Les Villes invisibles
Les Villes invisibles | |
Auteur | Italo Calvino |
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Pays | Italie |
Genre | Roman |
Version originale | |
Langue | Italien |
Titre | Le città invisibili |
Éditeur | Einaudi |
Lieu de parution | Turin |
Date de parution | 1972 |
Version française | |
Traducteur | Jean Thibaudeau |
Éditeur | Éditions du Seuil |
Date de parution | 1974 |
Nombre de pages | 188 p. |
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Les Villes invisibles (Le città invisibili) est un roman d'Italo Calvino publié en 1972 (Einaudi).
Présentation de l’œuvre
[modifier | modifier le code]Ce roman explore l'imaginaire à travers les descriptions de cinquante-cinq villes inexistantes dont Marco Polo fait la description au grand empereur Kublai Khan, dont il est ambassadeur. Dans le style de l'utopie, ce roman poétique sur des villes imaginées par l'auteur nous fait voyager dans d'autres mondes. Les villes sont regroupées en différents thèmes :
- Les villes et la mémoire
- Les villes et le désir
- Les villes et les signes
- Les villes effilées
- Les villes et les échanges
- Les villes et le regard
- Les villes et le nom
- Les villes et les morts
- Les villes et le ciel
- Les villes continues
- Les villes cachées
Les thèmes s'alternent (cf. Structure de l'oeuvre) de manière que chaque thème regroupe cinq villes, et que l'ordre des thèmes reste le même à mesure qu'ils se succèdent. Chacune des villes est personnifiée en une femme, avec un prénom féminin, et les chapitres sont, à intervalles réguliers, entrecoupés de dialogues entre Marco Polo et Kublai Khan sous forme d'aphorismes, d'énigmes ou de paradoxes. La figure mythomane de Marco Polo, qui n'a de cesse de justifier ses mensonges par des sophismes ou des proverbes, rappelle d'ailleurs celle de Hermès Marana, dans Si par une nuit d'hiver un voyageur, autre roman d'Italo Calvino.
Analyse et interprétations des thèmes
[modifier | modifier le code]Italo Calvino utilise à son compte les sens variables et potentiels des noms des thèmes, et gratifie ainsi l’œuvre d'une forte dimension poétique.
En italien, le terme utilisé pour Les villes et la mémoire (“la memoria”) peut signifier “la mémoire” aussi bien que “le souvenir”. Les 5 villes sont donc décrites dans le rapport entre leur présent et leur passé, les causes de ce qu’elles sont aujourd’hui et la continuité de ces conséquences dans le temps. Mais elles relèvent aussi des souvenirs du voyageur comme du riverain, de ce que la ville lui rappelle, même vaguement. Ce thème met l’accent sur l’expérience individuelle qui peut être faite de la ville, et de la manière dont elle est mémorisée en chacun.
Les villes placées sous le titre Les villes et les signes évoquent les attentes possibles que l'on peut avoir des villes à partir d'éléments sensoriels (certains sons, l'architecture, les enseignes), de manière à faire respecter une cohérence entre les signes et la ville. Cette cohérence peut être respectée, et ou entièrement brisée, comme à Ipazie (chap III). Ce thème interprète également le mot "signe" au sens de "signe distinctif", qui va marquer la mémoire.
Les villes effilées sont celles qui comportent une fragilité, ou plutôt une solidité inconstante. Ce sont, dans l'œuvre, les villes parmi les plus originales dans leur description. Ainsi, ces villes sont fines (littéralement, “le cità sottili” signifie “les villes minces” en italien), et se démarquent d’une manière très visuelle et originale. La plupart s’élèvent vers le ciel, mais c’est la hauteur ne fait que renforcer le risque et la violence de la chute : plus la ville est haute, et plus elle est facilement ébranlable.
Les villes et les échanges constituent l’un des thèmes les plus éclectiques. A travers ces 5 villes, Italo Calvino fonde l’échange sur le simple rapport qui peut exister entre deux individus, et sur ce qu’ils peuvent, l’un à l’autre, s’apprendre. La ville est alors ramenée à sa fonction de regroupement social. Il peut s’agir d’échanger, entre les habitants, des paroles, ou bien leur rôle social et politique au sein de la ville; mais les échanges sont aussi ceux de mots, jusque dans leur significations.
Avec Les villes et le regard, l'auteur va se servir du "regard" pour représenter le "regard des autres", ou le jugement, le regard condescendant, mais aussi, au sens plus littéral, les villes de ce thème vont exploiter les notions de points de vue, de subjectivité : la ville dépend de celui qui la regarde, et le voyageur ne voit de la ville que les éléments sur lesquels son regard daigne se poser. La ville de Baucis (chap V) dont les habitants ne touchent plus la terre n'est par ailleurs pas sans rappeler Le Baron perché, du même auteur.
Les villes et le nom vont exploiter un univers linguistique : le rapport entre la ville et ce qui la désigne. Elle se distingue de la catégorie des "signes" car ce ne sont pas les signes présents dans la ville mais bien le signe de la ville elle-même, qui est en jeu. Ainsi, ce n'est pas seulement le nom de la ville qui importe, mais aussi la description qu'on peut en faire. Poussée à l'extrême, cette description passe uniquement par l'imagination du narrateur à partir du simple nom de la ville, comme pour Pirra (chap VI), évoquant ainsi le crible phonologique.
Le thème des villes cachées peut être considéré comme une forme de synthèse. Le narrateur y combat les jugements hâtifs qui peuvent être fait sur une ville en ce que chacune des villes décrites en cache une autre, indétachable, en son sein. Ce thème fait appel à l’imagination des habitants de la ville, leurs désirs les plus enfouis, les révoltes et les révolutions qui se succèdent et surtout s’engendrent, se cachent l’une derrière l’autre. C’est donc une manière de clore l'œuvre, puisque la dernière ville est une ville cachée, et fait la synthèse des questions du bien, du mal, du juste, de l’injuste, du sain et du malsain qui habitent et ont habité les villes précédentes.
Allusions au roman
[modifier | modifier le code]- Dans L'Almanach du Globe-Trotteur, ouvrage présenté en annexe du second épisode de la série BD La Ligue des gentlemen extraordinaires, Alan Moore présente plusieurs villes décrites dans ce roman.
- Dans le roman Mr. Peanut d'Adam Ross, le personnage principal étudie ce livre durant ses études.
Postérité
[modifier | modifier le code]Le compositeur José Manuel López López a créé un opéra multimédia en collaboration avec le vidéaste Pascal Auger à partir du roman d'Italo Calvino.[réf. souhaitée]
Éditions
[modifier | modifier le code]- Les Villes invisibles (trad. Martin Rueff), Gallimard, coll. « Folio », (1re éd. 2019) (ISBN 978-2-07-288349-1)
- Les Villes invisibles (trad. Jean Thibaudeau), Seuil, (1re éd. 1974) (ISBN 978-2-02-006941-0, lire en ligne)
Notes et références
[modifier | modifier le code]Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Pier Paolo Pasolini (trad. René de Ceccaty), « Italo Calvino. Les villes invisibles », dans Descriptions de descriptions, Rivages, coll. « Bibliothèque étrangère », (ISBN 2-86930-975-9), p. 33-38 — Article publié dans Tempo le 28 janvier 1973; trad. fr reprise dans Cahiers de l'Herne, 144, 2024, p. 287-289.
- Aurore Frasson-Marin, Italo Calvino et l'imaginaire, Slatkine, coll. « Textes et études. Domaine italien », (ISBN 2-05-100723-3), partie III, « La littérature du labyrinthe. B. Topologie et signes dans Les Villes invisibles », p. 251-282 — précédemment publié sous le titre « Structures, signes et images dans Les Villes invisibles d’Italo Calvino », Revue des études Italiennes, .
- (it) Carlo Ossola, « L'invisibile e il suo ‘dove’ : « geografia interiore » di Italo Calvino », Lettere italiane, vol. 39, no 2, , p. 220–251 (ISSN 0024-1334, JSTOR 26264284) — extraits traduits dans Daros 1994, p. 196-200.
- Philippe Daros, Italo Calvino, Hachette supérieur, coll. « Portraits littéraires », (ISBN 2-01-019803-4)
- Ken Kirkpatrick, « L’Échiquier du Khan : l’échec de l’ordre dans Les Villes invisibles de Calvino », dans Échiquiers d'encre : le jeu d'échecs et les Lettres (XIXe-XXe s.), Droz, (ISBN 2-600-00289-8, présentation en ligne)
- (en) Martin McLaughlin, « Experimental Signs: Invisible Cities and The Castle of Crossed Destinies », dans Italo Calvino, Edinburgh University Press, , 100–115 p. (ISBN 0-7486-0917-2, DOI 10.1515/9781474470902-010, JSTOR 10.3366/j.ctvxcrf71.12, présentation en ligne, lire en ligne )
- Manet Van Montfrans, « L’enchâssement des énigmes : Les villes invisibles d’Italo Calvino dans La Vie mode d'emploi de Georges Perec », dans Ecrire l’énigme, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, (ISBN 978-2-84050-529-7, DOI 11245/1.284144, lire en ligne), p. 115-126
- Perle Abbrugiati, « Visions de l’Ailleurs dans Les villes invisibles d’Italo Calvino », Cahiers d’études romanes, no 23, , p. 119–139 (ISSN 0180-684X, DOI 10.4000/etudesromanes.661, lire en ligne)
- Sandrine Granat-Robert, « Icasticità des Città invisibili. Fonction de la description chez Calvino », Italies, no 16, , p. 95–120 (ISSN 1275-7519, DOI 10.4000/italies.4391, lire en ligne)
- Clément Lévy, Territoires postmodernes : Géocritique de Calvino, Echenoz, Pynchon et Ransmayr, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », (ISBN 978-2-7535-5791-8, lire en ligne)
- Delphine Gachet, « Repenser l’utopie citadine : Les Villes invisibles de Calvino », dans Utopie et catastrophe : Revers et renaissances de l’utopie (xvie-xxie siècle), Presses universitaires de Rennes, coll. « La Licorne », (ISBN 978-2-7535-9159-2, lire en ligne), p. 185–201
- Natalie Berkman, « L’Oulipo et la géométrie : l’étrange utilité de la table des matières », Études littéraires, vol. 50, no 2, , p. 17–34 (DOI 10.7202/1083994ar, lire en ligne)
- Marco Bazzocchi, « Calvino invisible ? », dans Italo Calvino, L'Herne, coll. « Cahiers de l'Herne » (no 144), (ISBN 9791031904269), p. 290-295
Liens externes
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- Ressources relatives à la littérature :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :