Academia.eduAcademia.edu
Du Mont Liban aux Sierras d’Espagne Sols, eau et sociétés en montagne Autour du projet franco-libanais CEDRE “Nahr Ibrahim” Textes réunis par Romana Harfouche et Pierre Poupet Archaeopress Archaeology Archaeopress Publishing Ltd Gordon House 276 Banbury Road Oxford OX2 7ED www.archaeopress.com ISBN 978 1 78491 135 5 ISBN 978 1 78491 136 2 (e-Pdf) © Archaeopress and the individual authors 2015 Légende photo couverture : Mont Liban, scène de la vie rurale et paysage. Photographie de Joseph DELORE, s.j., début du XXe siècle. Levon Nordiguian (dir.), Les « petites écoles » du Mont-Liban. Joseph Delore s.j. (1873-1944), Presses de l’Université Saint-Joseph, Beyrouth, 2003. All rights reserved. No part of this book may be reproduced, stored in retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying or otherwise, without the prior written permission of the copyright owners. Printed in England by Holywell Press, Oxford This book is available direct from Archaeopress or from our website www.archaeopress.com Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS Helena KIRCHNER1 L’expression1 « archéologie hydraulique » est apparue lors des campagnes destinées à l’étude des qanât(s) de l’île de Majorque2 et celles consacrées à l’étude des espaces irrigués de Castellitx, d’Aubenya et de Biniatró (Majorque), ainsi que ceux de Guajar Faragüit (Grenade), effectuées au milieu des années 19803. Cette ligne de recherche a donc été centrée, dès le départ, sur l’étude technique et architecturale des captages de type qanât à Majorque. Après ces premières expériences, la recherche s’est orientée vers des études de dimension régionale, dans les îles Baléares, au sarq-al-Andalus et en Andalousie Orientale4. dans le but d’étudier le procédé de construction et d’obtenir des datations des phases d’aménagement7. Les procédés de cette archéologie peuvent être considérés comme une forme d’archéologie du paysage ou d’archéologie agraire. Toutefois, il convient de signaler ce qui constitue leur principale originalité : la reconstruction du plan des espaces irrigués originels andalousiens et des transformations qu’ils ont souvent subies jusqu’à nos jours. La méthode a également été expérimentée dans des espaces irrigués féodaux et au Yémen8. Ainsi, bien que la question de l’hydraulique andalousienne ait intéressé plusieurs chercheurs dans le passé9, l’archéologie hydraulique offrait la possibilité d’étudier dans le détail l’espace proprement dit : ses structures, ses dimensions, son fonctionnement, les modifications dont il avait été l’objet, etc. Les premières investigations ont donné lieu à la formulation d’une série de principes généraux de l’hydraulique andalousienne qui ont été systématisés par M. Barceló5. Par ailleurs, à l’issue des résultats des premières expériences menées à Majorque, Grenade et Ibiza, il a été proposé, de façon formelle, une méthode destinée à l’étude des systèmes hydrauliques qui allait recevoir le nom d’« archéologie hydraulique »6. La méthode n’a cessé de s’améliorer au fil des cas étudiés : elle a intégré l’analyse des données cartographiques au moyen du GIS ; la topographie détaillée des micro-reliefs du parcellaire a été effectuée lorsqu’il convenait de le faire et des fouilles des terrasses et des champs de culture ont été entreprises 1. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L’HYDRAULIQUE ANDALOUSIENNE ET, PLUS GÉNÉRALEMENT, TRADITIONNELLE En 1989, après les premières expériences de l’archéologie hydraulique, M. Barceló a proposé une série de principes généraux régissant l’hydraulique andalousienne. Dans leurs aspects les plus techniques, il s’agit, en fait, de principes communs à toute l’hydraulique traditionnelle, dans laquelle n’intervient aucune forme mécanique de mobilisation de l’eau. C’est-à-dire qu’il s’agit de principes dérivés d’une donnée de base de l’hydraulique traditionnelle : la gravité comme mécanisme physique permettant le transport de l’eau10. 1 Professeure d’Histoire médiévale à l’Université Autonome de Barcelone, en Espagne. Unité de recherche : Arqueologia Agrària de l’Edat Mitjana (ARAEM) (AGAUR, 2009 SGR-304). Projet de recherche financé par le Ministère de la Science et la Innovation : Acclimatation et diffusion de plantes et techniques de culture en al-Andalus (HAR201021932-C02-01). [email protected] 2 Le qanât est une technique de captation des eaux souterraines fondée sur le forage d’un puits-mère vertical et une galerie souterraine de drainage conduisant l’eau à la surface. La galerie comporte généralement une série de puits de ventilation qui, durant la construction du qanât, servent à extraire les matériaux d’excavation. La technique est d’origine orientale et a été diffusée dans la péninsule ibérique et les îles Baléares par les groupes de paysans immigrés arabes et berbères. La bibliographie relative aux qanât(s) est très étendue. Pour al-Andalus et en particulier pour les îles Baléares, voir Barceló et al. 1986 ; Kirchner 2002. 3 Barceló et al. 1998. 4 Comme l’ont été ma propre thèse de doctorat (Kirchner 1997), les projets dirigés par M. Barceló à Ibiza et Minorque (Barceló dir. 1997 ; Barceló et al. 1997 ; Barceló 2001 ; Kirchner 1998 ; 2002 ; 2007 ; Retamero 1998 ; 2000 ; Barceló & Retamero dir. 2005), à Majorque (Barceló & Kirchner 1995 ; Kirchner 1997 ; Argemí 1998 ; 1999 ; Sitjes 2008 ; 2010), à Alicante (Vea 1995), à Castelló (Selma 1991 ; 1993) ; à Albacete (Navarro 1993 ; 1995), à Saragosse (Teixeira 1995). Plus récemment, des projets ont été mis en œuvre à Murcie (Puy Maeso 2012) et à Lérida (Monjo, sous presse, Marfull, sous presse). 5 Barceló 1989 ; 1995a et b. On utilise l’adjectif andalousien, relatif à al-Andalus, et non andalous, relatif à l’Andalousie actuelle. 6 Kirchner & Navarro 1993. Le principal concept élaboré a été celui du « plan original » du système hydraulique : tout système hydraulique, indépendamment de sa taille ou de sa complexité, a été planifié préalablement à sa construction. La conception préalable à la construction de la structure fondamentale du système établit l’articulation du point de captage de 7 Nous avons obtenu des datations et des résultats très cohérents avec les analyses des parcellaires, la documentation écrite et la reconstruction des plans originaux obtenue en appliquant la méthode de l’archéologie hydraulique. Ces résultats, n’ont cependant pas encore été publiés. Le protocole suivi est celui que proposent Ballesteros et al. 2010. Pour l’application GIS, on consultera Sitjes, sous presse. Pour la topographie, il s’agit d’une recherche encore inédite menée par A. Puy. 8 Kirchner et al. 2002 ; Kirchner 2006 ; et pour le Yémen, Barceló 2003 ; 2004a ; Barceló et al. 2000 ; Barceló & Torró 2003. 9 Bazzana & Guichard 1981 ; Guichard 1982 ; Cressier 1989 ; 1995 ; Carbonero 1983 ; 1992. 10 Barceló 1989. 207 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE Canal p r incipal = ligne captage de l’eau de rigid i té dans le paysa ge canaux secondaires CHAMPS MOULINS BASSINS Fig. 1 : Schéma de l’articulation des éléments d’un système hydraulique. l’eau (source naturelle, dérivation, barrage, qanât, puits avec noria, etc.) avec le tracé et la pente des canaux de distribution, la disposition des parcelles et la localisation des bassins et des moulins, dans le cas où ils sont présents11 (fig. 1). Le tracé de la canalisation principale détermine une « ligne de rigidité » qui délimite de façon précise l’espace irrigable. Ainsi, les espaces irrigués ont des limites très précises, établies par cette ligne de rigidité mais aussi par les extrémités du réseau de distribution. Ces extrémités se trouvent conditionnées par l’existence d’une pente favorable ainsi que par le débit disponible12. Le volume du débit limite donc en même temps l’extension de l’espace irrigué. L’existence de fluctuations de ce débit peut rendre flexibles les limites inférieures de l’espace irrigué. Mais le plan de la structure du système hydraulique doit, toutefois, prévoir quel espace pourra, en bout de course, être irrigué de façon stable. Ces limites établies par la circulation de l’eau contribuent à définir de façon très particulière la morphologie du parcellaire irrigué, lequel se distingue de son environnement immédiat. Systèmes hydrauliques de petites dimensions X <1,1 ha 59,6% Systèmes hydrauliques de dimensions moyennes 1,1 ha-2 ha 18,6% Systèmes hydrauliques de grandes dimensions X > 2 ha 21,7% Tableau 1: Echelle de dimensions des systèmes hydrauliques (Sitjes 2006) lorsqu’ils sont possibles, prennent la forme de zones adossées aux anciennes limites de l’espace originel. On peut distinguer fondamentalement trois types d’agrandissement : 1. L’allongement du canal principal, réalisable uniquement s’il existe un terrain doté d’une pente favorable et d’un excédent d’eau permettant l’extension de l’irrigation. 2. La réalisation d’un nouveau captage d’eau, en créant une nouvelle ligne de rigidité à une cote supérieure à celle de la ligne de rigidité originelle, ce qui suppose, de fait, la construction d’un nouvel espace irrigué adossé au précédent. 3. La modification du tracé du canal principal, en élevant le point de captage ou en réduisant la pente de la canalisation (fig. 2). La conséquence la plus directe de la rigidité des espaces irrigués est que les possibilités d’agrandissement s’en trouvent considérablement limitées. Les directions de cette extension dépendent de trois conditions nécessaires : a) l’existence de pentes favorables ; b) la disponibilité d’un débit excédentaire ou la possibilité d’ajouter au système un nouveau captage ; c) la nécessité de respecter le plan original du système hydraulique, si l’on veut éviter de compromettre son efficacité. Ainsi, les agrandissements, En raison de la rigidité du plan du système hydraulique, les espaces irrigués ont tendance à être très stables. L’exigence de la gravité dans la conception de la distribution de l’eau rend difficile la réalisation de modifications du tracé des canaux, sans que cela n’entraîne de répercussions sur toute l’organisation de la distribution. Ainsi, plus ces modifications sont proches du canal principal du système 11 Sur la localisation des sources et les techniques de captage dans la littérature agronomique arabo-byzantine, voir la contribution de B. Trabelsi dans cet ouvrage. 12 Cf. B. Trabelsi sur l’importance accordée par les auteurs des traités agronomiques à la maîtrise du débit de l’eau et les procédés qu’ils recommandent pour ce faire. 208 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS I. Systèmes hydrauliques au fond d’une vallée II. Systèmes hydrauliques sur un versant I.A. avec captage au fond de la vallée II.A. avec captage au fond de la vallée I.B. avec captage sur un versant II.B.a. avec un captage sur un versant II.B.b. avec plusieurs captages sur un versant Tableau 2 : Types de systèmes hydrauliques source mur de terrasse procédés d’élargissement du périmètre irrigué espace irrigué acequia 1 - allongement du canal principal torrent 2 - nouveau captage d’eau qui engendre une nouvelle ligne de rigidité 3 - modification de la pente du canal principal Fig. 2 : Procédés d’élargissement d’un système hydraulique. exemple) ou la privatisation de petits espaces irrigués aux mains d’un seul usager à l’époque moderne permettent d’introduire des modifications souvent si radicales qu’elles se traduisent, de fait, par la destruction de l’ancien système et par l’établissement d’un nouveau plan. Dans de tels cas, le plan originel ne peut pas être reconstitué et les limites qui ont été les siennes ne pourront être identifiées que si les orientations générales des pentes ont été conservées. et plus leurs conséquences sont graves. Il existe un autre facteur pouvant expliquer la stabilité des espaces irrigués : T.F. Glick a mis en exergue la « nature ultra stable » des institutions hydrauliques, c’est-à-dire des formes sociales d’organisation de la distribution de l’eau13. Il s’agit généralement d’espaces partagés par plusieurs usagers qui disposent de droits sur le réseau de distribution de l’eau qui se traduisent par l’organisation de tours ou de roulements pour l’irrigation. Les normes —écrites ou convenues verbalement— sont en concordance avec le plan de l’espace irrigué et, de ce fait, toute modification de ce plan devait exiger le consensus des usagers ayants droit et la modification d’une partie au moins des règles. Ceci explique donc qu’il y ait une tendance à la stabilité en raison des réticences à affronter les conséquences sociales des modifications. Mais le fait qu’une telle tendance existe ne signifie pas que ces modifications n’aient jamais lieu. L’intervention de pouvoirs (rois et seigneurs féodaux, par Le considérable corpus de systèmes hydrauliques qui ont été étudiés a permis, depuis longtemps, d’établir une typologie morphologique des espaces irrigués andalousiens14. L’analyse statistique que E. Sitges a réalisée sur les 160 systèmes hydrauliques étudiés jusqu’en 2005 permet de mesurer les proportions d’un type de système 13 14 2. TYPOLOGIE DE SYSTÈMES HYDRAULIQUES ANDALOUSIENS Glick 1988 ; 1995. 209 Glick & Kirchner 2000. Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE hydraulique ou d’un autre et également, de façon très significative, d’établir une échelle de grandeur des espaces irrigués andalousiens liés aux établissements ruraux (tableau 1)15. La moyenne obtenue, environ 1 ha de surface irriguée, a un sens dans des contextes ruraux des îles et du sarq al-Andalus (partie orientale d’al-Andalus), mais elle exclut les huerta (espaces irrigués caractéristiques du Levant de la péninsule Ibérique) de grandes dimensions et associées à des zones urbaines. La typologie des systèmes hydrauliques est élaborée à partir de l’étude d’espaces irrigués associés à des réseaux d’établissements ruraux. fonds de vallée, excessivement exposés aux inondations, peut amener à privilégier le choix du versant. Au fond de la vallée, les constructions de terrasses sont réduites au minimum, souvent limitées au mur de contention nécessaire à la canalisation du torrent ou du cours d’eau. Le canal principal parcourt la limite des parcelles qui sont arrosées directement à partir de ce dernier, sans qu’il n’y ait presque jamais besoin de canaux secondaires. Il peut arriver que le canal principal traverse le torrent ou le cours d’eau du fond de vallée, en cherchant la rive la mieux adaptée à la construction des parcelles. La partie interne des méandres est généralement celle qui est préférée car c’est là que s’accumulent le plus de sédiments et elle se trouve être la plus protégée contre les inondations. La forme des parcelles tend donc à être allongée et en demi-lune. Si le débit du captage le permet, il existe souvent des moulins hydrauliques installés au-dessus du canal principal, à l’extrémité de chaque bloc de parcelles. Le moulin caractéristique est celui du « cubo », un dispositif en forme de tour permettant de constituer une colonne d’eau au fond de laquelle se trouve l’ouverture servant à projeter l’eau avec force au-dessus de la roue horizontale du moulin17. Les moulins se situent à l’endroit où la canalisation est marquée par un dénivelé suffisant. La présence du moulin à eau oblige le tracé du canal à reprendre son cours au niveau même du fond de la vallée ou presque, et à ne pas s’éloigner de la zone aménagée pour l’irrigation. C’est justement au point d’emplacement d’un moulin qu’on en profite pour transférer le canal vers la rive opposée. Les systèmes de Coanegra (Majorque), celui de Buscastell (Ibiza) et les systèmes hydrauliques construits dans les ravins du sud de l’île de Minorque en offrent de bons exemples. Si le système est de petite dimension, comme celui de Castellitx (Majorque), avec un seul méandre aménagé pour l’irrigation, le moulin est situé à l’extrémité du système18. Les très nombreuses études relatives aux espaces irrigués andalousiens et, en particulier, les travaux scientifiques à échelle régionale mentionnés précédemment ont mis en évidence l’existence d’une « homogénéité morphologique » dans les possibilités de construction d’un système hydraulique. Cette homogénéité est le résultat d’une synthèse technique probablement déjà réalisée au IXe s. p.C. en al-Andalus, avec la consolidation des établissements issus des migrations arabes et berbères16. L’homogénéité se manifeste donc très nettement dans deux domaines : la typologie des systèmes hydrauliques, circonscrite à un nombre réduit de solutions morphologiques, et la régularité des dimensions des systèmes irrigués. Par conséquent, la « typologie morphologique » présente une variété limitée de types de systèmes hydrauliques en dépit de l’apparente diversité des ressources techniques utilisées par les paysans andalousiens pour le captage de l’eau, la construction de champs, la distribution et la canalisation de l’eau ainsi que la construction de moulins hydrauliques (tableau 2). La typologie prend en compte deux critères de classement principaux : l’emplacement des champs cultivés (soit au fond d’une vallée, soit sur un des versants) et l’emplacement du captage. 4. SYSTÈMES DE VERSANT (IIA, IIBA, IIBB) (fig. 4) 3. SYSTÈMES HYDRAULIQUES AU FOND D’UNE VALLÉE (I.A, I.B) (fig. 3) Il s’agit des systèmes construits sur un versant de la vallée où sont bâties des terrasses en vue d’obtenir des parcelles horizontales19. Deux types de systèmes hydrauliques de versant peuvent être distingués en fonction de l’emplacement du captage : Il s’agit des systèmes dans lesquels la plus grande partie du parcellaire est construite au fond d’une vallée, tirant profit de l’espace le plus plat du bassin alluvial d’une rivière ou d’un torrent. Le captage se situe presque toujours au fond de la vallée (type I.A), mais dans certains cas exceptionnels, il se trouve sur un des versants (I.B). Il s’agit de dérivations recueillant les eaux d’écoulement permanent ou saisonnier, de sources d’eau surgissant du lit même d’un torrent ou de ses rives immédiates, ou de qanât(s) qui captent un aquifère souterrain d’un torrent ou d’un cône de déjection. Souvent, les versants de la vallée sont trop abrupts pour la réalisation de terrasses et la construction des parcelles au fond de la vallée est la seule option possible. Mais le choix peut être déterminé par le fait que le meilleur sol, formé par sédimentation, se trouve au fond de la vallée. Inversement, la vulnérabilité de certains 15 16 4.1. LE CAPTAGE SE SITUE AU FOND DE LA VALLÉE (IIA) A partir du captage réalisé dans le lit (ou à proximité) d’un torrent ou d’un cours d’eau permanent, on trace un canal principal qui parcourt le versant de la vallée. La faible pente du canal le fait s’éloigner progressivement de la cote du fond de la vallée et élargit progressivement l’espace compris entre ce dernier et le torrent ou la rivière. Ainsi, le parcellaire de 17 Le procédé permettant de diriger l’eau vers la roue horizontale est probablement d’origine orientale et se dit arubah, en arabe. Voir Barceló 2004b. 18 Kirchner 1997 ; Argemí et al. 1997 ; Barceló & Retamero dir. 2005 ; Barceló et al. 1998. 19 Sur les aspects techniques liés à l’irrigation des terrasses sur les versants en montagne à l’époque médiévale, voir également la contribution de D. Reynard et P. Dubuis sur les spectaculaires bisses du Valais suisse, dans cet ouvrage. Sitjes 2006. Barceló 2001. 210 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS source mur de terrasse mur du canal acequia torrent moulin Fig. 3 : Type I.A et I.B. Systèmes hydrauliques au fond d’une vallée. source mur de terrasse mur du canal 1-type II.A acequia 2-type II.B.a torrent moulin 1-type II.A : système hydraulique sur le versant d’une vallée avec captage à l’amont de la vallée. 2-type II.B.a : système hydraulique sur le versant d’une vallée avec captage sur le versant. 3-type II.A.b 3-type II.A.b : système hydraulique sur le versant d’une vallée avec plusieurs captages. Fig. 4 : Type II A., II.B.a et II.B.b. Systèmes hydrauliques sur le versant. ce type de système irrigué a tendance à s’ouvrir en éventail. Dans les cas étudiés à Majorque, comme ceux de Bunyola et d’Alaró, il existe des moulins tout au long du canal principal20. Ce dernier adopte, par conséquent, un parcours échelonné, car la présence de chacun des « cubos » lui fait perdre brusquement un certain niveau. Dans ce type de système, il n’est pas possible d’irriguer toutes les terrasses directement à partir du canal principal et des canaux 20 secondaires sont nécessaires pour amener l’eau à toutes les parcelles. Les ouvertures dans le canal qui sont à l’origine des canaux secondaires se situent généralement à la hauteur des moulins. Le tracé des canaux secondaires a tendance à être perpendiculaire au canal principal. Ces ouvertures dans le canal principal sont donc celles qui définissent les blocs de parcelles irriguées. Chaque ouverture, chacun des canaux secondaires et chacun des emplacements de moulin se trouvent donc en cohérence avec un bloc de parcelles Kirchner 1997. 211 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE morphologiquement bien défini. On peut, toutefois, trouver de légères variantes. Ainsi, dans le cas du système de Balançat (Ibiza), les trois moulins construits étaient installés le long d’un canal secondaire21. parties fondamentales du plan du système hydraulique : la surface irriguée, la morphologie du parcellaire irrigué, les établissements liés à l’espace irrigué et leur dimension ; la structure du réseau de canaux distribuant l’eau ; la présence ou l’absence de bassins et la fonction qu’ils remplissent ; et l’emplacement et le nombre de moulins hydrauliques, s’il y en a. 4.2. LE CAPTAGE SE SITUE SUR LE VERSANT (IIB) Le captage, en général une source naturelle, se trouve sur un versant et l’ensemble des terrasses irriguées sont bâties audessous. Du captage surgit un seul canal en direction de la pente naturelle de la vallée, mais il peut aussi y en avoir deux, de direction opposée, l’un, dans le même sens que la pente de la vallée et l’autre en sens inverse. Dans ce second cas, les deux canaux principaux embrassent un espace construit en terrasses qui a tendance à prendre une forme circulaire ou celle d’une coupole. La longueur des deux canaux (ou du canal unique, si c’est le cas) dépend du débit disponible. Lorsqu’il existe deux canaux, l’espace se trouve divisé en deux secteurs où les tours d’irrigation se font en alternance. Comme dans les systèmes de versant du type IA, il existe également des canaux secondaires le long du ou des canaux principaux qui définiront des zones d’irrigation. Le système de Guajar Faragüit (Grenade) ou l’un des petits systèmes de versant d’Ibiza en offrent de bons exemples22. Le cas de Liétor (Albacete) présente une particularité. Au lieu d’une seule source, il en existe plusieurs et chacune d’elles définit un périmètre irrigué au fonctionnement indépendant. Cependant, le parcellaire est conçu de façon globale, sans qu’on puisse distinguer, à simple vue, les parcelles irriguées à partir de chacune des sources et elles constituent un espace homogène du point de vue de la morphologie du parcellaire23. En général, les systèmes hydrauliques sont partagés par un nombre divers d’usagers et leur bon fonctionnement dépend des accords établis pour garantir, à l’intérieur de marges équitables, l’accès à l’eau de chacun d’entre eux26. L’organisation clanique des communautés paysannes andalousiennes est déterminante dans la façon d’établir les procédures et les pactes visant à la distribution de l’eau. A l’occasion de différentes études archéologique réalisées en plusieurs endroits des îles Baléares, on a pu observer comment la distribution physique de l’eau, organisée par blocs de parcelles, correspondait aux segments de l’espace irrigué associés à différents groupes claniques ou fractions familiales de ces derniers. Dans ce sens, on a fait une distinction entre les espaces partagés par divers groupes claniques et les espaces utilisés par un seul groupe. Dans tous les cas de figure, les dimensions réduites des espaces irrigués imposent des formes collectives de gestion27. Les systèmes les plus étendus ne dépassent pas 15 ha aux Baléares et au sarq al-Andalus, l’immense majorité a une moyenne d’environ 1 ha ou moins28. Dans le sud-est de la péninsule, les chiffres disponibles sont plus erratiques : le système de Guajar Faragüit (Grenade) mesurait 2,3 ha mais celui de Liétor (Albacete) en mesurait près de 2029. D’autres systèmes hydrauliques étudiés dans le sud-est de la péninsule se sont vus attribuer des superficies que l’on a fait remonter au moment de leur fondation, alors qu’elles correspondent, en fait, à un état d’évolution beaucoup plus tardif, du XVe s. p.C., époque où l’on commence à disposer d’une documentation écrite30. A. Puy a montré comment les résultats obtenus dans ces études sont biaisés par un vice méthodologique de base consistant à considérer que la surface irriguée documentée au XVe siècle est la même que celle qui est mise en culture au moment de la fondation du système, des siècles auparavant. C’est pourquoi A. Puy a développé un procédé complémentaire de la reconstruction sur plan du système et de l’analyse documentaire qui consiste en la réalisation d’une topographie détaillée de l’espace occupé par le système hydraulique et une analyse morphologique du parcellaire très minutieuse31. La confrontation des données fournies par la morphologie du parcellaire, sa topographie et la documentation écrite disponible a permis de déterminer, dans le cas de la huerta de Ricote (Murcie), que les 50 ha qui, selon la documentation du XVe siècle disponible, étaient irrigués à cette époque, sont le résultat d’agrandissements successifs de l’espace irrigable à partir d’un espace originel 5. DISTRIBUTION SOCIALE DE L’EAU Outre les questions techniques, il est important d’établir un autre niveau d’analyse, de caractère social. M. Barceló a précisé la différence existant entre la « logique de l’eau » et la « logique sociale de l’eau » ou, autrement dit, entre les principes qui découlent des conditions techniques de la distribution de l’eau et ceux qui découlent des conditions sociales de cette distribution24. C’est cette distinction qui permet de comprendre les différences entre l’hydraulique andalousienne et l’hydraulique féodale. Car, bien que des techniques similaires soient employées dans les deux cas, elles se trouvent régies par des logiques sociales différentes. Ceci détermine le choix de solutions techniques particulières ou les priorités accordées à la distribution de l’eau25. Dans toute tentative visant à reconstituer les procédés de distribution de l’eau dans les systèmes hydrauliques des communautés paysannes andalousiennes, pour lesquelles nous ne disposons pas de documents faisant explicitement référence à cette question, il est indispensable d’analyser une série de variables qui, de fait, ont à voir avec les 26 21 22 23 24 25 27 Kirchner 2007. Barceló et al. 1998 ; Kirchner 1998. Navarro 1995. Barceló 1995a et b. Sur cette question, voir également Barceló 1995b ; Kirchner 2008. 28 29 30 31 212 Glick 1995. Kirchner 1997 ; 1998 ; 2008. Sitjes 2006. Barceló et al. 1998 ; Navarro 1995. Martín Civantos 2007 ; Jiménez-Puertas 2002. Puy Maeso 2012. Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS d’ovins et, plus rarement, de bovins et comme zones de chasse et de cueillette de fruits des bois35. L’arrivée des nouveaux colons catalans à partir de 1229, occupant ces espaces irrigués par des contrats emphytéotiques, met également en évidence la difficulté que posent ces espaces lorsqu’il s’agit de les répartir entre les colons de la nouvelle société coloniale. Les groupes de paysans andalousiens, formés de familles étendues identifiées par un nom de clan ou de tribu se trouvent remplacés par des familles nucléaires de colons, des couples ou des individus isolés, qui tentent, mais souvent sans succès, de gérer les mêmes espaces agraires. De fait, l’histoire moderne de ces espaces irrigués a fait d’eux des propriétés privées appartenant à un seul propriétaire36. qui ne mesurait que 6,5 ha. Le procédé développé par A. Puy obligera donc à réviser les études sur des espaces irrigués du sud-est de la péninsule dont on considérait jusqu’à présent qu’ils constituaient une sorte d’exception à la tendance à des dimensions relativement petites, habituelles dans les îles et au sarq al-Andalus. A Lérida aussi, bien que l’analyse combinée de la morphologie parcellaire et de la topographie n’y ait pas encore été appliquée, l’étude en cours des systèmes hydrauliques créés au moyen de longs canaux dérivés de la rivière Segre atteste que les espaces irrigués possédaient, à l’origine, des dimensions beaucoup plus réduites que celles qui sont observables aujourd’hui32. C’est pourquoi la préférence réitérée pour des espaces aux dimensions relativement petites observée dans les îles ainsi qu’au sarq al-Andalus, bien que de façon moins systématique, pourrait finir par s’avérer plus générale qu’on ne le pensait jusqu’à présent. L’extension la plus fréquente constatée dans les îles par unité de peuplement constituée par un établissement rural est celle qui oscille entre 1 et 2 ha de superficie par groupe, aussi bien dans les espaces partagés que dans ceux qui ne sont associés qu’à un seul groupe. En outre, dans la plupart des cas, l’espace irrigué correspondant au plan original n’épuise pas les possibilités du débit du captage, laissant souvent une marge importante d’excédents en eau non utilisés. Ceci est facile à constater surtout à partir de l’époque moderne lorsqu’il se produit des agrandissements qui vont jusqu’à doubler l’espace irrigué, épuisant les possibilités du débit, au point de compromettre l’efficacité du système33. L’idée, dépourvue de tout fondement, selon laquelle les communautés de paysans andalousiennes auraient eu tendance à « optimiser » les possibilités des aquifères captés, en s’efforçant d’irriguer le maximum d’espace possible, est tout simplement erronée. Au contraire, la stratégie cherche à minimiser les risques, à établir des marges de sécurité garanties par des débits d’eau exploités de façon non intensive. Une telle stratégie peut avoir, en effet, pour résultat la régularité des dimensions et une préférence pour leur petite taille34. Les systèmes hydrauliques de plus de 4 ha apparaissent parfois partagés par plus d’un groupe, comme les exemples déjà mentionnés de Coanegra et Buscastell, où, dotés de superficies respectives de 7,73 et de 2,47 ha, ils étaient partagés, dans les deux cas, par quatre groupes claniques, reproduisant des moyennes proches de 1 ha, identiques à celles des systèmes non partagés. Dans ces cas de figure, il fallait des accords de répartition de la zone irrigable et de l’eau entre les différents groupes, qui n’attribuaient pas nécessairement la même superficie à chacun d’eux. Dans le cas de Coanegra, l’établissement de Califa avait un espace irrigué de 5,9 ha, situé dans la partie supérieure de la vallée et constitué de plusieurs blocs de parcelles et de moulins ; alors que Beniacar disposait de 0,79 ha, Abrasim al-Felus en avait 0,57 et Benicuaroz avait 0,45 ha37. Dans le cas de Buscastell, on ne sait pas auquel des quatre établissements associés correspondaient les quatre blocs qui mesuraient respectivement 0,46 ha, 0,39 ha, 0,29 ha et 1,33 ha38. Quoi qu’il en soit, les dimensions de chacun des blocs, aussi bien ceux de Coanegra que ceux de Buscastell, ne permettent pas de proposer des formes de gestion qui ne soient pas collectives au sein de ces établissements. Les superficies irrigables gérées et la taille des populations qu’elles ont pu supporter sont, de plus, en cohérence avec le nombre de maisons documentées. La plupart des systèmes irrigués et des réseaux d’établissements étudiés dans les îles de Minorque et d’Ibiza suivent les mêmes règles (fig. 5). Enfin, les dimensions réduites et la stratégie visant à ne pas épuiser les possibilités de captage d’eau ont pu faciliter les accords régissant la distribution de l’eau. L’extrême exigüité de certains systèmes hydrauliques, au-dessous de 1 ha de superficie, rend difficile une gestion qui ne soit pas collective. Une preuve indirecte en est donnée aux Baléares, où ces espaces irrigués ne sont pas partagés par plusieurs établissements mais apparaissent associés à un seul groupe, souvent signalé par un toponyme clanique qui a été conservé. L’établissement est décrit par la documentation immédiatement postérieure à la conquête catalane de 1229 comme étant formé d’un petit nombre de maisons (de 2 à 7 au maximum dans les cas connus) et de deux à quatre parcelles. Les limites que les documents donnent à ces établissements embrassent des territoires beaucoup plus étendus, couverts de garrigues et de bois, éventuellement utilisés comme terrains de pâture pour de petits troupeaux 32 33 34 D’autres cas étudiés, où les superficies irriguées se trouvaient au-dessus de la moyenne (autour de 7 à 12 ha) n’étaient apparemment pas partagés par plusieurs groupes : un établissement unique semble avoir géré le système : les deux cas les plus clairs, et pour le moment, les seuls dans les îles, sont ceux de Bunyola ou Felanitx, à Majorque39. A d’autres endroits, tels Alaró (Majorque), Balançat, Santa Eulària del Riu (Ibiza), il existe un établissement nettement plus important démographiquement mais, autour du système hydraulique, deux ou trois établissements de plus, aux 35 Kirchner 1997. Kirchner 1995. 37 Kirchner 1997 ; 2010. 38 Argemí et al. 1997. 39 Kirchner 1997 ; 2010 ; Barceló & Kirchner 1995. Dans la péninsule, voir les exemples de Guajar Faragüit, à Grenade (Barceló et al. 1998) ; Liétor, à Albacete (Navarro 1993 ; 1995) ; la vallée de Veo, à Castelló (Selma 1993). 36 Monjo, sous presse ; Marfull, sous presse. Kirchner 1998 ; Retamero 2006. Retamero 2006. 213 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE Système hydraulique de Coanegra (Mallorca) Système hydraulique de Buscatell (Ibiza) BENIMAIMÓ CALIFA FORADA BENICARBUS BENIACAR ABRASIM ALFELUS BENIGOARA source BENICUAROZ qanât canal principal canal secondaire N 0 N canal souterrain moulin parcelles irriguées 500m 0 500m CALIFA établissement paysan Fig. 5 : Systèmes partagés entre plusieurs établissements paysans. plus d’un groupe clanique ou des branches familiales d’un même groupe qui, au lieu de générer des établissements indépendants autour du système hydraulique, comme dans les cas de systèmes partagés, s’installent tous dans la même zone de résidence. Ainsi, dans ces cas, comme dans ceux appelés « partagés », la distribution sociale de l’eau se fragmentera en un nombre de parties identique à celui des unités familiales étendues installées dans la zone de résidence unique. dimensions réduites, sont documentés et il s’agirait donc de systèmes partagés, quoique contrôlés principalement par un des établissements40. Il y a tout lieu de croire que, bien qu’il soit difficile pour le moment d’offrir des indices archéologiques et documentaires clairs, qu’au sein de ces établissements qui, curieusement, n’ont généralement pas de nom de clan (sauf dans le cas de Felanitx), sont établis 40 Kirchner 1997 ; 2007 ; 2010. 214 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS Parmi les autres éléments importants à prendre en considération pour comprendre les procédés de distribution de l’eau figurent les réseaux de canalisations et la présence de bassins. Nous avons déjà mentionné la concordance existant entre le nombre et la superficie des blocs de parcelles et les groupes qui gèrent éventuellement les espaces irrigués. Le réseau de canalisations constitue une sorte de squelette qui, conditionné dans tous les cas par la nécessité de pentes favorables, divise presque toujours l’espace irrigué en portions ou blocs de superficies plus ou moins régulières. La description des différents types de systèmes hydrauliques a répertorié les différentes manières d’organiser ces canalisations. Dans les systèmes situés au fond d’une vallée comme ceux de Coanegra et Buscastell, pour utiliser des exemples déjà mentionnés, le canal principal constitue un axe autour duquel s’articulent des blocs de parcelles délimités par les méandres du torrent qui parcourt la vallée et qui se trouve dûment canalisé pour stabiliser le parcellaire et le protéger des inondations. A une extrémité supérieure du bloc de parcelles ou en des points intermédiaires, des ouvertures sont percées dans la canalisation principale pour irriguer directement le sol ou pour tracer de petits canaux secondaires qui conduisent l’eau à toutes les parcelles. Dans le cas des systèmes de versant avec captation au fond de la vallée, les blocs de parcelles sont définis pas les canalisations secondaires qui surgissent de la principale et parcourent l’espace irrigable perpendiculairement à sa pente, n’approvisionnant généralement en eau que le bloc de parcelles qui se trouve à un des côtés de la canalisation secondaire, celui dont la pente est favorable. Dans le cas du système de versant avec captation à mi-versant, il est habituel de trouver deux canalisations principales qui, sous forme de coupole, embrassent l’espace irrigué et d’où partent des canaux secondaires. Dans tous les cas, les espaces irrigués sont fragmentés en ensembles de parcelles irriguées à partir d’un même point, qu’il s’agisse d’une ouverture faite directement dans une canalisation principale ou dans un canal secondaire. Les tours de distribution d’eau, quelle que soit leur fréquence, seront cohérents avec ces blocs de parcelles et la gestion de chaque bloc peut être cohérent avec un groupe de paysans formé à partir de liens généalogiques communs. le système de Guajar Faragüit, avec un bassin régulateur recueillant l’eau de la source et nécessitant environ 12 heures pour se remplir et deux tours d’irrigation alternatifs, un pour chacun des deux canaux placés à la sortie du bassin et approvisionnant approximativement la moitié de l’espace irrigué41. C’est également le cas des sources qui alimentent le système de Liétor (Albacete)42, le système de Margalida (Alicante)43 et d’une multitude de systèmes, souvent de moins d’un hectare de superficie, des îles Baléares44. Certains de ces systèmes ont été qualifiés à l’époque de ma’gil, suivant ainsi la définition qu’en avait donnée J. Pirenne45, il y a des années, après avoir visité le Yémen et Majorque. Cependant, nous avons tenté, il y a peu, de préciser que le terme désigne uniquement le bassin servant éventuellement à réguler le débit d’eau dans un système hydraulique et qu’il ne peut être utilisé pour caractériser des espaces irrigués construits en terrasses et dotés de bassins, comme l’avaient fait certains auteurs, en suivant J. Pirenne46. Les bassins de régulation de débit apparaissent donc lorsqu’il existe des captages fournissant de faibles volumes d’eau. Les dimensions du bassin, le débit de la source et l’espace effectivement irrigué doivent présenter une cohérence permettant de garantir une fréquence d’irrigation adaptée aux plantes et aux arbres cultivés. Le bassin ne peut pas être trop grand (il mettrait beaucoup de temps à se remplir, les tours d’eau seraient trop espacés, il se perdrait beaucoup d’eau par évaporation) et l’espace irrigué ne peut pas être non plus très étendu (le volume d’eau accumulé doit permettre de tout irriguer ou une partie significative chaque fois que le bassin se vide). La gestion de ce type de système doit être nécessairement organisée de façon collective (fig. 6). Les moulins imposent des conditions aux procédés de distribution d’eau, en même temps qu’ils s’y adaptent avec souplesse. Leur articulation avec l’ensemble du système hydraulique a été bien étudiée aux Baléares47. A Majorque et à Ibiza48, les systèmes hydrauliques dont le débit est le plus élevé sont ceux qui concentrent la plupart des moulins hydrauliques. Les systèmes hydrauliques de Coanegra, avec six moulins, et celui de Buscastell, pourvu de quatre moulins, en sont, à nouveau, deux bons exemples. Les moulins à « cubo » se trouvent situés, de façon espacée, le long de la canalisation principale. Leur localisation dépend de l’existence du dénivelé nécessaire pour installer la tour du « cubo ». C’est pourquoi la localisation des moulins ne peut pas être arbitraire et doit être cohérente avec le plan général du système hydraulique. Les systèmes de moulins en chaîne ne contiennent pas de bassins dans la mesure où le débit du canal est généralement suffisant pour activer les moulins. En revanche, on trouve des bassins associés à des moulins quand il s’agit de systèmes dotés d’un seul moulin qui ferme le système et d’un faible débit. Le Dans le cas des systèmes de moins d’un hectare qui sont approvisionnés par un faible débit provenant d’une source, il existe généralement un bassin recueillant l’eau de cette source. Il ne s’agit pas de bassins servant à accumuler ou emmagasiner l’eau, mais exerçant une fonction régulatrice du débit d’eau. La quantité d’eau provenant de la source est si faible, dans ces cas, qu’on ne peut pas la faire circuler directement au moyen d’une canalisation. Il est nécessaire d’accumuler un certain volume d’eau dans un bassin de façon à ce que la canalisation, naissant à la sortie du bassin, puisse transporter d’un coup un débit suffisamment abondant. Cependant, la durée de l’irrigation est conditionnée par le temps que met le bassin à se vider et par le volume d’eau accumulé. Chaque moment d’irrigation et, par conséquent, chaque tour, est limité au temps que met le bassin à se vider et le tour suivant est ajourné aussi longtemps qu’il le faut pour remplir à nouveau le bassin. C’est ainsi que fonctionnait 41 Barceló et al. 1998. Navarro 1995. 43 Vea 1995. 44 Kirchner 1997 ; 1998 ; Barceló et al. 1997 ; Barceló & Kirchner 1995. 45 Pirenne 1977. 46 Kirchner 2002. 47 Kirchner, sous presse. 48 A Minorque, les moulins hydrauliques n’étaient pas utilisés. Seuls des moulins manuels y ont été documentés (Sánchez 2005). 42 215 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE destinés à la mouture, de sorte que le fonctionnement des moulins, qui ne consomment pas d’eau mais, en revanche, en utilisent, ne compromette pas les besoins d’irrigation. Dans le système de distribution de l’eau andalousien, le tour d’utilisation de l’eau par les moulins peut être associé au tour destiné à l’irrigation situé à une cote inférieure, de sorte que la mouture n’empêche pas l’irrigation simultanée : toutes les parcelles qui se trouvent situées à une cote supérieure à celle du moulin en marche ne pourront être irriguées pendant la durée du tour du moulin, mais celles qui sont situées en contrebas pourront être irriguées sans que cela n’entrave le bon fonctionnement du moulin. Autrement dit, les moulins pourront être en fonctionnement tant que le tour d’irrigation se trouvera à une cote inférieure à la leur. Ceci explique pourquoi les derniers moulins d’un canal ont moins de chance de fonctionner. Les tours adjugés dans les systèmes andalousiens privilégient donc l’irrigation et la multiplicité de moulins permet une adaptation plus souple des besoins de mouture à ceux d’irrigation. Par conséquent, le nombre élevé de moulins sur un canal peut avoir pour objectif, non pas un volume déterminé de production de farines mais une plus grande fréquence des possibilités de mouture lorsque l’on irrigue, simultanément, une partie de l’espace cultivé. SOURCE BASSIN ESPACE IRRIGUE Fig. 6 : Schéma de système hydraulique à bassin-réservoir. En conclusion, il convient de signaler que les procédés développés pour étudier les espaces irrigués andalousiens, fondés sur la reconstruction minutieuse sur plan des réseaux de canaux et des parcellaires, ont permis de proposer une typologie morphologique de systèmes hydrauliques, une échelle de dimensions et d’identifier des procédés de distribution de l’eau et de gestion de l’espace agraire dans la société d’al-Andalus et, notamment, des établissements ruraux des îles et du sarq al-Andalus. Cet article constitue donc un résumé des principaux apports d’une recherche amorcée dans les années 1980 par M. Barceló depuis l’Université Autonome de Barcelone. La connaissance acquise dans ce domaine a, par ailleurs, été rendue possible par la création d’un corpus de cas d’étude d’un nombre suffisamment élevé (plus de 200 actuellement) et par des stratégies de recherche à l’échelle régionale impliquant l’identification, la localisation et l’étude de tous les espaces irrigués et cultivés d’une zone définie selon des critères cohérents du point de vue géographique et historique. moulin est alors le dernier point où arrive l’eau. Le manque d’eau, dans ces cas de figure, oblige à installer un bassin permettant de réguler le débit proportionné au moulin. L’installation des moulins sur le parcours du canal principal garantit leur approvisionnement en eau et permet, en outre, de récupérer l’eau utilisée par le moulin dans le canal principal lui-même. Le moulin ne consomme pas l’eau qu’il utilise et, par conséquent, cette localisation au-dessus du canal principal permet de continuer à utiliser l’eau en aval pour d’autres moulins et pour l’irrigation. En revanche, les moulins ont besoin de tout le débit du canal et l’eau ne peut être extraite du canal pour irriguer la partie antérieure au moulin en fonctionnement. Toutefois, il est possible de dériver une partie de cette eau et de l’utiliser pour l’irrigation une fois qu’elle est passée par le moulin qui est en marche. Ainsi, le tour d’utilisation d’eau destiné à un moulin est compatible avec l’usage de l’eau destiné à irriguer les parcelles se trouvant à une cote inférieure à celle du moulin. De même, plusieurs moulins peuvent fonctionner en même temps, étant donné qu’aucun d’eux ne consomme l’eau. Ceci limite la possibilité d’irrigation des parcelles situées au-dessus de chaque moulin en fonctionnement. Tout ceci implique que les règles de distribution de l’eau aient correctement prévu les tours et les moments destinés à la mouture et ceux destinés à l’irrigation (fig. 7). Bibliographie Argemí, M. (1995) : « El sistema de molinos andalusí del guz’ de Yartân (Mayûrqa) », in : Agricultura y regadío en al-Andalus. II Coloquio de historia y medio físico, Almería, 259-271. Argemí, M. (1998) : « Segmentación de grupos bereberes y árabes a través de la distribución de asentamientos andalusíes en Yartân (Mayûrqa) », in : Arqueología del paisaje. Arqueología Espacial, 19-20, 373-386. Argemí, M. (1999) : A les vores dels torrents. Una prospecció dels assentaments pagesos andalusins de Pollença. Anuari 6, Pollença, Majorca. Le nombre de moulins dans un système, comme dans les exemples mentionnés, n’est pas nécessairement en rapport avec le volume de céréales moulues. Le nombre élevé de moulins garantit une plus grande diversification des tours 216 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS M M M M M M M M M M M M M M M M M M M M source parcelles qui ne peuvent pas être irriguées quand certains moulins sont en fonctionnement canal d’irrigation torrent parcelles qui peuvent être irriguées quand certains moulins sont en fonctionnement moulin à l’arrêt M moulin en fonctionnement Fig. 7 : Schéma de la distribution de l’eau pour l’irrigation et fonctionnement des moulins établis sur le canal. Argemí, M., M. Barceló, H. Kirchner et C. Navarro (1997) : « Un sistema hidràulic compartit per diversos assentaments », in : El curs de les aigües. Treballs sobre els pagesos de Yâbisa (290-633H/902-1235dC), Ibiza, 37-51. Ballesteros, P., J.A. Eiroa, M. Fernández Mier, H. Kirchner, J. Ortega, J.A. Quirós, F. Retamero, E. Sitjes, J. Torró et A. Vigil-Escalera (2010) : « Por una arqueología agraria de las sociedades medievales hispánicas. Propuesta de un protocolo de investigación », in : Kirchner 2010, 185-202. Barceló, M. (1989) : « El diseño de espacios irrigados en alAndalus : Un enunciado de principios generales », in : I Coloquio de Historia y Medio Físico. El agua en zonas áridas. Arqueología e historia, Almería, XV-XLV. Barceló, M. (1995a) : « De la congruencia y la homogeneidad de los espacios hidráulicos en Al-Andalus », in : El agua en la agricultura de al-Andalus, Granada, 25-39. 217 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium DU MONT LIBAN AUX SIERRAS D’ESPAGNE Barceló, M. (1995b) : « Saber lo que es un espacio hidráulico y lo que no es o Al-Andalus y los feudales », in : El agua. Mitos, ritos y realidades, Granada, 240-254. Barceló, M. dir. (1997) : El curs de les aigües. Treballs en curs sobre els pagesos de Yâbisa (290-633H/9021235dC), Ibiza. Barceló, M. (2001) : « Immigration berbère et établissements paysans a Ibiza (902-1235). À la recherche de la logique de la construction d’une nouvelle société », in : Castrum 7. Zone côtières littorales dans le monde méditerranéen au Moyen Âge : défense, peuplement, mise en valeur, Roma-Madrid, 291-321. Barceló, M. (2003) : « The search for the Hararah asdad in the area of Zafar, Governorate of Ibb, Yemen », in : Proceedings for the Seminar for Arabian Studies, 33, 133-142. Barceló, M. (2004a) : Los Banû Ru´ayn en al-Andalus. Una memoria singular y persistente, Al-Baraka, Granada. Barceló, M. (2004b) : « The missing water-mill : a question of technological diffusion in the High Middle Ages », in : The making of Feudal agricultures? Boston, 255314. Barceló, M., M.A. Carbonero, R. Martí et G. RossellóBordoy (1986) : Les aigües cercades. Els qanât(s) de l’illa de Mallorca, Palma de Mallorca. Barceló, M. et H. Kirchner (1995) : Terra de Falanis. Quan Felanitx no ho era. Assentaments andalusins i organització de l’espai al sud-est de Majorca, Palma de Majorca. Barceló, M., R. González et H. Kirchner (1997) : « La construction d’un espace agraire drainé au hawz de la madina de Yabisa (Ibiza, Baléares) », in : La dynamique des paysages protohistoriques, antiques, médiévaux et modernes ou les paysages au carrefour de l’interdisciplinarité et de la diachronie, Sophia Antipolis, 113-125. Barceló, M., H. Kirchner, R. Martí et J.M. Torres (1998) : The design of irrigation systems in al-Andalus. The cases of Guajar Faragüit (Los Guájares, Granada, Spain) and Castellitx, Aubenya and Biniatró (Balearic Islands), Bellaterra. Barceló, M., H. Kirchner et J. Torró (2000) : « Going around Zafar (Yemen) : the Banû Ru῾ayn field survey : hydraulic archaeology and peasant work », in : Proceedings of the Seminar for Arabian Studies, 30, 27-39. Barceló, M. et J. Torró (2003) : « The hydraulic set-up of Bayt al-Ashwal valley: a case study », in : Indigenous Knowledge and Sustainable Agriculture in Yemen. Les Cahiers du CEFAS, 3, 15-18. Barceló, M. et F. Retamero, dir. (2005) : Els barrancs tancats. L’ordre pagès al sud de Menorca en època andalusina, Maó (Menorca). Bazzana, A. et P. Guichard (1981) : « Irrigation et société dans l’Espagne orientale au Moyen Âge », in : L’homme et l’eau en Méditerranée et au Proche Orient, II, Lyon, 115-140. Carbonero, M.A. (1983) : « Terrasses per al cultiu irrigat y distribució social de l’aigua a Banyalbufar (Mallorca) », in : Documents d’Anàlisi Geogràfica, 4, 31-68. Carbonero, M.A. (1992) : L’espai de l’aigua. Petita hidràulica tradicional a Mallorca, Palma de Mallorca. Cressier, P. (1989) : « Archéologie des structures hydrauliques en Al-Andalus », in : El agua en las zonas áridas : arqueología e historia. I Coloquio de historia y medio físico, vol. I, Almería, LI-XCII. Cressier, P. (1995) : « Hidráulica rural tradicional de origen medieval en Andalucía y Marruecos. Elementos de análisis prácticos », in : El agua. Mitos, ritos y realidades, Granada, 255-286. Glick, T.F. (1988) : Regadío y sociedad en la Valencia medieval, Valencia. Glick, T.F. (1995) : « Arthur Maass y el análisis institucional del regadío en España », in : El agua : artefacto cultural. Arbor. Ciencia, pensamiento y cultura, 151, vol 593, 12-33. Glick, T.F. et H. Kirchner (2000) : « Hydraulic systems and technologies of Islamic Spain : History and archaeology », in : Working with water in Medieval Europe. Technology and Resource-Use, Leiden-LondonKöln, 267-329. Guichard, P. (1982) : « L’eau dans le monde musulman médieval », in : L’homme et l’eau en Méditerranée et au Proche Orient, II, Lyon, 117-124. Jiménez Puertas, M. (2002) : El Poblamiento del Territorio de Loja en la Edad Media, Granada. Kirchner, H. (1995): « Colonització d’un regne en la mar : la subversió feudal dels espais agraris andalusins a Mallorca », in : Histoire et archéologie des terres catalanes au Moyen Age. Perpignan, 279-316. Kirchner, H. (1997) : La construcció de l’espai pagès a Mayûrqa : les valls de Bunyola, Orient, Coanegra i Alaró, Palma de Mallorca. Kirchner, H. (1998) : « Tierras de clanes. Espacios hidráulicos y clanes andalusíes en la isla de Yâbisa (Ibiza) », in : Arqueología del paisaje. Arqueología Espacial, 19-20, 351-372. Kirchner, H. (2002) : « El mapa de los asentamientos rurales andalusíes de la isla de Ibiza », in : Asentamientos rurales y territorio en el mundo mediterráneo en época medieval, Granada, 120-186. Kirchner, H. (2006) : « Espais agraris en el terme del monestir de Sant Cugat del Vallès (s.X-XIII) », Arqueologia Medieval. Revista Catalana d’Arqueologia Medieval, 2, 2006, 22-35. Kirchner, H. (2007) : « La reconstrucció del disseny original dels espais irrigats andalusins i de les modificacions posteriors. Exemples d’Eivissa », in : Estudiar i gestionar el paisatge històric medieval. Territori i societat a l’Edat Mitjana. Història, arqueologia, documentació IV, Lleida, 11-38. Kirchner, H. (2008) : « Archeologia degli spazi irrigati medievali e le loro forme di gestione sociale », in : L’acqua nei secoli altomedievali. Atti delle LV Settimane, Spoleto : Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo, vol. I, 471-503. Kirchner, H. (2010) : « Redes de asentamientos andalusíes y espacios irrigados a partir de qanât(s) en la sierra de 218 Copyrighted material: no unauthorised reproduction in any medium Helena KIRCHNER: GESTION DE L’EAU ET ESPACES IRRIGUÉS EN AL-ANDALUS Tramuntana de Mallorca : una reconsideración de la construcción del espacio campesino en Mayûrqa », in : Kirchner 2010, 79-94. Kirchner, H. dir. (2010) : Por una arqueología agraria: perspectivas de investigación sobre espacios de cultivo en las sociedades medievales hispánicas, BAR International Series, 2062, Archeopress, Oxford. H. Kirchner (sous presse) : « Watermills in the Balearic Islands during the Muslim period », in : Ruralia. VIIIth Ruralia International Conference : Processing, storage, distribution of food. Food in the Medieval Rural Environment, Brepols. Kirchner, H. et C. Navarro (1993) : « Objetivos, método y práctica de la arqueología hidráulica », Archeologia Medievale, 20, 121-150 = Arqueología y territorio Medieval, 1, 1994 : 159-182. Kirchner, H., J. Oliver, et S. Vela (2002) : Aigua prohibida. Arqueologia hidràulica del feudalisme a la Cerdanya. El Canal Reial de Puigcerdà, Bellaterra. Marfull, J. (sous presse) : La acequia de Torres : un sistema hidráulico entre al-Andalus y el feudalismo. Martín Civantos, J.M. (2007) : Poblamiento y territorio medieval en el Zenete (Granada), Granada. Monjo, M. (sous presse) : « La pervivencia del riego andalusí en la Aitona bajomedieval », in : Hidráulica y sociedad feudal. Prácticas, técnicas, espacios, Valencia. Navarro, C. (1993) : « De la kura de Tudmir a la Encomienda de Socovos: Liétor (s.X-XV) », in : IV Congreso de Arqueología Medieval Española, vol. II, Alicante, 525-534. Navarro, C. (1995) : « El ma’gil de Liétor : un sistema de terrazas de origen andalusí en activo », in : I Congreso de Arqueología Peninsular, vol.VI, Porto, 365-378. Piera, A. (1998) : « Los sistemas hidráulicos de la alquería de Agres (Alacant) », Recerques del Museu d’Alcoi, 7, 161-171. Pirenne J. (1977) : La maîtrise de l’eau en Arabie du Sud Antique. Six types de monuments techniques, Paris. Puy Maeso, A. (2012) : « La huerta de Ricote (Murcia, España) entre los siglos XV y XVIII », in : Estudiar el pasado: aspectos metodológicos de la investigación en Ciencias de la Antigüedad y de la Edad Media, BAR International Series, 2412, Archaeopress, Oxford, 199209. Retamero, F. (1998) : « Espacios agrarios andalusíes en el Barranco de Algendar (Menorca). Primeras consideraciones », in : Arqueología del Paisaje. Arqueología Espacial, 19-20, Zaragoza, 1998, 261270. Retamero, F. (2000) : « Gorge builders. Andalusi peasant settlements in the South of Minorca Island (10th-13th) », in : Ruralia III. Památky archeologické, Supl. 14, 177186. Retamero, F. (2006) : « Lo que el tamaño importa. Cuándo y por qué se modificaron los antiguos sistemas hidráulicos andalusíes », Arqueología Espacial, 26, 293-310. Sánchez, J. (2005) : « Estudi de les pedres de molins manuals i de les zones d’extracció a Menorca », in : Els barrancs tancats. L’ordre pagès al sud de Menorca en època andalusina (segles X.XIII), Maó, 236-268. Selma, S. (1991) : « El molí hidráulic de farina i l’organització de l’espai rural andalusí : dos exemples d’estudi arqueológic espacial a la Serra d’Espadà (Castelló) », Mélanges de la Casa de Velázquez, 27, 65-100. Selma, S. (1993) : « Evolució des de l’època andalusí de l’espai agrari irrigat a la Vall de Veo (Serra d’espadà, Castelló) », in : IV Congreso de Arqueología Medieval Española, vol. III, Alicante, 567-574. Sitjes, E. (2006) : « Inventario y tipología de sistemas hidráulicos de Al-Andalus », Arqueología Espacial, 26, 263-291. Sitjes, E. (2008) : Asentaments i sistemes hidràulics andalusins a la part de Manacor abans i just després de la conquesta catalana (1229-30), Thèse de Doctorat, Universitat Autònoma de Barcelona, Bellaterra. Sitjes, E. (2010) : « Espacios Agrarios y redes de asentamientos andalusíes en Manacor (Mallorca) », in : Kirchner 2010, 61-78. Sitjes, E. (sous presse) : « Los espacios agrarios y la red de asentamientos andalusíes de Manacor (Mallorca). Aplicaciones informáticas (BD y GIS) utilizadas para un estudio de ámbito regional en el este de Mallorca », in : Recerca avançada en arqueologia medieval. V curs internacional d’arqueologia medieval, Lleida. Teixeira, S. (1995) : « O sistema hidraulico do Vale do Huecha sob o domínio do Mosteiro de Veruela (Aragao) », in : Iº Congresso de Arqueologia Peninsular, Vol. VI, Porto, 383-402. Vea, L. (1995) : « Los Gelida: segmentación clánica bereber y producción de espacios rurales hidráulicos en alAndalus. Primera aproximación: los riegos de Margarida (Planes de la Baronia, Alacant) », in : Agricultura y regadío en al-Andalus. II Coloquio de historia y medio físico, Almería, 203-213. 219