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Sofiane Si Merabet : « La société française est aveugle au fait colonial »

L’artiste, qui s’interroge sur les identités et les mémoires arabes, considère, dans un entretien au « Monde », qu’« il y a une certaine proximité entre les pays du Golfe et le Japon dans leur curiosité pour le reste du monde ».

Propos recueillis par 

Publié le 02 septembre 2024 à 05h00, modifié le 02 septembre 2024 à 19h18

Temps de Lecture 3 min.

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Artiste et entrepreneur culturel, Sofiane Si Merabet, 43 ans, est l’auteur de L’Arabe confus (Belfond, 236 pages, 20 euros). Il anime le compte Instagram @theconfusedarab et s’interroge sur les identités et les mémoires arabes.

Vous expliquez que la nostalgie est le sentiment le mieux partagé parmi les différentes communautés arabes. Pourquoi ?

Le mot « nostalgie » n’est pas connoté négativement chez les Arabes. El Haneen, c’est un sentiment avec lequel on a grandi, que ce soit en diaspora ou dans les sociétés arabes. En diaspora, c’est le mythe du pays perdu. Mais même les gens qui restent dans leur pays élèvent leurs enfants dans cette idée que c’était mieux avant.

Chez les Arabes, cette nostalgie se double d’un sentiment de déclassement civilisationnel en lien avec le mythe de l’Andalousie, du panarabisme, etc. Il y a une volonté de se rassurer en regardant le passé. Aujourd’hui, cette façon de penser est remise en cause grâce aux diasporas installées dans les pays occidentaux. Il y a aussi l’influence des pays du Golfe, qui parviennent à montrer un autre rapport au présent et au futur.

Vous habitez aux Emirats arabes unis. Vivez-vous, d’une certaine manière, un double exil ?

Mon départ dans le Golfe a été volontaire et lié à une envie de reconstruction identitaire. Je m’y suis rendu pour la première fois en 2004. Le fait de voir des enseignes en arabe sur des buildings modernes, ça m’a fait comprendre qu’il ne s’agissait pas que d’une langue du passé liée à la religion. Cela a agi comme un pansement sur le fait que mon identité arabe a été niée et incomprise dans la société française.

J’ai une double nostalgie, celle d’une Algérie rêvée et celle de la France que j’ai quittée. Dans mon enfance, on m’a appris : « L’Algérie c’est ton identité, et que ça soit bien ou pas bien, c’est une partie de toi. » C’est ce qui m’a aidé à être curieux et plus affirmé dans ma construction identitaire. Le fait d’avoir quitté la France il y a seize ans me permet de voir combien mon pays a changé. Si je suis nostalgique, c’est surtout de l’image que la France projetait sur le monde. Des mots comme « République », « laïcité », « égalité » avaient de la valeur. En redécouvrant mes identités arabes, j’ai appris à aimer encore plus mon identité française. Jordan Bardella et Eric Ciotti n’ont pas le monopole de dire ce que doit être la France.

Votre départ de la France était-il plutôt choisi ou subi ?

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