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Introduction BONNIE CAMPBELL ET BRUNO SARRASIN Depuis plusieurs années, l’exploitation minière fait l’objet de vifs débats dont les impacts environnementaux et sociaux ont atteint un niveau de médiatisation sans précédent. Au Québec, par exemple, la proposition d’un Plan Nord mettant en valeur « l’immense potentiel minier » révèle, dans le contexte d’une standardisation internationale croissante des conditions liées à l’investissement et aux normes minières, le risque qu’il se produise un rétrécissement du champ des priorités et des choix de politiques, notamment pour les communautés. À cet efet, la réouverture des espaces politiques et l’élargissement des options ofertes aux diférents acteurs dépendent d’une série de conditions ayant trait aux modes de régulation de l’investissement, notamment en milieu autochtone où les projets miniers sont souvent mis en œuvre. Un changement récent dans ces modes de régulation s’observe aujourd’hui dans le recours croissant à des ententes privées négociées entre compagnies minières et communautés pour traiter la question des efets (positifs et négatifs) des projets à l’échelle locale. Dans un ouvrage marquant, publié en 2008 et intitulé Earth Matters. Indigenous Peoples, the Extractive Industries and Corporate Social Responsibility, Ciaran O’Faircheallaigh note, à propos des lacunes actuelles de la littérature dans ce domaine : Not all of this literature is uncritical of agreements and some of it highlights, for instance, a lack of Aboriginal community involvement in negotiation processes and the limited beneits gained from agreements by some Aboriginal groups. However, even the more critical analysis tends to focus heavily on the agreements themselves, on the processes that give rise to them, their content, the immediate impact of their provisions, and how more positive outcomes could be achieved from the agreement making process. here is very little in the literature that attempts to provide an overall conceptual understanding of the wider legal, political and institutional 2 Pouvoir et régulation dans le secteur minier ramiications of agreement-making between Aboriginal groups and mining companies. In particular, there is little analysis of the way in which agreementmaking inluences other options and strategies available to Aboriginal groups faced with mineral development on their ancestral lands ; or of the implications of Aboriginal agreements with private corporations for relations between Aboriginal peoples, the state, other political interests and civil society more generally (O’Faircheallaigh, 2008, p. 68 ; nous soulignons). Cette observation s’applique souvent, bien qu’à des degrés divers, à la conceptualisation des processus de négociation et à leurs implications pour la détermination des stratégies et des options ofertes aux communautés afectées par les activités dans le secteur extractif, qu’elles soient situées au Canada, dans des régions autochtones ou non, en Afrique ou en Amérique latine. Un peu partout dans le monde, les revendications des communautés portent non seulement sur la responsabilité de l’industrie relativement aux répercussions des projets d’exploration et d’extraction, mais également sur la possibilité pour ces communautés de se prononcer sur l’option minière et sur le développement de projets qui les touchent (Belem, 2011, p. 2). La mondialisation des activités minières conditionne l’insertion des stratégies privées d’investissement minier dans les stratégies publiques de développement qui dépendent, entre autres, de l’ouverture des processus décisionnels associés à l’implantation d’un projet minier aux populations potentiellement afectées (« involve local communities in decision-making »). Un nombre croissant d’expériences récentes dans le secteur et d’études dans ce domaine autorise à penser que la légitimité même des activités corporatives en dépend (Campbell, Roy Grégoire et Laforce, 2011). Se pose dès lors la question des meilleures approches pour comprendre les conditions qui inluent sur le résultat des processus décisionnels et des négociations. Pour plusieurs aujourd’hui, l’ouverture des modes de régulation aux communautés afectées passe par la mise en place des ententes précitées, que l’on appelle communément ententes sur les répercussions et avantages (ERA) (ou en anglais, impact and beneit agreements – IBAs). Les ERA permettraient la création d’un espace (plus informel) de négociation, en marge des mécanismes issus des processus politiques basés sur la représentativité démocratique et sur l’application du droit, pour établir certaines des conditions de régulation des projets et prévoir des mesures d’atténuation ou des retombées spéciiques. Dans cet espace, les jeux de pouvoirs sont déterminés entre autres par la structure issue des régimes légaux en place. En conséquence, nous examinons dans cet ouvrage le potentiel de ces espaces nouveaux, soit leur capacité à amener les communautés à véritablement contribuer à l’orientation des processus décisionnels qui les afectent. C’est à partir de plus d’une dizaine d’années de travaux sur les réformes des cadres réglementaires dans le secteur minier en Afrique (Campbell, 2010) et des interrogations soulevées par les fréquentes références entendues en Afrique à propos de l’expérience canadienne dans ce domaine que l’équipe à l’origine de la rédaction de cet ouvrage a été amenée à s’intéresser aux leçons qui pouvaient Introduction être tirées de négociations entre compagnies minières et communautés afectées par leurs activités au Canada. Cet ouvrage n’a pas la prétention d’apporter une contribution nouvelle sur le plan empirique ou historique au sujet des négociations entre communautés autochtones canadiennes et entreprises minières, mais propose plutôt une relecture analytique de sources secondaires – complétées par des entretiens exploratoires – à partir d’un cadre conceptuel novateur. 1. Cadre d’analyse Le cadre d’analyse retenu dans cette recherche s’inspire de deux principaux courants. D’une part, il adopte une perspective d’économie politique internationale hétérodoxe (EPI) développée à partir des travaux de Susan Strange (1996, 1998 ; Stopford, Strange et Henley, 1991) et, d’autre part, il s’inspire des éléments du pluralisme juridique proposés par David Szablowski (2007). Christian Chavagneux a déjà souligné le rôle fondateur joué par Strange dans le développement de l’EPI depuis le début des années 1970 (Strange, 1970). Il précise qu’elle a non seulement contribué à faire de l’EPI un champ cohérent de recherche, mais aussi proposé de nouvelles problématiques et méthodes, des innovations et des pistes de recherche, dont trois font l’objet d’un traitement particulier, soit le rôle et l’impact sur la souveraineté des États de la inance internationale, […] la montée en puissance des irmes multinationales et […] l’étude du développement des régulations internationales, partiellement ou totalement extra-gouvernementales […] Trois thèmes qui, aujourd’hui, restent au cœur de l’actualité pour les deux premiers et commencent à intéresser les économistes pour le dernier (Chavagneux, 1998, p. 44 ; nous soulignons). Cet ouvrage se situe précisément à l’intérieur de la troisième piste proposée par Strange, c’est-à-dire qu’il relève de « l’étude du développement des régulations » que celle-ci appelait, il y a 30 ans, « internationales » mais que la littérature actuelle, et notamment les contributions de Szablowski, décrit davantage comme « transnationales » ou encore « locales », en ce qui concerne la création d’un espace de négociation directe entre compagnies minières et communautés. La notion de régime se trouve au centre de notre compréhension de tels modes de régulation de l’activité minière. Un régime peut être déini de multiples façons et ce concept suscite de vifs débats, tout comme la théorie des régimes elle-même. Bien que cette dernière ait fait l’objet de critiques notamment par Susan Strange (1982), nous pouvons nous en inspirer pour élargir la déinition de base de ce concept et considérer les régimes non seulement comme des ensembles de dispositions légales, mais également, et pour le secteur minier en particulier, comme un « ensemble d’arrangements de gouvernance [incluant] des réseaux de règles, normes et procédures qui régularisent les comportements et contrôlent leurs efets » (Keohane et Nye, 1997, p. 19)1. 1. Les citations tirées de documents originellement en anglais ou en espagnol et apparaissant en français dans cet ouvrage ont fait l’objet d’une traduction libre de la part des auteurs. 3 4 Pouvoir et régulation dans le secteur minier Les travaux de Strange (1994, 1996, 1998) sur l’économie politique internationale hétérodoxe nous amènent à voir le régime minier comme faisant partie d’une structure de pouvoir plus large qui oriente et conditionne les relations entre les acteurs impliqués. Cette structure inluence la nature de l’espace de négociation, leur résultat et le pouvoir des participants de mettre de l’avant des politiques alternatives. Selon cette perspective, la capacité de façonner les structures politiques dans lesquelles émergent et évoluent les régimes dépend en grande partie de la capacité de mettre de l’avant des « valeurs prioritaires » dans ces structures. Ces valeurs peuvent être, par exemple, la prospérité et la richesse, la justice et l’équité, la sécurité, l’ordre et la stabilité, la liberté et l’autonomie de décision, etc. (Chavagneux, 1998, p. 58). Ainsi, les valeurs privilégiées par ceux qui détiennent du pouvoir contribueraient de facto à favoriser certaines positions ou certains intérêts. Dans ces conditions, la hiérarchisation de valeurs potentiellement conlictuelles à travers la déinition des régimes témoignerait d’un équilibre obtenu dans les négociations à l’œuvre au sein d’une structure de pouvoir où toute entreprise de réforme des régimes serait susceptible de conduire à une modiication de cet équilibre. 2. Objet d’étude Dans les quatre premiers chapitres de cet ouvrage, nous nous intéresserons aux fondements, à l’évolution et à l’incidence des régimes miniers canadiens et québécois sur l’émergence de nouveaux espaces de régulation, et sur les rapports de pouvoir qui s’inscrivent entre les acteurs participant aux négociations qui les entourent. L’approche adoptée suivant les travaux de Strange et décrite précédemment propose de saisir les régimes miniers canadiens et québécois comme des composantes clés d’une structure de pouvoir plus large dont l’inluence est déterminante en ce qui concerne les rapports entre les acteurs et les contraintes et opportunités créées par les espaces de régulation nouvellement créés. L’évolution des régimes miniers au cours des années 1990, notamment à travers l’intégration de valeurs socioenvironnementales, sera revisitée en vue de comprendre, d’abord, les processus ayant conduit à un besoin de nouvelles régulations dans le secteur, qui ont pris la forme particulière d’ententes de type ERA. Cette démarche permettra de saisir ensuite les implications de ces évolutions sur les structures de pouvoir évoquées précédemment et les opportunités de contribution aux processus décisionnels ainsi créées pour les populations locales. Après une présentation générale du cadre d’analyse et du regard qu’il nous permet de poser sur ces enjeux dans le premier chapitre , trois expériences de négociations menées à la in des années 1990 en vue de la signature d’une ERA entre entreprises minières et communautés autochtones seront analysées aux chapitres 2, 3 et 4. Le dernier chapitre portera sur le cas du Pérou et permettra d’illustrer la pertinence du cadre conceptuel mis de l’avant pour analyser une situation qui illustre une trajectoire historique très diférente de celle ayant caractérisé les expériences canadiennes. Comme pour les études sur les régions minières et éloignées du Canada, le cas du Pérou présente un contexte où il existe peu d’options de Introduction développement dans les régions visées mis à part l’activité minière. De plus, la complexité d’une situation culturelle et historique diférente de l’expérience canadienne souligne l’importance de ne pas réduire les catégories d’acteurs impliqués dans les négociations qui nous intéressent, que ce soit au Canada ou ailleurs. Cette diversité montre que « les communautés » comptent, la plupart du temps, en leur sein, diférents mouvements à l’égard du projet minier. Dans ces communautés, on observe des tensions, elles aussi en évolution, qui donnent lieu à la prédominance de certains intérêts sur d’autres à divers moments des négociations et de la mise en œuvre du cadre de régulation. 3. Opérationnalisation Au-delà des analyses purement économiques et ain d’éclairer les processus à partir desquels on cherche habituellement à saisir les retombées des investissements, ce collectif propose de considérer l’industrie minière comme étant l’une des structures fondamentales dans le sens proposé par Susan Strange. À cette structure participe une gamme complexe et variée d’acteurs qui exercent diverses formes de pouvoir structurel, conditionnant les formes spéciiques de régulation retenues. La démarche analytique appliquée à chacune des études de cas s’articulera en cinq étapes distinctes. Il s’agira : 1) de décrire les régimes miniers en place en précisant les arrangements institutionnels et les valeurs portées par les régimes, y compris les droits et devoirs des sociétés minières en vertu de ces régimes ; 2) de préciser l’identité politique projetée par les régimes en place pour les communautés impliquées, identité eu égard aux droits de participation en matière de gestion du territoire et des ressources ou, encore, identités politiques concurrentes, s’il y a lieu ; 3) de mettre en évidence les négociations entre les acteurs et réseaux d’acteurs concernés, les accords passés entre ces autorités et les résultats produits, en termes de cadres, normes, régimes et principes de fonctionnement qui fournissent les fondements de ce que nous appelons des formes de régulation ; 4) de relever, s’il y a lieu, les points d’ouverture ou « de fragilité » (au sens entendu par Strange) des accords actuels, c’est-à-dire les lieux de transformation potentielle des arrangements et des options politiques existantes, à évaluer notamment en tenant compte de la possibilité de garder ouverts des espaces de consultation et de participation ; et, enin, 5) de mettre en évidence les accords alternatifs possibles ou non. Cette démarche nous permettra de tirer des conclusions relatives au pouvoir structurel et à la répartition des valeurs prioritaires ou, dans les mots de Strange, d’établir qui gagne quoi, qui perd quoi, comme résultat de la régulation d’un projet minier. Les enjeux soulevés par la relecture de négociations reconnues comme faisant école à l’époque de la signature des ententes dans les années 1990 s’avèrent des plus actuels. Pour de nombreux analystes et conseillers en la matière aujourd’hui, l’ouverture des espaces de régulation aux communautés touchées, qui représente maintenant une dimension incontournable, passe par ce type d’ententes qui a émergé pendant la période étudiée, soit les ententes sur les répercussions et 5 6 Pouvoir et régulation dans le secteur minier avantages, ou une forme modiiée de celles-ci reposant sur le modèle de justice négociéee (Szablowski, 2010, p. 113). Comme nous le verrons, plusieurs auteurs se sont déjà penchés sur les implications des ERA aujourd’hui négociées entre entreprises minières et populations autochtones pour la participation efective de ces dernières à la gestion des répercussions de l’investissement minier. Nous proposons, dans la suite de ces études, de nous intéresser de manière originale, au-delà des résultats apportés par les ERA, aux conditions structurelles dans lesquelles ces ententes émergent en amont. Alors que les régimes miniers canadiens et québécois, historiquement fondés sur le principe du free mining 2, n’accordaient qu’une place subsidiaire aux positions des Autochtones dans les processus décisionnels, notre analyse s’interroge sur la capacité des dispositions issues des nouvelles valeurs intégrées dans les années 1990 et des formes plus informelles de régulation nées à cette époque d’ofrir à ces populations le levier nécessaire pour que leur soit conféré un pouvoir structurel signiicatif, susceptible de valoriser leur contribution à la déinition ultérieure et à l’opérationnalisation même de ces régimes. Ces analyses prennent une importance particulière dans un contexte où les ERA sont souvent considérées comme les « meilleures pratiques » de responsabilité sociale des entreprises. Comme l’illustre l’analyse présentée dans les trois premiers chapitres d’études de cas (Ekati [1992 à 1998], Raglan [1990 à 1995] et Voisey’s Bay [1995 à 2002]), l’expérience de plusieurs communautés autochtones ayant participé à la négociation de diverses ERA avec des entreprises minières au Canada tend à révéler que ces ententes ont souvent été conclues selon les principes et dans les cadres prévus soit par les structures de gestion du territoire et des ressources en place dans les régions visées par le développement minier, soit par l’entreprise elle-même, laissant, dans plusieurs cas, peu de place à une implication des populations dans la détermination des conditions de négociation. La question de savoir si les ERA représentent un nouveau mode de régulation qui permet d’ouvrir un espace pour l’intégration des communautés concernées dans les processus décisionnels liés plus globalement, et au-delà des projets miniers en cause, à la gestion du territoire et des ressources est donc plus complexe qu’elle ne le semble. En plus des considérations très pratiques et très actuelles, ce type de questionnement comporte aussi des enjeux conceptuels que les contributions à ce livre chercheront à explorer. Ainsi, l’un de ces enjeux concerne l’agencement des diférentes dimensions que recouvrent les négociations, dont celles concernant les droits et l’autorité sur le territoire, par opposition aux négociations relatives aux répercussions sociales et environnementales ou encore aux compensations inancières. C’est pourquoi la chronologie des négociations au Canada, comme dans le 2. On recourt parfois en français à l’expression « libre accès » pour désigner le principe du « free mining » (aussi appelé par certains « free entry »). Or, puisque le principe renvoie à diverses garanties qui vont au-delà du seul accès à la ressource et étant donné son usage fréquent dans les débats qui ont cours en matière de réglementation minière dans le monde francophone, nous employons dans cet ouvrage l’expression anglaise pour le désigner, laquelle rappelle par ailleurs les assises historiques du système qu’il fonde. Introduction cas du Pérou, occupe une place centrale dans les analyses regroupées dans ce livre. La déception suscitée par certaines négociations, pourtant jugées très porteuses à l’époque, ou les succès relatifs d’autres qui se sont déroulées au même moment renvoient, au-delà des négociations elles-mêmes, à d’autres niveaux d’analyse que l’économie politique contribue à éclairer. L’échantillon retenu n’est ni exhaustif, ni représentatif de la multitude d’expériences dans ce domaine. Les études de cas ont été retenues pour illustrer l’intérêt et l’importance d’une relecture de ces expériences à partir d’un nouveau cadre d’analyse, qui s’applique aussi bien à des expériences impliquant des communautés autochtones qu’à d’autres impliquant des communautés non autochtones. Les processus observés au Canada et au Pérou se sont déroulés au cours d’une période à peu près équivalente à partir des années 1990 et, bien qu’il existe une structure de pouvoir particulière pour chaque cas, ils représentent une période de changements importants dans l’implantation de projets pilotés par la grande industrie minière. Parmi les trois cas canadiens, deux présentent des situations non résolues de revendications territoriales autochtones (Ekati, Voisey’s Bay). Des ERA ont été conclues dans les trois cas et jugées exemplaires pour diférentes raisons. Notre objectif était notamment de montrer les diférences de résultats dans l’intégration des populations locales aux processus décisionnels qui les concernaient. L’ensemble des cas présentés attire l’attention sur les dimensions plus globales des enjeux légaux, politiques et institutionnels des processus de négociation entre entreprises minières et communautés concernées. Dans ces conditions, la dichotomie apparente entre les situations impliquant des peuples autochtones et celles qui n’en impliquent pas dans ce domaine semble s’estomper et perdre de sa pertinence. Notre analyse, outre de faire ressortir l’importance de la notion d’identité politique, montre comment les régimes en place conditionnent ces identités et sont conditionnés par elles en retour. Ce qui ressort avant tout, en révélant l’importance d’une compréhension des relations de pouvoir qui éclairent ces processus et les possibilités de leur dépassement, c’est la centralité des origines historiques des régimes miniers, leur évolution et donc leur capacité de contraindre ou de faciliter l’adoption de « nouveaux modes de régulation » susceptibles de permettre l’intégration des positions des communautés touchées dans la sphère de régulation des activités minières. L’originalité et la contribution de cet ouvrage ne résident donc pas dans son apport empirique concernant les négociations retenues ou dans la mise au jour des répercussions que les ententes ont pu avoir. Elles se situent plutôt dans la relecture de ces processus de négociation, à partir du cadre de l’EPI, qui permet de faire ressortir, au-delà des retombées économiques, les relations structurelles de pouvoir qui conditionnent les processus de négociation et nous informent sur les résultats. Cette relecture cherche en d’autres mots et à partir de chaque cas historique, à mettre en exergue les relations asymétriques de pouvoir des expériences étudiées. Ce faisant, la démarche permet de relever les conditions particulières qui permettent de nuancer et ainsi de préciser les points de rupture et 7 8 Pouvoir et régulation dans le secteur minier d’avancer dans des situations non prédéterminées, plutôt que de fermer l’analyse à de tels changements. Elle souligne l’actualité du travail de Strange et notamment sa volonté de faire ressortir le lien évident entre économie et politique, alors que ces deux domaines ont pendant longtemps été abordés séparément. Cet ouvrage et les débats en cours démontrent comment ce rappel est encore important aujourd’hui. Bibliographie Belem, G. (2011). Gouvernance et changements institutionnels à la mine de Sadiola (1996-2006). 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