Plusieurs d’entre elles se sont rassemblées vendredi 4 octobre au matin, devant le centre hospitalier Jean-Leclaire où un nouveau projet, relatif à la périnatalité, devait être présenté
« On a peur que ça ferme, on a même peur d’envisager une grossesse aujourd’hui. » Émilie Desmartin habite La Roque-Gageac, en Dordogne. Maman d’une petite fille de 4 ans qu’elle a mise au monde en 2020 à la maternité de Sarlat, elle fait partie de ces mères et futures mères qui, ce vendredi 4 octobre, ont tenu à témoigner de leur soutien à ce service médical de proximité. Elles étaient, au matin, devant l’entrée de l’hôpital Jean-Leclaire.
Pour celles qui ne pouvaient pas être présentes, leurs mots figuraient sur des pancartes disposées autour des manifestants. Toutes évoquent « le stress », « l’angoisse » vécus par les parturientes du secteur qui ne savent plus vraiment à quel saint se vouer. Depuis deux ans, la maternité de Sarlat accuse des suspensions répétées des accouchements. Le service est d’ailleurs fermé depuis le 29 août et au moins jusqu’au 21 octobre, réduit à un centre périnatal de proximité. En cause, le manque de médecins.
« Un gros stress »
« J’attends ma deuxième fille pour le 25 décembre et je ne sais pas encore où je vais accoucher »
« J’attends ma deuxième fille pour le 25 décembre et je ne sais pas encore où je vais accoucher », déclare Léa Rubio, coincée chez elle à Daglan, jointe par téléphone grâce à une autre maman. Pour sa première, tout a été très vite : « Trente minutes après la perte des eaux, elle était là. »
Aujourd’hui, elle est invitée à réfléchir à « une solution de repli » : accoucher à Périgueux, Cahors ou Brive, c’est-à-dire à une heure ou plus de son domicile, dans le cas où la maternité de Sarlat ne serait pas en mesure de l’accueillir. « Pour nous, les futures mamans, c’est un gros stress », dit-elle.
Projet Koala
Cette manifestation de mamans, organisée par le collectif Sauvons l’hôpital de Sarlat, n’était pas fortuite. Ce vendredi, la direction du centre hospitalier validait un nouveau projet avec l’aval de l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine. Appelé Koala, ce dispositif testé depuis le mois de juin, initié par les équipes de la maternité sarladaise, propose un suivi et un accompagnement poussés, à domicile, des femmes enceintes du Périgord noir et de celles qui ont accouché.
Préparation à la mise au monde, apprentissage de la parentalité, mais aussi conseils en nutrition font partie de ce nouveau service qui semble avoir enthousiasmé les élus locaux et autres officiels. Pour Benoît Elleboode, directeur général de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine, c’est « la dernière brique qui manquait » pour assurer le maintien de la maternité de Sarlat : « Il faut augmenter le nombre de femmes suivies à Sarlat pour des accouchements. Comme ça, demain, quand on pourra rouvrir de manière plus régulière le plateau technique obstétrical, on sera sûr [de sa fréquentation] », déclare-t-il en sortant de la réunion de présentation. Derrière lui, Jean-Jacques de Peretti, maire de Sarlat et président du conseil de surveillance de l’hôpital Jean-Leclaire, souligne que depuis janvier, 436 bébés sont nés dans le Sarladais, dont « moins de 160 » à la maternité.
En attendant les médecins…
« L’objectif de l’État, à terme, est que la maternité de Sarlat rouvre tous les jours de l’année »
« L’objectif de l’État, à terme, est que la maternité de Sarlat rouvre tous les jours de l’année », martèle Benoît Elleboode. De nombreux soignants locaux et usagers de la maternité n’en sont pas si sûrs, craignant que ce projet Koala préfigure la fin des accouchements à Sarlat. Pour le directeur régional de l’ARS, le maintien du plateau technique obstétrical et les 17 millions d’euros promis en juillet par l’ancien ministre de la Santé pour rénover l’hôpital sarladais devraient pourtant suffire à rassurer tout le monde.
« Au vu de la géographie de ce territoire, la question du maintien de la maternité ne se pose pas : les autres maternités sont trop loin. […] Dès qu’on pourra garantir des accouchements à Sarlat dans de bonnes conditions de sécurité, on le fera », insiste Benoît Elleboode.
Pour les garantir, ces bonnes conditions, il faut une équipe médicale complète avec suffisamment de médecins, ce qui n’est toujours pas le cas à Sarlat. L’ARS affirme que ce n’est qu’une question de temps, que des recrutements sont à venir et qu’il faut attendre aussi les effets de la fin du numerus clausus. Facile à dire, mais pas à entendre pour les futures mères concernées. Ce qu’elles voient, elles, c’est que le taux de mortalité infantile remonte en France. Et beaucoup d’entre elles font le lien entre cette hausse et le phénomène de désertification médicale dont Sarlat est un exemple criant. « Dans ces circonstances, je n’ai pas du tout envie d’avoir un deuxième enfant », confie Émilie Desmartin.