vec ses 9 200 hectolitres de vins produits en 2021, l’aire de production des vins du Bugey se trouve bien loin des poids lourds du paysage viticole français. Aussi restreinte soit cette zone d’appellation (environ 450 hectares), nichée dans une boucle du Rhône au cœur d’un triangle Lyon-Grenoble-Genève, elle n’a pas échappé aux foudres du gel d’avril 2021, « ainsi qu’un printemps trop humide ».
Cette mauvaise conjonction climatique a fait encaisser 62 % de pertes de récolte aux vignerons de l’appellation par rapport à 2020, « qui n’était pourtant pas une très grosse année, dans les standards de la moyenne décennale de 23 800 hl », avise Jean-Luc Guillon, président d’un syndicat des vins du Bugey qui tenait son assemblée générale le 14 mars dernier. 8 appellations et 2 indications géographiques sont représentées par le syndicat.
« Les stocks se trouvent donc à présent à un niveau exceptionnellement bas », s’inquiète le président du syndicat, qui manque de visibilité la capacité des opérateurs à fournir leurs marchés avant la disponibilité du prochain millésime. Majoritaires dans la ventilation de la production locale, les vins effervescents occupent habituellement 60 % des volumes, suivis des blancs et des rouges en proportion similaires, avec un léger avantage aux blancs, « mais le gel a entraîné des ajustements pour 2021, en particulier pour les effervescents qui n’atteignent que 48 % des volumes pour 2021 », observe Julien Hubail, chargé de l’appui technique à la filière viticole pour le syndicat. « Les effervescents ont connu une période de développement continue mais tendent à présent à stagner avec une demande stabilisée de la part des marchés », resitue d’ailleurs Jean-Luc Guillon.
Pour une petite zone d’appellation comme Bugey, un tel déficit de volumes entraîne mécaniquement des difficultés pour le financement de l'Organisme de Défense et de Gestion (ODG), qui ne fonctionne qu’avec deux salariés. « Nous allons opérer à des coupes dans notre budget communication, surtout voué à soutenir notre présence pendant la saison touristique estivale, mais c’est peut-être un moindre mal dans la mesure où il n’y aura pas forcément suffisamment de vins disponibles cette année », déroule Jean-Luc Guillon.
La zone d’appellation, qui n'est rattachée à aucune interprofession, a également décidé de procéder à une grande refonte de ses vecteurs de communication, devenus obsolètes. «Tout est quasiment prêt pour accompagner le plan de communication déjà acté », appuie le président. De 2022 à 2024, un évènement phare alimentera même le fil rouge de la communication du syndicat. « 8 cuvées sélectionnées par des personnalités vont passer deux ans en élevage dans les grottes du Cerdon, au terme desquels nous organiserons une grande soirée de gala, pour mettre en adéquation les vins du terroir, les truffes, et ce patrimoine touristique des grottes », valide Jean-Luc Guillon.
Dans le Bugey, 2021 marquait également le terme d’un plan triennal où région et département sont venus soutenir l’investissement des exploitations dans du matériel viticole, « pour aider à la transition écologique ». Compte tenu de la crise Covid et du gel, cette période, au cours de laquelle une enveloppe globale de 300 000€ a accompagné les vignerons ayant fait leur demande, a finalement été prolongée jusqu’à l’été 2022.
Du côté de la commercialisation, la vente directe occupe la moitié des volumes, mais le Jean-Luc Guillon apprécie le développement de la vente des vins à l’export, « même si cela ne dépasse pas 15 % de nos volumes, mais il y a une dynamique positive, vers les pays limitrophes mais également vers l’Amérique du nord. On constate un appétit de certains marchés pour ce type de vin confidentiel que nous produisons ». La grande distribution régionale d’Auvergne Rhône-Alpes est un autre canal de commercialisation, mais l’appellation bénéficie de solides relais dans le réseau caviste de la région parisienne. Le négoce joue plutôt un rôle d’appoint, centré autour de quinze opérateurs, tous également vignerons au sein de l’appellation, qui se chargent de commercialiser le reste des volumes échangés sur le marché vrac.
Les surfaces de production du Bugey sont stables mais la population vigneronne tarde à se renouveler. Le président souligne pourtant des initiatives de la part de jeunes enclins à s’installer. « Mais le point noir de notre zone se situe essentiellement sur la disponibilité de main d’œuvre », déroule-t-il, « l’Ain est un département doté d’industries, où il y a peu de chômage, nous avons donc de grandes difficultés à trouver une main d’œuvre intéressée, motivée et encline à faire face à la pénibilité du travail dans notre vignoble. Nous sommes donc obligés de faire appel à des sociétés prestataires avec une main d’œuvre hétérogène en rotation permanente », décrit-il.
Malgré cette difficulté conjoncturelle, les vignerons du Bugey revendiquent leur dynamique et leur appétence pour les certifications environnementales. « En 2021, nous avons 40 % de la surface de l'AOC et 34 % des volumes revendiqués certifiés AB ou en cours de certification. Au total, ce sont 50 exploitations, sur les 72 déclarant des vins AOC Bugey, qui sont engagées dans des démarches environnementales », appuie Julien Hubail. En croisant les doigts pour que les dégâts du gel de 2022 soient moindres que l’an passé.