L'aspartame est-il bon ou mauvais pour la santé ? "Un enfant qui n'est ni diabétique ni obèse, de même qu'une femme enceinte, devrait s'abstenir de consommer de l'aspartame", le docteur Valérie Magnin, cancérologue, a relancé le débat à la tribune du congrès "Cancer et environnement", organisé à Aix-en-Provence en avril. Pour d'autres médecins, en revanche, un usage raisonnable ne pose aucun problème.
Découvert en 1965, l'aspartame est présent partout : sucrettes, boissons, desserts, bonbons, chewing-gums, yaourts, produits amaigrissants, etc. Les doses journalières autorisées (DJA) sont de 40 mg/kg/jour. L'aspartame est un édulcorant puissant dit "intense", faible en calories, avec un pouvoir sucrant environ 200 fois supérieur à celui du saccharose (sucre de table).
DES TROUBLES DIVERS
Le docteur Laurent Chevallier, spécialiste de la nutrition, auteur de plusieurs ouvrages de référence, dont Les 100 Meilleurs Aliments pour votre santé et la planète (Fayard, 333 p., 19 euros), regarde, lui aussi, cette substance avec méfiance : "Je déconseille absolument à mes patients la consommation de l'aspartame lorsqu'il s'agit d'enfants, même après 3 ans (il est interdit dans l'alimentation pour bébé et jeunes enfants jusqu'à 3 ans) et de femmes enceintes et allaitantes. Ce principe ne devrait-il pas se généraliser ?"
Il mentionne "des témoignages alarmistes de personnes ayant consommé ces produits et décrivant des troubles très divers : maux de ventre, mal-être, dépression, vertiges, troubles de la mémoire, ces effets s'estompant à l'arrêt des prises". Certes, "ce ne sont que des affirmations, mais cela devrait alerter les pouvoirs publics", poursuit-il. Mais "l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) devrait prendre les devants face à des études qui alertent et à une trop grande incertitude sur l'innocuité des édulcorants".
Les études menées sur des rats par le centre de recherche sur le cancer de la Fondation Ramazzini (Bologne, Italie), en 2005, puis en 2007, avaient semé le trouble, en montrant un lien entre l'aspartame et l'augmentation des cancers. Mais l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), notamment, avait conclu qu'il "n'y avait pas de base scientifique pour reconsidérer son utilisation dans les aliments".
Marie-Christine Favrot, responsable de la direction des risques nutritionnels et sanitaires à l'AFSSA, assure que "les éléments scientifiques accumulés sur ce sujet depuis des années ne permettent pas de conclure que l'aspartame présente un risque pour la santé humaine". Philippe Reiser, directeur scientifique au Centre d'études et de documentation du sucre (Cedus), est sur la même ligne : "Ma position est celle des autorités sanitaires, qui ont réaffirmé l'innocuité de l'aspartame." "Qui croire ?, interroge Mme Magnin. Ces études sont-elles indépendantes ?"
Autre question controversée : l'aspartame fait-il maigrir ? "Il n'y a pas de preuve formelle de son intérêt sur le contrôle du poids. Les boissons à base d'édulcorant participent à la progression du surpoids et de l'obésité, selon certaines études, même si cela peut paraître paradoxal", indique M. Chevallier. Cette hypothèse est étayée par les travaux du professeur John Blundell, directeur du département de psychobiologie de l'université de Leeds au Royaume-Uni.
Elle est cependant contestée. "L'aspartame est une façon idéale de remplacer le sucre avec pratiquement aucune calorie, et peut contribuer à une bonne hygiène bucco-dentaire", souligne le site Aspartame Information, géré par... Ajinomoto, l'un des plus grands fabricants d'aspartame au monde. Cependant, "en général, les consommateurs de produits allégés surconsomment", avertit M. Reiser.
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