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Mémoire sur les Juifs d’Abyssinie ou Falashas, éd. 1851

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Mémoire sur les Juifs d’Abyssinie ou Falashas


RÉPONSES DES FALASHA DITS JUIFS D'ABYSSINIE

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AUX QUESTIONS

FAITES PAR M. LUZZATO, ORIENTALISTE DE PADOUE.

A monsieur S. Munk, membre de la Société asiatique. Château d'Audaux (Basses-Pyrénées), 5 octobre 1850.

Monsieur et cher confrère,

Vous avez bien voulu me promettre votre utile appui pour donner à cette lettre la plus grande publicité parmi les Israélites de l'Europe, afin d'accomplir la promesse que les Falasha ont exigée de moi à Gomlar. Je vous prie d'en agréer d'avance met remcrcîments et de ne pas vous laisser rebuter par les détails, peut-être fastidieux, qui vont suivre, car j'ai recueilli, cornue celui qui déchiffre une inscription, les moindres indications sur une secte respectable au moins par son antiquité, et tel fait isolé, qui semble aujourd'hui superflu, pourra devenir précieux alors que d'autres voyageurs auront soulevé encore davantage le voile qui, pareil à celui d'Isis, nous dérobe encore tant de secrets dans l'intérieur de la mystérieuse Afrique.

Au retour de mon premier voyage en Inaria, j'envoyai, vers la fin de 1844, au Journal dey Débats une notice sur les Falasha (פלש)(1), qui fut publiée le 6 juillet 1845 et reproduite dans divers autres recueils, et notamment dans le Bulletin de la Société de Géographie. Un savant de Padoue la savante, M. Philoxène Luzzato, m'écrivit le 1" octobre 18/|5 une lettre dans le but d'avoir de nouveaux renseignements sur les Falasha dits juifs d'Abyssinie, accompagnée d'une adresse h ces sectaires, d'une série de questions à leur proposer et de la recommandation expresse de m'aboucher avec le père Yshaq (Isaac)que j'avais déjà désigné comme le plus savant des Falasha et comme leur chef spirituel. Au retour de mon second voyage en Inaria, je reçus en 18/i7 cette lettre de M. Luzzato qui avait présumé avec beaucoup de raison que dans une question obscure, peu étudiée encore et revêtue de ce mystère si habituellement inné aux Africains, on ne saurait se trop entourer de précautions pour arriver à la vérité. J'avais déjà d'ailleurs annoncé des pratiques qui indiquaient un mélange de Christianisme dans les croyances antiques des Falasha, et ce fait devait naturellement jeter des doutes sur la véracité de celui qui m'avait renseigné et dont je n'étais d'ailleurs que le traducteur et le secrétaire. Je saisis avec plaisir cette occasion pour remercier M. Luzzato de la confiance qu'il m'a témoignée en nie prenant pour son intermédiaire. J'ignore sa véritable adresse et je compte assez sur son

(1) M. d'Abbadic emploie des Icltres poncluées en dessous pour rendre bien exactement l'orlographe Giiz. Dans l'impossibilité de trouver un ca- raclèreconvenablepour la rendre, nous avons employé les mêmes lettres non ponctuées. Nous avons écrit Falasha au lieu de Falasa avec un s ponctué.

Les mots éthiopiens ont été transcrits en caractères hébraïques par M. Munk, aussi bien que le permettait la correspondance des deux alphabets.

guide les exilés ; ce nom, dit-il, leur a été donné par les autres habitants de l'Abyssinie, tant chrétiens que musulmans et idolâtres. 11 place leur établissement dans ce pays à l'an 330 avant J.-C. Depuis cette époque jusqu'en 1800 ils ont été gouvernés par des rois Israélites. « Ces monarques, dit-il, ont résidé, depuis le premier siècle avant ,1.-C. jusqu'en 154'2, dans une ville bàlie sur un rocher très escarpée, qu'on appelle Ambahay ;» amba, dit-il dans une note, signifie rocher en Giiz, qui est la langue écrile de l'Abyssinie; hai est le nom d'une plante.

Voyez aussi .lost (Histoire des juifs, t. v, p. 258), il écrit falascha et parle d'un de leurs rois nommé Xundon.

M. ù'Abbadie, auteur de la présente lettre , a publié sur ce sujet, en 1845, un travail iuléressaulque nous douuerons plus tard.

Le rédacteur des Archive» Israélites. indulgence pour répondre ici en public à sa lettre toute privée. Sa science lui permettra d'ailleurs de tirer parti tout le premier dn petit nombre de détails nouveaux qui vont suivre, et sa connaissante des antiquités judaïques lui donnera les moyens d'annoter les notions suivantes, encore un peu contradictoires, des Falasha de l'Abyssinie septentrionale.

Revenu de Muçaww'a à Gondaroù je rentrai le 4 janvier 1848, je résolus d'aller à Hoharua lieu du Séjour d'abba Yshaq (אב יסחק) ; mais mon projet s'étant ébruité, un de mes amis vint me prévenir que des voleurs de grand chemin m'attendaient au passage. Je réfléchis alors qu'arrivant à Hoharua sans y être annoncé, ainsi qu'il était indispensable pour la sûreté de ma route,je pourrais bien ne pas y trouver le père Yshaq; car les soldats en maraude l'obligeaient souvent à s'absenter de chez lui. Je lui envoyai donc le diacre Izra (עזרא) fils du prêtre Zëna (קס זין) pour lui dire que lesFalasha au-delà de Jérusalem (on n'a pas ouï parler d'Europe à Hoharua), m'avaient chargé de lui communiquer une lettre et de lui donner un thater (5 tr. 25 c.), somme qui serait doublée s'il venait me voira Gondar avec quelques autres Mamhiran ממחראן ou professeurs Falasha.

Cinq d'entre eux et plusieurs étudiants accoitipagèrent le P. Yshaq chez moi. A part le matab ou coltrer tle soie blette* que les Falasha ne portcul point, ils étaient mis comme muret comme mon vénérable professeur chrétien Gëtahun qui se serra dans un coin afin d'éviter le contact des Falasha. Ceux-ci mettaient leurs turbans de coton blanc un peu plus mal que nous ; mais ils s'assirent sans difficulté sur les peaux de bœufs que j'avais fait tendre par terre. Je pris place comme eux, les jambes croisées à l'orientale, et après leur avoir souhaité la bienvenue je leur communiquai la lettre de M. Luzzato.

Comme l'idiome Amariiïna (1) n'est pas employé en Abyssi-

(1) Jadis on écrivait אמחרן aujourd'hui on écrit אמארן, car c'est ainsi qu'on prononce ce mol. Ludolf, pour avoir une terminaison latine commode, avait forgé le mot Amharica ; d'où plusieurs voyageur» ont nommé cette langue Amhariquc, en anglais Amharic.

nie pour les grandes affaires de religion, j'avais préalablement traduit la lettre en Giiz געז et je l'avais soumise au mamhir Gëta- kun qui se faisait une fête d'apprendre quelque chose sur les Falasha aussi peu connus des chrétiens eu Abyssinie qu'ils le sont eu Europe. Abba Yshaq avait, comme mon mamhir, presque perdu la vue en lisant à la clarté de la lune et des chétives lampes du pays : il reçut la lettre avec joie et respect et la remit à son scribe qui en fit deux copies séance tenante avec beaucoup plus de scrupule que n'en mettaient mes fameux secrétaires chrétiens dans leurs transcriptions. Je lus d'abord le texte Giiz phrase par phrase, puis le traduisis de même en Àmarinna, et j'en commentai ensuite le sens. C'est de cette façon que tous les mamhiran traitent les textes sacrés, et j'ai ainsi la conviction de m'être bien fait comprendre du père Yshaq. Il y aura aussi, je l'espère, peu d'erreurs dans les réponses, car je les sténographiai au fur et à mesure et je les transcrivis le lendemain dans le troisième volume de mon journal. En vrai supérieur, Abba Yshaq avait remis au mamhir Zaga Amlak (grâce de Dieu), le soin de répondre et se contentait d'ajouter une simple affirmation pour appuyer les dires de son élève. Quelquefois, comme par exemple à l'égard de la première question, j'insistais sur l'improbabilité de la réponse, et alors abba Yshaq parlait, mais sans ajouter rien de neuf.

Pour suivre l'ordre de mon journal et changer le moins possible la forme des réponses, je les numéroterai de chiffres arabes, en faisant précéder chacune de la question de M. Luzzato, nu- méroiée du chiffre romain correspondant.

I. En quel temps vous êtes-vous établis en Abyssinie? Les voyageurs chrétiens nous ont dit que c'a été au temps de Me- nilek, fils ou descendant de Salomon ; or, comme les chroniques abyssines portent que ce Menilek vivait à peu près 200 ans après la destruction du premier temple, nous croyons que vous êtes venus en Abyssinie dans ce temps-là. C'est une chose, ô très-sage Abba Yshaq, que nous vous prions de nous expliquer clairement, car tous les voyageurs qui nous ont parlé de vous n'avaient parlé eux-mêmes qu'avec des ignorants d'entre nos frères les juifs d'Abyssinie, qui croient y être venus au temps de Salomon et de la reine de Saba, ce que nous ne croyons pas, car nous savons à quoi nous en tenir au sujet de cette dernière que nous savons avoir régné dans l'Arabie et non dans l'.Vhys- sinie; nous vous prions, ô très-saint Abba Yshaq, de nous expliquer cela clairement et selon la vérité, et de nous dire, si vous le savez, par quelle voie vous êtes entrés en Abyssinie, par l'Egypte et la Nubie, ou par l'Arabie.

I. Nous sommes venus avec Salomon. Zogo, fils de la servante de la reine de Saba, est le père des Liqaunt. Nous sommes venus après Jéréniie le prophète. Nous ne comptons pas depuis l'année de l'arrivée de Min Ylik מנילך. Nous vînmes sous Salomon; nous sommes venus par Sannar et, de là, à Aksuin. Le monde resta sous une seule foi pendant 5500 ans, jusqu'à Jésus-Christ : nous sommes venus sous Salomon bien sûr.

II. Depuis que vous êtes en Abyssinie, avez-vous toujours joui de la liberté, ou l'avez-vous acquise en quelque temps particulier, après avoir été assujettis aux chrétiens ? Avez-vous quelque ancien livre qui vous ait conservé votre histoire ? fin quelle langue est-il écrit? Sachez, nos très-chcrs frères, que nous avons été toujours assujettis aux Francs, et que c'a été pour nous une cause de grande joie, quand nous avons su que vous avez été libres, que vous aviez un roi de votre propre na- liuii ; or, sachez aussi que les Francs qui ont visité votre pays, ont copié, dans les ruines de l'ancienne ville d'Aksum, une inscription en langue giiz, concernant vos anciennes guerres avec les rois abyssins; mais ces Francs, qui connaissaient mal la langue giiz, l'ont mal copiée , et par conséquent elle fut mal interprétée par celui qui l'a traduite ; elle est aujourd'hui dans la maison d'un prêtre chrétien à Aksum : nous désirons que vous envoyiez quelqu'un d'entre vous qui connût la langue du Tigre, pour copier fidèlement cette inscription et d'autres qui se trouvent dans les anciennes villes du Tigré'. Si vous nous en envoyez, nous les ferons connaître et nous les publierons en Israël, afin que votre valeur et votre courage soient connus (1).

(1) D âpre» la copie que j'ai faite de cette inscription Giiz, en plu-

2. Nous voudrions aller sur mer (pour trouver ces frères lointains); mais comment observer le samedi? Car une barque qui est sur mer va par force, donc il n'y a pas de repos, et parlant, pas de sabbat. Notre Gédéon était seulement un petit chef: les Falasha n'ont jamais été rois en Abyssinie. Nous n'avons d'autres histoires que celles d'Abba Sabra, Zaga Amlak, fils du précédent, Abba Batui et Abba Halën (1). Ces quatre saints étaient contemporains. Un Agazën (sorte d'Antilope) vint se faire égorger par Abba Batui, pour la fôte du Tabernacle, dans un lieu entre Calga et Wihni. Le passage de saint Paul (2) est d'Abba Halën. Nous n'avons pas d'histoire écrite; nous n'avons pas d'inscription ni de Tabernacle (3) sculpté. Notre Tabernacle est le Pentateuque et rien de plus. Les rois qui suivirent Min Ylik, lui succédèrent aussi dans sa foi et étaient tons des Falasha. Nous avons encore la vie d'Abba Ybarakanna, fils d'Abba Halën. Les sistres et tous les usages des églises chrétiennes, sauf les croix, sont empruntés aux Falasha.

III. Expliquez-nous votre calendrier. Dites-nous les noms de vos mois et des mois abyssins : de quelle manière déterminez- vous les néoménies et les jours de fêtes?

IV. Quels sont ces jours do fôtes î Sont-ce les nôtres ordonnées par la loi? Quels sont vos jours do jeûne et en quel mois tombent-ils? Connaissez-vous lafête et le jeûne de Mardochce et d'Eslher, et la fête des Maccabées (Hanouca) qui tombent la

sieurs fois et en dernier lieu avec l'aide de deux JUamhir abyssins, je puis affirmer qu'il n'y est pas question des Falasha. C'est avec regret que je contredis M. Riippell sur ce point.

i,l) Halën veut dire, en Huarasa «si tu vois (ma peine). » Halena, nom d'un ancien roi d'Aksum , ne se laisse pas interpréter en Giiz , en Tigray ou en Amarinna; en Huarasa (langue des Falasha), Halena veut dire « voyez le moi. » Comme d'autres noms de rois d'Aksum sont aussi Huarasa, j'en avais conclu la vérité de la tradition rapportée par Bruce d'après les MS. Giiz, que ces rois étaient de la même race que les juifs (Falasha) avant la mission de l'apôtre Frumenlius en 333 de J.-C. première dans les 13' et l/i« de la 12« lune après Pâques que nous appelons Adar ; la seconde, qui commence dans le 25e jour de la neuvième lune après Pâques, appelée Gasleb, et qui dure huit jours?

(2) Je n'ai pu vérifier ce passage.

(3) Les Tabots des chrétiens d'Abyssinie ont presque tous des inscriptions. Aujourd'hui le mot tabot correspond chez les chrétiens, à ce que nous nommons en Europe pierre d'autel.

3. k. Vous connaissez bien l'ordre et les noms des mois abyssins, savoir :

1. Maskarram מסכרם

2. Tiqimt טקמת

3. Hidar הדר

4. Tahsas תחסס

5. Tir טר

6. Yakatit יכתת

7. Magabit מגבת

8. Miazia מיַזיא

9. Ginbot גנבת

10. (1) Sanë סן

11. Hamlë המלי

12. Nahasë נחסי

13. Paguimen פגימן ou jours complémentaires qu'on n'appelle pas un mois (2).

Nesan est le nom du mois où l'on traversa la mer Rouge ; ce passage eut lieu le 14Nesan. Le lendemain du jour où l'on ne peut plus mit' la lune, on observe le jeûne, car le Pentateuque (ארת) dit: Gardez la lune ou le mois. ( Voy. Exode et Nombres). An 14 Nesan il y a un sacrifice le soir, et le jour suivant est saint. On mange ensuite du pain azyme jusqu'au 21e jour. Cinquante jours après vient la fête de Mai-irar (מארר) de la réception de la Loi. Le 12e jour de chaque mois est la fête de Saint-Michel. Le 15e jour de chaque lune est la fête des Tabernacles. Le 4e samedi du cinquième mois est le plus grand samedi de l'année ; Dieu descend alors et toutes les bonnes œuvres ont un plein effet ce jour-là. On nomme cette fête Barabu. (La suite au prochain numéro. ) Antoine D'abbadie.

(1) C'est ainsi que j'ai toujours écril le nom de ce mois, mais je ne puis le trouver en ce moment dans un M. S. Ethiopien. Je lait celle remarque parce que Ludolf écrit sinff.

(2) En 1847 , l'année abyssine commençait le 11 septembre, qui était le premier jour de Maskarram.

== Second Letter ==

RÉPONSES DES FALASHA DITS JUIFS D'ABYSSINIE

AUX QUESTIONS

FAITES PAU M. LUZZATO, ORIENTALISTE DE PADOUE.

A monsieur S. Muivk, membre de la Société asiatique.

(Suite. — Voy. Numéro du 1« Avril, p. 179.) La fête appelée Bwabusignifie quatrième (samedi). On dit Yifitan יפתח ouvrez moi, c'est-à-dire, absolvez-moi (1), seulement au prêtre Falasha qui a excommunié par la parole בקל ou l'ordre de Moïse et d'Aaron. Si la personne enfreint la sentence, on impose une pénitence avant d'absoudre! Le premier jour de la septième lune, בעל מטקא, ou fête des tambours(1). Dix jours après, est Astar-io אסתראי, ou fête de l'apparition de Dieu à Jacob. Cinq jours après, est la fête des Tabernacles. Amata So est la fête du dernier jour de la neuvième lune. Ce jour-là, on va en pèlerinage, ou bien on va prier sur les monts Le 12e jour de la 10e lune, est la fête dite Ma-irar ; on donne alors les dîmes aux prêtres. Si l'on compte sept samedis après Pâques, le 7* est un sabb.it de grâces, où ceux qui font des prières ou des bonnes œuvres sont par le fait absous de leurs péchés. Il en est de même pour chaque 7e samedi. Le premier samedi se nomme Alef ; le 2e Lained ; le 3' Ibarako אברכה ; le U" Kamma- Yafaqar; le 5e Amlake Amlake Igayyi.i;le 6e Amlake Amlake tiazaranni ; le 7e enfin est Wabarako (3). — Nous avons oublié de dire qu'on arrache de la congrégation ceux qui mangent du pain levé pendant les sept jours après Pâques. On devrait les lapider ; mais aujourd'hui, comme on n'a pas de roi juif, on se contente d'infliger une pénitence qui est le don d'une chèvre d'un an.

Le 18' jour du mois de Yakatit, est la fête de la commémoration טזכר d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui sont morts tous les trois le même jour ( Yakatit est le 11" mois). Cette fête est fixe , et ne dépend pas de la lune. Le dernier jour de chaque lune est un jeûne ; le premier est une fête. Le 10e jour de chaque lune est Ciki Asart צכ עסרת (4). Ces fêtes sont seulement les fêtes mensuelles d'Astar-iyo (5). Le 12* jour de la lune, qui commence dans le mois de- Sanë, est la fête de TutcaniMarar, jour où Moïse reçut la loi. Le 10e jour de chaque mois se nomme Arfë Asart: c'est une fête secrète הבו בעל et elle fut établie par les prêtres qui survécurent à la destruc- lion du temple. Il n'y a que deux fêtes fixes : celle-ci et celle du 18 Yakatit. En outre la St-Michel était jadis le 12' de

(1) Cette expression est employée par les chrétiens, et par politesse, enver» leurs prêtres quand ils les rencoolrent hors de l'église, même sans le préliminaire de la confession.

(2) Ceci est la traduction donné par tes Falasha.

(3) Tous ces noms, sauf les deux premiers, paraissent tiré des com- mencemeals de prières en langue Giiz.

(4) Cika veut dire lune en langue Huarasa.

(5) Les chrétiens d'Abyssinie ont aussi des fêtes mensuelles de la Sainte-Vierge, de Saint-Michel, etc. . ;.::,_

chaque mois; mais Liq Azqu (1) ayant accusé les Falasha de faire leur fête le même jour que les chrétiens, ceux-là la changèrent en- l'établissant le 12° jour de chaque lune. Ce change- niert eut lieu à la suite d'un concile convoqué exprès. Le 15e jour de chaque lune, dit Ciki Ankua ( de tune cinq ), est la commémoration de Pâques et de la fête des Tabernacles. La fête de Ma-irar, comptée 50 jours après Pâques, coïncide toujours avec la même fête, comptée par la lune de Sané. Le premier jour de la lune est dit Sibkat סבכת , ou jour de prêche. Le 29° de la lune est un jour gardé תבק, et le 30« est un jour de prêche : on compte un quand on voit la nouvelle luue.

Pâques est toujours dans Miazia, parce que, selon le Penta- teuque, les Israélites sortirent d'Égypte dans ce mois (2). En l'an du monde 6840, Pâques sera le lundi 3 Miazia (10 avril 18/i8). Les chrétiens ont Pâques le 16 Miazia (23 avril 1868 ).

Pour faire raccorder l'année solaire avec l'année lunaire, on conptelS lunes dans la 4e année. Netan est de 30 jours; le mois suivant de 29 ; le 3e mois 30 jours, ainsi de suite; la 13e lune est toujours pleine, c'est-à-dire, de 30 jours, et pour recommencer le compte, on néglige les l4 jours qui restent.

Tomos תמס est un jeûne de 9 jours, dans la 4« luue après Lesan, et commence avec la lune. Le 10« jour de la lune est Cikl Aswt, jour de fête. Ce jeûne fut institué lors de la prise da Jérasa' -ra par Nabuchodonosor, sous le roi Sédécias. Av est un jeu te de 17 jours dans la 5e lune, et commence avec la lune ; mais on ne jeûne pas les samedis. Dans ces 17 jours il y a deux samedis et un Arfe Asart, ou trois jours sans jeûne ; On ajoute donc trois journées pour compléter les 17 jours de rigueur. Le jeûne Av fui institué par Isaïc et jeûné par les trois autres grands prêtres pour les péchés de Manassô, fils d'Ézcchias. Lul לול est un jeûne de 10 jour», et commence

(1) Azqu אצקֻ était Liq ou l'un des quatre juges suprêmes de l'Ethiopie. Par une exception rare ru Abyssinie, il était non-seulement fort lettré, mais très-avide de connaissances étrangères. Dans ce but, il avait appris l'arabe sans sortir de Gondar, il savait aussi le Huarasa, le Kamtiga, le Grec, le Fiyray, l'Àmarinna et le Giiz. Grand amateur de géographie, il avait a foree de questions appris à connaître celle de l'Arabie beaucoup miim que nos savants géographes; il suffisait d'être chrétieu el aOrae d'être blanc pour trouver la plus généreuse hospitalité chez lui. Liq Azim est mort à mej côtés le 21 juillet 1842.

(2) Les Falasha ajoutèrent néanmoins que cette fête tombe parfois en Magabit.

avec la sixième Inné. On ne compte pas les samedis dans ce jeûne, qui fut institué par Jérémie lors de son emprisonnement. Tahasaran תהסרן est un jeûne de 9 jours avant Astariyo, et en outre le jeûne de celle fête : pendant ce jeûne, l'on ne mange que le soir ; c'est donc un total de 10 jours. Ce jeûne fut institué par Esdras, d'après une vision divine, lors de sou retour à Jerusalem, et parce qu'il avait oublié l'époque d'As- tar-iyo. Si cette dernière fête tombe sur un samedi, on l'observe sans jeûner, et si un samedi arrive dans le cours du jeûne, le jeûne total est de 7 jours au lieu de 10. Haddar est un jeûne de 10 jours dans la 10« lune, à partir du commencement. Ce jeûne fut institué par Abba Sivra. Le Zoma Aittr est un jeûne de 10 jours, fut institué par Bsther, et commence av ; la 11e lune. On jeûne au:si tous les lundis et jeudis, surtout les jeudis qu'aucun Falasha ne passe en mangeant. Le jeûne du vendredi a été institué par Moïse, et les Fala.ha instruits jeûnent ce jour-là. Isaïe institua le jeûne du jei'rli, et Àbba Battui בַתי celui du lundi.

Nous acceptons les livres des Macchabées, mais nous ne connaissons pas la fête des Macchabées.

"V. Comment pratiquez-vous ce précepte de la loi : « Et vous prendrez dans le premier jour des fruits d'un arbre majestueux, les branches de pMmiers et d'un arbre épais et des saules du torrent, et vous vous réjouirez devant le Seigneur vo re Dieu pendant sept jours? » Et cet autre : « Et vous pla: srrz uos préceptes sur votre cœur et sur votre âme et vous les lierez pour signe sur vos mains et pour marque entre vos yeux? »

5. Nous n'avons pas de fruits ici et ne tenons pas coii.pte de ces préceptes. Nous prenons des palmiers ei des branc'ies de zigba זגב et du qaha קה. J'admets le précepte, mais nous ne le suivons pas. Nous écrivons nos préceptes sur les portes de notre temple, nous écrirons sur nos mains, mais l'eau efface notre encre (1) : la vôtre est ineffaçable.

VI. Avez-vous la sainte Loi et les autres livres des prophètes en langue hébraïque ou quelque traduction ? Faites-nous Ténu- mératiou des livres que vous possédez en hébreu.

6. Nous n'avons pas d'ouvrages eu hébreu. Nos livres sont d'abord les Biluyat בלֻיט ou (livres) anciens, dont le détail

suit:

(1) Les Abyssins emploient comme tous les Orientaux nne encre composée de charbon et de gomme lenue en suspension dans l'eau. L'eau détache cette encre promptement, et tous les Éthiopiens sont fort étonnés de nous voir tremper un écrit dans l'eau sans en effacer tous les caractères.


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-Orit

1. ארט זלדת -Orit za lidat

2. זצעת

Loi comprenant : Loi de la naissance. Genèse. Loi de la sortie. Exode. Loi des Lévites. Lévitiques. Loi des comptes. Nombres. Loi du second. Deutéronome. Loi de Jasu. Josué.

Loi des chefs. Juges. Loi de Rut. Ruth.

4 livres des Rois. ZaSalomon hammistu 5 livres de Salomon.

savoir : Proverbes.

Exhortation (1).

Assembl. (ou somme) Ecclésiaste.

2. r3?ST — -Oritza za'at

3. ïinS — -Orit za lëwawyan

4. p^D — -Orit za Huilqui

5. an — -Orit za daguim

6- DV« — -Orit za -lasu

7- n;3DD— -Orit za masafint

-Orit za rut

i nagast riDDH

13. mSon

14. 15.

16. 3313 17.

29. -

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33. Vl

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35. 3 36.-, 37.

88. m-

»9. m'

41. )ïïn nsSa Kil-ëtu hiruran 44. yty Izra

Misaliat Tagsaz Makbib Tibab Mahaly 'Asartu wakil-ëlu

daqiqa nabiat Dawit -Isayyas -Ereimias Hezqi-ël Dani-ël -lyyob Sirak Aster Yodit Tobit

Sagesse. Sagesse.

Cantique. Cant. des Cant'

12 petits prophètes. David. Psaumes.

Isaïe.

Jérémie.

Ézéchiil.

Daniel.

Job.

Ecclésiastique.

Esther.

Judith.

Tobie. deux moindres. II Paralipomencs.

IIIEsdras.

II Macchabées.

46. f»3pa Maqabian

Nous ne suivons pas l'exemple des Chrétiens (Abyssins) qui comptent Yosëf (ou histoire des juifs par Josèphe) זין איהֻד parmi les livres de leur Biluy (Ancien-Testament).

(1) Celte division qui existe aussi dans toutes les bibles chrétienne* en Abyssinie comprend nos chapitres xxv à xxxi des Proverbes.

Nos autres livres sont:

1.

Ï.

».

4.

5.

6. 7. 8.

"i:n

pnD'

Hënok Kufalë

Vu Gadla Abraham (1)

— Gadla Yshaq

— Gadla Ya'iqob

— Gadla Muse

— Gadla-Aron Nagara Muse

livre d'Henoch, Te prophète avant les prophètes.

Division ou Appendice du -Oril ou livre de la Loi.

Vie d'Abraham.

Vie d'isaac.

Vie de Jacob.

Vie de Moïse.

Vie d'Aaron.

Discours (sur) Moïse.

Commandement du sabbat.

Disciples.

Grégoire.

(Livre de) Barueb.

(Livre d') heures.

Ou explication de Jésus, fils de Sirak. Cet ouvrage prédit le règne de Téodoros;(2).

Recueil de Maximes.

Somme d'Elias.

VII. En quels caractères est écrite votre loi? Et vos livres hébraïques? Sachez qu'après le retour de Babylone, l'ancien caractère hébreu a cessé d'être en usage, et l'on y a substitué un autre. Nous désirons savoir si votre loi est écrite dans l'ancienne ou dans la nouvelle écriture. (Suit une transcription des deux alphabets.) Nous vous prions de nous envoyer un exemplaire de la Loi en langue et caractères hébraïques, et en échange nous vous enverrons un exemplaire de la nôtre, de manière que nous sachions réciproquement si notre loi est la même.

9. T233D TiNlD Ti-izaza sambat Ardi-it Gorgorios Barok Sa'atat Fikarë -lasu

10. H-

12. -pa

13. rinvo «4- D-»n ns

15. s

Falasfa

16. o'bti 333a Makbaba -Elias

(1) Comme la vie d'un saint est un combat continuel contre les tentations de ce monde, les Abyssins l'appellent גדל, mot qui signifie lutte, mais s'entend aussi dans le sens de tic quand il s'agit d'un saint.

(2) Les Chrétiens ont un Uvre qu'ils appellent פכר איסס Fikarë -Jasus, c'est-à-dire explication de Jésus. Ce Jésus est identifié par 1rs Chrétiens avec notre Sauveur, et comme leur ouvrage prédit aussi la venue de Téodro?, on peut présumer que le Fikarë -lasu dei Chrétiens est identique avec le Fikarë -lasu des Falasha. J'ai deux exemplaires du Fikarë -lasu dans ma col lection.

7. Nos livres sont écrits en Giiz ïyj et nous n'avons aucune connah ronce de l'hébreu.

Nous regardons le mot Falasha comme une injure, et nous nous nommons Kayla, mot qui signifie « qui n'a pas traversé la mer », car Minylik ^'30 et ses gens traversèrent la mer le samedi. Néanmoins, en Quara les Israélites acceptent le nom de Falasha. Dans la langue de ce pays, dite Huarasa, le mot kayog signifie traversa et kayta, ne traversa pas (1).

VIII. Outre les saints livres en possédez-vous quelque autre? des prières, par exemple, pour les sabbats et les jours de fête ? Nous récitons celles qu'ont composées nos sages. Si vous nous envoyez les vôtres, nous vous enverrons les nôtres.

La réponse à cette question se trouve ci-dessus.

IX. Quelle est votre croyance sur le Messie qui doit venir, sur l'enfer, le paradis, sur la résurrection des morts et sur les anges ?

9. Téodros est notre Messie, doit être fils de David, et naîtra dans le pays nommé Azzaf, près de l'Euphrate, à une journée et demie de Jérusalem. Ses ancêtres quittèrent Sion au temps de Salmanazar (Salmanasor). Nous croyons à l'enfer (si-ol) 'jxa et au purgatoire (fndayn). Il y a sept paradis (ri33 gannat) vus par Henoch et Baruch. Nous croyons à la résurrection des morts. Henoch, É';e et Esdras seront tués par l'antechrist (jIDO 1DI1 Hasië Massih, c'est-à-dire faux Messie) et ressusciteront le troisième jour (2).

Il n'y a qu'une femme permise d'après la Loi (-Ont). Le mari et la femme se retrouveront dans le paradis, à moins que l'un ou l'autre ne se soit marié une seconde fois : on n'a plus d'enfants au ciel.

Nous appartenons à un mélange des douze tribus dont chacune envoya un fils aine pour accompagner Minylik.

(La fi* au prochain numéro. ) Antoine D'Abbadie.

(1) J'ai appris d'ailleurs que les Falasha sont appelés Kaylasha en Ar- macoho, district au nord de Gondar. Ceci confirme l'opinion avancée il y à dix-sept ans par le savant W. D. Cooley, que s lia pourrait être une terminative habituelle dans la langue de ces sectaires. Falasha ne se dériverait donc pas, dans cette hypothèse, du Giiz tyi, falasa u!j3, émigra, mais bien du mot t'ai (présage), dont la racine se trouvait dans falasfa, nom d'un recueil de maximes de sagesse. Dans la langue usuelle, les Falasha qui s'ailonueul aux arts manuels, sont souvent appelés Tabib, mot qui réunit les significations si opposées de sage' et de sorcier.

(2) Mes notes ne font pas mention des anges; mais les Falasha doivent en admettra l'existence.