La France est un pays marqué par une longue tradition de la grève. Cet héritage peut remonter jusqu’aux agitations populaires du XVe siècle nommées les Jacqueries. Mais les premiers mouvements associés à la grève remontent au XIXe siècle en parallèle de la révolution industrielle. Les usines se multiplient alors et le nombre d’ouvriers augmente. Ce sont eux qui se mobilisent en premier, en particulier dans certains secteurs comme l’industrie textile ou les mines. Longtemps réprimée, interdite même après la Révolution française, la grève est légalisée en 1864. En 1884, la loi Waldeck-Rousseau reconnaît les syndicats. La grève va devenir un objet politique majeur du débat public français. Certains soulèvements sont restés célèbres, comme la révolte des Canuts de Lyon, dans les années 1830, ou celle des mineurs de Carmaux, portés par le député du Tarn Jean Jaurès, entre 1892 et 1895. D’abord très sectorielles et locales, les grèves portent des revendications sur les conditions de travail dans les usines et sur les chantiers, qu’elles contribuent à améliorer. À partir de 1895 et la création de la CGT (Confédération générale du travail), les grèves sont davantage structurées. Elles prennent encore plus d’importance après la Première Guerre mondiale, aidées notamment par les idées marxistes qui progressent. Un moment historique de la grève en France a lieu en 1936 avec la période du Front Populaire. La victoire électorale de l’union des partis de gauche entraîne de nombreuses grèves festives qui permettent aux ouvriers d’obtenir deux semaines de congés payés et la réduction du temps de travail à 40 heures par semaine. Autre temps fort, les grèves étudiantes et ouvrières de Mai 68. Pour la première fois, la rue est occupée par des ouvriers et des étudiants en même temps, qui réclament à la fois une amélioration des conditions de travail et des changements de société. Le pays est paralysé et la contestation abouti à la signature des accords de Grenelle, qui offre notamment une hausse du salaire minimum. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, les grèves vont de moins en moins porter des revendications pour de nouveaux droits mais plutôt se concentrer sur la défense des acquis sociaux. Les salariés se mettent en grève pour dénoncer les fermetures d’usine ou contre des projets de réforme de la sécurité sociale ou du système des retraites. Ces deux sujets de tension sont à l’origine de la plupart des dernières grandes grèves. En 1995, le premier ministre Alain Juppé envisage une vaste réforme des retraites et de la Sécurité sociale qui pousse à la grève des millions de travailleurs, encouragés par une intersyndicale unie. Les manifestations feront abandonner le projet de loi. Au XXIe siècle, la question des retraites va continuer d’être un moteur de la grève. En 2010, sous Nicolas Sarkozy, pour le passage de l’âge légal de départ en retraite à 62 ans, puis en 2023, sous Emmanuel Macron, pour un nouveau report à 64 ans, la grève va encore être utilisée par les salariés pour interpeller le pouvoir. Mais contrairement à 1995, ces deux grands mouvements ne font pas reculer le gouvernement qui fait passer ses lois. Pour certains observateurs, c’est la preuve que la grève a perdu de sa puissance. Elle demeure un mode d’action collective très identifié dans la culture politique française, utilisée par exemple lors de la contestation des Gilets jaunes. Si elle concerne aussi bien le secteur public que privé, certains corps ou certaines entreprises demeurent marqués par une plus forte tradition, comme l’éducation nationale, avec parfois de très fortes mobilisations des enseignants, ou les transports publics (RATP ou SNCF). Les syndicats de l’éducation nationale ont dénoncé la suppression de 4 000 postes d’enseignants pour le budget 2025 et ont déposé un préavis de grève qui court du 4 novembre 2024 au 31 mars 2025. Du côté de la SNCF, les syndicats ont appelé à une journée de grève le 21 novembre et à une grève illimitée à partir du 11 décembre, reconductible par tranches de 24 heures. Les syndicats protestent contre le démantèlement annoncé de Fret SNCF et contre les modalités de l’ouverture à la concurrence des lignes régionales. Dans le transport aérien, le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a appelé à une grève le 14 novembre pour protester contre le vote par les députés d’un alourdissement de la fiscalité sur le transport aérien.