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Effet Matilda

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L'effet Matilda : attribution des découvertes scientifiques féminines à un collègue masculin.

L’effet Matilda est le déni, la spoliation ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes à la recherche scientifique, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins.

Ce phénomène a été décrit pour la première fois par la suffragette et abolitionniste Matilda Joslyn Gage (1826-1898) dans son essai Woman as Inventor (publié pour la première fois sous forme de tract en 1870 et dans la North American Review en 1883). Le terme « effet Matilda » a été inventé en 1993 par l'historienne des sciences Margaret W. Rossiter[1],[2].

L'effet Matilda a été comparé à l'effet Matthieu, selon lequel un scientifique éminent obtient souvent plus de crédit qu'un chercheur relativement inconnu, même si son travail est partagé ou similaire. Il s'inscrit plus largement dans le phénomène d'invisibilisation et d'effacement des femmes.

Découverte et prévalence

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Matilda Joslyn Cage.

Margaret W. Rossiter, historienne des sciences, étudie l'effet Matthieu, théorie développée par le sociologue américain Robert Merton. Dans les années 1960, celui-ci avait remarqué que certains personnages sont reconnus au détriment de leurs collaborateurs, qui sont souvent à l’origine de cette renommée.

En 1993, Margaret W. Rossiter observe que ce phénomène est décuplé lorsqu'il s'agit de femmes scientifiques. Elle nomme cette théorie l'« effet Matilda » en référence à la militante féministe américaine du XIXe siècle Matilda Joslyn Gage[3]. Celle-ci avait remarqué que des hommes s'attribuaient les pensées intellectuelles des femmes[4],[5]. Les contributions des femmes sont souvent réduites à des remerciements en bas de pages[6].

Mais, ce phénomène de minimisation ne se limite pas à l'appropriation de travaux de chercheuses par des hommes. Il se retrouve en cas de découvertes simultanées, où le seul nom retenu est bien souvent celui du découvreur masculin.

Il commence bien en amont, avec l'omission de femmes scientifiques dans les annuaires ou compilations de biographies de scientifiques dont bien souvent les titres excluaient de plus les femmes : Rossiter constate qu'aux États-Unis, pour des ouvrages majeurs, on n'y parle pas de « scientifiques », mais d’« hommes de sciences ». En sciences sociales, dans les années 1950 et 1960, plusieurs études influentes sur cette population excluent les femmes de leurs échantillons[7] pour obtenir des profils plus homogènes, ou plus tard les intègrent dans les données d'analyse, mais sans les citer dans le corpus des travaux, contrairement à leurs homologues masculins. Lorsque la participation de femmes est reconnue dans des travaux scientifiques, les médias renforcent le processus en citant de préférence les seuls noms masculins[8].

Il s'inscrit plus largement dans le phénomène d'invisibilisation et d'effacement des femmes, également dénommé mentrification, qui est commun à plusieurs domaines (scientifiques, mais aussi techniques, artistiques, politiques)[9],[10].

Exemple au Moyen Âge

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Margaret W. Rossiter trouve un exemple au Moyen Âge avec Trotula de Salerne, femme médecin italienne (XIe – XIIe siècles). Chirurgienne et enseignante à l'école de médecine de Salerne, elle écrit Le Soin des maladies des femmes, un ouvrage de référence sur la gynécologie. Pourtant, ce traité a été par la suite attribué à des hommes[4].

Exemple au XVIIIe siècle

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Jeanne Barret (1740–1807), botaniste originaire de Bourgogne, est la première femme à avoir fait le tour du monde en bateau. Compagne et collaboratrice du botaniste Philibert Commerson, elle dut se travestir en homme pour participer à l'expédition de Louis-Antoine de Bougainville. On leur doit par exemple les premiers spécimens de bougainvillier. L'essentiel des découvertes botaniques fut attribué à Commerson seul, dont plus de 70 espèces végétales portent le nom. Il faudra attendre le XXIe siècle pour qu'elle soit à son tour immortalisée avec la description de l'espèce Solanum baretiae[11].

Exemples au XXe siècle

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Plusieurs cas d'effet Matilda sont recensés pour le XXe siècle.

Lise Meitner à l'université de Washington.
Rosalind Franklin.

À Toulouse, une allée Matilda « pour la juste place des femmes dans les sciences » est inaugurée en [35].

Notes et références

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  1. Margaret W. Rossiter, « The Matthew/Matilda effect in science », Social Studies of Science, London, UK, vol. 23, no 2,‎ , p. 325–341 (ISSN 0306-3127, DOI 10.1177/030631293023002004, S2CID 145225097)
  2. (en) Katherine M. Flegal, « A female career in research », Annual Review of Nutrition, vol. 42, no 1,‎ , annurev–nutr–062220-103411 (ISSN 0199-9885, PMID 35363538, DOI 10.1146/annurev-nutr-062220-103411 Accès libre, S2CID 247866328)
  3. Camille Froidevaux-Metterie, La Révolution du féminin, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », , 384 p. (ISBN 978-2-07-257344-6, lire en ligne).
  4. a et b « L'effet Matilda, ou les découvertes oubliées des femmes scientifiques », France Culture,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. « «Effet Matilda» : de Lise Meitner à Marthe Gautier, ces femmes scientifiques oubliées par l’histoire au profit d’hommes », sur Le Parisien, .
  6. « Carrière scientifique. Les femmes ? Des notes de bas de page », sur Courrier international, (consulté le ).
  7. Ainsi que les scientifiques nés à l'étranger et les chercheurs de plus de 60 ans.
  8. a b et c Rossiter 1993.
  9. Marie-Jeanne Delepaul, « "Mentrification" : quand les femmes font tout le boulot et qu'on ne se souvient que des hommes », sur France Inter, (consulté le )
  10. Mayra Carneiro, « Les femmes oubliées de l’histoire », sur Mediapart, (consulté le )
  11. (en) Tepe E, Ridley G, Bohs L (2012) A new species of Solanum named for Jeanne Baret, an overlooked contributor to the history of botany. PhytoKeys (en) 8: 37-47. DOI 10.3897/phytokeys.8.2101.
  12. a b et c Nelly Lesage, « Informatique, astronomie ou chimie : toutes ces inventions de femmes attribuées à des hommes - Politique », sur Numerama, (consulté le ).
  13. (en) « Handling evidence in history: the case of Einstein’s wife », School Science Review,‎ (lire en ligne).
  14. https://www.afis.org/L-histoire-reelle-de-Mileva-Einstein-Maric
  15. « Mileva Einstein, l'oubliée de la relativité ? », France Culture,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) Leopold Halpern et Maurice Shapiro, Out of the Shadows : Contributions of Twentieth-Century Women to Physics, Nina Byers and Gary Williams, , 471 p. (ISBN 978-0-521-82197-1, lire en ligne), Marietta Blau.
  17. (en) « No Nobel Prize for Whining », sur New York Times, .
  18. (en) Leslie S. Ettre, « The Beginnings of Gas Adsorption Chromatography 60 Years Ago », LCGC North America (de), vol. 26, no 1,‎ , p. 48–60 (lire en ligne).
  19. « Cremer, Erika », sur encyclopedia.com (consulté le ).
  20. (en) Walter G. Jennings (en) et Colin F. Poole, « Milestones in the Devlopment of Gaz Chromatography », dans Colin Poole, Gas Chromatography, Elsevier, (ISBN 9780123855404, lire en ligne), p. 2.
  21. Marelene F. Rayner-Canham et Geoffrey W. Rayner-Canham, Women in chemistry : their changing roles from alchemical times to the mid-twentieth century, Washington, DC, American Chemical Society, (ISBN 0-8412-3522-8, OCLC 38886653, lire en ligne).
  22. (en) Annette Lykknes (no) et Brigitte Van Tiggelen, Women in their element : selected women's contributions to the periodic system, New Jersey, World Scientific Publishing, , 556 p. (ISBN 978-981-12-0628-3, 9811206287 et 9789811207686, OCLC 1104056222, lire en ligne), p. 233.
  23. Axel Kahn, « L'hélice de la vie », Med Sci, (DOI 10.1051/medsci/2003194491).
  24. a et b « L'effet Matilda ou le fait de zapper les découvertes des femmes scientifiques », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. « Les dorsales »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur ifremer.fr, (consulté le ).
  26. Nina Strochlic et Sara Manco, « Les pionnières », National Geographic France, no 246,‎ , p. 108-129.
  27. (en) Henry R. Frankel (en), The Continental Drift Controversy : Introduction of Seafloor Spreading, Cambridge University Press, , 476 p. (ISBN 978-0-521-87507-3), p. 395.
  28. Erin Blakemore, « 8 génies dont vous n’avez probablement jamais entendu parler », sur National Geographic, (consulté le ).
  29. « Il était une fois une trisomie 21 : le récit de la découverte », sur fondationlejeune.org, (consulté le ).
  30. Nicolas Chevassus-au-Louis, « Trisomie : une pionnière intimidée », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. Denis Sergent, « Découverte de la trisomie 21, le rôle de Marthe Gautier reconnu », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  32. Comité d’éthique de l’Inserm, « Avis du Comité d’éthique de l’Inserm relatif à la saisine d’un collectif de chercheurs concernant la contribution de Marthe Gautier dans la découverte de la Trisomie 21 », Publication Inserm,‎ (lire en ligne).
  33. « Esther M. Zimmer Lederberg: Gender Discrimination: Daisy Roulland Dussoix », sur www.estherlederberg.com (consulté le ).
  34. (en) « Female physicist "snubbed" for Nobel Prize recognized as "Woman of the year" », sur womenintheworld.com (en), .
  35. « Allée Matilda : pour la juste place des femmes dans la recherche | Université de Toulouse », sur univ-toulouse.fr, (consulté le ).
Traduction française : Margaret W. Rossiter (trad. Irène Jami), « L’effet Matthieu Mathilda en sciences », Les Cahiers du CEDREF. Centre d’enseignement, d’études et de recherches pour les études féministes, no 11,‎ (ISSN 1146-6472, lire en ligne)

Articles connexes

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Liens externes

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