Le pape François est-il un aussi ferme détracteur de Donald Trump qu’on le décrit ? Dans son message adressé au président américain, ce 20 janvier 2025, jour de son investiture, le pape lui adresse ses « salutations cordiales » et l’assurance de ses prières, tout en signifiant au quarante-septième président des États-Unis son opposition à son projet d’« arrêter l’invasion (des) frontières ».

« Inspiré par les idéaux de votre nation d’être une terre d’opportunités et d’accueil pour tous, j’espère que, sous votre direction, le peuple américain prospérera et s’efforcera toujours de construire une société plus juste, où il n’y a pas de place pour la haine, la discrimination ou l’exclusion », écrit François, qui a fait de l’accueil des migrants l’un des axes forts de son pontificat, avec la lutte contre le réchauffement climatique.

À première vue, tout l’oppose donc à Donald Trump, qui a promis de « doper » l’extraction pétrolière et de gaz de schiste, tout en mettant en œuvre son plan d’expulsion à grande échelle d’immigrés sans papiers. Ce plan serait « une calamité », a d’ailleurs dit François dimanche 19 janvier, à l’occasion d’une interview à la télévision italienne. « Si c’est vrai, ce sera une calamité, car cela ferait payer de pauvres malheureux qui n’ont rien », a-t-il estimé.

« Tueurs à gage »

Avant l’élection pourtant, la diplomatie vaticane avait pris grand soin de ne pas apparaître hostile au candidat républicain. Interrogé en septembre 2024 dans l’avion qui le ramenait d’Asie du Sud-Est, François renvoyait dos à dos Kamala Harris et Donald Trump, deux candidats « contre la vie ». « Que ce soit celui qui renvoie les migrants, ou celui qui tue les enfants. Les deux (candidats) sont contre la vie », avait dit le pape, refusant de hiérarchiser le projet politique des démocrates – favorables à l’avortement – et celui des républicains – hostiles aux migrants.

« Dans la morale politique, en général, ne pas voter est mal. Ce n’est pas bien, on doit voter et on doit choisir le moindre mal. Qu’est-ce que le moindre mal ? Cette dame, ou ce monsieur ? Je ne sais pas, chacun a sa conscience », ajoutait François.

Quelques semaines après cette déclaration, et à peine un peu plus d’un mois avant l’élection américaine, le pape avait choisi d’insister sur le thème de l’IVG : « Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages », explicita-t-il au retour d’un voyage mouvementé en Belgique. Ce sujet était devenu l’un des thèmes majeurs de la campagne des démocrates lors des élections de 2024, deux ans après la révocation en juin 2022 de l’arrêt Roe vs Wade, qui accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays.

Relations incertaines

Le 5 novembre dernier, 59 % des catholiques ont voté pour Donald Trump, d’après un sondage réalisé par le Washington Post à la sortie des urnes – soit 20 points de plus que pour Kamala Harris. En 2020, ils avaient été 52 % à soutenir le démocrate Joe Biden, deuxième président catholique des États-Unis – un cinquième (20,8 %) des Américains sont catholiques, selon le Pew Research Center.

« Renvoyer dos à dos les deux candidats a été une manière pour le Saint-Père de ne pas insulter l’avenir, décrypte une source romaine. On croit souvent que la diplomatie vaticane ne se positionne que sur des valeurs, mais elle est aussi pragmatique : le Saint-Siège a besoin des États-Unis, et donc de maintenir de bonnes relations avec son président, quel qu’il soit ».

Même si François et Joe Biden avaient su tisser une relation personnelle ces quatre dernières années, les administrations américaines et vaticanes n’ont pas toujours été alignées, que ce soit sur le dialogue avec la Chine, la livraison d’armes à l’Ukraine ou encore la régulation de l’Intelligence artificielle. Sur ce dernier point, la proximité du futur président des États-Unis avec les grands patrons de la Silicon Valley a de quoi inquiéter à Rome, alors que le patron de X, Tesla et SpaceX, Elon Musk, a notamment été chargé par Donald Trump d’une mission de conseil pour réduire la dépense publique aux États-Unis.

Pour autant, les promesses du nouveau président des États-Unis de barrer la route aux « idéologies woke de la gauche radicale » rejoignent en partie l’une des priorités diplomatiques du Saint-Siège, qui tente dès qu’il le peut de freiner la promotion de législations libérales sur les questions de sexualité dans les instances internationales, comme le 5 décembre dernier, lors de la COP29.

Concernant l’Ukraine, la promesse répétée par Donald Trump d’engager un dialogue en faveur de la paix avec Vladimir Poutine rejoint également une demande plusieurs fois répétée par François, qui poursuivait ainsi son message de vœux adressé ce lundi 25 janvier : « alors que notre famille humaine est confrontée à de nombreux défis, sans parler du fléau de la guerre, je demande également à Dieu de guider vos efforts pour promouvoir la paix et la réconciliation entre les peuples. »

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