Jubilé : s’inscrire dans le temps
Les jubilés ont peut-être toujours été, pour les papes, un temps privilégié pour livrer leur vision de l’histoire. Chaque samedi, l’envoyé spécial permanent de La Croix au Vatican vous dévoile les coulisses du plus petit État du monde.
réservé aux abonnés
Lecture en 2 min.
Les jubilés ont peut-être toujours été, pour les papes, un temps privilégié pour livrer leur vision de l’histoire.
À ce sujet, il est intéressant de relire ce qu’écrivait Jean-Paul II avant celui de l’an 2000, dans sa Lettre apostolique Tertio millenio adveniente. Le XXe siècle a été le siècle du péché, insiste le pape polonais, qui cite les deux guerres mondiales, les camps de concentration, l’expérience d’« effroyables massacres». Face à ces maux, chacun des papes modernes aurait agi, écrit-il, comme une sorte de phare : Benoît XV face à la Première Guerre mondiale. Pie XI face à la montée du nazisme, du fascisme, de l’installation d’un régime léniniste en Russie et de la révolution mexicaine. Pie XII face à la Seconde Guerre mondiale…
Pour Jean-Paul II, l’histoire a un sens, que l’Église vient révéler de façon providentielle. Attentive aux signes. «Avec leurs jubilés, (les différentes Églises) célèbrent des étapes significatives dans l’histoire du salut des divers peuples», écrit-il dans ce texte, qui contient plusieurs allusions à la fin des temps. Jean-Paul II l’imaginait-elle proche ? « Il est difficile de ne pas remarquer que l’Année mariale a précédé de près les événements de 1989», remarque le pape, en référence à la chute du communisme. Léon XIII n’avait-il pas prédit de manière « prophétique » cette chute dès 1891 dans son encyclique Rerum novarum ?, veut croire Karol Wojtyla.
Une pierre milliaire
Chez François, qui a ouvert le 24 décembre la porte sainte de Saint-Pierre, avant celle deux jours plus tard de la prison de Rebibbia, à l’occasion d’une émouvante célébration, les accents millénaristes que l’on trouvait chez Jean-Paul II sont moins explicites, mais on retrouve dans la bulle d’indiction (texte préparatoire) du Jubilé 2025, Spes non confundit, ce souci d’inscrire l’Église dans le temps. « En vertu de l’espérance dans laquelle nous avons été sauvés, en regardant le temps qui passe, nous avons la certitude que l’histoire de l’humanité, et celle de chacun, ne se dirige pas vers une impasse ou un abîme obscur, mais qu’elle s’oriente vers la rencontre avec le Seigneur de gloire», écrit le pape, qui rappelle que l’année 2025 sera aussi celle d’un « anniversaire très important pour tous les chrétiens » : les 1 700 ans du concile de Nicée, en 325. « Une pierre milliaire dans l’histoire de l’Église», écrit celui qui répète régulièrement que « le temps est supérieur à l’espace ». Les pierres milliaires étaient les bornes Michelin, les panneaux indicateurs, de l’Antiquité romaine.
Le mot « temps » est encore cité à 13 reprises dans Spes non confundit. Le pape y fustige « l’ère d’Internet où l’espace et le temps sont dominés par le ici et maintenant » et rappelle que les temps ont une fin, comme Michel-Ange l’a représenté dans la chapelle Sixtine. « Le cycle du temps (ouvre) à la dimension de l’éternité, à la vie qui dure pour toujours », écrit encore le pape de 88 ans, qui se projette dans neuf ans : « Cette Année sainte (2025) guidera la marche vers un autre anniversaire fondamental pour tous les chrétiens, remarque-t-il. En 2033 seront célébrés les deux mille ans de la Rédemption accomplie par la passion, la mort et la résurrection du Seigneur Jésus. »
Difficile, après avoir relu François et Jean-Paul II, de ne pas penser au voyage dans l’au-delà de Dante, dans La Divine Comédie, dont le Chant XVIII décrit très prosaïquement le sens de circulation mis en place sur le pont Saint-Ange pour canaliser les pèlerins venus à Rome au début du XIVe siècle. Le poète italien a choisi que son exploration des enfers et du paradis se déroule en 1300, à l’occasion du tout premier jubilé de l’histoire, auquel il a assisté.
Réagissez
Vous devez être connecté afin de pouvoir poster un commentaire
Déjà inscrit sur
la Croix ?
Pas encore
abonné ?