Le lycée bilingue d’Ekondo Titi a été « le théâtre d’attaques meurtrières par des individus non identifiés », a rapporté la CRTV, la chaîne publique d’informations en continu. « Trois élèves ont été tués par balle. Une enseignante, blessée, est aussi morte sur le chemin de l’hôpital », a confirmé Roger Kaffo Fokou, secrétaire général du syndicat national autonome de l’enseignement secondaire (SNAES).
« Le drame a également fait plusieurs blessés qui sont actuellement suivis dans les formations hospitalières » de la ville, ajoute la CRTV. « Les forces de défense et de sécurité mènent actuellement une battue pour retrouver les assaillants. »
« Des gens armés sont arrivés à l’école. Ils ont ouvert le feu et lancé des explosifs dans des salles de classe », a affirmé sous couvert d’anonymat la responsable d’une ONG.
Dans les deux régions Sud-Ouest et Nord-Ouest, où vit l’essentiel de la minorité anglophone d’un pays majoritairement francophone, un conflit sanglant oppose depuis 2017 les groupes armés séparatistes et les forces de sécurité.
« Bilan épouvantable »
L’attaque de mercredi n’a pas été revendiquée mais les séparatistes armés attaquent régulièrement des écoles auxquelles ils reprochent d’enseigner en français, et tuent des fonctionnaires, dont des enseignants, qu’ils accusent de « collaborer » avec Yaoundé. Ou bien enlèvent des élèves qu’ils libèrent par la suite.
« Ces attaques, la peur qui en résulte et la détérioration de la situation sécuritaire ont provoqué la fermeture d’écoles dans les régions anglophones, et empêchent les élèves d’accéder à l’éducation », poursuit Ilaria Allegrozzi, chercheuse au sein de l’ONG HRW pour le Cameroun.
En novembre 2019, l’Unicef évoquait plus de 855 000 enfants non scolarisés dans les régions anglophones et 90 % des écoles primaires publiques fermées ou non opérationnelles.
Conflit meurtrier
En octobre 2020, une dizaine d’hommes armés à moto avait pris d’assaut une école bilingue à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, et ouvert le feu sur des élèves, tuant sept enfants âgés de 9 à 12 ans. Une douzaine d’autres avaient été blessés par balle ou à coups de machette.
En septembre, un tribunal militaire avait condamné à mort quatre accusés dans ce que HRW avait appelé un « simulacre de procès », « marqué par des vices de procédure », notamment « le recours à un tribunal militaire pour juger des civils » qui « viole le droit international ».
Le 15 octobre dernier, un gendarme a tué une écolière de 5 ans à Buea, dans la région du Sud-Ouest anglophone, avant d’être lynché à mort. Des centaines de personnes avaient alors manifesté leur colère en portant la dépouille de l’enfant, les autorités appelant la population au calme.
Le 10 novembre, onze étudiants avaient été blessés par un engin explosif dans l’université de Buea, chef-lieu de la région du Sud-Ouest.
Les combats au Cameroun anglophone, mais aussi les exactions et meurtres de civils par les deux camps, selon de nombreuses ONG, ont fait plus de 3 500 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile depuis 2017.