alternatives sud, vol.
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Structures du système international et diffusion
du tourisme en Haïti
Sadais Jeannite1 et Bruno Sarrasin2
Au il des dernières décennies, les pouvoirs publics haïtiens ont élaboré des politiques de développement consacrant le processus de diffusion
du tourisme dans l’économie. Sous l’égide des
institutions inancières internationales, cette mise
en tourisme de la « perle des Antilles » a surtout
consisté à créer les conditions propices à l’implantation d’entreprises étrangères et à la reproduction des asymétries structurelles du système
mondial.
Grâce à la croissance soutenue des lux touristiques au
cours des dernières décennies, le tourisme apparaît comme la panacée pour rattraper le « retard de développement » des pays du
Sud face au Nord (Froger, 2010 ; Dwyer et coll., 2010). La notion de
développement est alors appréhendée selon sa signiication étroite,
défendue par l’économie classique et associée à l’augmentation du
produit intérieur brut (PIB) et à ses effets.
Pour les États structurellement confrontés à certaines dificultés (faible dotation en ressources naturelles, capacité industrielle
limitée…), le tourisme est présenté par les institutions inancières
1. Diplômé en développement du tourisme, conseiller technique à la direction générale du
ministère du tourisme en Haïti, coauteur notamment de « La production de l’espace touristique de l’Île-à-Vache (Haïti) : illustration du processus de développement géographique
inégal », Études caribéennes, 2016.
2. Politologue, professeur et directeur du département d’études urbaines et touristiques
de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), responsable de la collection Tourisme aux
Presses de l’Université du Québec et auteur de multiples publications sur les enjeux et la
prospective du phénomène touristique.
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internationales, comme source de devises permettant de soutenir
l’activité économique (Sarrasin et Breton, 2012). Froger (2010) et
Ashley et coll. (2007) montrent ainsi que les dépenses des touristes peuvent créer des effets multiplicateurs qui stimulent de nombreuses branches de l’économie et contribuent à la croissance de
la production.
Ces relations entre tourisme et développement ont présidé à de
nombreuses politiques publiques donnant la primauté à cette industrie dans les pays du Sud. Aux Maldives, par exemple, l’activité touristique contribuait en 2016 à près de la moitié du PIB et à 78,5 % du
total des exportations (WTTC, 2017). Pour explorer la relation entre
tourisme, mondialisation et développement, nous nous appuierons
sur l’économie politique de Susan Strange (1998 ; 1996 ; 1993) qui
s’est intéressée à la structure de production de nombreux pays
du Sud, à partir du type de biens et services qu’ils produisent et
des enjeux de pouvoir. Cette démarche nous permettra de mieux
comprendre comment le système d’économie politique internationale inluence la diffusion du tourisme en Haïti.
Les structures de pouvoir dans le système international
L’évaluation de la structure de pouvoir dans le système international est une méthode de diagnostic et de compréhension du
comportement des acteurs qui opèrent dans l’économie contemporaine (Paquin, 2010). Le pouvoir dans le système d’économie politique internationale, contrairement à la pensée orthodoxe, est l’apanage d’une multitude d’acteurs (Strange, 1996 ; 1993). En plus des
États, les irmes multinationales, les institutions internationales, le
marché, la maia, le monde de la inance expriment leur puissance
d’agir dans l’économie mondiale (Chavagneux, 2007).
Pour Susan Strange, le pouvoir, dans ce régime d’acteurs, est
structurel et se situe au centre des enjeux économiques internationaux. Elle suggère qu’il est nécessaire d’analyser la composition des rapports qu’entretiennent ces acteurs pour comprendre
les règles du jeu économique et social à l’échelle mondiale. Pour
Chavagneux (2010) et Paquin (2010), ces structures se déclinent
en quatre dimensions dont la relation est moins hiérarchique que
dynamique : la structure de sécurité, la structure de production, la
structure inancière et la structure du savoir.
Loin de se limiter aux aspects militaires conventionnels, la structure de sécurité inclut l’ensemble des accords qui déterminent les
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conditions permettant d’assurer la protection des citoyens et des
entreprises (Paquin, 2010). Centrée sur l’État, elle est largement
affectée par la dynamique des technologies et des marchés. L’ordre
économique mondial dépend grandement, soutient Jaquet (2001),
de ce qu’il advient de la structure de sécurité. Les États jouent un
rôle important dans cette structure, car ils ont la responsabilité
d’assurer la pérennité de leur économie et de leur population face
aux nombreuses menaces (militaires, environnementales, etc.) auxquelles les sociétés humaines font face.
Certaines destinations touristiques sont, de nos jours, particulièrement résilientes aux catastrophes naturelles, aux conlits militaires
ou au terrorisme qui menacent leur viabilité et leur pérennité. La
croissance des lux de l’activité touristique dans le monde se diffuse
dans les États où la protection qui permet au touriste de se mettre
à l’abri de ces menaces est garantie par des moyens conséquents.
Quand un pays se retrouve incapable de garantir cette protection à
ses ressortissants, il émet des avertissements de voyage ou limite
les déplacements ; ce qui conséquemment impacte l’activité touristique et la structure de production.
La structure de production se rapporte aux types de biens
et services qu’une économie produit ainsi qu’aux conditions, aux
méthodes et aux technologies utilisées par les entreprises qui les
produisent (Jaquet, 2001). Elle est la résultante de l’ensemble des
accords qui déterminent ce qui est produit, par qui, pour qui, où,
avec quelles méthodes, quelles combinaisons de facteurs de production (terre, travail, capital, technologie) et à quelles conditions
(Chavagneux, 2010 ; 1998). L’économie politique suggère que la
structure de production est déterminée par les dotations en facteur
d’une économie et surtout les politiques publiques qui incitent la
prise de risque de l’activité productive par certaines entreprises
dans certains secteurs particuliers de l’économie (Paquin, 2010 ;
Chavagneux, 2010 ; 1998).
Dans ces conditions, la structure de production est fortement
centrée sur le pouvoir des entreprises et est dominée par les irmes
multinationales. Elle est déinie par les avantages comparatifs,
avantages sur lesquels sont fondés le commerce international et
le libre-échange. Ces avantages se traduisent pour les irmes multinationales par la recherche des gains d’eficacité, c’est-à-dire la
maîtrise des coûts de production et de proximité avec les marchés
ou la main-d’œuvre (Chavagneux, 2010 ; 1998). Le tourisme est le
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produit de cette structure de pouvoir et contribue à son inluence
dans l’économie mondiale.
La structure inancière correspond « aux accords qui ixent
l’accès aux crédits et sa disponibilité, le coût et la valeur des monnaies entre elles » (Paquin, 2010). Elle se compose d’un marché
mondial reliant des centres inanciers à un ensemble de systèmes
monétaires et inanciers nationaux (Jaquet, 2001). Elle est fondamentalement caractérisée par sa volatilité, exacerbée par la libéralisation des marchés. Pour Susan Strange, les États ont vu s’effriter
dans ce domaine leur capacité à déterminer le taux de change de
leur monnaie et le montant des crédits disponibles sur leur territoire.
Sur le plan des inances publiques, la garantie de la stabilité
des systèmes inanciers nationaux des pays du Sud est assurée,
notamment, par les accords passés avec le Fonds monétaire international. Les accords de prêts pour inancer les déséquilibres des
balances de paiement et les déicits budgétaires constituent les
mécanismes par lesquels opère cette institution. Ces mécanismes
contribuent, dans certains pays du Sud, à la diffusion du tourisme
dès lors que les politiques iscales, monétaires et budgétaires qu’ils
imposent induisent une division internationale de la production mondiale de biens et services basée sur un essaimage de fonctions
productives des irmes multinationales.
Par exemple, les politiques douanières et iscales qu’exigent ces
accords de prêts obligent les pays du Sud à abandonner la production de biens manufacturés à fort coeficient de main-d’œuvre – car
les entreprises locales ont vu s’effriter leur compétitivité –, pour
s’engager dans une spécialisation productive basée sur les dotations en facteurs de leur territoire. L’implantation d’activités productives dans ces pays se fonde alors principalement sur l’environnement iscal et douanier qui est imposé dans ces accords de prêts.
Le tourisme est surdéterminé dans la plupart des pays du Sud par
ces conditions de inancement des déicits budgétaires par les aides
publiques au développement.
La structure des savoirs, enin, se déinit, selon Susan Strange,
par six questions essentielles : quel type de savoir est découvert ?
Comment le savoir est-il stocké ? Qui communique, comment, à qui
et dans quels termes ? Elle se caractérise par la croissance du lux
d’information, qui stimule la croissance des activités de services,
facilite la production et le marketing global, soutient l’expansion des
marchés inanciers et transforme la structure sécuritaire au fur et à
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mesure que la capacité des États de monopoliser les moyens de
communication et les médias s’élargit (Chavagneux, 2010 ; 1998).
Structurellement, la production de savoirs dans le système international se situe dans les pays à revenus élevés. Les pays du Sud
sont rangés dans la catégorie des consommateurs de ces connaissances. Chavagneux (1998) explique que la structure des savoirs,
au niveau le plus général, s’intéresse à la nature de la communication, à ses usages sociaux et aux relations de dépendance entre
des combinaisons d’idées et de croyances, d’évolution des techniques de communication et des pratiques politiques et sociales.
Dans le domaine du tourisme, la structure des savoirs représente
un élément déterminant de sa diffusion dans les pays du Sud.
Attirer les investisseurs touristiques en Haïti
Certaines tendances de l’économie mondiale de la période
d’après-guerre ont favorisé la diffusion du tourisme en Haïti,
comme dans d’autres pays du Sud. Les stratégies d’internationalisation et de délocalisation des entreprises touristiques, en quête
de compétitivité, ont participé à la transformation des structures
de production nationales qui se sont graduellement diversiiées
au proit du tourisme. Ainsi, de nombreuses multinationales (Club
Med, Panamerican…) se sont implantées en Haïti au cours de cette
période (Noël, 2011). Toutefois, pour que ces irmes déploient leurs
objectifs stratégiques, elles ont dû bénéicier de la collaboration
intéressée des pouvoirs publics qui ont mis en place des politiques
favorisant leurs investissements.
L’analyse de ces politiques permet de comprendre que les actions entreprises par l’État haïtien représentent une stratégie d’adhésion et d’adaptation à un état du monde. Ce dernier peut être
considéré comme un marché mondialisé, où sévit une concurrence
de plus en plus importante entre territoires nationaux pour attirer
des capitaux étrangers (Chavagneux, 1998 ; 2010). L’adhésion à ce
marché se traduit, dans le secteur du tourisme, par la mise en place
de conditions visant à rendre l’économie attractive aux investissements des multinationales touristiques.
Il s’agit d’un ensemble d’actions mises en œuvre par les pouvoirs
publics telles que des lois et décrets organisant structurellement le
secteur, en vue de développer l’offre des services touristiques et
promouvoir Haïti comme destination sur les marchés émetteurs. À
titre d’illustration, le décret de mars 1975 portant organisation du
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secteur touristique attribue aux pouvoirs publics un certain nombre
de prérogatives telle l’élaboration des normes réglementant la qualité du service dans le secteur touristique (Noël, 2011).
Par ces actions, les pouvoirs publics cherchent à consolider
leurs prérogatives et à rendre l’économie apte à attirer et à retenir les activités et les facteurs de production en lien avec le tourisme, devenus de plus en plus mobiles. La recherche de l’attractivité comme stratégie de inancement du trésor public pousse les
États à faire évoluer leurs législations socio-économiques, iscales
et transactionnelles de manière à libérer les contraintes liées au déploiement des activités de ces irmes multinationales touristiques.
Cela prend la forme d’une collaboration intéressée du système local
au système d’économie politique internationale.
Cette collaboration contribue à la transformation de la structure
de production au proit des irmes multinationales. Ce mécanisme
s’est traduit, au moment des balbutiements du tourisme après la
Deuxième Guerre mondiale, par la volonté des pouvoirs publics
haïtiens de réaliser en 1949-1950 une exposition internationale, à
l’occasion du bicentenaire de la ville de Port-au-Prince. Cet événement, rapporte le Bureau international des expositions, représenta un effort public important de mise en avant de la modernisation
du pays sur un ensemble d’aspects, tels que la rénovation urbaine
de la capitale, l’assainissement et le développement de la côte maritime du golfe de la Gonâve…, l’objectif étant la promotion d’Haïti sur
la scène internationale.
Au-delà, il s’agissait d’encourager les irmes multinationales
touristiques à prendre le risque de l’activité productive. Les travaux
de modernisation urbaine visaient à marquer une rupture avec
les représentations négatives dont Haïti faisait l’objet à l’international. Au moment où se développait la télévision, la diffusion des
images d’un pays embelli – représentation mentale – qui célèbre
la beauté de sa culture et son histoire glorieuse – représentations
théâtrales – devait détruire les représentations négatives projetées
dans l’espace public par les médias (Bourdieu, 1982).
Cette démarche a permis aux pouvoirs publics d’inluer indirectement sur les irmes touristiques, en exerçant une inluence directe
sur les lux de touristes, à travers les mythes, les images et les
discours publicitaires. La rénovation urbaine fut concentrée sur les
quarante-cinq hectares que recouvrait l’endroit même de l’exposition internationale, pour diffuser à l’adresse des futurs touristes
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l’image d’une ville moderne qui répond à leur quête de confort existentiel. L’élaboration des politiques publiques et la mise en place de
programmes d’aménagement du territoire ont ainsi créé les conditions de la naissance et de la diffusion du tourisme en Haïti.
Enlever tout obstacle à l’implantation touristique
La diffusion du tourisme en Haïti s’insère dans une vision du développement portée par les institutions supranationales qui consiste
à ouvrir le marché, abolir les droits de douane et « assainir » les
inances publiques. Cette vision du développement a été élaborée dans le contexte du ralentissement de l’économie mondiale à
la suite des chocs pétroliers survenus au cours des années 1970
et de la crise économique mondiale du début des années 1980.
La stratégie de croissance préconisée alors consista à désengager
l’État du marché.
Connue dans les pays du Sud sous le vocable d’ajustement
structurel, cette stratégie fut mise en œuvre en Haïti à partir de
1987, telle qu’exigée par les institutions de Bretton Woods. À cette
date, le gouvernement haïtien entama une politique d’ouverture du
marché sur l’extérieur visant, selon ce que rapportent les médias, à
« libérer le pays du sous-développement » (François, 2009 ; Adam,
2009 ; Alter Presse, 2006). La Banque mondiale et le FMI « proposèrent » de baisser les droits de douane et le taux d’imposition sur
les revenus des entreprises et d’élaborer des politiques publiques
visant le développement des secteurs pour lesquels le pays dispose
de dotations en facteurs.
L’aide au développement et les nouveaux prêts accordés au
pays étant désormais conditionnés à ces « ajustements », Haïti est
passé d’un régime de douane fermé et réglementé à l’un des régimes les plus ouverts aux échanges commerciaux des Caraïbes et
d’Amérique latine (Alter Presse, 2006). Comme la structure tarifaire
représente le plus important outil de inancement du trésor public
en Haïti, l’État a dû appliquer de surcroît, pour compenser la baisse
des droits de douane, un ensemble de politiques publiques (régime
iscal incitatif…) visant à faciliter l’implantation de nouveaux investisseurs transnationaux, notamment en matière de tourisme.
Haïti s’est ainsi doté d’un premier plan directeur du tourisme en
1996, avec comme priorité le développement de trois régions – la
côte atlantique, la côte caribéenne et la région de l’Ouest –, en
s’appuyant sur leur patrimoine naturel, culturel et historique. La côte
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des Arcadins était également visée, à travers l’implantation d’hôtels
de luxe. Depuis lors, le tourisme a été élevé au rang de priorité
nationale par les différents gouvernements. Il est considéré à la fois
comme activité économique stratégique et outil de développement
local.
Le plan directeur du tourisme de 1996 prévoyait la construction
de 4 000 chambres d’hôtel et la création de 30 000 emplois à l’horizon de 2004. Ces objectifs n’ayant pas été atteints, le pays a élaboré un Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP)
qui fait du tourisme un vecteur de croissance économique et de
création d’emplois. Trente-deux iches de projets touristiques y sont
consacrées. Suite au séisme du 12 janvier 2010, les prévisions ont
été révisées, pour tenir compte du nouveau contexte, mais le tourisme est de nouveau considéré comme secteur clé de l’économie
dans le Plan stratégique de développement pour Haïti (PSDH) de
2012.
Ce dernier privilégie en effet l’investissement touristique. Et ce,
par l’amélioration du cadre réglementaire et iscal, la recherche d’investisseurs, le développement d’infrastructures d’accueil, la mise
en valeur du patrimoine, la restauration et la promotion de l’image
d’Haïti, l’éducation en matière de gestion du tourisme et le renforcement institutionnel en matière de gouvernance. Tourisme et développement sont associés dans les discours politiques. Ils justiient
projets d’infrastructures et mises en tourisme de certains territoires,
comme lors de la construction du quai de croisière de Labadie ou
de la mise en œuvre du projet de « développement touristique de
l’Île-à-Vache » (Sarrasin et Renaud, 2014).
Principaux enseignements
La diffusion du tourisme en Haïti illustre la structure du pouvoir
dans le système d’économie politique internationale. Ce processus
de diffusion s’inscrit dans le cadre de la composition des rapports
d’inluence entre, d’une part, les acteurs dominants, c’est-à-dire
les multinationales touristiques, les institutions supranationales et
les États riches et, d’autre part, les États en position de faiblesse
dans le système international. À travers l’aide publique et privée au
« développement », les acteurs dominants inluencent les acteurs locaux dans l’élaboration des politiques – iscales, d’investissement,
etc. – qui impulsent la croissance de l’activité touristique.
structures du système international et diffusion du tourisme en haïti
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L’analyse du cadre dans lequel ces politiques sont élaborées
montre que la source d’inluence sous-jacente déinissant ce jeu
économique et social en Haïti est déterminée par la structure de
pouvoir du système international. L’adoption du tourisme comme
vecteur de croissance et de développement par les pouvoirs publics, sa diffusion et sa croissance progressive dans la structure
de production illustrent le rôle hégémonique sur le système local
des acteurs dominants de l’économie politique internationale, tels le
FMI, la Banque mondiale et les multinationales touristiques.
Nous avons relevé les principaux mécanismes de déploiement
de cette hégémonie. D’abord, elle se manifeste dans un discours,
porté par les acteurs dominants, qui enchâsse le tourisme dans le
développement. Ce dernier résulte d’un construit socio-économique
issu d’un groupe d’intérêt – les pays occidentaux – qui présente
le développement sous la forme d’un savoir technique et objectif.
C’est ce que Susan Strange nomme une valeur prioritaire qui, présentée comme savoir scientiique, prend la forme de pratiques obligées qui imposent et renforcent l’adhésion de tous les acteurs au
système mondial dont les retombées sont asymétriques.
En Haïti, le tourisme ne tient pas sa promesse d’impulser la
croissance et de créer des emplois (WTTC, 2017). Sa contribution à
l’économie nationale n’a jamais atteint le seuil du milliard de dollars,
alors que le taux de fuite (hors Haïti) de cette industrie correspond
à 65 % des recettes engendrées. L’activité touristique se produit en
dehors du reste de l’économie, en accusant une forte propension à
la consommation de biens importés au proit d’une clientèle étrangère. Une part importante des retombées économiques sont retournées dans les pays d’origine des irmes, ne laissant qu’un effet marginal sur l’économie locale.
De la sorte, la diffusion de l’activité touristique en Haïti contribue
à la reproduction des déséquilibres fondamentaux du système international, reposant sur une structure de pouvoir politique et économique favorisant les acteurs dominants. La diffusion du tourisme est
la résultante de ces déséquilibres, car, nonobstant les retombées
marginales de cette activité sur l’économie, les pouvoirs publics
n’ont cessé d’engager d’importantes ressources pour sa diffusion,
montrant que les déterminants de ces politiques sont exogènes au
système local.
En faisant du tourisme un outil de développement, les élites
offrent une collaboration intéressée aux acteurs du système
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d’économie politique internationale, comme une heuristique de reproduction. Cette collaboration se déploie dans le discours politicoéconomique qui enchâsse le tourisme dans le modèle de développement. Ce discours sert d’argumentation qui légitime l’internalisation du tourisme dans les pays du Sud, notamment sous la forme de
politiques publiques. La diffusion du tourisme en Haïti s’inscrit ainsi
dans une dynamique de reproduction des déséquilibres fondamentaux du système économique mondial.
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