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Sensibilisation Préjugés

Claudine raconte son obésité : « Une vie à manger mes émotions »

Une enfance malmenée par le regard des autres, une histoire personnelle très douloureuse, des préjugés qui la condamnent avant de la connaître… cette douce quinquagénaire délivre pourtant un message d’amour. Et de tolérance.

5 min. temps de lecture

La rudesse de la vie n’épargne pas Claudine. Depuis sa plus petite enfance, elle avance avec, comme elle le dit, son sac à dos placé devant. Là, posé sur son ventre. Ces rondeurs, elle les a toujours connues. Elles font partie de son corps, hantent encore son esprit même si elle a appris à s’en libérer à l’aide de la sophrologie et de l’olfactothérapie, deux médecines douces qu’elle pratique pour son bien, mais surtout pour celui des autres. 

C’est le paradoxe de Claudine : montrée du doigt depuis toujours, elle a réussi des études en gestion des ressources humaines et, aujourd’hui, travaille au services des autres. Isolée et brutalisée par un compagnon toxique, elle plaide pourtant l’amour. Jamais concernée par un trouble alimentaire, elle grossit au fil du temps. La faute à ses émotions, la faute à un corps qui surréagit à la tension, à l’angoisse.

A 54 ans, Claudine se remémore avec douleur les périodes de sa vie, toutes séquencées par l’inévitable référence à son poids. « J’ai découvert mon obésité au travers du harcèlement, de la violence, de la méchanceté, de la jalousie. Aussi bien au niveau scolaire, que familial et professionnel, poursuit cette responsable d’un service public en poste depuis trente ans. Quand j’étais enfant, on appelait cela les rondeurs de bébé, elles étaient un peu plus conséquentes que les autres... »

Sans doute une part de génétique, sans doute aussi la conséquence d’une surprotection maternelle vis-à-vis de l’alimentation. « Je suis issue d’un milieu ouvrier où la peur de manquer était présente », se remémore celle qui, depuis toujours, vit dans la région des Hauts-de-France. « J’ai eu conscience de ce poids qui m’entourait vers 3 ou 4 ans. Plus tard, le comportement des élèves m’a fait souffrir, notamment lors des activités sportives pratiquées à l’école. J’étais grande et forte, j’étais une belle plante, mais mes fameuses rondeurs me pénalisaient au plan relationnel et m’écartaient de la facilité de sociabilisation. » Son parcours de vie en sera marqué à jamais.

« Ma prise de poids très importante est le résultat d’une vie de couple très compliquée, très violente. C’était une protection »

-Claudine

Frappées du sceau de la stigmatisation, ses années collège et lycée, elle s’en souvient comme si c’était hier. Très peu d’amies, plutôt cantonnée au rôle de la bonne copine qui tient la chandelle et rend des services. « J’étais là pour aider, soulager les peines et les chagrins. Comme j’avais la chance d’être bonne élève, on me faisait signe si je pouvais être utile, mais au niveau sympathie ou amitié, je me retrouvais plutôt seule. Je n’étais pas invitée à la boum du samedi après-midi… », s’amuse-t-elle aujourd’hui, non sans une pointe de déception. « On me faisait remarquer ma différence en employant certains mots, certaines expressions ».

Soutenue, mais se sentant incomprise d’une famille où le sport est roi, et qui aurait peut-être préféré un troisième garçon basketteur ou footballeur, Claudine prend son plaisir dans les activités aquatiques. « L’eau me portait, j’y trouvais un apaisement, un confort ».

« Au travail, je prends l’ascenseur pour gravir les deux étages afin de préserver mon souffle. Mais j’entends les autres dire je ferai mieux de monter l’escalier. Que ça me ferait du bien »

-Claudine

Meurtrie parce que cataloguée en raison de poids, elle succombe aux paroles et au charme d’un compagnon qui, huit ans durant, va la harceler, la maltraiter. « C’était la première fois que quelqu’un me regardait avec amour. J’étais dans la découverte de la vie de couple. Je me suis exclue de ma famille pour essayer de vivre ce que tous les autres vivaient tout à fait normalement ».

Sauf que le doux rêve va se transformer en lente descente aux enfers. Le petit ami va se révéler néfaste pour la santé de Claudine. La peur qu’elle ressent et la violence qu’elle subit génèrent un stress incontrôlable qui accélère sa prise de poids. « L’amour rend aveugle et occulte la réalité des faits. Même si vous souffrez vous vous dites que vous êtes en capacité de changer l’autre, d’amener le bonheur à votre partenaire alors qu’en fait vous créez votre propre malheur ». Pire : chaque choc émotionnel perturbe son métabolisme. Jusqu’à créer une carapace physique qui reflète, aujourd’hui encore, la blessure qu’elle porte en elle. « Mon poids, c’est, de manière inconsciente, ma protection face à la souffrance », analyse-t-elle.

Son corps franchit alors le seuil des 130 kilos lorsque, à 28 ans, la séparation devient inévitable et salutaire.

Bien des années plus tard, le corps de Claudine porte toujours en lui les stigmates de cet engrenage

Difficile au début, le retour au sein du cercle familial finit par l’apaiser. « J’y ai retrouvé une sécurité et un appétit normal. Cela m’a permis d’éliminer quelques kilos. C’est à moment-là que j’ai pris conscience que je devais agir ». Les mois passent, la rencontre avec son futur mari sera déterminante. « En visionnant une émission de télévision, j’ai découvert la technique du bypass. J’ai suivi une année de protocole et je me suis fait opérer à 36 ans. Malheureusement cela n'a pas fonctionné pour moi car si j’ai perdu plusieurs kilos rapidement après l’opération, je les ai ensuite repris », constate Claudine.

Le tout malgré de très bonnes analyses sanguines, sans cholestérol, sans diabète et avec une masse musculaire correcte. … « Je continue à reprendre du poids localisé uniquement sur le ventre. Au niveau alimentaire, je ne commets aucune erreur. Je suis suivie par des spécialistes de la diététique », confirme Claudine. Pas d'anomalie au niveau hormonal constatée, pas de problème thyroïdien repéré. « Les professionnels de santé qui m’accompagnent sont arrivés à la conclusion que je mangeais mes émotions. Que j’étais en capacité de garder tout ce que je ressentais et de le transformer en masse graisseuse ».

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Philippe Saint-Clair

Références
  1. La campagne de sensibilisation Novo Nordisk « Les préjugés ne soignent pas l’obésité » sera visible du 28 février au 6 mars 2022 dans 300 emplacements du réseau des transports franciliens et sur les réseaux sociaux.
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