La sécurité de l’approvisionnement électrique:
Quels enjeux pour la régulation ?
N° 2007- 05
Février 2007
Frédéric Marty
OFCE
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Frédéric MARTY
La sécurité de l’approvisionnement électrique :
Quels enjeux pour la régulation ?
Frédéric MARTY 1
OFCE
Abstract
Prices on electricity markets induce two kinds of debates. If the first ones lie on their constant increase,
the seconds are relative to their volatility. Such volatility disrupts price signals for investors and could
induce an insufficient level of generating capacity. The risks are all the more significant since the
profitability of peak-load capacities is especially sensitive to the level of prices that are realised during
the small number of hours in which they produce energy. But, the difficulty to balance between
scarcity rents and abuses of market power could induce regulatory interventions as too stringent pricecaps. These ones could make worse the spontaneous market under-investment. They restrict the
scarcity rents expected by the investors and reinforce the law uncertainty. Our purpose is to analyse
the mechanisms which are used to provide an optimal level of generating capacity, as capacity
obligations, payments or markets, and to underline the complementarities between decentralised
investment decisions and public action.
Résumé
Les évolutions récentes des prix sur les marchés de l’électricité ne posent pas seulement des problèmes
liés à leur forte augmentation mais aussi, et surtout, à leur extrême volatilité. Celle-ci perturbe les
signaux de prix adressés aux investisseurs et peut conduire à un sous-investissement socialement
préjudiciable pour la sécurité de l’approvisionnement électrique. Les risques sont d’autant plus élevés
que les unités de production appelées à satisfaire les pointes de demande ne peuvent couvrir leurs
coûts que durant de courtes périodes de temps. Ceci suppose d’accepter des phases de valorisation
extrême des prix de marché. Or, la difficulté de déterminer si celles-ci ne sont pas liées à l’exercice de
pouvoir de marché peut conduire à des interventions publiques, notamment sous la forme de plafonds
de prix. Ces dernières peuvent accentuer la tendance au sous-investissement des firmes. En effet de
telles interventions ont non seulement pour effet direct de supprimer les rentes de rareté, mais elles ont
aussi pour conséquence de créer un sentiment d’insécurité juridique. Celle-ci sera d’autant plus
significativement ressentie que la réglementation du secteur est en constante évolution et donc
imparfaitement prévisible pour les entreprises. L’analyse des différents mécanismes pouvant être mis
en œuvre pour pallier l’insuffisance de l’investissement spontané des firmes, tels les mécanismes
d’obligation de capacités, de paiements de capacités ou des marchés de capacités, permet de
s’interroger sur la complémentarité nécessaire de l’initiative privée et l’action publique pour garantir
la sécurité de l’approvisionnement électrique.
1. Chargé de Recherche CNRS – UMR CNRS 6227 GREDEG – Université de Nice Sophia-Antipolis.
Chercheur affilié OFCE – Département Innovation et Concurrence – 250, rue Albert Einstein 06560 Valbonne
[email protected]
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
La Commission européenne identifie, dans son enquête sectorielle sur le développement de la
concurrence sur les marchés de l’énergie publiée en janvier 2007, trois enjeux majeurs guidant la
libéralisation. Il s’agit respectivement de la compétitivité en termes de prix, de la sécurité de la
fourniture et de la soutenabilité environnementale. Il apparaît donc que l’un des principaux enjeux qui
se posent en matière de sécurité technique, de viabilité économique et d’acceptabilité sociale des
marchés de l’électricité libéralisés tient en la capacité de ces derniers à satisfaire la demande dans des
conditions de prix raisonnables2. La sécurité d’approvisionnement peut être appréhendée selon deux
dimensions distinctes, bien qu’intrinsèquement liées l’une à l’autre3. La première tient à des variables
de court terme. Elles sont principalement liées au pilotage du réseau électrique, à son efficacité propre
mais peuvent aussi concerner d’éventuelles manipulations des cours par les acteurs du marché. La
seconde correspond à des variables de long terme. Elle tient à l’adéquation du parc productif à la
demande. Il s’agit alors de la question de l’optimalité des signaux de prix fournis par les marchés de
l’électricité en matière d’incitations à l’investissement pour les opérateurs du marché (Bouttes, 2004).
Dans le cadre de marchés pleinement efficients, les investisseurs seraient en mesure de former des
anticipations parfaites sur les cash-flows attendus. Ils seraient aussi en mesure de sécuriser ces derniers
au travers de contrats à terme dont les échéances seraient calées sur les délais d’amortissement
financier des nouvelles infrastructures. Or, comme le relève Paul Joskow (2006), il ressort des
expériences tant européennes qu’américaines que les marchés de l’électricité libéralisés ne parviennent
pas à produire des incitations suffisantes pour susciter des investissements permettant d’atteindre les
seuils nécessaires pour garantir la fiabilité de l’approvisionnement électrique. Pour ce dernier, les
origines de cette défaillance sont à la fois à rechercher dans des imperfections de marché, propres au
secteur électrique, et dans le sentiment d’insécurité juridique pesant sur les opérateurs du marché.
En effet, les marchés de l’électricité présentent de nombreuses particularités accroissant la volatilité
des cours et susceptibles de décourager les investissements. La première tient à l’inélasticité de la
demande aux prix. Une facturation en temps réel étant encore techniquement problématique et
2. Nous retrouvons en creux les concepts d’avaibility et d’affordability à la base de la définition du service
universel (Encoua et Koebel, 1987).
3. Par exemple, si la panne électrique paneuropéenne du samedi 4 novembre 2006 ne fut pas directement liée à
une insuffisance des capacités de production, elle est en grande partie imputable à la limitation des capacités
d’interconnexion entre les différents états européens. Rappelons que la panne a été provoquée par une mise hors
tension d’une ligne à très haute tension par l’électricien allemand E.On pour laisser passer un navire de croisière
norvégien sur la rivière Ems. Cette précipitation a causé un grave déséquilibre du réseau européen, notamment
en Europe de l’Ouest. Afin, d’éviter une chute de tension en dessous du seuil de 48,5 Hz, lequel aurait déclenché
la mise hors tension de toutes les centrales thermiques (dont les nucléaires), des délestages, touchant dix millions
de clients ont été pratiqués. Ces coupures (d’une heure environ) ont permis d’éviter un effondrement complet du
réseau électrique européen, d’une ampleur comparable à celui qu’a connu le nord est américain en 2003. Si au
premier chef, les enseignements de cette défaillance portent sur la coordination entre les différents gestionnaires
des réseaux de transports européens, ils mettent indirectement en évidence l’insuffisance des investissements
dans les interconnexions entre les différents marchés nationaux. En effet, au niveau communautaire, il n’existe
pas de dispositifs comparables au bilan prévisionnel établi par le RTE français ou aux soutiens étatiques liés à la
PPI (programmation pluriannuelles des investissements).
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Frédéric MARTY
apparaissant, au moins à court terme, comme socialement peu acceptable (Borenstein et Holland,
2003), il est difficile de responsabiliser la demande au moment de la pointe4. Ce faisant, les cours sont
susceptibles de connaître des variations extrêmes. La seconde particularité tient aux risques associés
aux investissements dans des capacités de pointe. Ces dernières ne seront potentiellement appelées que
durant quelques heures dans l’année. La rentabilité de l’investissement dépend des seules espérances
de cash-flows liés à ces épisodes de tension extrême sur les capacités productives. Comme il n’existe
pas encore de contrats à terme permettant suffisamment de sécuriser les débouchés de ces unités sur
l’ensemble de leur durée d’exploitation, les investisseurs peuvent reculer devant le risque. Non
seulement la volatilité peut accroître le risque des nouveaux investissements, mais elle est susceptible
de brouiller les signaux de prix.
En effet, les investisseurs peuvent difficilement faire la part des choses entre les deux origines
possibles d’une valorisation extrême des cours. Celle-ci peut, soit témoigner de l’existence de rentes
de rareté, indispensables pour couvrir les coûts fixes des installations marginales, soit attester de
l’exercice de pouvoirs de marché. Non seulement l’investisseur risque de ce méprendre sur la réalité
des rentes de rareté (annonciatrices de cash-flows futurs), mais il peut considérer que les valorisations
des prix risquent de susciter des accusations de manipulations des cours. Ces dernières peuvent être à
l’origine d’interventions brutales du régulateur, notamment sous forme de plafonnement des cours5.
De tels risques régulatoires peuvent être des plus préjudiciables pour l’amortissement des
investissements. Les plafonds de prix peuvent annihiler les rentes de rareté, pourtant indispensables à
l’amortissement des capacités de pointe.
Ainsi, les incertitudes liées à l’origine des phases d’extrême valorisation des cours et aux possibles
réponses publiques, ne permettent pas aux prix, malgré leur constante hausse, de susciter des signaux
favorables à de nouveaux investissements. Par exemple aux Etats-Unis, après un pic de nouvelles
mises en service de 55 000 MW en 2002, seulement 15 000 MW furent installés en 2005, et encore
principalement par des opérateurs échappant à la concurrence (régies municipales ou utilities
verticalement intégrées d’Etats n’ayant pas opté pour la libéralisation du secteur) ou par des
entreprises ayant opté pour des capacités de production utilisant des énergies renouvelables,
généreusement subventionnées par les pouvoirs publics6 (Joskow, 2006).
4. A l’exception de divers instruments de demand side management, telles les clauses d’effacement négociées
avec certains gros consommateurs industriels.
5. A ce titre, il n’est pas inutile de rappeler les débats qui ont accompagné la discussion de la loi sur l’énergie au
Parlement français à l’automne 2006 et qui se sont notamment traduits par la publication, en janvier 2007, d’un
décret relatif au tarif de retour. En effet, la loi du 7 décembre 2006 permet aux entreprises qui le souhaitent de se
remettre – provisoirement – sous la protection des tarifs réglementés et d’échapper ainsi aux mécanismes de
marché pour lesquels elles avaient précédemment opté. Les entreprises qui avaient dès le 1er juillet 2004 fait
jouer leur éligibilité, loin de voir concrétiser les promesses de baisses des prix, ont vu leur facture électrique
croître de 60 à 80 % (Lenoir, 2006).
6. Le même phénomène est bien entendu observable en France et en Europe en général.
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
Nous nous proposons donc d’analyser dans une première partie les principales causes d’instabilité des
cours sur les marchés de l’électricité, avant de nous attacher dans une seconde partie aux différents
mécanismes institutionnels expérimentés en vue de sécuriser l’approvisionnement électrique,
notamment via la garantie d’une rémunération des capacités de production de réserve. Enfin, nous
envisagerons, dans une troisième partie, le rôle que peuvent jouer les interventions publiques pour
suppléer de façon efficace aux difficultés des marchés électriques libéralisés à garantir la sécurité de
l’approvisionnement. Malgré les espoirs initiaux d’une régulation à la main légère (Bouttes et Trochet,
2004), la régulation des marchés de l’électricité libéralisés suppose, en effet, des interventions
publiques significatives et pérennes. Cependant, certaines des modalités de ces dernières peuvent
paradoxalement renforcer l’instabilité des marchés électriques en perturbant les signaux de prix,
notamment au travers de mécanismes de prix plafonds, voire en décourageant les investissements, en
générant un certain degré d’insécurité juridique pour les firmes. Il s’agira donc d’essayer de définir
quels schémas de régulation peuvent susciter les complémentarités nécessaires avec les signaux de
marché pour garantir la sécurité de l’approvisionnement électrique.
I.
L’instabilité des marchés électriques
1. Une volatilité intrinsèque des signaux de prix
L’électricité n’est pas une marchandise comme une autre. Ses spécificités physiques (par exemple sa
non stockabilité7 qui induit la nécessité d’équilibrer en temps réel l’offre et la demande) font que les
prix du marché spot connaissent des tensions extrêmes à l’approche de la pointe de demande, suscitant
une très forte volatilité. L’une des spécificités du marché de l’électricité tient au fait qu’il peut ne plus
exister de prix d’équilibre, au moment de la pointe de demande. En effet, les courbes d’offre et de
demande peuvent devenir verticales (Bouttes et Trochet, 2004). Insensible aux coûts de production, la
demande est inélastique à court terme alors même que du fait de la non stockabilité de l’électricité,
l’offre demeure relativement inélastique à court terme, comme l’illustre la figure 1, inspirée de Bouttes
et Trochet (2004).
Marty F., (2006), « L’obligation d’achat d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables : une défaillance
de la réglementation ? », in Revet T., (s.d.), Annales de la Régulation, LGDJ, Bibliothèque de l’Institut André
Tunc, tome IX, volume 1, Université de Paris 1, Paris, avril 2006, pp. 605-623.
7. A l’exception de la gestion des réserves d’eau dans les systèmes productifs à forte composante hydroélectrique.
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Frédéric MARTY
Figure 1 : Inélasticités à court terme des fonctions d'offre et de demande
délestage
prix
Courbe d’offre
Demande en
pointe
Demande en
base
quantités
Ainsi, les épisodes de valorisation extrême des prix de l’électricité sont appelés à se multiplier tant sous
l’impact de chocs d’offre que de demande. La canicule d’août 2003 constitue l’exemple emblématique
d’un choc d’offre, du fait de l’indisponibilité de nombreuses capacités de production, liée aux programmes
d’entretien et aux indisponibilités de certaines unités nucléaires du fait, notamment, de difficultés de
refroidissement. Alors que le prix de l’électricité sur Powernext, s’est établi le 10 août 2004 à 32 € / MWh,
il a atteint la barre des 1000 € / MWh, un an avant, au plus fort de la canicule. Ces évolutions extrêmes des
cours ne furent pas cantonnées au marché français. Le 12 août 2003, l’électricité s’échangeait à la bourse
d’Amsterdam à 2000 € / MWh. Si les prix de l’électricité ont connu des variations moins extrêmes sur le
marché français durant les étés 2005 et 2006, du fait de conditions météorologiques plus favorables8, le
MWh n’en a pas moins atteint 234,45 € le 26 juillet 2006 (voir figure 2), alors que le prix moyen de
l’électricité au premier semestre s’était établi à 53 € (Powernext, 2006a et 2006b).
Figure 2 : Les prix sur le marché français de l'électricité - octobre 2005/ octobre 2006
Source : Powernext (2006).
8. La réduction de la consommation française d’électricité de 1 % en 2006, alors qu’elle croissait en moyenne de
1,8 % en Europe depuis dix ans, à la fois pour origine les efforts des consommateurs électro-intensifs mais aussi
la clémence des conditions météorologiques…
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
Tableau 1 : Cours de l’électricité et volatilité sur le marché français
Rappel
2002
2003
2004
2005
1er
semestre
2005
1er
semestre
2006
Prix moyen
en base (€ /
21,19
29,22
28,13
46,67
40.72
53.73
25,82
37,82
33,71
56,88
48.29
64.91
36 %
87 %
27 %
25 %
23 %
23 %
50 %
155 %
37 %
37 %
34 %
32 %
MWh)
Prix moyen
en pointe (€ /
MWh)
Volatilité en
base
Volatilité en
pointe
Source : Bilan d’activité 1er semestre 2006, Powernext.
L’augmentation de la profondeur du marché français explique la réduction progressive de la volatilité
des cours (voir tableau 1), laquelle est encore supérieure à celle enregistrée sur des marchés plus
significatifs tel le NordPool scandinave. Cependant, la réduction de la volatilité observée depuis 2003
peut aussi s’expliquer par l’absence de phénomène météorologique extrême, telle la canicule de l’été
2003. Cependant, deux éléments sont à relever. La tendance à l’élévation des prix de l’électricité n’est
pas seulement française, mais concerne l’ensemble des pays ayant décidé de libéraliser le secteur (voir
tableau 2) 9 . La réelle spécificité française est cependant à rechercher dans la préservation d’un
segment régulé 10 , lequel pose principalement le problème de la déconnexion des prix et des tarifs
(Morin, 2006). Si l’on considère que le prix est parfaitement révélateur des coûts marginaux, alors le
tarif s’éloigne de la mission qui lui avait été assignée par Marcel Boiteux (1993) : « Les tarifs sont
faits pour dire les coûts comme les horloges sont faites pour dire l’heure ». D’un point de vue
strictement économique, cette déconnexion peut avoir deux effets pervers sur les signaux de prix. Elle
risque simultanément de désinciter les investissements et de ne pas responsabiliser les consommateurs.
9. Il convient cependant de noter que les autres marchés de l’énergie (gaz, pétrole,…) ont connu des évolutions
bien plus marquées.
10. La préservation d’un segment protégé (représentant en France, avant le 1er juillet 2007, les deux tiers de la
consommation) n’est pas sans conséquence sur le manque de liquidité du marché de gros, laquelle induit à la fois
une accentuation de la volatilité des cours et, potentiellement, une facilitation de l’exercice des pouvoirs de
marché.
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Frédéric MARTY
Tableau 2: évolution des prix de l'électricité
Prix moyen de
l’électricité
(€ / KWh)
France
Segment régulé
(tarifs)
Segment éligible
Allemagne
Royaume-Uni
Italie
Espagne
Variation avril
2005 / avril 2006
Variation avril
2001 / avril 2006
0.0522
0%
+ 3.76 %
0.0867
0.0850
0.0908
0.1090
0.0766
+ 48 %
+ 7.5 %
+ 41.1 %
+ 14.9 %
+ 15.5 %
+ 75.6 %
+ 48.9 %
+ 80.7 %
+ 21.1 %
+ 39.3 %
Source : NUS Consulting- avril 2006.
2. Une volatilité perturbant les signaux de prix adressés aux investisseurs
Si l’élévation des cours devrait stimuler les investissements, la forte volatilité des cours de l’électricité les
décourage significativement dans la mesure où les flux de revenus futurs sont marqués par une forte
variabilité et une incertitude radicale. La volatilité n’est pas simplement le fait des “marchés dans
l’enfance”, un phénomène transitoire appelé à disparaître au fur et à mesure que les marchés gagneront en
profondeur et que les autorités boursières auront acquis l’expérience nécessaire pour prévenir les stratégies
de manipulation des cours. Elle s’avère une caractéristique pérenne des marchés électriques libéralisés. Les
conséquences sur la sécurité de l’approvisionnement électrique sont d’autant plus importantes, que
désormais les choix d’investissements ne sont plus le fait d’une instance publique, mais sont les produits de
nombreuses décisions décentralisées fondées sur les signaux de prix fournis par le marché (Lévêque, 2006).
Comme le souligne le National Audit Office, la Cour des Comptes britannique, dans son évaluation de
la nouvelle réglementation du marché anglo-gallois de l’électricité (NAO, 2003), la volatilité des cours,
commune à l’ensemble des marchés de commodités, mais particulièrement prégnante dans les marchés
électriques, constitue un réel frein à l’investissement des firmes. Elle brouille les signaux de prix (les
investisseurs ignorent si les prix pourront se maintenir suffisamment longtemps à un niveau élevé pour
couvrir les coûts) et en suscite des craintes d’interventions publiques, notamment sous la forme de
plafonnement des prix. Une telle volatilité peut potentiellement décourager des investissements
pourtant socialement nécessaires, notamment du fait de facteurs tenant à l’aversion au risque des
agents économiques ou à l’imperfection des marchés financiers11 (Joskow, 2006).
11 . Bien que les investissements dans la production électrique n’apparaissent pas particulièrement risqués
comparativement à d’autres domaines énergétiques, trois facteurs sont susceptibles d’expliquer la relative
défiance des marchés financiers. Le premier tient à la volatilité intrinsèque des marchés spots et à un manque de
recul des marchés quant à ses évolutions à long terme. Le second réside dans l’absence de contrats à terme d’une
durée suffisamment longue pour que les investisseurs puissent disposer d’une couverture satisfaisante. Le dernier
facteur est lié à l’instabilité institutionnelle et réglementaire qui caractérise le secteur depuis plus de quinze ans.
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
En outre, comme l’a montré le cas californien (Joskow, 2006), les marchés de l’électricité se
caractérisent par des cycles d’investissements (boom and bust) socialement inefficients12. Ce caractère
renforce les aléas sur les flux de ressources liés aux nouveaux investissements, susceptible de
décourager les investisseurs potentiels (Visuddhipan et alii, 2001). Comme tout investissement
additionnel va alléger les tensions s’exerçant sur l’offre, le risque est fort que l’investisseur ne
contribue lui-même à provoquer une situation dans laquelle le prix de marché va s’établir en dessous
de ses coûts marginaux de long terme. Un investissement dans de nouvelles capacités risque d’avoir
pour conséquence de réduire les périodes de pointes de demande, seules périodes durant lesquelles les
coûts fixes des installations “marginales” seront couverts (Stoft, 2002). Or, la couverture des
investissements réalisés, notamment pour la couverture de la pointe de demande, suppose que les
opérateurs puissent tirer profit des valorisations parfois extrêmes de l’énergie lors des quelques heures
de l’année durant lesquelles leurs installations seront appelées13.
Encadré 1 : De la capacité des marchés de l'électricité à rémunérer les investissements
Il convient de relever, qu’au point de vue théorique, l’existence d’un pouvoir de marché, i.e. la capacité de
maintenir durablement, et de façon profitable, ses prix au-delà du niveau concurrentiel, est en aucun cas une
condition sine qua non pour la couverture des investissements dans les capacités de production (Lévêque, 2005).
Le coût marginal égalisé par le prix lors de la pointe de demande n’est pas le coût marginal de production de
court terme de la dernière unité appelée, mais en fait, le coût d’opportunité du dernier consommateur que l’offre
peut servir (le coût marginal de la demande). Il s’agit alors de la VOLL – Value of Lost Load.
Il est nécessaire que les investisseurs puissent disposer de la certitude de bénéficier de rentes de rareté pour
couvrir les coûts de leurs investissements. Il apparait cependant, que les marchés de l’électricité libéralisés
ne parviennent pas à produire de telles rentes. De ce problème de missing money, en d’autres termes,
d’insuffisance des flux financiers garantis aux investisseurs, découle un niveau d’investissement
durablement sous optimal (Joskow et Tirole, 2006). Ce phénomène ne concerne pas les seules capacités de
pointe. Une contagion peut exister avec les investissements de base. En effet, la volatilité des prix peut
conduire les investisseurs à se détourner des technologies de production les plus intensives en capital.
Aux Etats-Unis, l’environnement institutionnel varie d’un état à l’autre et fait l’objet de réformes constantes
(Cramton, 2003). En Europe, les volontés d’approfondissement de la libéralisation portées par la Commission se
heurtent aux réticences de certains états membres et à des demandes de re-régulations.
12. De la même façon, l’ouverture du marché britannique s’était soldé par des investissements massifs dans les
années quatre-vingt-dix, notamment en faveur d’unités à cycle combiné. Cependant, il s’agissait plus de
substitutions entre technologies de production que d’augmentation des capacités installées. Ainsi, par le seul jeu
des déclassements de centrales, les capacités britanniques ne sont guère supérieures à celles qui existaient en
1990 (Joskow, 2006).
13. Joskow (2006) cite l’exemple de la Nouvelle-Angleterre où en 2001, 55 % des capacités installées fournirent
93 % de l’énergie. Les 45 % restant (spécialisées dans la pointe – ou dans la dentelle par opposition au ruban)
durent couvrir l’intégralité de leurs coûts sur les 7 % de consommation qui s’est adressée à eux.
9
Frédéric MARTY
Si le problème de la sécurité de l’approvisionnement apparaît comme réel dans les energy-only
markets, aujourd’hui prévalents, il était cependant réglé sur le principe dans les modèles de marchés
organisés sous forme de pool centralisé, à l’instar de l’ancien système électrique anglo-gallois. Dans
un tel cadre, les offreurs doivent alors annoncer ex ante les niveaux de production possibles et les
niveaux de prix afférents. Les échanges se faisant exclusivement au prix d’équilibre, dans la logique
du marché walrasien, l’ensemble des kWh livrés sont payés sur la base du kWh marginal. Ce faisant,
le revenu additionnel rémunérant les capacités de réserve provient de la différence entre le market
clearing price et les coûts marginaux des producteurs “non marginaux”.
Cependant, si le mécanisme du pool permettait de résoudre en partie le problème de la rémunération des
capacités participant à la fiabilité de l’approvisionnement électrique, il n’en souffrait pas moins de nombreux
travers, lesquels ont notamment conduit à son abandon au profit du NETA (New Electricity Trading
Arrangement) en Angleterre en 2001 (NAO, 2003). L’un des principaux facteurs réside dans la facilité avec
laquelle les firmes purent abuser de leur pouvoir de marché ou nouer des ententes anticoncurrentielles (Green,
2004). Il est d’ailleurs à noter que le NordPool scandinave, fonctionnant selon le même mécanisme, connaît
les mêmes polémiques quant à des suspicions de manipulation des cours. De telles manipulations des cours
sont d’autant plus faciles dans le domaine électrique que la structure du marché s’avère naturellement
oligopolistique (Newberry, 2002) et que n’importe quel producteur, aussi faible soit-il peut être en position
d’exercer un pouvoir de marché au moment de la pointe (Joskow et Kahn, 2002). Or, de la difficulté de trier le
bon grain de l’ivraie, entre rentes de rareté légitimes et manifestations des pouvoirs de marché, nait de fortes
incitations d’interventions publiques pour plafonner les prix de l’électricité.
Encadré 2 : Marchés de l'électricité et pouvoir de marché
Les indicateurs de structures de marché, tels l’indice d’Hirschmann-Herfindahl (HHI), ne sont que peu pertinents en
matière électrique (Lévêque, 2005). D’une part, il est très difficile de déterminer un marché pertinent (à l’extrême, il en
existe autant que de demi-heures annuelles de cotation soit 17 250). D’autre part, en matière électrique, tout offreur,
aussi marginal soit-il peut exercer un pouvoir de marché significatif au moment de la pointe de demande. Divers
indicateurs structurels spécifiques ont été élaborés pour permettre de traduire les possibilités d’exercice de pouvoir de
marché. Il s’agit notamment d’un HHI ajusté, tenant compte des centrales effectivement appelées, de l’indice de
l’offreur pivot et de l’indicateur de la courbe de demande résiduelle (Lévêque, 2005). Cependant, de tels indicateurs
demeurent structurels. Ils ne renseignent que sur la possibilité d’exercice de pouvoir de marché et non sur la
manifestation effective de ceux-ci. Il est donc nécessaire, dans le cadre d’analyses ex post, portant sur les
comportements des opérateurs de recourir à des mesures d’écarts entre prix et coûts marginaux, fondés notamment sur
des indices de la marge prix-coûts (sur le modèle de l’indice de Lerner). Cependant, l’utilisation de tels indices ne va
pas de soi, notamment du fait de la difficulté d’estimer le coût marginal, dans un cadre d’information imparfaite et
incomplète. D’autres indicateurs peuvent cependant être utilisés tel l’indice de résilience, lequel mesure l’impact d’un
ordre supplémentaire sur le prix de marché (Chevalier et Rapin, 2004).
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
La question de l’existence de pouvoirs de marché dans le domaine électrique est d’autant plus
déterminante que celle-ci constitue, selon la Commission européenne (2007), l’une des principales
sources des difficultés rencontrées par la libéralisation, tant en matière d’accroissement des prix de
gros que de menaces pesant sur la sécurité d’approvisionnement via la limitation des investissements
tant en matière d’infrastructures de transports que de capacités de production. D’une part, la
Commission considère que les hausses de prix ne sauraient s’expliquer par les seuls accroissements
des cours des matières premières ou par la montée des coûts liés aux obligations environnementales.
La concentration persistante du marché, les difficultés d’accès aux réseaux et les faibles taux de
changements de fournisseurs de la part des consommateurs éligibles témoigne de la permanence de
pouvoirs de marchés, en grande partie favorisée, selon la Commission, par l’intégration verticale des
groupes électriques. D’autre part, les entreprises dominantes pourraient volontairement retarder ou
limiter leurs investissements dans les infrastructures de transport, notamment inter-frontalières, pour
réduire la contestabilité de leur marché. S’il apparaît qu’il est aisé, en matière électrique, d’exercer un
pouvoir marché, il n’en demeure pas moins que le seul renforcement de l’application des règles
concurrentielles, aussi drastique sera-t-il, ne permettra pas de garantir l’optimalité des décisions
d’investissement des entreprises en matière de sécurité d’approvisionnement, ne serait-ce que pour les
infrastructures de transports inter-frontalières.
3. La sécurité de l’approvisionnement entre bien public et bien privé
Ainsi, l’action publique, laquelle demeure nécessaire pour assurer la pérennité des missions de service
public (continuité, accessibilité tarifaire et promotion de politiques énergétiques nationales), s’avère
indispensable pour assurer un fonctionnement efficace des marchés électriques, dans la mesure où les
seules incitations fournies aux firmes par les signaux de prix du marché ne parviennent pas à susciter des
investissements optimaux au point de vue collectif (De Vries, 2003). D’éventuelles défaillances de
l’approvisionnement électrique toucheraient l’ensemble des acteurs du marché. En ce sens, la fiabilité de
l’approvisionnement apparaît comme revêtant l’ensemble des attributs d’un bien public selon la théorie
économique (Jaffe et Felder, 1996). Il s’agit d’un bien qui doit demeurer, autant que possible, non rival (la
“consommation” des uns ne réduit pas le niveau de consommations des autres) et “non excludable” (en
d’autres termes, il est impossible d’exclure un des acteurs du marché de son bénéfice). Le problème qui se
pose alors est celui qui est commun à l’ensemble des biens publics. Alors que des investissements visant à
accroître la fiabilité du système seraient profitables à tous, nulle firme n’a intérêt à les prendre en charge
elle-même. Il est plus profitable d’attendre que ce soit un concurrent qui en subisse les coûts. Ce faisant, les
capacités installées (tant en matière de production que de transport) seront inférieures aux capacités
optimales requises pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique, du fait d’une déconnexion
entre rendement social et rendement privé des investissements. Il convient, par ailleurs, de mettre en
exergue une seconde origine possible de la défaillance des seuls mécanismes marchands à assurer un
11
Frédéric MARTY
niveau de fiabilité optimal. Il s’agit de la très forte asymétrie entre le coût ex ante de l’investissement qui
préviendra la défaillance et le coût social ex post lié à un effondrement du système électrique. Or, si un
investissement additionnel est un coût que subira isolément un agent privé, les gains qui en découleront en
termes de sécurité d’approvisionnement bénéficieront à tous. Ce faisant, nul n’a intérêt à subir ce coût.
Cependant, les prescriptions qu’il est possible de formuler en matière de politiques publiques et de
market design dépendent étroitement de la définition adoptée pour la continuité d’approvisionnement.
Une première définition est donnée par le National Electric Reliability Council américain. La garantie
de continuité d’approvisionnement (reliability) est définie comme la capacité du système électrique à
fournir la quantité d’électricité requise par consommateurs dans le respect des standards techniques.
Or, si l’on suit la démonstration propose par Shmuel Oren (2000), il est possible de décomposer la
notion de reliability en deux termes. Le premier correspondant à la security, le second à l’adequacy.
La security recouvre la capacité du système électrique à faire face aux chocs aléatoires. Il s’agit d’une
notion de court terme passant par des procédures de pilotage des réseaux. Nous nous situons ici
incontestablement dans le cas d’un bien public. La sécurité d’exploitation ne peut être laissée aux
seules incitations fournies par le marché. Des règles publiques obligatoires doivent être mises en place.
Le caractère de bien public, ne se retrouve pas, selon Oren, pour la seconde dimension, celle de
l’adequacy. Celle-ci désigne la capacité du système électrique à satisfaire à tout instant l’ensemble de
la demande. Il s’agit alors d’une notion de long terme qui ne porte pas sur le pilotage des réseaux mais
sur la capacité qu’ont les unités productives à faire face à la demande d’électricité. Il serait alors
possible de gérer ce risque comme un bien privé au travers d’un mécanisme assurantiel.
II.
Quels instruments pour garantir la continuité de l’approvisionnement électrique ?
Nous avons vu qu’en théorie, les rentes de rareté, liées à la valorisation extrême des prix de l’électricité au
moment de la pointe de demande suffisent pour amortir les coûts fixes des installations marginales, Ainsi,
selon la théorie du prix spot, les évolutions des prix de l’électricité suffisent à donner des signaux adéquats
aux investisseurs pour que le parc de production s’établisse à son niveau optimal. Cependant, le fait que les
capacités marginales ne soient rémunérées que lors des pointes de demande pose la question des incitations
qui sont faites aux firmes pour investir dans de telles unités ou tout simplement pour les maintenir en
réserve (ce dont on ne saurait négliger le coût). Ces capacités, laissées en réserve, offrent un accroissement
de bien être à l’ensemble des consommateurs, en réduisant la probabilité de défaillance du système
électrique. Or, elles ne sont pas rémunérées pour ce service (elles ne le sont que lorsqu’elles sont appelées).
Le service qu’offrent ces capacités revêt un caractère de bien public. Si on laisse les seuls mécanismes de
marchés opérer, le parc installé de centrales de ce type sera sous optimal (Shuttleworth et alii, 2003). En
d’autres termes, une intervention publique sera nécessaire pour rémunérer les firmes maintenant en réserve
de telles capacités de façon à égaliser leur rendement privé avec le rendement social du service rendu à la
collectivité (De Vries et Hakvoort, 2004).
12
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
Abstraction faite de la question du service rendu par les réserves, il est nécessaires pour que les capacités de
pointes puissent couvrir l’ensemble de leurs coûts que les opérateurs anticipent que lors de la pointe, les
prix puissent atteindre la valeur de la VOLL. Cela suppose que le régulateur tolère des épisodes de
valorisation extrême des cours. Or, la faible acceptabilité sociale de telles valorisations et les dénonciations
de manipulations font que les régulateurs imposent des plafonds de prix bien en-deçà de la valeur de la
VOLL (Lévêque, 2006). Bien avant que les prix n’atteignent les valeurs extrêmes de la VOLL, des
pressions politiques ne tarderont pas à se faire jour pour limiter l’ampleur de ces épisodes de valorisation
extrême des prix de l’électricité. Des pressions dans le sens de plafonds de prix seront d’autant plus fortes
que la suspicion d’exercice de pouvoirs de marché sera présente. Or, non seulement celles-ci ne sont pas
nécessaires pour expliquer l’envolée des cours de l’électricité mais l’exemple californien nous montre en
outre que de telles manipulations des cours sont très faciles à mettre en œuvre au moment de la pointe de
demande (même par un producteur mineur). Le plafonnement éventuel va faire courir de nouveaux risques
aux investisseurs, lesquels seront susceptibles de réduire encore les incitations à l’investissement. En effet,
si un plafond de prix est fixé, les rentes de rareté, indispensables à l’amortissement de l’investissement ne
seront pas perçues. La valeur actuelle nette de l’investissement sera limitée. De même, la seule menace
d’une intervention réglementaire des pouvoirs publics peut augmenter le niveau de risque perçu par les
apporteurs de capitaux et donc les conduire à augmenter la prime de risque exigée. La hausse du coût du
financement conséquente aura pour effet de décourager les investissements.
Si la valorisation extrême des prix de l’électricité peut s’avérer très difficilement acceptable en termes
politiques, sachant que l’électricité demeure un service public essentiel, il n’en demeure pas moins que la
situation est d’autant plus complexe que les consommateurs demeurent, pour l’instant, sous la protection de
tarifs. Si celle-ci présente l’avantage de limiter les pressions en faveur d’un strict encadrement des
mouvements de prix, elle n’en constitue pas moins l’une des origines des difficultés de fonctionnement des
marchés de l’électricité. D’une part, la déconnexion des tarifs vis-à-vis des prix – et donc des coûts – réduit
d’autant l’élasticité prix de la consommation et accentue par ce biais les pressions sur le marché au travers
de l’insensibilité de la courbe de demande. D’autre part, la situation ne permet en aucun cas de révéler aux
opérateurs du marché les réelles dispositions à payer des consommateurs lors de la pointe, ce qui dégrade
d’autant la qualité des signaux pour de nouveaux investissements. Une gestion optimale de la demande
passe donc par une liaison des prix aux coûts ou par le développement de contrats avec des clauses
d’effacement (Joskow et Tirole, 2006). Or, l’existence même des rentes de rareté risque de devenir
intolérable aux consommateurs, exposés aux soubresauts des prix de l’électricité. Au-delà de la difficulté
technique de lier instantanément les prix acquittés par ces derniers aux coûts, il convient de s’interroger sur
l’acceptabilité sociale d’un tel mécanisme.
Face à de telles difficultés, plusieurs mécanismes peuvent permettre de faire face aux risques posés par
l’instabilité des signaux de prix dans les marchés électriques et donc corriger l’incapacité des marchés
13
Frédéric MARTY
traditionnels (energy-only markets) à susciter un niveau d’investissement socialement optimal. Le
premier vise à pallier les conséquences de la volatilité des prix en termes de cyclicité des
investissements par un recours aux marchés à termes ou aux contrats de long terme. Ces derniers
permettent, par exemple, de sécuriser les investissements et de cantonner le marché spot à un rôle
d’ajustement et de secours 14 . D’autres outils peuvent prendre la forme d’obligations de capacités
pesant sur les distributeurs ou de mécanismes de rémunération des capacités laissées en réserve, mais
participant à la sécurité de l’approvisionnement électrique. Une telle rémunération peut passer par
différents mécanismes, lesquels furent parallèlement, voire parfois successivement, expérimentés dans
le cadre des expériences de libéralisation menées maintenant depuis plus de quinze ans. Enfin, une
dernière solution passe par le développement de marchés de capacités.
1. Le modèle des obligations de capacités
Les différentes procédures mises en place pour garantir l’adéquation des capacités de production aux
objectifs de fiabilité de l’approvisionnement électrique se fondent sur des objectifs exprimés en taux
de marge vis-à-vis de la pointe de demande anticipée. Dans le cadre du système d’obligations de
capacité, les fournisseurs d’électricité doivent démontrer au gestionnaire du réseau qu’ils détiennent
des capacités de production leur permettant de couvrir leur pointe de demande anticipée avec une
marge de sécurité donnée. Le niveau de marge est apprécié en comparant la VOLL avec le coût d’une
obligation de capacité additionnelle. Si un fournisseur manque à ses obligations, il devra s’acquitter
d’une pénalité financière (Lévêque, 2006). Un tel système est notamment utilisé par le PJM dans le
nord-est des Etats-Unis. La marge de sécurité exigée au-delà de la pointe y est fixée à 20 % et la
pénalité financière encourue est basée sur les coûts fixes d’une unité de pointe (7,4 $ / MWh).
2. Les mécanismes de paiements de capacités
Un deuxième système se fonde sur l’intuition selon laquelle, il est nécessaire de rémunérer non pas un mais
deux biens économiques fournis par les distributeurs d’électricité, à savoir d’une part l’énergie et d’autre
part la capacité. Mis en œuvre dans l’ancien pool anglo-gallois jusqu’en 2001, le mécanisme des paiements
de capacités est utilisé en Espagne et dans de nombreux pays sud-américains. Les producteurs se voient
accorder des paiements sur la base de leurs capacités de production disponibles, que celles-ci soient
effectivement appelées ou non. Les paiements sont financés au travers d’une charge additionnelle,
appliquée sur les tarifs réglés par les consommateurs, à l’instar des charges de transport de l’énergie
électrique. Ce paiement est censé permettre de couvrir les coûts des unités de production rarement
mobilisées, mais cependant indispensables pour assurer la continuité de l’approvisionnement électrique. Il
est espéré que les paiements assurés aux producteurs permettent de lisser le cycle d’investissement en
corrigeant pour partie les effets de la volatilité des prix (Ford, 2000). Cependant, ce mécanisme pose des
14. Cette logique constitue l’antithèse parfaite des premières expériences de libéralisation (Angleterre et Pays de
Galles, Californie,…), lesquelles passaient par un mécanisme de pool obligatoire centralisant les offres et les
demandes et excluant les transactions bilatérales, sur la base de prescriptions issues du modèle walrasien.
14
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
problèmes incitatifs dans la mesure où il revient à payer une somme identique pour tous les producteurs. Il
s’agit, en d’autres termes, d’une subvention publique pour tout MW installé. L’un des effets pervers du
mécanisme des paiements de capacités tient au fait que de tels paiements ont tendance à s’auto-perpétuer.
En outre, les producteurs peuvent facilement manipuler leurs offres pour maximiser les revenus perçus au
titre de tels paiements, comme l’expérience argentine l’a démontré (Oren, 2003).
Encadré 3 : L'estimation des paiements de capacités
Le calcul des réserves requises se fait en fonction des estimations de la probabilité de défaillance (Lolp – Loss of Load
Probability) et du coût de la rupture d’approvisionnement (Voll – Value of Lost Load). En Angleterre et au Pays de
Galles, un tel système avait été mis en place dans le cadre de l’ancien pool. Les paiements étaient donnés par la
formule suivante P = Lolp x (Voll - Smp) avec Smp, le coût marginal de l’électricité (System Marginal Energy Price).
On fait ainsi l’hypothèse que le coût anticipé de la rupture d’approvisionnement sera égal au coût marginal de
développement des nouvelles capacités. Il convient de mettre en exergue une autre difficulté d’ordre informationnel.
Comment le régulateur peut-il estimer la VOLL ? Le risque est alors de surestimer le coût des ruptures
d’approvisionnement et donc de créer des effets d’aubaine pour les firmes conduisant à une structure du parc sous
optimale. De la même façon, la probabilité de défaillance est estimée à partir de modèles probabilistes simples ne
prenant pas en compte les comportements stratégiques des entreprises. En outre, la logique des paiements de capacités
induit que les capacités installées s’établissent à un niveau tel que le coût incrémental d’une capacité de production
égalise un prix implicite reflétant la disposition à payer du consommateur marginal pour l’énergie demandée. Une telle
logique, comme le note Oren (2003), correspond plus au modèle du monopole régulé, chargé de couvrir ses coûts et de
soutenir la consommation, qu’à celui d’un marché concurrentiel.
Notons, que la prise en compte des risques de manipulations des cours et d’opportunisme des opérateurs
par le régulateur britannique, l’Ofgem, conduisit à l’adoption du NETA, un energy-only market. Le
régulateur britannique considère que les opérateurs peuvent être à même de réaliser des décisions
d’investissements optimales sur les bases de leurs propres projections d’offre et de demande et sur les
signaux de prix donnés par les marchés à termes». Pour conforter ces anticipations, le régulateur
considère que la publication des prévisions de demandes à sept ans peut suffire (NAO, 2003)…
3. Les marchés de capacités
Les incertitudes quant au réalisme de telles espérances font qu’il n’en demeure pas moins indispensable de
rémunérer d’une façon ou d’une autre les investissements assurant la fiabilité de l’approvisionnement
électrique. La solution des marchés de capacités, mis en œuvre aux Etats-Unis dans le cadre du PJM et en
Nouvelle Angleterre, permet, selon S.Oren, de reconnaître le caractère de bien privé de la generation
adequacy et donc de décentraliser aux acteurs du marché la gestion du risque de rupture de
l’approvisionnement. Nous avons vu que le mécanisme des obligations de réserves de capacités repose sur
l’obligation faite aux distributeurs d’acquérir un pourcentage donné d’électricité au-delà de ce qui leur est
15
Frédéric MARTY
nécessaire15. Techniquement, un objectif de réserves de sécurité est déterminé par le régulateur (Barrera et
Crespo, 2003), lequel décompose ce dernier entre les différents distributeurs (LSE – Load Serving Entities).
Chaque distributeur doit être en mesure de montrer qu’il dispose de réserves suffisantes pour faire face à
une demande excédant d’un montant donné la demande de pointe anticipée, en termes de contrats d’achat
fermes ou de capacités de production propres (Oren, 2003). Il est possible de compléter ce mécanisme par
la mise en place de contrats de fiabilité, i.e. de l’achat d’options d’achat d’électricité (call). Ainsi, chaque
distributeur peut décider du niveau optimal de sa couverture, au-delà de l’exigence minimale de sécurité
posée par le régulateur 16 . La rémunération des réserves n’a plus à être déterminée par une instance
administrative mais procède d’une négociation bilatérale entre les producteurs et les distributeurs. Les
exigences informationnelles pesant sur la régulation en sont réduites d’autant. De façon, simplifiée, nous
pouvons dire que les marchés de capacités, dont les principes de fonctionnement sont donnés dans
l’encadré 4, permettent aux distributeurs de se porter acquéreurs d’options d’achat leur donnant la garantie
de bénéficier d’une certaine quantité d’énergie pour un prix donné (le prix d’exercice – strike). Ce faisant,
le maintien de ces capacités est rémunéré par les consommateurs qui souscrivent des contrats
d’approvisionnement auprès de ces mêmes distributeurs.
Encadré 4 : les principales caractéristiques des marchés de capacités
-
L’obligation de fourniture est remplacée par une obligation de fourniture d’électricité à un prix donné.
-
Le prix de l’électricité est déterminé par la seule confrontation de l’offre et de la demande sur le
marché. Il se décompose entre un prix de l’énergie et une rente de rareté (la prime d’acquisition de
l’option d’achat - call).
-
Les consommateurs choisissent librement leur degré de sécurité d’approvisionnement (au travers de la
concurrence des distributeurs).
-
Les réserves sont gérées dans le cadre d’arbitrages face au risque.
-
La sécurité du système est assurée au travers d’arrangements de marché.
-
Les instruments financiers peuvent même permettre aux producteurs vendeurs d’options d’achat de se
couvrir contre le risque de ne pas être en mesure de produire les quantités d’énergies requises au
moment de l’exercice de l’option.
-
Les signaux de prix pour les investissements dans de nouvelles capacités deviennent plus lisibles (car
plus stables) dans la mesure où ils sont basés sur des contrats de long terme.
-
Les distributeurs sont incités à mettre en œuvre un réel demand side management.
15. Nous retrouvons par là même l’arbitrage classique entre la régulation par les prix et la régulation par les
quantités. Dans le cas présent, la régulation par les quantités (imposer une marge de sécurité en termes de MWh
disponibles) tend à l’emporter sur la régulation par les prix (relever les prix pour rémunérer les capacités laissées
en réserve, et ce faisant, favoriser les investissements. Pour l’arbitrage entre la régulation par les prix et la
régulation par les quantités, voir Weitzman (1974).
16. Si le distributeur ne remplit pas les exigences de couverture, il se voit infliger une pénalité financière. Le
montant minimal de cette dernière devrait être égal au coût additionnel induit par la couverture divisé par la
probabilité de détection par le régulateur. Si la pénalité est fixée trop bas, il n’existera pas d’incitations suffisantes
pour les acteurs du marché pour souscrire des options d’achat ou pour lancer de nouveaux investissements.
16
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
Il est à noter que les marchés de capacités conduisent les distributeurs à se porter acquéreurs de
produits d’assurance à la fois contre les ruptures d’approvisionnement, mais aussi contre les hausses
des cours. Le coût de l’assurance est le prix d’achat de l’option d’achat et le prix d’exercice représente
la garantie contre le risque. Ce mécanisme permet tant pour le distributeur que pour le producteur de
se couvrir contre les risques de marché (volatilité des cours) et les risques régulatoires (risque
d’intervention publique pour plafonner ces derniers). Il permet par ailleurs de donner des signaux de
prix favorables aux investissements du moment où la durée des contrats d’achat est significative vis-àvis de la durée de vie des investissements productifs17 . Il convient en effet de noter que les délais de
mise en service d’une centrale à cycle combiné dépassent les deux ans, que ces délais vont de cinq à
dix ans pour les centrales nucléaires et qu’en moyenne une centrale électrique ne produit des cashflows d’exploitation positifs qu’après sept à huit ans.
Les systèmes de paiements de capacités et de marchés de capacités sont-ils équivalents en termes
d’efficacité? Il apparaît que les marchés de capacités permettent d’accroître la sécurité de
l’approvisionnement, modulo une hausse des prix payés par les consommateurs, alors que les
mécanismes de paiements de capacités se soldent par des hausses de prix équivalentes sans pour autant
permettre aux distributeurs de faire face à la volatilité extrême des cours au moment de la pointe de
demande (Oren, 2003). Si les deux systèmes se traduisent par une augmentation des prix payés par les
consommateurs, les simulations montrent qu’en cas de chocs d’offre ou de demande, les marchés de
capacités permettent de contenir la hausse des prix, à l’inverse du mécanisme de paiements de
capacités, lequel bien au contraire, accroît cette dernière (Lijensen, 2003).
III.
Quelles modalités d’intervention publique ?
1.
La
logique
assurantielle
est-elle
suffisante pour
garantir
la
sécurité
d’approvisionnement?
Cependant, aussi séduisant soit-il, le système des marchés de capacités se heurte à un certain nombre
d’écueils au premier rang desquels la possible survenance d’un choc global affectant les capacités
productives de l’ensemble des offreurs. La détention d’options d’achat ne serait que faiblement utile
face à un risque systémique, incarné par le retrait soudain d’une part significative des unités de
production. L’absence de défaillance suppose donc que l’ensemble des distributeurs soient en mesure
de gérer efficacement les risques et que les producteurs disposent effectivement de capacités
17. Il n’en demeure pas moins que l’efficacité des marchés de capacité fait l’objet de contestations (Joskow,
2006). Ces derniers reposent toujours sur des mécanismes de plafonds de prix pour pallier les risques d’exercice
de pouvoir de marché et sur des courbes de demande fondées sur des estimations de la VOLL, à l’instar des
modèles précédents de paiements de capacité. De plus, si le dispositif ne repose pas sur des marchés à terme, un
risque de défavoriser les nouveaux entrants potentiels peut exister.
17
Frédéric MARTY
productives pour leur permettre de faire face à leurs engagements contractuels. Une intervention
réglementaire est à ce titre indispensable pour obliger les producteurs à disposer d’un niveau minimal
de couverture. Comme le note Oren (2000), l’intervention du régulateur peut être limitée aux contrôles
du respect de ratios minima de couverture et du respect des engagements contractuels. Ce faisant, les
sanctions réglementaires en cas de manquement aux obligations doivent être significatives. Or, il
apparaît que les pénalités imposées aux producteurs en cas de non respect des obligations ne sont que
très rarement suffisantes pour être incitatives (Stoft, 2000).
Cette exigence de couverture fait aussi sens pour les distributeurs. Elle peut par ailleurs permettre de
limiter les comportements spontanés de sous assurance de la part des consommateurs. Admettons,
qu’un consommateur ait le choix entre deux distributeurs. L’un a souscrit un contrat de long terme
assorti d’une marge de sécurité auprès d’un producteur, l’autre s’alimente au jour le jour sur le marché
spot. Dans la majeure partie de l’année (i.e. quand les capacités de pointe ne sont pas appelées), le prix
payé sur le marché au comptant sera inférieur au prix réglé dans le cadre d’un contrat de long terme.
Ainsi, les consommateurs auront rationnellement intérêt à choisir le distributeur ayant les prix le plus
faible, c’est-à-dire le moins couvert contre le risque. De la même façon, en l’absence d’exigences
publiques minimales de couverture, les distributeurs peuvent sciemment décider de courir des risques18,
dans la mesure où ils anticipent qu’ils bénéficieront en cas de coup dur des garanties souscrites par
leurs concurrents ou du soutien des pouvoirs publics. L’intervention de ces derniers sera d’autant plus
probable qu’ils ne peuvent pas politiquement accepter la rupture de l’approvisionnement électrique
(De Vries, 2003), comme l’ont notamment mis en évidence les précédents de la crise électrique
californienne ou de la défaillance de prestataires dans le cadre de contrats de partenariats public-privé
britanniques portant sur des services publics dont l’Etat ne pouvait accepter la rupture (contrôle aérien
ou liaison ferroviaire Douvres-Londres).
La prise en compte de tels comportements stratégiques peut conduire à des prescriptions
réglementaires allant dans le sens d’une profonde mutation de l’organisation des marchés, revenant
notamment sur l’objectif d’une mise en concurrence des distributeurs par les consommateurs (De
Vries et Neuhoff, 2004). Il s’agirait de s’inspirer de la réglementation mise en œuvre dans le New
Jersey. Les distributeurs disposent de monopoles régionaux attribués par voie d’enchères. On substitue
donc une concurrence pour le marché à une concurrence dans le marché (Demsetz, 1968). En
contrepartie, les distributeurs sont obligés de disposer de contrats de long terme garantissant leur
approvisionnement et sécurisant les investissements des producteurs, voire de s’intégrer verticalement
18. Il est d’ailleurs à noter que l’utilisation de produits de couvertures serait étonnamment plus faible dans les
marchés électriques que pour les autres commodities (Woo et alii., 2003).
Le National Audit Office confirme ce diagnostic dans son rapport de 2003. Il impute la faiblesse de l’utilisation
des produits dérivés à la faible profondeur des marchés à terme.
18
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
en se dotant de capacités de production propres19. L’existence d’un monopole permet en outre d’éviter
les comportements sous assurantiels des consommateurs individuels (Green, 2004).
Au-delà d’une régulation “prudentielle”, l’action publique peut aussi passer par des encouragements
donnés aux marchés financiers pour le développement de produits financiers dont l’échéance serait
comparable à celles des mises en service des nouvelles unités de production (près de trois ans) et à
celles de leurs durées d’exploitation (souvent trente ans). Il ne saurait être question de sécuriser des
investissements dont l’amortissement suppose une exploitation sur plusieurs décennies par des
contrats d’une durée souvent limitée à cinq ans. Une autre modalité d’intervention publique ne
perturbant pas les signaux de prix tient à la diffusion d’informations sur les perspectives du marché
(Bouttes et Trochet, 2004). Tant le National Grid anglais que le RTE français diffusent, par exemple,
des perspectives à long terme (5 à 10 ans) sur les équilibres offre / demande. Il s’agit de contribuer à la
stabilisation des anticipations des investisseurs.
2. La problématique spécifique du risque dans le cadre de marchés en construction
Le caractère pionnier de la libéralisation des marchés électriques fait cependant que la prime de risque
exigée par les apporteurs de capitaux puisse conduire à un niveau d’investissement sous optimal. Ainsi,
même si la procédure de paiements de capacités apparaît comme dominée par la solution des marchés
de capacités, elle peut apparaître comme rationnelle dans une première phase de l’ouverture des
marchés à la concurrence dans la mesure où l’assurance de revenus qu’elle induit peut réduire le
niveau de risque perçu par les apporteurs de capitaux. Tout ceci conduit à interroger la perception de la
régulation pour les investisseurs. Celle-ci peut à la fois apparaître comme susceptible d’accroître le
niveau de risque dès lors qu’il existe des incertitudes quant à ses interventions (il s’agit alors d’une
forme d’insécurité juridique) ou, comme un facteur de sécurisation des anticipations des investisseurs
si elle fournit un cadre stable dans lequel pourra se déployer la concurrence.
Par exemple, l’anticipation par les investisseurs de l’imposition de plafonds de prix par le régulateur en cas
de tensions extrêmes sur le marché conduit à éliminer l’anticipation de rentes de rareté dans leur calcul
économique. Celles-ci étant indispensables pour garantir la rémunération des capacités de pointe, il s’en
suivra une réduction des incitations à l’investissement et donc de façon paradoxale l’accroissement
inéluctable des périodes de tensions sur l’appareil productif. Le risque de voir se produire une intervention
publique discrétionnaire sous forme d’un plafond de prix. Comme nous l’avons vu, un tel risque de rupture
du contrat régulatoire peut contribuer à accroître le niveau et la volatilité des cours. Or, la construction de
19. L’accord signé en janvier 2007 entre EDF et Poweo témoigne de l’intérêt pour les fournisseurs d’électricité
de maintenir ou de développer une intégration verticale voire de mettre en place de véritables contrats de swaps
d’énergie. Dans le cadre de cet accord, EDF bénéficie pendant 15 ans d’un droit de tirage de 160 MW sur une
centrale à cycle combinée qui sera mise en service par Poweo en 2008 dans le département du Nord, en
contrepartie d’un accès équivalent de ce dernier à une production d’origine nucléaire. Il s’agit donc d’améliorer
les mix énergétiques respectifs par un tel mécanisme de swap.
19
Frédéric MARTY
marchés concurrentiels dans le domaine électrique constitue une innovation institutionnelle majeure. Le
caractère “risqué” de la libéralisation du secteur électrique est d’autant plus prégnant que les incertitudes
liées à “l’incomplétude” des marchés se doublent d’incertitudes liées à la mise en place du cadre
réglementaire du secteur. Celle-ci se présente à maints égards comme un cadre réglementaire encore “en
chantier”, se construisant par tâtonnement dans le cadre d’un processus d’essais et d’erreurs (Borenstein,
2002). Cette caractéristique est à la fois liée au processus de libéralisation lui-même et aussi à la nature
intrinsèquement “jurisprudentielle” de la construction de la réglementation (Marty, 2004b). La définition de
règles susceptible d’encadrer efficacement les marchés électriques est le fruit d’évaluations et d’inflexions
ex post des impacts des règles et pas seulement la résultante de la définition ex ante d’un cadre
réglementaire optimal. « Cette indétermination des règles futures d’organisation des marchés est due à la
nouveauté de la situation : la transition vers le marché est une chose inédite, ce qui oblige à ce que
l’organisation mise en place doive être réformée, au fur et à mesure que son fonctionnement effectif
révélera ses défaillances » (Fitoussi, 2003).
Le caractère complexe et hautement évolutif de la réglementation va accroître le sentiment d’insécurité
juridique auquel vont faire face les investisseurs. Considérant, les délais de mise en service des nouveaux
équipements (plusieurs années), la durée d’amortissement de ces derniers (15 à 30 ans) et l’absence
d’instruments financiers permettant de réaliser une adéquation du cycle de vie des équipements aux
débouchés de leur production, les firmes peuvent engager un niveau sous-optimal d’investissements face au
risque de choix discrétionnaires des pouvoirs publics venant en dégrader ex post les flux de ressources
anticipés. Incapables de former des anticipations stables et convergentes sur les décisions publiques, les
investisseurs vont faire face à une situation d’information imparfaite et incomplète pouvant caractériser un
cas d’incomplétude du droit. Le droit pourrait en effet être considéré comme “incomplet” dès lors que la
réglementation demeure ambiguë et que ses évolutions sont perçues non seulement comme incertaines
mais de plus dépendantes d’un régulateur, doté d’un pouvoir discrétionnaire (Xu et Pistor, 2002).
L’incertitude sur ses décisions et sur le devenir de la réglementation risque donc de réduire les incitations
20
aux investissements des firmes . Ceci plaiderait pour des contrats régulatoires de long terme avec des
engagements fermes du régulateur. Exigences d’autant plus difficiles à réaliser que la réglementation
évolue elle-même au travers d’un processus de tâtonnement (Cramton, 2003).
Les difficultés liées au sous-investissement sont d’autant plus mal venues que l’ancien modèle de
réglementation était accusé de favoriser les phénomènes de surinvestissement du fait de la logique des
tarifs fondés sur les remboursements de coûts (Averch et Johnson, 1962). La protection quasi-absolue
ainsi offerte contre le risque de rupture de l’approvisionnement électrique était cependant critiquée de
par son coût excessif. La tarification de l’électricité se faisant dans la plupart des pays au coût moyen,
les consommateurs n’avaient aucune incitation pour reporter leur consommation au moment des
20. Par exemple, le maintien, depuis la directive de libéralisation de 1996, d’une relative incertitude quant à la
séparation définitive des activités de transport des autres segments n’a sans doute pas contribué au renforcement
des incitations à l’investissement.
20
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
pointes de demande. Ce faisant, l’efficacité du système électrique était obérée par le phénomène des
capacités dormantes (idle capacities) lesquelles n’étaient utilisées qu’à de rares occasions (Pineau,
1998). A l’inverse, la tarification au coût marginal, adoptée en France dans le cadre du monopole
public régulé, évitait en grande partie cet écueil, en faisant payer à chaque consommateur ce que sa
demande coûtait à la collectivité nationale (Boiteux, 1949).
Encadré 5 : Quelles politiques européennes en matière de sécurité d’approvisionnement ?
Notons que bien que la problématique de la sécurité de l’approvisionnement soit centrale dans les expériences de
libéralisation, aucun dispositif n’est requis dans les directives européennes pour rémunérer un tel service (Besser
et alii, 2002). Tout se passe comme si la législation européenne faisait sienne la théorie du prix spot, selon
laquelle les signaux de marchés peuvent à eux seuls fournir les incitations optimales pour garantir des
investissements permettant à la fois de minimiser le coût et de maximiser la fiabilité de l’approvisionnement
électrique. Il ressort tant du rapport de la Commission sur l’état de l’avancement de la création d’un marché
intérieur du gaz et de l’électricité (2005), de son Livre Vert (2006), que de son rapport de janvier 2007, que
celle-ci fait sienne l’hypothèse selon laquelle la construction de marché purement concurrentiels est le principal
déterminant pour garantir la sécurité d’approvisionnement électrique au sein de l’Union 1.
La Commission considère en effet (point 10 du rapport du 10 janvier 2007) que l’achèvement d’un marché
intérieur pleinement concurrentiel est l’outil déterminant d’une politique publique visant à garantir la sécurité de
l’approvisionnement électrique. Ses prescriptions se déclinent donc en quatre points principaux, axés sur la seule
promotion du modèle concurrentiel, à savoir la séparation totale du segment de transport des activités de
production et distribution (unbundling), le renforcement de la régulation sectorielle, notamment en matière
d’interconnexions, le contrôle des structures de marché (concentration et barrières à l’entrée) et, enfin, le
renforcement de la transparence des opérations de marché (afin de prévenir l’exercice de pouvoirs de marché ou
la formation d’ententes anticoncurrentielles).
1. Pour remédier à l’insuffisance de la concurrence effective sur le marché européen, lié en partie au manque d’entrain de
certains états membres et apprécié au travers de différents indicateurs (faible convergence des prix, limitation persistante des
échanges inter-frontaliers, persistance d’une très forte concentration sur certains marchés et faiblesse des changements de
fournisseurs), la Commission propose principalement des mesures structurelles telles l’achèvement de la dé-intégration
verticale des opérateurs historiques, voire des programmes de cession d’actifs et ne semble pas s’engager plus dans le soutien
au développement de nouvelles infrastructures de transports, pourtant porteuses de complémentarités avec les investissements
des opérateurs en capacités de production.
3. La sécurité d’approvisionnement peut-elle être assurée par des mécanismes de
marché ?
Les marchés de capacités ne peuvent constituer une solution efficace à l’instabilité des marchés
électriques que du moment où il est fait l’hypothèse que des mécanismes de marchés de type
assurantiels peuvent garantir la sécurité d’approvisionnement. Il convient tout d’abord de noter que la
libéralisation du secteur électrique a conduit à transférer la gestion du risque de variation des prix du
21
Frédéric MARTY
producteur vers les consommateurs21 (par l’intermédiaire des distributeurs). La stabilité du système
passe donc par le développement d’outils financiers. Or, des incertitudes subsistent quant aux
possibles contaminations des prix à terme par les prix spot, dans la mesure où il n’existe pas de
possibilité de stockage et quant à la représentativité de l’indice Platt’s obtenu par sondage auprès des
gros consommateurs et utilisé pour étalonner le prix des produits dérivés (Chevalier et Rapin, 2004).
Ensuite, le recours à des mécanismes assurantiels privés ne fait sens que si la fiabilité représente un bien
privé. Ceci ne peut être le cas que si deux hypothèses sont réunies. Comme nous l’avons vu, il faudrait
tout d’abord que chaque distributeur fasse des anticipations suffisamment raisonnables quant à la
quantification des risques auxquels il est susceptible de faire face et qu’aucun d’entre eux n’adopte un
comportement de passager clandestin. En d’autres termes, il ne faut pas que les distributeurs comptent
sur les capacités additionnelles souscrites par leurs concurrents pour pallier d’éventuelles prises de
risques. Une action publique est donc indispensable même à un niveau minimal (par exemple sous la
forme d’un niveau de couverture minimal). De la même façon, les mécanismes de gestion de marché ne
sont peut être pas réellement adaptés pour des risques non diversifiables. Que valent les options d’achat
d’énergie si une grande partie des producteurs présents sur le marché sont dans l’incapacité de fournir de
l’électricité (du fait par exemple d’un choc d’offre qui peut être lié à un épisode caniculaire obligeant la
mise à l’arrêt de centrales comme nous l’avons connu durant l’été 2003).
Enfin, il ne saurait être acquis que la seule mise en place d’un environnement réglementaire permettant
aux marchés de capacités de jouer leur rôle puisse suffire à garantir l’optimalité des investissements
des firmes. Il n’en apparaît donc que plus nécessaire d’accompagner ces mesures d’incitations directes
à la réalisation de certains investissements participant à l’intérêt collectif, notamment au travers de la
programmation pluriannuelle des investissements. La nécessité d’une intervention publique active,
allant dans le sens d’une application de la directive européenne de décembre 2003 relative à la sécurité
d’approvisionnement, au-delà des seules politiques d’environnement, fait sens dans le cadre d’une
action publique “subsidiaire”, laquelle doit suppléer aux limites de la coordination privée dès lors que
le caractère risqué ou spécifique à l’intérêt général d’un investissement (Salais et al., 1998).
L’intervention publique qu’elle passe par des obligations de capacités excédentaires ou par des
investissements directement pris en charge est d’autant plus nécessaire que la perte de bien-être social
résultant d’un surinvestissement dans les capacités électriques est significativement inférieure à la
perte potentielle résultant d’un black-out. L’ensemble des coupures en Californie représenta 30 heures
réparties sur 6 jours. 1000 MWh d’électricité ne furent pas servis. Durant 0.3 % de l’année, 2 % de la
demande n’a pas été servie. Le coût économique en a été de 45 milliards de dollars (Weare, 2003).
21. Oren (2003) note d’ailleurs que l’une des principales sources d’instabilité des marchés électriques tient à la
mauvaise allocation des risques entre les différents maillons désormais dé-intégrés et de la filière électrique,
lesquels sont soumis à des degrés divers de régulation.
22
La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
Il apparaît donc qu’une intervention publique est indispensable pour garantir la sécurité de
l’approvisionnement électrique, quand bien même le recours aux marchés de capacités serait
susceptible, dans une certaine mesure, de fournir les signaux de prix qui font défaut aux Energy-only
markets. Cependant, les caractéristiques propres au secteur électrique et le contexte spécifique d’un
marché en construction font que d’éventuelles interventions que l’on pourrait qualifier de
discrétionnaires (notamment l’imposition de plafonds de prix non anticipés) peuvent présenter le
handicap de déstabiliser les anticipations des firmes et de décourager, ce faisant, les investissements.
Les mécanismes d’Avaible Capacity Requirement (ACAP) expérimentés en Californie, et préconisés
par le régulateur américain (FERC, 2002), vont dans le sens d’une stabilisation des anticipations des
acteurs du marché. Ils imposent aux distributeurs de se couvrir via l’acquisition d’options d’achat à un
prix d’exercice égal au plafond imposé par le régulateur. Cependant, obliger les distributeurs à se
couvrir ex ante contre le risque de ne pouvoir satisfaire la demande au prix plafond suppose que ces
derniers (et les consommateurs qui les mettent en concurrence) acceptent de payer le prix d’une telle
garantie, en terme de prime de risque. Un tel mécanisme suppose que les acteurs du marché
bénéficient d’un degré assez élevé de sécurité juridique pour conforter leurs anticipations et puissent
disposer d’instruments financiers dont les caractéristiques permettent de couvrir leurs investissements.
Cependant, nous avons vu que la sécurité d’approvisionnement électrique ne peut être réduite à un
bien privé, lequel relèverait simplement de mécanismes assurantiels individuels. Ses caractéristiques
de bien public et les effets externes qu’elle présente, rendent indispensables une intervention
publique 22 . Cependant, il n’est pas acquis que le coût du sur-investissement lié au modèle du
monopole régulé s’avérait économiquement plus préjudiciable que les risques actuels de défaillance
des systèmes électriques. Il peut en outre apparaître que la dé-intégration de l’industrie a rendu, à court
terme, incommensurablement plus difficile la gestion des phases de tensions extrêmes sur les capacités,
augmentant d’autant les risques de black-out. Elle a aussi peut-être conduit, sur le long terme, à une
élimination des surcapacités héritées de l’ancien monopole public. Or, celle-ci peut dans une certaine
mesure se traduire par le phénomène d’augmentation concomitante du niveau des prix de l’électricité
et de la volatilité de ces derniers, avec les conséquences que l’on sait sur les signaux nécessaires aux
investissements.
Les spécificités des marchés électriques peuvent ainsi conduire ces derniers à s’écarter de l’idéal de
concurrence pure et parfaite, porté notamment par les directives européennes, encore réaffirmé par le
Livre Vert de mars 2006 et par le rapport de janvier 2007. Ce dernier identifie, en effet, comme
22. Notons que celle-ci pourrait aussi bien revêtir la forme d’un modèle d’acheteur unique au travers duquel les
pouvoirs publics lanceraient des appels d’offres pour le financement, la construction et l’exploitation de
nouvelles capacités, assortis de contrats à long terme pour les firmes sélectionnées à l’issue de la mise en
concurrence (power purchase agreements). Expérimenté dans les pays émergents (Chine, Brésil et Mexique), un
tel modèle irait à l’encontre de la logique portée par les directives européennes depuis 1996 (Bouttes et Trochet,
2004).
23
Frédéric MARTY
principales origines des difficultés des marchés libéralisés, le degré de concentration du secteur (sans
tenir compte de son caractère intrinsèquement oligopolistique), l’intégration verticale des opérateurs
historiques (abstraction faite des interdépendances entre les deux segments) et le poids des contrats de
long terme (sans prendre en considération la nécessité de limiter les aléas pesant sur les cash-flows
anticipés pour les nouveaux investissements. De la même façon, le même biais « structurel » peut être
mis en évidence pour la question du contrôle des projets de concentration sectorielle, pour lesquels la
Commission insiste sur les exigences de cessions d’actifs.
Or, tant l’expérience britannique (Salies, 2007) que les enseignements de la théorie économique
montrent que la réponse des opérateurs à des incertitudes liées aux signaux de prix ou au risque de
comportements opportunistes du régulateur peut résider soit dans le développement de contrats de très
long terme (encore imparfaitement disponibles sur les marchés de l’électricité), soit dans une
intégration verticale (Williamson, 1979). Cependant, à l’instar de la situation qui prévaut sur le marché
du pétrole, l’intégration pourrait se faire principalement entre distribution et production23 (Joskow,
2006),
23. L’exemple, en France, de la stratégie de Poweo (avec notamment une centrale de 412 MW à Pont-surSambre dans le département du Nord et des projets à Beaucaire, Toul et Le Havre) pourrait être représentatif
d’une telle logique.
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La sécurité de l’approvisionnement électrique : Quels enjeux pour la régulation ?
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