » psychologique est fondé sur des promesses contraignantes. Quand ce contrat psychologique est violé, la confiance s’effondre.
Il s’en suit une vague de répercussions qui peuvent aller au-delà d’une baisse des ventes : bouche à oreille négatif, boycott, baisse de l’engagement des salariés, augmentation du coût en capital payé par l’entreprise.
Les scandales récents impliquant les marques Perrier, Nestlé Waters, Tefal, Buitoni, et Kinder nous le rappellent. Ces marques, à forte notoriété, viennent en effet nourrir bien plus que des attentes chez les clients en promettant explicitement ou implicitement une sécurité alimentaire et éthique. Les informations révélées ont remis en cause les croyances de stabilité et d’assurance véhiculées par la marque, provoquant un sentiment de trahison et de colère chez certains consommateurs.
Le cas de Nestlé Waters est particulièrement représentatif de ce point de vue. En janvier 2024, le Monde et radio France révèlent que des eaux de « sources minérales » vendues comme « pures » et « naturelles » subissent plusieurs traitements et des mélanges avec de l’eau du robinet. Radio France (30 janvier 2024) nous apprend que Nestlé reconnaît avoir recours à ces traitements. Les conséquences sur les médias sociaux sont sans appel avec une hausse significative de réactions négatives.
Une notion de contrat psychologique
En effet, selon les recherches en gestion, une marque n’est pas seulement un fournisseur de produits ou de services, mais un partenaire qui doit respecter des engagements non écrits. Les informations émises par la marque signalent de manière implicite une intention pour le futur et un ensemble de promesses qui peuvent devenir contraignantes dès lors que les consommateurs s’engagent dans la relation. Cette relation génère un ensemble d’obligations réciproques, déterminantes dans la relation ou « un contrat psychologique ». Lorsque ce contrat psychologique est violé, la réaction des consommateurs peut être sévère.
Les recherches académiques mettent en évidence plusieurs facteurs qui augmentent la violation perçue. Plus l’incident apparaît grave (mort par exemple) et plus les consommateurs se sentent proches des victimes, plus cela génère de la compassion, un sentiment d’injustice et de la colère. L’attribution des scandales à l’entreprise accentue les émotions et entraîne un bouche-à-oreille négatif et une baisse des intentions d’achat.
Les travaux montrent que la responsabilité perçue de l’entreprise dans la crise est d’autant plus importante que l’incident a eu lieu au sein de l’entreprise, qu’il est fréquent et que le consommateur estime que l’entreprise aurait pu l’empêcher. Enfin la remise en cause des normes sociales ou des valeurs propres au consommateur intensifie l’indignation, la colère et le bouche-à-oreille négatif avec des effets d’autant plus importants que l’incident est jugé grave et/ou non éthique.
Ainsi, la violation du contrat psychologique, accompagnée d’une responsabilité perçue de l’entreprise, d’une gravité de la situation et d’une remise en cause des normes sociales, morales ou éthiques, entraînera des réactions négatives plus intenses et durables.
Une communication rapide
Pour les marques concernées, reconnues comme responsables de la violation du contrat psychologique, la communication de crise est déterminante. Il est fondamental qu’elles prennent rapidement la parole pour rassurer leurs parties prenantes et montrent que la situation est sous contrôle. Le choix du silence ne semble pas être une stratégie pertinente. C’est un temps où, même si l’entreprise ne dispose pas toujours de toutes les informations, elle doit exprimer sa compassion avec les éventuelles victimes, montrer son empathie.
Le discours du dirigeant constitue un élément clé dans la gestion des impressions. L’utilisation d’actes et de paroles symboliques permet d’influencer l’audience et de restaurer la confiance des parties prenantes. À cet égard l’intervention de Guillaume Pépy après l’accident SNCF de Brétigny-sur-Orge constitue un très bon exemple. Une fois cette première étape passée, la marque peut entamer le temps de la re légitimation. Pour cela elle dispose de plusieurs leviers qu’elle peut activer.
Reconquérir la légitimité
La communication d’engagements pour l’avenir comme, par exemple, de meilleurs contrôles, procédures ou propositions pour faire évoluer les standards de marché, permet de rassurer les clients sur de potentielles récidives. Ainsi, la marque peut se réimposer comme un acteur clé sur son marché. On peut citer l’exemple de Stéphane Richard qui après la panne des numéros d’urgence (juin 2021) propose de réunir les acteurs du secteur, pour réfléchir à la résilience des numéros d’urgence, s’imposant ainsi comme un chef de file fondateur dans le secteur numérique.
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Pour les marques établies depuis longtemps, l’ancienneté constitue un bouclier qu’il peut être judicieux d’exploiter. Après la crise du Dielsegate, Volkswagen a par exemple judicieusement exploité la relation ancienne de ses clients avec sa marque (campagne « Volkswagen et moi » orchestrée par l’agence DDB en mars 2016).
Les travaux académiques montrent que les collaborateurs sont particulièrement affectés par les scandales qui touchent leur organisation. Toutefois ils ont une voix et sont amenés à s’exprimer sur les médias sociaux. On sait qu’ils sont perçus comme des sources crédibles d’information pour le public et accrédités d’une confiance qui dépassent celle de l’entreprise (Trust barometer, Edelman). Mobiliser les plus engagés d’entre eux, en leur donnant tous les outils pour réagir, peut être opportun.
Il existe donc bien des outils pour rétablir la confiance des consommateurs après une violation du contrat psychologique.