Au rez-de-chaussée du palais Barberini, à Rome, une salle renferme plusieurs crucifix peints sur bois. Sur certaines de ces représentations du XIIIe siècle, le Christ a le visage souffrant, tête inclinée, quand d’autres le montrent triomphant, déjà en gloire. Ces différences illustrent les débats théologiques des premiers siècles du christianisme auxquels le pape a fait référence dans sa première homélie de 2025.

« Le Christ est-il seulement homme, seulement Dieu, les deux, ou bien l’un puis l’autre ? », s’interrogeaient les premiers chrétiens, avant que les grands conciles œcuméniques fixent, entre le IVe et le VIIIe siècle, une orthodoxie. Celle-ci a été rappelée, mercredi 1er janvier, par François, depuis la basilique Saint-Pierre, où il avait ouvert le Jubilé 2025 huit jours plus tôt.

« Le Christ Jésus, notre Sauveur, est né d’une femme ; Il est fait de chair et de sang ; Il vient du sein du Père, mais Il s’incarne dans le sein de la Vierge Marie », a rappelé le pape, à l’occasion de la solennité de Marie, mère de Dieu. Il avait auparavant mis en garde contre le retour de certaines hérésies : « une tentation fascine un grand nombre aujourd’hui, (et) pourrait séduire également de nombreux chrétiens : celle d’imaginer ou de se fabriquer un Dieu “abstrait” lié à une vague idée religieuse, à un bon sentiment passager. Au contraire, Jésus est concret, il est humain, né d’une femme. Il a un visage et un nom, et il nous invite à entretenir une relation avec lui », a-t-il insisté.

Protéger la vie

Cette humanité du Christ commande à l’homme de « prendre soin de la vie », a-t-il poursuivi. Le choix de Dieu de s’incarner dans « un nouveau-né sans défense, fragile, qui a besoin des soins de sa mère, besoin de langes et de lait, de caresses et d’amour » nous engage à protéger la vie du début à la fin, « depuis la conception jusqu’à la mort naturelle », a souligné François, rappelant implicitement sa condamnation ferme de l’avortement et de l’euthanasie.

« Cette nouvelle année qui s’ouvre, confions-la donc à Marie, mère de Dieu, pour que nous apprenions à prendre soin de (…) la vie dans le sein maternel, la vie des enfants, la vie de ceux qui souffrent, la vie des pauvres, la vie des personnes âgées, des personnes seules, des mourants », a-t-il détaillé. François a ensuite renvoyé, en fin d’homélie, vers le message pour la 58e journée mondiale pour la paix, le 1er janvier 2025, rendu public par le Vatican le 12 décembre.

Trois actions concrètes pour 2025

Le pape y demandait « trois actions » concrètes pour 2025. D’abord, que la dette extérieure des pays vulnérables et pauvres – dont le niveau est devenu astronomique depuis l’épidémie de Covid-19 – soit remise, voire annulée. François défend l’idée que la remise de cette dette n’est pas un acte de charité, mais de justice. Les pays riches et industrialisés étant les plus pollueurs, ils auraient développé « une dette écologique » à l’égard des pays plus pauvres, explique le pape, persuadé que « la dette extérieure est devenue un instrument de contrôle » et d’exploitation.

Autre action concrète : le pape demande que la peine de mort soit abolie « dans toutes les nations » en 2025. « Cette pratique,non seulement transgresse l’inviolabilité de la vie, mais anéantit aussi toute espérance humaine de pardon et de renouveau », écrit-il, sans référence explicite aux États-Unis, où le président catholique, Joe Biden, a commué, le 23 décembre 2024, la peine de 37 détenus condamnés à mort, à quelques semaines de l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2025. Ce dernier au contraire, a assuré que les condamnations à la peine capitale seraient multipliées.

Comme troisième action, le pape a émis l’idée qu’un pourcentage des bénéfices des industries de l’armement soit prélevé pour combattre la faim dans le monde. Depuis plusieurs mois maintenant, François répète presque chaque semaine son indignation face à l’enrichissement colossal du secteur de l’armement, qui ne s’est en effet jamais aussi bien porté depuis la guerre froide. En 2023, le chiffre d’affaires des 100 premiers groupes de défense a progressé de 4,2 % pour atteindre environ 600 milliards d’euros, selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm publié le 2 décembre 2024.

« Je demande un engagement ferme à promouvoir le respect de la dignité de la vie humaine, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, afin que toute personne puisse aimer sa propre vie et envisager l’avenir avec espérance », a conclu le pape ce 1er janvier depuis la basilique, avant de rejoindre le Palais apostolique tout proche, pour l’Angélus.

À la fenêtre, au-dessus de la place Saint-Pierre, François a commencé par souhaiter la bonne année aux personnes rassemblées. « Aujourd’hui, en ce premier jour de l’année, consacré à la paix, pensons à toutes les mères qui se réjouissent dans leur cœur, et à toutes les mères dont le cœur est plein de douleur parce que leurs enfants ont été enlevés par la violence, par l’orgueil, par la haine », a dit le pape, qui a répété ses prières pour l’Ukraine, Gaza, Israël et la Birmanie.