Monsieur de Chimpanzé
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Monsieur de Chimpanzé est une opérette en un acte, écrite par Jules Verne[1], en 1858, sur une musique d'Aristide Hignard, dont la première représentation eut lieu le , aux Bouffes-Parisiens[2].
Argument
[modifier | modifier le code]Van Carcass, du muséum de Rotterdam, s'est mis dans la tête de donner l'hospitalité à un chimpanzé, afin d'observer les réactions de l'animal dans un milieu humain. Mais le singe qu'il introduit dans sa demeure n'est autre qu'Isidore, vêtu d'une peau d'anthropoïde. Ce dernier a trouvé l'astuce pour pouvoir approcher la fille de Van Carcass, qu'il aime.
Personnages
[modifier | modifier le code]- Van Carcass, employé au muséum de Rotterdam.
- Etamine, sa fille.
- Baptiste, son domestique.
- Isidore, dit « de Chimpanzé », fils d'un tulipier de Rotterdam.
Le livret
[modifier | modifier le code]La différence entre Monsieur de Chimpanzé et les deux opéras-comiques précédents[3] est frappante par le changement de ton. Ceux-ci conservaient une allure compassée, malgré, parfois, certains effets comme, par exemple, la brutalité dans Les Compagnons de la Marjolaine. Ici, c'est un ton burlesque, voire débridé, qui s'impose, à l'instar des livrets accompagnés de la musique de Jacques Offenbach ou d'Hervé. Monsieur de Chimpanzé est un cas très réussi de ces textes qui fourmillaient à l'époque et qui firent la renommée des Bouffes-Parisiens. Cela donne une idée de la faculté de Verne de passer d'un genre à l'autre, de Marivaux à Musset, de l'opéra-comique à la bouffonnerie. Cette facilité d'adaptation se retrouvera plus tard dans les Voyages extraordinaires, en perpétuel renouvellement. Les personnages de la pièce débitent de longs monologues, truffés de calembours[4] et de fautes comiques contre la logique, et retrouvent ainsi ces morceaux oratoires si présents dans les opéras-bouffes, particulièrement chez Hervé[5].
La musique
[modifier | modifier le code]Les compositions d'Aristide Hignard pour le livret ont, semble-t-il, été jugées peu intéressantes. G. Héquet note dans L'Illustration que « le Chimpanzé n'a été qu'une petite récréation passagère et sans conséquence… Hignard peut faire et il a fait déjà mieux que cela ». Et, pour prouver ses dires, il rappelle les « ouvrages plus importants » écrits par le musicien pour le Théâtre-Lyrique, sur des livrets de Verne[6]. L'insertion d'une chica[7] dans le courant de la pièce s'explique par le fait que ce motif était une « cheville » assez utilisée à l'époque, bien qu'il fût encore peu connu au moment de l'écriture de Monsieur de Chimpanzé. Il le sera beaucoup plus à la fin du siècle. D'origine africaine, la chica s'était développée dans les Antilles. Or, comme Nantes était le port de négriers antillais et que les deux auteurs avaient vu le jour dans cette ville, on peut penser à une réminiscence.
Robert Pourvoyeur, quant à lui, pense au sort qu'un tel livret aurait eu s'il avait été mis en musique par Jacques Offenbach[8].
L'opérette ne tint l'affiche que pour une quinzaine de représentations.
La partition de l'œuvre ne nous est pas parvenue[9].
Commentaires
[modifier | modifier le code]Un an après son mariage en 1857, Verne écrit Monsieur de Chimpanzé. Étonnante coïncidence, car la pièce a l'air d'inventer un nouvel adage : « Faire le singe pour se marier. » Jusqu'à sa mort, il gardera ses sarcasmes contre le mariage[10]. Sans doute aucun, son union avec Honorine de Viane n'a pas eu d'effet positif sur sa misogamie[11]. D'ailleurs, le personnage de Van Carcass déclame à sa fille : « J'ai entouré ton enfance des animaux les plus intéressants de la création, en attendant que je te trouve un mari. »[12] Et, pour la première fois, un singe apparaît dans l'œuvre de Jules Verne. Ce ne sera pas la dernière. Les Voyages extraordinaires en regorgent, jusqu'au roman sur le chaînon manquant qu'est Le Village aérien. Mais c'est surtout dans L'Île mystérieuse qu'on retrouve le thème de la pièce, cette fois inversé. Dans Monsieur de Chimpanzé, on voit un homme jouant au singe ; dans le roman, Jup, l'orang-outang, devient presque humain en s'imposant comme un serviteur modèle.
L'effet comique principal du texte réside dans le fait que ni Baptiste ni Van Carcass ne s'aperçoivent qu'Isidore n'est pas un singe. En ce qui concerne Baptiste, cela peut paraître possible puisqu'il est décrit comme un être fruste. En revanche, pour Van Carcass, c'est autre chose. Voilà un savant qui travaille au muséum de Rotterdam[13] et qui est incapable de reconnaître un vrai singe d'un faux. Encore un coup de griffe anti-saint-simonien de Verne, qui ne voit pas toujours les savants d'un bon œil. Il avait déjà abordé cet aspect dans Maître Zacharius ou l'horloger qui avait perdu son âme ; il reprendra le thème dans Une fantaisie du docteur Ox et dans d'autres romans ultérieurs. Un gouvernement mondial dirigé par ces personnages, voilà de quoi faire frémir l'auteur, qui leur reproche souvent d'être d'indignes et dangereux serviteurs de la science. En tout cas, Van Carcass nous apparaît grotesque et manquant sérieusement de perspicacité.
Adaptation
[modifier | modifier le code]- Un opéra tiré de la pièce a été créé en 2005 par Jean-Christophe Keck à Metz[14].
Éditions
[modifier | modifier le code]- Société Jules-Verne. Bulletin de la Société Jules-Verne 57 et tiré à part. 1981.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Robert Pourvoyeur, À propos de M. de Chimpanzé, Bulletin de la Société Jules-Verne no 26-27, 1973.
- Robert Pourvoyeur, Jules Verne aux Bouffes-Parisiens, préface à l'édition de la pièce, Société Jules-Verne, 1981.
- Robert Pourvoyeur, Monsieur de Chimpanzé, c'est aussi du Jules Verne !, Revue Jules Verne no 24 : Jules Verne et la musique, Centre international Jules Verne, 2007, p. 85-95.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- La collaboration de Michel Carré pour cet ouvrage est loin d'être prouvée. En effet dans Musiques au théâtre (Paris, 1863), A.-L. Millot présente un Répertoire des Bouffes-Parisiens, liste où, sous la rubrique « Auteur de paroles », Jules Verne figure seul à côté de « Monsieur de Chimpanzé ».
- Voir Albert de Lasalle, Histoire des Bouffes-Parisiens, Paris, Bourdilliat, 1860
- Le Colin-maillard et Les Compagnons de la Marjolaine.
- Verne adorait les calembours, que nous retrouvons tout au long de certains romans, et dans une pièce comme Les Châteaux en Californie, à travers le personnage de la cuisinière Catherine.
- Texte tiré en partie de la préface de Robert Pourvoyeur pour l'édition de la pièce (1981).
- L'Illustration du 13 mars 1858, n° 785.
- La chica est une sorte de conga, qualifiée de « danse nègre » par le Larousse du XIXe siècle.
- Robert Pourvoyeur : op. cité, note 5.
- Volker Dehs, Quelques compléments à la théâtrographie de Jules Verne, in Bulletin de la Société Jules Verne no 198, mai 2019, p. 19
- Le summum étant peut-être atteint dans son roman Clovis Dardentor.
- Article d'Olivier Dumas Tempête sur tempête, rue Charles Dubois. Bulletin de la Société Jules-Verne 151. 3e trimestre 2004.
- Monsieur de Chimpanzé. Scène 3.
- Dans la liste des personnages, il est désigné comme « employé » du muséum, mais, dès le début de la pièce, on apprend qu'il en est le « conservateur ». De plus, il est affublé du titre de « docteur ». Scènes I et III.
- Voir Revue Jules Verne 31, Maître Zacharius, horloger genevois, Adapter Jules Verne à l'opéra, 2010, p.75-90.