Retour sur les causes et les circonstances de la suppression, en 1928, d'une association d'Eglise prônant une attitude empathique envers les juifs. Le 24 février 1926, était créée, à Rome, une pieuse association de prêtres, dénommée Opus...
moreRetour sur les causes et les circonstances de la suppression, en 1928, d'une association d'Eglise prônant une attitude empathique envers les juifs.
Le 24 février 1926, était créée, à Rome, une pieuse association de prêtres, dénommée Opus sacerdotale Amici Israel, dont les membres se vouaient à la prière pour les Juifs et à l’apostolat en vue de leur conversion. Cette initiative n’était pas la seule de son espèce, et elle n’aurait probablement jamais retenu l’attention des chercheurs si elle n’avait été abolie, de manière expéditive et apparemment arbitraire, dès 1928, soit deux années seulement après sa fondation officielle, et ce malgré le nombre et la qualité de ses adhérents, au rang desquels figuraient de nombreux membres de la hiérarchie ecclésiastique. À l’époque de la dissolution (mars 1928), avaient adhéré à l’Association : dix-neuf cardinaux (dont trois membres éminents du Saint-Office), près de trois cents évêques et environ 3.000 prêtres. Durant plusieurs décennies les spéculations allèrent bon train à propos des raisons qui avaient poussé l’Eglise à adopter une mesure aussi radicale, d’autant que le mouvement s’était signalé par son extrême empathie à l’égard des juifs. Il insistait en effet sur la prérogative de l’amour divin dont bénéficie Israël, sur le signe sublime de cet amour dans l’incarnation du Christ et sa mission, sur la permanence de cet amour, et il voyait dans la conduite des Apôtres le témoignage et même la preuve de cet amour. De là à soupçonner qu’un certain antisémitisme, dont l’histoire avait démontré que le clergé n’était pas exempt, était à l’origine de ce discrédit soudain – et non, comme le lui reprochaient les attendus du décret de dissolution, le fait d’avoir « adopté une manière d’agir et de penser contraire au sens et à l’esprit de l’Église, à la pensée des Saints Pères et à la liturgie » –, le chemin n’était pas long et nombre de chercheurs s’y engagèrent résolument. Ce n’est qu’à partir de l’ouverture des archives secrètes du Vatican, en 2006, que l’exploitation de nombreux documents officiels inédits permit de retracer les circonstances et les véritables raisons de cette disgrâce. Dans le présent ouvrage, je procède à une révision de mes propres thèses exposées dans une monographie publiée en 2002. J’en corrige les erreurs d’appréciation, à la lumière des acquis de la recherche approfondie et novatrice de l’historien allemand Hubert Wolf (« Le pape et le diable. Pie XII, le Vatican et Hitler : les révélations des archives », CNRS éditions, Paris, 2009). Enfin, j’y esquisse les lignes de force d’une réflexion théologique, qu’il faudra poursuivre et affiner jusqu’à ce que soit clarifiée et purifiée la perception chrétienne de la vocation spécifique du peuple juif.