Les concepts en sciences de l’Antiquité : mode d’emploi
Chronique 2023 – Ethnogenèses romaines
Responsable Anca Dan, Contributeurs Encarnación Castro-Páez, Salvatore De Vincenzo,
Chiara Blasetti Fantauzzi, Florence Dupont, Alexandre Grandazzi,
Gonzalo Cruz Andreotti
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2023/1 (49/1),
(49/1) pages 269 à 400
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
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ISSN 0755-7256
DOI 10.3917/dha.491.0269
Dialogues d’ histoire ancienne, 49/1, 2023, 269-400 – CC-BY
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Responsable
Anca Dan
ORCID: 0000-0001-6468-9327
AOROC, CNRS-ENS-EPHE, Université PSL
anca-cristina dan@ens fr
Florence Dupont
Université Paris Diderot-Paris 7
latinjussieu@orange fr
Alexandre Grandazzi
Sorbonne université, EDITTA – UR 1491
alexandre grandazzi@sorbonne-universite fr
Gonzalo Cruz Andreotti
ORCID : 0000-0002-4477-0715
Universidad de Málaga, España
g_andreotti@uma es
Contributeurs
Encarnación Castro-Páez
ORCID : 0000-0003-4528-0870
Universidad de Málaga, España
e castro@uma es
Salvatore De Vincenzo
Università degli Studi della Tuscia
devincenzo@unitus it
Chiara Blasetti Fantauzzi
Freie Universität Berlin, Deutschland
chiara blasetti fantauzzi@fu-berlin de
I- Introduction : Rome et la reconfiguration perpétuelle de la mémoire
Les plus anciennes cartes du monde que nous avons conservées ne montrent
pas le monde tel que leurs auteurs médiévaux le voyaient autour d’ eux Elles sont une
transfiguration du rôle que leurs auteurs assignaient à l’ Empire romain, comme socle
de la culture latine et chrétienne, diffusée tout autour de la Méditerranée Sur la plus
fameuse d’ entre elles, la mappemonde d’ Hereford1, Jérusalem terrestre surmontée
par Christ sur sa croix occupe le centre d’ une autre grande croix – le T formé par les
1
Https://www themappamundi co uk/mappa-mundi/
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi
Chronique 2023 – Ethnogenèses romaines
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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mers intérieures, entre l’ Europe, l’ Asie et l’ Afrique La ville est stylisée sous une forme
circulaire, au milieu du « cercle des terres » (orbis terrarum) qui n’ en a jamais été un,
en dehors des visions pythagoriciennes et platoniciennes de la création divine, donc
parfaite De fait, même si le dessin peut correspondre au Dôme du Rocher (un octogone
comprenant une coupole soutenue par 16 colonnes) cette représentation n’ est qu’ une
transposition graphique de la parole du Seigneur, selon Ezéchiel 5:5 :
ista est Hierusalem in medio gentium posui eam et in circuitu eius terras
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Cette centralité, de même que les deux roues concentriques (selon Ezéchiel
10) peuvent être directement inspirées des cartes babyloniennes2 Comme elles, la
mappemonde médiévale d’ Hereford ne sert pas au voyage réel, mais intellectuel Elle
donne à voir, en une seule image, des lieux du Nouveau et de l’ Ancien Testament, à
l’ intérieur des limites de l’ Empire d’ Auguste, recensé selon l’ évangéliste Luc (2:1) au
moment de la naissance du Christ
À la fin du xvie siècle, dans le premier atlas moderne, le Theatrum orbis terrarum,
Abraham Ortelius fait voir une image de l’ Empire plus facilement reconnaissable
pour nous, Modernes3 Tout en reprenant l’ orientation au Nord avec les coordonnées
de latitude et longitude de la tradition ptoléméenne ainsi que la légende de Delphes,
nombril du monde4, Ortelius veut montrer les limites de l’ État romain, enraciné dans la
généalogie mythique de ses sept rois, qu’ une
divina mens civitatem populi Romani egregia temperataque regione collocavit, uti Orbis
terrarum imperio potiretur5
divine intelligence a établi dans une région exceptionnellement tempérée, pour maîtriser
dans son empire l’ ensemble des terres
À travers Vitruve, l’ architecte de l’ Antiquité romaine adulé à la Renaissance,
Ortelius revient à la carte mentale grecque du ve siècle avant J -C , et à la théorie
hippocratique du meilleur lieu, source de supériorité politique et civilisationnelle
2
E. g. BM 92687 : https://www britishmuseum org/collection/object/W_1882-0714-509
3
Https://upload wikimedia org/wikipedia/commons/e/eb/Romani_Imperii_Imago jpg
4
E. g. Pindare, Pythique, IV, 6 ; Eschyle, Euménides, 39-40 ; Euripide, Ion, 222-223 ; Pausanias, X,
16, 3
5
Vitruve, Sur l’ architecture, VI, 1, 11
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C’ est là cette Jérusalem que j’ avais placée au milieu des nations et des pays d’ alentour
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Ces deux exemples illustrent la manière dont les textes et les images de
différentes époques, également ancrés dans l’ héritage gréco-romain et judéo-chrétien,
ne correspondent ni aux temps dont ils veulent rendre compte, ni à la réalité dans
laquelle ils ont été créés Ce sont des synthèses des savoirs livresques et architecturaux
éparses, disponibles à un certain moment, modelées selon la compréhension et
l’ intention exégétique de leurs auteurs De fait, rien de plus banal que la recomposition
de la mémoire dans les différentes civilisations humaines, familières de l’ écriture6 Le
phénomène reste toutefois difficile à déchiffrer pour l’ Antiquité préchrétienne, dont
nous avons conservé moins de textes et de traces archéologiques qui ne soient pas
remaniées par la « romanisation », surtout au cœur de l’ Empire
Alors que tant d’ autres l’ ont tenté avant nous, pouvons-nous, à l’ intérieur de
ce monde méditerranéen, de tradition latine et chrétienne, retrouver les racines du
peuple dont nous nous sommes revendiqués pendant deux millénaires, et de sa langue,
qui a façonné directement ou indirectement nos langues nationales et toute notre
manière de penser en nations ? Dans un ensemble de sources historiques biaisées par
des manipulations politiques de différentes époques et à travers les découvertes des
archéologies nationales, pouvons-nous saisir « what have the Romans done for us? »7
Re-comparer Rome et Jérusalem ?
Malgré l’ abondance de la bibliographie, l’ histoire et l’ archéologie de l’ Occident
romain n’ ont pas totalement accompli leur révolution processuelle, comme a pu le
faire, à titre d’ exemple, l’ archéologie israélienne En dépit de la pression nationaliste,
cette dernière s’ est clairement délimitée de l’ historisme et de l’ archéologie biblique
Voir Assmann (Assmann, Czaplicka 1995), qui a construit son argumentation sur la « mémoire
culturelle » sur les théories sociologiques concernant la « mémoire collective » de Maurice Halbwachs et
Aby Warburg, en mettant en avant la dimension politique qui stabilise ce type de mémoire Aussi Assmann
1998, 2005
6
Allusion à la scène du film Monty Python’ s Life of Brian, inspirée du débat entre le Rabbi Yehuda et
le Rabbi Shimon dans le Shabbat 33b : « Rabbi Yehuda parla ainsi : Qu’ est-ce qu’ ils sont agréables les
faits de ce peuple (i. e. les Romains) : ils ont fait des marchés, des ponts, des bains Rabbi Yosei s’ est tut
Rabbi Shimon ben Yoḥai a répondu : tout ce qu’ ils ont fait, ils l’ ont fait pour leurs intérêts Ils ont faits des
marchés, pour y mettre des prostituées ; des bains, pour se faire laver ; des ponts, pour prendre des taxes de
ceux qui les traversent »
נַ ֲענָה.שׁתַ ק
ָ ַר ִבּי יֹוסֵי. תִ ּקְנּו מ ְֶר ֲחצָאֹות,ש ִׁרים
ָ ְּ תִ ּ ְקּנּו ג,שוָוקִים
ׁ ְ תִ ּ ְקּנּו:שׁל אּו ָמּה זֹו
ֶ שׂיהֶן
ֵ ַכּ ָמּה נָאִים ַמ ֲע:ָפּתַ ח ַר ִבּי י ְהּודָ ה וְָאמַר
— מ ְֶר ֲחצָאֹות,שׁיב ָבּהֶן זֹונֹות
ִ שׁוֹוקִין — לְהֹו
ְ תִ ּ ְקּנּו.ְצֹורְך ַע ְצמָן
ֶ ֹלא תִ ּ ְקּנּו ֶא ָלּא ל,שׁתִ ּ ְקּנּו
ּ ֶ ׇכּל מַה:שׁמְעֹון ֶבּן יֹוחַאי וְָאמַר
ִ ַר ִבּי
ש ִׁרים — לִיּטֹול ֵמהֶן ֶמכֶס
ָ ְּ ג, ְלעַדֵ ּן ָבּהֶן ַע ְצמָן.
7
DHA, 49/1, 2023 – CC-BY
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Elle a contesté les généalogies, et l’ héroïsation des Patriarches et des fondateurs de la
ville et du Premier Temple – David et Solomon – au profit d’ une histoire plus sobre,
plus conforme avec les sources littéraires et iconographiques assyriennes et égyptiennes
Cette nouvelle narration qui s’ est imposée pendant les dernières décennies rend justice
au rôle actif joué par les ennemis assyriens et ensuite babyloniens dans la construction
d’ une Cité-État ( Jérusalem) et d’ un peuple (de Juda), qui a inscrit son identité historique
dans des livres inspirés de ceux de ses voisins8
Deux cités aux marges des aires de cultures et des puissances militaires majeures
du début de l’ âge du fer, qui s’ affirment à différents moments au milieu des conflits entre
leurs voisins, Jérusalem et Rome peuvent être comparées avec succès pour comprendre
l’ interrelation entre facteurs extérieurs et intérieurs dans le processus d’ ethnogenèse
Les deux communautés se sont inventées comme étant issues des migrations pour
lesquelles il n’ y a aucune base historique et archéologique : il n’ y a pas d’ Exode tel qu’ on
peut le lire dans la Bible, ni de migration troyenne ou grecque, comme la racontent
Virgile et Ovide Il y a en revanche des déplacements, des échanges et des conflits, qui
agissent comme des forces centripètes pour la constitution de Cités-États, lesquelles
empruntent et recréent à leur manière le modèle étatique des ennemis – Babyloniens
et Étrusques Au final, les deux villes peuvent être vues comme des réponses opposées
au modèle hégémonique d’ Alexandrie : de retour de leur exil babylonien, les Juifs
se groupent autour de leur Temple et s’ opposent à la pression de l’ hellénisation Les
Romains, hésitant entre leurs origines latines, étrusques et grecques dans leur middle
ground italique, s’ affirment comme un asile des peuples, microcosme capable de prendre
la tête de tous les autres ethnè
Le but des débats inclus dans cette chronique est d’ actualiser les discussions
autour des ethnogenèses romaines Puisque nous vivons dans des États-Nations, résultats
de l’ évolution séculaire des nations modernes avec des racines antiques et médiévales,
nous avons tendance à oublier que l’ humanité a connu d’ autres formes d’ organisation
que l’ ethnos La définition de l’ ethnicité grecque dans les Histoires d’ Hérodote9, par
l’ identité généalogique, linguistique, religieuse et plus généralement culturelle, nous
fait oublier que ce modèle n’ est pas commun dans les civilisations anciennes mais que sa
première définition est une réaction grecque devant le danger achéménide Si certains
empires – comme les Égyptiens et les Hittites – ont pu exprimer une unité ethnique,
Voir en particulier les travaux d’ Israël Finkelstein avec Neil Asher Silberman (2002, 2006) et avec
Thomas Römer (2013), pourtant fortement contestés par exemple par Dever 2005, Mazar 2009
8
9
Hérodote, VIII, 144
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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liée à la vallée d’ un grand fleuve, malgré la pluralité des communautés d’ origine dès
l’ âge du bronze, d’ autres – comme les Sumériens ou les Aztèques – ont dû attendre
le xixe siècle pour recevoir un nom ethnique de la part des savants De ces empires,
les Assyriens, les Babyloniens, les Perses et ensuite les Macédoniens ont emprunté le
principe dynastique, avec un roi qui par son charisme et sa généalogie peut dominer les
autres chefs locaux Or, les Romains sont dans un cas encore différent : héritiers de tous
les passés, ils ont pu reconstruire à répétition le leur, en se rapportant et en répondant
aux autres
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Le dernier siècle a mis à notre disposition plusieurs outils méthodologiques qui
nous permettent de questionner les origines plurielles des Latins et de l’ Empire de Rome
autrement que par le comparatisme historique, qui remonte à l’ Antiquité Au début
du xxe siècle, la phénoménologie nous a rendus attentifs à l’ expérience individuelle
ou collective derrière les structures linguistiques-logiques ou topographiquesarchitecturales Émile Benveniste a reconnu que « rien n’ existe dans la langue sans
exister d’ abord dans le discours » (nihil est in lingua quod non prius fuerit in oratione,
en paraphrasant le célèbre dicton aristotélicien et empiriste de Thomas d’ Aquin : nihil
est in intellectu quod prius non fuerit in sensu)10 Par la suite, notre vision historique du
latin a pu être remodelée selon les documents épigraphiques et littéraires, aussi étranges
et peu normés furent-ils à l’ époque républicaine Nous avons pu distinguer la langue
écrite de la langue parlée ou encore observer les interférences anciennes entre le latin
et le grec11, les autres langues italiques et, plus récemment l’ étrusque et le punique12,
auprès de locuteurs bi- ou plurilingues
Conséquence directe de l’ approche phénoménologique appliquée aux
vestiges matériels, l’ archéologie processuelle des années 1950-1960 a renoncé à la
recherche déductive et ethnocentrique des « cultures archéologiques » qu’ on tentait
à associer aux différents peuples historiques Cette nouvelle archéologie, inspirée par
l’ anthropologie américaine, a mis l’ accent sur le structuro-fonctionnalisme (privilégiant
la compréhension des actions individuelles et de groupe) et sur l’ écologie culturelle
10
Benveniste 1993, I, p 131, avec Coquet 1992 ; Margarito 1997 Thomas d’ Aquin, Sur la vérité, q 2 a 3
arg 19
11
E. g. Leiwo 1995 ; Biville 2001-2003 ; Adams 2003 ; Rochette 2010
12
Briquel 2019 ; Adams 1994
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De nouveaux outils méthodologiques à l’ œuvre
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(d’ où l’ archéologie du paysage et finalement la géoarchéologie) À Rome, l’ archéologie
processuelle a donc mis un terme à la domination de l’ histoire de l’ art, qui faisait
l’ histoire de l’ esthétique, et a favorisé la dimension sociale des monuments : grâce à elle,
nous comprenons aujourd’ hui comment Rome a été construite et a pu construire13
Toutefois, en faisant usage des nouvelles techniques de datation (14C) et d’ analyse
chimique et biologique, les processualistes ont pu être accusés de positivisme et d’ avoir
oublié qu’ une fouille est avant tout le résultat de la pensée subjective de l’ archéologue
C’ est ce qui a donné naissance aux courants post-processuels, dont le post-colonialisme,
qui a changé la manière dont nous percevons aujourd’ hui l’ économie romaine, d’ abord
dans les provinces et plus récemment à Rome14 Ensuite, certaines démarches postprocessualistes promeuvent la décentralisation de l’ Empire romain et limitent jusqu’ à
exclure le terme de « romanisation » Poussé à l’ extrême, le post-processualisme a
pu vider l’ expansion romaine de son contenu, en s’ interdisant tout usage des textes
littéraires, forcément romano-centriques, dans le déchiffrement des « négociations »
d’ hybridation culturelle15
Nouveaux débats
Dans le contexte actuel d’ émiettement théorique de l’ archéologie (post-)postprocessuelle, le retour à la stratigraphie, reconstituée et datée plus précisément qu’ elle
n’ a pu l’ être pendant les deux derniers siècles, est salutaire16 Ce tournant matérialiste,
dans lequel s’ inscrivent les études de Salvatore de Vincenzo (sur la conquête romaine
de la Sicile) et de Chiara Blasetti Fantauzzi (sur la conversion culturelle romaine du
Samnium), peut être appliqué également à l’ histoire La lecture attentive aux détails
philologiques des textes géographiques gréco-romains, sous le prisme critique
des « middle range theories » (MRT), permet à Gonzalo Cruz Andreotti et à
Encarnación Castro-Páez d’ observer les différents processus d’ ethnogenèses celtoibériques, au contact avec Rome Reste cependant l’ épineuse question de l’ ethnogenèse
romaine, voire latine : à partir de quel moment les Romains se sont-ils vus comme
Latins ? Alexandre Grandazzi et Florence Dupont prennent des partis opposés : tandis
que Grandazzi met en avant la continuité de la culture archéologique latiale qui semble
13
E. g. Coarelli 1988, 1997, 2012
14
Cifani 2021
15
E. g. Terrenato 2019
16
E. g. Fernández-Götz, Maschek, Roymans 2020
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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correspondre aux textes historiques tout au long du premier âge du fer, Dupont remet
en discussion le plurilinguisme des documents archaïques, qui nous obligent à nous
interroger sur la fabrique de la mémoire romaine
Ce dossier, hétérogène malgré son unité thématique, sa structure géographique
et sa progression chronologique, est donc une invitation à réfléchir à la manière dont les
Romains se sont inventés comme peuple latin et dont ils ont défini les autres ethnè (en
Hispanie) avant de les latiniser et les « romaniser » (en Italie et en Sicile)
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Anca Dan
II- Ethnos, polis, nomen, populus, res publica : les Latins étaient-ils un
« peuple » ?
1- Quel peuple ?
Cité, état, peuple, ethnie ? Comment parler aujourd’ hui des collectivités
antiques sans projeter sur elles nos catégories modernes, politiques ou culturelles ?
Faut-il traduire les termes anciens ? Certains n’ ont aucun équivalent dans une langue
moderne, comme gens ou nomen Est-il préférable de ne pas traduire et garder les termes
latins et grecs ? Cette solution comporte un risque : superposer inconsciemment le
mot français au mot grec ou latin qui en est à l’ origine, comme ethnie à ethnos, peuple
à populus ou encore Res publica à République Si gens et nomen sont sans équivalent,
comment se ferait-il qu’ ethnos soit une ethnie, populus, un peuple et Res publica, une
République ?
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277
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Les mots ont une histoire qui s’ interpose entre l’ Antiquité et nous Prenons
l’ exemple du mot latin populus, sa traduction française « peuple » et sa traduction
allemande Volk Le « peuple » traîne avec lui une connotation ethnique : c’ est
en français comme en allemand le peuple romantique, celui des folkloristes et des
nationalistes, qui surgit dans l’ Europe du xixe siècle Le peuple romantique a un esprit,
le Volkgeist, gardien de la mémoire et de ses origines qui plongeraient dans la nuit des
temps, une mémoire transmise de génération en génération, par le sang, la langue et les
mythes
La confrontation avec les réalités antiques nous fait sentir les implications et les
présupposés de notre terminologie moderne Même si nous avons pris nos distances
avec ces croyances brumeuses, nous imaginons difficilement qu’ un peuple pourrait
exister seulement par des institutions politiques, sans une première culture commune,
ancestrale qui lui donnerait son identité C’ est pourtant ainsi que Cicéron définit le
populus La politique est première et il évacue, explicitement, tout autre lien à l’ origine
d’ une communauté civique, que les lois et l’ utilité17 Cette définition correspond à
l’ emploi de populus en latin, qui désigne l’ assemblée des citoyens ou l’ armée
Or, sans tenir compte de la conception romaine, les historiens modernes, pour
la plupart, ont longtemps considéré comme une évidence que les Romains avant de
constituer un populus, par la fondation de Rome, appartenaient à l’ ethnie latine, qu’ ils
étaient des Latins, c’ est-à-dire un peuple, un Volk, ayant en commun, une culture, une
langue – le latin –, un territoire, le Latium Après des guerres ayant opposé Rome et les
Latins, ceux-ci seraient passés sous la domination romaine et devenus progressivement
romains, le Latium n’ ayant plus qu’ une définition géographique Les Latins avaient
disparu, mais Rome aurait conservé une identité latine Un peuple, une langue, un
territoire, une culture : tout s’ emboîte, tout va bien Nous sommes au xixe siècle
Sauf que rien ne va Ce que nous savons du Latium pré-romain, des Latini et de
la ville de Rome, ne correspond pas à ce schéma historique
Cicéron, République, I, 25, 39 : Est igitur, inquit Africanus […] populus autem non omnis hominum
coetus quoquo modo congregatus, sed coetus multitudinis iuris consensu et utilitatis communione sociatus ;
« Donc dit Scipion l’ Africain […] un peuple n’ est pas tout groupe humain rassemblé par n’ importe
quel lien, mais un groupe nombreux d’ hommes qui se sont alliés en s’ accordant sur des lois et une utilité
commune » Voir Ando 2015, p 46
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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L’ Italie centrale est jusqu’ à la conquête romaine une mosaïque de villes dont la
population est hétérogène, pluriethnique, mobile et parlant des langues multiples aussi
différentes que le grec, l’ étrusque, le sabin, l’ osque, l’ ombrien…18 Le Latium n’ est pas
un territoire occupé par un peuple unique, les Latins, mais par des cités, populi, entités
politiques fondées sur le modèle politique de la polis, même si les rituels de fondation
sont variables Rome est fondée selon le rite étrusque et gardera ce rite pour la fondation
de ses colonies
Les populi du Latium, comme le reste de l’ Italie, ont des populations bigarrées
L’ épigraphie atteste d’ une grande mobilité des élites d’ une cité à l’ autre Elles ont, certes,
une culture commune, mais qui n’ est pas spécifiquement latine, car elle se retrouve dans
toute l’ Italie, en particulier dans les villes étrusques C’ est une koinè culturelle d’ origine
grecque qui concerne essentiellement les élites L’ archéologie a mis à jour des vases de
symposion, importés de Grande Grèce ou de fabrication locale, dans le style orientalisant,
parfois même des banquettes maçonnées indiquant l’ usage de salles de banquet
Les Romains se représentent eux-mêmes comme une cité plurielle, quand ils
placent, au tout début de Rome, la figure de l’ asylum Romulus aurait peuplé la ville qu’ il
venait de fonder en créant un refuge sur le Capitole, ouvert à tous sans discrimination :
esclaves et criminels en fuite, aventuriers, bergers19 Selon Tite-Live, c’ était une pratique
courante chez les fondateurs de cités, soucieux de peupler rapidement leur ville Ensuite
pour faire oublier l’ origine douteuse des premiers habitants, ils faisaient circuler, écrit
par des logographes grecs, un récit mythique de fondation, où les dieux favorisaient la
croissance de la cité en faisant sortir des hommes de la terre, reprenant ainsi le mythe
grec de l’ autochtonie Les Romains, au contraire ne cherchent pas à masquer les débuts
de Rome ; ils ont conservé symboliquement l’ emplacement de l’ asylum, encore visible
à l’ époque de Tite-Live
Un autre récit, rapporté par Salluste, fait d’ Énée le fondateur de Rome et des
Romains le résultat de la fusion entre les Aborigènes, nomades errants, et les Troyens
d’ Énée, tout aussi errants Il place aux débuts de Rome un mélange de populations
sédentarisées et unifiées grâce à des lois L’ institution politique de la cité crée la ciuitas,
à partir d’ hommes que nous dirions aujourd’ hui « de cultures différentes » puisqu’ ils
Tite-Live, I, 18, 3 témoigne d’ une Italie jadis hétérogène : « […] tot gentes dissonas sermone
moribusque »
18
19
Tite-Live, I, 8, 5-6
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2- L’ asylum romain et le primat du politique
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diffèrent par la langue et le genre de vie (mores) Ils ne sont soumis à aucune norme
sociale et n’ ont aucun lien d’ alliance20 La cité impose un vivre ensemble pacifique
(concordia) ; les lois suppriment la violence créée par la diversité C’ est ce vivre ensemble
institutionnel qui crée la cité comme communauté humaine singulière La fondation
de Rome est présentée comme une ethnogenèse politique, aussi bien dans les récits
historiques que mythiques Le peuple romain est une conséquence de la fondation de
Rome et non son préalable
Ces récits de fondation des deux historiens, qui donnent le primat au politique,
coïncident avec la définition cicéronienne du populus Ils correspondent historiquement
au passé bigarré de Rome Les noms des premiers consuls au début de la République ont
été conservés par les fastes consulaires21 Beaucoup sont étrusques, d’ autres sabins ou
volsques ; on trouve aussi des cognomina, les rattachant à des villes du Latium
La révolution romaine qui renverse les Tarquins est une révolution politique, les
nobles se débarrassent du tyran Ce n’ est pas une révolution ethnique qui aurait porté
au pouvoir une élite latine à la place d’ une élite étrusque Il est vrai que ce scénario
se retrouve ailleurs : une élite locale prend le pouvoir à la place d’ une élite grecque
ou étrusque, sans que la population de la cité change Par exemple les Lucaniens à
Poseidonia, ou les Prénestins à Préneste22 Ce n’ est pas le cas à Rome Certains libérateurs
sont étrusques, comme Tarquin Collatin, petit-fils de Tarquin l’ Ancien Brutus, luimême, est son cousin par sa mère Tarquinia, fille de Tarquin
Ce passé pluriel et hétérogène va de pair avec l’ absence de revendication
identitaire et ethnique à Rome Jamais les Romains ne se réclament d’ une latinitas
culturelle, ce terme de latinitas n’ étant employé que pour parler de la pureté de la langue
latine23
3- Nomen : une fédération religieuse
Alors que les cité-États ou les peuples, qui sont des entités politiques, sont
fondées plus ou moins sur le modèle des poleis grecques, à partir du viie siècle avant
J -C apparaît une forme de confédération, appelée nomen en latin et ethnos en grec
20
Salluste, La Conjuration de Catilina, VI, 1-2
21
Bourdin 2012, p 542
22
Dupont 2022, p 84
23
Dupont 2022, p 40
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Tite-Live témoigne de l’ existence dans la Péninsule italienne d’ une multitude de
nomina : nomen Tuscum, Campani nomen, nomen Hernicum, Ligurum nomen, Volscum
nomen, Lucanum nomen La documentation épigraphique dans des langues autres
que le latin et le grec fait apparaître certains termes synonymes de nomen : numen,
en ombrien et tuta en osque Certes, l’ emploi des mots n’ est pas systématique et tuta
désigne aussi bien une cité qu’ une fédération Il ne faudrait donc pas s’ imaginer une
organisation stricte et hiérarchisée entre nomen et populus En revanche, une différence
de nature distingue le lien qui fonde ces deux formes de communauté Les cités sont
des institutions politiques, les fédérations sont des associations religieuses Ce qui ne
veut pas dire que les fondations de cité ne soient pas soumises à des rituels, ni que les
confédérations n’ aient pas d’ action politique
Ces confédérations, ces ethnè, sont-elles des créations contingentes et locales,
comme les cités ? Ou rassemblent-elles des entités politiques, peuples ou cités, ayant une
culture commune ? Autrefois, les historiens y ont vu la mise en forme institutionnelle
d’ anciennes ethnies tribales en voie d’ affaiblissement La fondation des cités, qui se
faisaient la guerre entre elles et tenaient à se distinguer de leurs voisines, aurait effacé
progressivement leur identité commune La création d’ une fédération aurait permis de
ranimer leur proximité culturelle grâce à un culte et un sanctuaire communs
L’ hétérogénéité interne des cités suggère qu’ il s’ agirait plutôt de ligues entre des
entités politiques qui s’ associent pour contenir par les armes leurs voisins quand ceux-ci
tentent d’ étendre leurs territoires ou font des razzias sur les troupeaux, comme on le voit
dans les premiers livres de Tite-Live Ces fédérations réunissent des populi affichant des
rattachements divers et dont la liste est variable24 Ils peuvent avoir des points communs,
comme les Étrusques, ou pas Ces fédérations résultent souvent d’ une séparation
d’ avec un groupe plus vaste Dans le sud de l’ Italie, c’ est le cas des Campaniens qui se
constituent en ethnos, et se distinguent des Samnites et des Étrusques leurs voisins, en
adoptant ce nom d’ après une plaine proche25 Les Mamertins, mercenaires samnites, se
constituent en ethnos et se donnent ce nom de Mamertins avant de s’ installer et prendre
le pouvoir à Messine
Ce n’ est donc pas une identité commune préalable qui motive la formation
d’ un nomen, d’ un ethnos, mais inversement : c’ est l’ institution, l’ ethnos, le nomen, qui
24
Bourdin 2012, p 722
25
Diodore de Sicile, XII, 31, 1
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crée une communauté nouvelle Le nomen affirme son identité, par la création d’ un
ethnonyme et l’ invention d’ un récit de fondation sur le modèle grec de la ktisis26
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Les fédérations de cités, nomen ou ethnos, étaient plus que des alliances instituées
par des traités Un traité suppose deux ou plusieurs partenaires, son renouvellement
réaffirme et maintient une distance, empêchant une fusion entre eux Le sacrifice obtient
le résultat inverse : il unifie les participants et en fait une communauté réunissant ceux
qui sacrifient et les dieux destinataires du sacrifice
Outre le politique, l’ autre façon de « faire société » dans l’ Antiquité est donc
la création d’ une communauté sacrificielle (societas) Les nomina se constituaient en
communautés grâce à un sacrifice commun, renouvelé régulièrement Ce sacrifice,
auquel participe chaque membre de la communauté, est offert dans un sanctuaire
déterminé à un dieu particulier qui devient le dieu de cette communauté et lui
donne son identité, parfois son nom27 Dans le cas d’ une fédération de cités, c’ est le
représentant de chaque cité qui agit en son nom et participe au sacrifice Tous reçoivent
leur part de la victime sacrifiée, selon un ordre fixé à l’ avance : le dieu puis les autres
participants, selon leur statut Le partage sacrificiel non seulement crée un lien sacré
entre les co-sacrificateurs mais organise la societas ainsi créée La différence entre les
parts reçues crée une hiérarchie entre les participants et le scénario du rituel permet
que l’ une des cités du nomen exerce une suprématie sur les autres Ensuite, la societas
créée par le sacrifice pourra se réunir et prendre des décisions politiques concernant la
communauté, jusqu’ au prochain sacrifice Chaque année, des cités peuvent ainsi entrer
ou sortir de la ligue au moment du sacrifice, sans rien changer au nomen
Cette sociabilité sacrificielle est omniprésente dans l’ Antiquité et elle est utilisée
à tous les niveaux À Rome, elle fait la familia, par les sacrifices dans la domus aux Lares
et aux Pénates ; un quartier est réuni par les sacrifices lors des Compitalia ; les collèges
religieux, les collèges funéraires, les collèges professionnels, la cité elle-même, aucun
acte collectif ne peut se faire sans un sacrifice préalable, célébré par les magistrats et
définissant la collectivité engagée dans une action de la cité, que ce soit procéder à un
vote ou engager une bataille
26
Voir infra, « l’ ethnographie mythique », p 286.
27
Voir Scheid 2005
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4- La force fédérative du sacrifice
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La force du sacrifice dans une société ritualiste comme le sont les cités anciennes
tient à ce que le lien religieux ne suppose de la part des participants aucune croyance,
aucune allégeance, aucune initiation, la pureté rituelle suffit Le sacrifice a des effets
performatifs : le participant s’ il respecte scrupuleusement les rites, est intégré
automatiquement à la societas du nomen Latinum Qu’ il représente une cité latine,
Rome, une cité étrusque, volsque ou hernique, son populus fait partie des Latini
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Nous connaissons seulement, et plus ou moins bien, deux nomina : le
nomen Tuscum et le nomen Latinum Nous savons que l’ un et l’ autre se réunissaient
régulièrement dans un sanctuaire fédéral où un sacrifice était célébré en commun par
tous les peuples du nomen Le sacrifice était suivi d’ une assemblée politique
Le nomen Tuscum a-t-il servi de modèle au nomen Latinum ? Ou l’ inverse ?
Ce que nous en savons montre une certaine similitude entre les deux28 Le siège de la
Ligue étrusque était le fanum Voltumnae, à proximité de la grande métropole étrusque
de Velzna, Volsinii en latin, où se renouvelait chaque année, dans un bois sacré près du
sanctuaire, l’ union entre les douze grandes cités étrusques Les sacrifices étaient suivis
d’ un concilium, l’ assemblée du nomen C’ est là que, selon Tite-Live, se décidaient en
particulier les guerres ou le soutien à une ville de la dodécapole attaquée Le nombre
douze a un caractère sacré, car aucune cité ne peut s’ y ajouter Quand le nombre de cités
s’ accroît, d’ autres ligues de douze cités sont constituées sur le territoire étrusque, au sud
en Campanie, au nord dans la vallée du Pô
Si l’ on sait peu de choses des rituels étrusques à Volsinii, en revanche on connaît
les rituels annuels du nomen Latinum – que les Romains appellent Feriae Latinae Ils
associent un sacrifice, le Latiar, dans le sanctuaire fédéral de Jupiter Latiaris au sommet
du Mons Albanus et une assemblée politique, qui se réunit à la source Ferentina, au pied
des Monts Albains Au cours de cette assemblée, les cités du nomen Latinum décident
des guerres, des fondations de colonies latines et fixent la date des prochaines feriae
Nous possédons une description du sacrifice29 par Denys d’ Halicarnasse qui a dû y
assister à son époque, c’ est-à-dire à la fin du ier siècle avant J -C Il attribue à Tarquin
le Superbe la création des feriae, les datant ainsi de la fin du vie siècle avant J -C Le
rituel a-t-il été modifié depuis ? Il est probable que le rituel existait avant et que Tarquin
28
Tite-Live, Histoire romaine, IV, 23, 5 ; IV, 25, 7 ; IV, 61, 2 ; V, 17, 6 ; VI, 2, 2
29
Denys d’ Halicarnasse, Antiquités romaines, IV, 49
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5- Le nomen Latinum
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n’ a fait que le transformer en donnant à Rome la prééminence (hègèmonia) dans le
sacrifice, Rome devenant en termes techniques princeps30
Selon Denys d’ Halicarnasse, après avoir vaincu les Latins, Tarquin les associe
aux Romains, aux Herniques et à deux cités des Volsques, dans le Latiar Il choisit un
lieu central et décrète une loi qui impose une trêve durant toutes les fêtes Les cités
contractantes forment un seul peuple au milieu d’ un territoire unifié, durant les feriae,
mais seulement durant les feriae Ce qui est consommé en commun durant les feriae
et tout ce qui est nécessaire au sacrifice est apporté par les cités, qui se répartissent
les contributions : certaines apportent les fromages, d’ autres les agneaux, d’ autres le
lait, etc Les Romains ayant la suprématie, sacrifient au nom de tous : ce sont eux qui
prononcent la prière, au lieu que cet honneur tourne, revenant chaque année à une
autre cité Le sacrifice consiste en un seul bœuf blanc, comme il convient à Jupiter
Chaque cité qui participe au sacrifice en reçoit une part Nul doute que Rome, princeps,
ne reçoive la première part, après Jupiter
Le récit de Denys témoigne de l’ image du nomen à son époque : une fédération
hétérogène avec un ancrage territorial L’ appartenance à la Ligue latine n’ est pas
fondée sur une origine ethnique Elle rassemble ceux qui auparavant se désignaient
comme Latins et auxquels les Romains de Tarquin faisaient précédemment la guerre,
les Herniques et deux cités volsques Le nomen Latinum ainsi créé, ou plutôt réformé
(?), est incontestablement un instrument politique Le Latiar fonde religieusement la
suprématie des Romains, une suprématie qui devait valoir dans l’ assemblée politique
qui suivait
Dans les mêmes années (509-508 avant J -C ), un traité entre Rome et Carthage
atteste de cette hégémonia des Romains sur ceux que le texte dénomme les Latins :
Rome traite en leur nom, comme elle sacrifie en leur nom au Latiar Il était écrit, selon
Polybe qui traduit en grec :
Les Carthaginois ne feront aucun tort aux peuples (dêmôn) d’ Ardée, d’ Antium, de
Laurentium, de Circée et de Terracine, ni à aucun autre des peuples latins (Latinôn) sous
la domination de Rome (hupèkooi)31
Scheid 2005, p 264-274 Il commente le texte de Denys d’ Halicarnasse et reconstruit à partir de là le
vocabulaire sacrificiel des Romains
30
31
Polybe, Histoires, III, XXII, 4-13
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Une entité politique constituée par Rome et les Latins « soumis » traite avec
Carthage sous le nom de Rome et le fait en latin, puisque le texte, bien que difficile, est
encore intelligible, selon Polybe, plus de trois siècles après
Quelques années plus tard (en 493 avant J -C ), le foedus Cassianum, un traité
de paix éternelle entre Rome et les Latins, transforme ce qui était une alliance entre
des cités en une intégration politique de leurs citoyens grâce à la clause d’ isopoliteia
Le foedus Cassianum, en effet, accorde aux Latins, c’ est-à-dire aux citoyens des cités
membres du nomen Latinum, le droit de commerce, le droit de mariage, le droit de
migrer et le droit de vote S’ ils s’ installent à Rome, ils deviennent des citoyens romains
de plein droit Ce droit concerne aussi les colonies latines Cette clause va vider les
cités latines de leur population par l’ émigration, et leur retirer toute identité Le nomen
Latinum enfin perd ses pouvoirs politiques en 338 avant J -C après qu’ une révolte des
Latins a été écrasée par les Romains ; l’ assemblée qui suivait le Latiar est supprimée
Rome crée par le foedus Cassianum un type particulier de Romain, le citoyen
de droit latin, ius Latinum La latinité est désormais un statut juridique et non plus
le rattachement à un nomen Accèdent à ce statut les populations italiennes conquises
par les Romains et leurs alliés C’ est ainsi qu’ en 273 avant J -C , Paiston la lucanienne,
devient Paestum, une colonie romaine de droit latin Les Romains qui s’ y installent
comme colons, en recevant des terres, perdent leur ancien statut pour celui de « Latin »,
à égalité avec les anciens habitants, devenus eux aussi des Latins
Pourquoi dans ces conditions Rome conserve-t-elle les feriae Latinae et en faitelle un rituel romain qui allait être célébré jusqu’ au ive siècle après J -C ? Quelle latinité
est ainsi conservée ? La réponse est politique
Rome se désigne comme Res publica, c’ est-à-dire qu’ elle ne se réduit pas à une
cité Elle conjoint l’ Vrbs et une fédération de villes de droit latin, dont les populations
sont appelées à devenir des citoyens romains, à titre individuel ou collectif Ce système
permet l’ intégration par une étape intermédiaire, des territoires et populations
conquises Les magistrats romains qui gouvernent la Respublica sont à la fois ceux de
Rome et ceux des cités fédérées à Rome C’ est pourquoi chaque année, à leur entrée en
charge, ils vont en pèlerinage à Lavinium, ville latine symbolique, pour y sacrifier aux
Pénates de Rome32
Voir Dupont 2011, chapitre 2 « L’ origo rituelle de Rome Le pèlerinage à Lavinium », et Thomas
1996
32
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Rome est une institution politique singulière, dont la singularité repose non sur
une constitution, une politeia spécifique, mais sur deux pratiques rituelles extérieures
à l’ Vrbs, qui la relie aux Latins : les Féries latines sur le Mons Albanus et le sacrifice aux
Pénates de Lavinium Ces Latins n’ ont aucune identité ethnique, aucune ancestralité :
ils sont une fiction indispensable à la Res publica Ils sont aussi fantomatiques que la ville
de Lavinium
L’ histoire du nomen Latinum peut se résumer en quatre étapes, de sa naissance
à sa mort
1 À l’ époque des premiers regroupements qui avaient lieu lors de la création des
premières cités-États, vers le viiie siècle avant J -C , avant la création du nomen
Latinum proprement dit, une première association des populi Albenses dont la
liste est donnée par Pline l’ Ancien, célèbre le Latiar sur le Mons Albanus33
2 La deuxième étape, sans doute dès le viie siècle avant J -C , est l’ élargissement de
la communauté des populi Albenses à leurs colonies, avec lesquelles ils ont des liens
d’ alliances et à d’ autres villes de la région À quel moment apparaît l’ expression
nomen Latinum pour identifier la ligue ? Et, du même coup, le nom de Latini ?
On a vu précédemment que les nomina ou ethnè, quand ils se constituaient, se
donnaient des noms L’ adjectif Latinus vient-il du Latiar ? Le terme de Latiar
lui-même désigne strictement le sacrifice à Jupiter sur le Mons Albanus. La
terminaison en -ar est rare On trouve un autre exemple de cette suffixation pour
un sacrifice très ancien, le Palatuar, célébré au Palatin Les peuples du nomen se
sont-ils donné un nom comme les Campaniens ou les Lucaniens ? Latini est-il un
ethnonyme composé sur le radical, comme le dieu Jupiter qualifié de Latiaris ?
Cette deuxième étape coïnciderait avec l’ ethnogenèse des Latins, à partir de la
ligue des peuples albains Mais il est impossible de dire si Rome faisait partie
ou non de l’ ancien nomen Latinum, car des guerres incessantes l’ opposent aux
Latins
3 La troisième étape est la soumission du nomen à une domination romanoétrusque sous le règne des Tarquins, que montrent le traité avec Carthage de 509
et le rituel sacrificiel décrit par Denys d’ Halicarnasse Après plusieurs révoltes
des Latins et leur défaite au lac Régille en 498 avant J -C , la guerre se conclut
par le foedus Cassianum en 493 avant J -C Les Latins ont temporairement créé
33
Pline l’ Ancien, Histoire naturelle, III, 69
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L’ histoire du nomen Latinum suggère que les Latini sont le résultat d’ une
ethnogenèse Constitué contre Rome et les Étrusques, le nomen Latinum réunit des
cités qui ne forment pas un tout homogène, n’ ayant pas une spécificité ethnique
préalable L’ affirmation identitaire des Latini, qui accompagne cette ethnogenèse, se
manifeste par la création de récits mythologiques, qui racontent la création des Latins
sur le mode de la fondation grecque, ktisis
6- Une ethnographie mythique
La création de récits mythologiques donne une dignité et une visibilité à un
nouvel ethnos ou à une ville récemment fondée De tels récits légitiment leur formation
vis-à-vis de l’ extérieur et créent des liens de suggeneia (de parenté) avec les cités grecques
Ils leur permettent d’ entrer dans un circuit de reconnaissances symboliques et d’ accéder
à une forme de langage diplomatique
Ces récits suivent le modèle des mythes de fondation coloniale, rendant le nomen
semblable à n’ importe quel ethnos grec ; il est désormais pourvu d’ un héros éponyme,
créé par les soins de quelque logographe grec ayant reçu commande, et il est repris
ensuite par les historiens Dieu ou héros, le personnage fondateur vient d’ ailleurs : il est
grec Souvent c’ est Héraclès, Ulysse, Énée, ou un de leurs compagnons Il appartient à
la koinè culturelle grecque omniprésente chez les élites italiennes
On connaît par Hérodote un récit fondateur du nomen Tuscum dont l’ ancêtre
éponyme est un certain Tyrrhenus (signifiant « étrusque » en grec), venu de Lydie, audelà de la Grèce d’ Asie :
Voir Coarelli 2012 Caton, Origines, II, 28 (fr 58) : Aricino Egerius Laeuius Tusculanus dedicauit
dictator Latinus Lucum Dianium in nemore, puis il donne la liste des populi de la ligue
34
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ou ranimé une ligue latine concurrente, vers 500 avant J -C , au sanctuaire de
Diane à Nemi34
4 La quatrième étape consacre, après un ultime soulèvement, l’ écrasement
définitif des armées latines en 338 avant J -C Rome dissout la ligue et soumet
l’ une après l’ autre les cités latines qui avaient adhéré à la coalition contre elle
Après la dissolution politique du nomen Latinum, chaque cité ou peuple devient
l’ allié de Rome à titre individuel, avec le renouvellement personnalisé du foedus
Cassianum Les communautés qui ne se sont pas révoltées obtiennent le droit de
cité romaine
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Comme Tyrrhenus pour les Étrusques, Latinus est un ancêtre éponyme du
nomen Latinum. Il est présent chez Hésiode, où il est le fils de Circé et d’ Ulysse, comme
Telegonus et Agrios, le nom de ce dernier étant la traduction grecque de Silvius36
Tous les trois sont chez Hésiode des rois étrusques Cette présence dans la Théogonie
nous renvoie au-delà du viie siècle avant J -C La mythologie de Latinus est donc très
ancienne, sans doute associée à Albe et à la ligue des cités albaines Était-il le fondateur
éponyme du Latiar, dont le nomen Latinum aurait tiré son nom ? Le texte d’ Hésiode
reprend évidemment un de ces récits mythologiques inventant des rois éponymes et
fondateurs, à l’ usage dans les cités et les ligues S’ agit-il de cités étrusques ? Certes, les
Grecs ont souvent considéré comme étrusque toute l’ Italie centrale au bord de la mer
Tyrrhénienne
Différents récits sur le même modèle font de Latinus un roi d’ Albe Dans ces
versions, un ancien roi Latinus, celui que nous retrouverons chez Virgile, règne sur les
Laurentes, peuple qui se serait uni aux Troyens pour former les Latins37 Selon Tite-Live,
il y avait deux versions : les Troyens auraient vaincu les Aborigènes, ou bien ils auraient
combattu ensemble un ennemi commun, les Rutules De toute façon, après la mort
de Latinus, roi des Aborigènes, Énée devenait leur chef commun et donnait aux deux
peuples réunis le nom de Latins
Tous ces récits et leurs variantes relèvent d’ un imaginaire de l’ ethnogenèse, formé
sur le modèle des fondations coloniales, et constituent une ethnographie mythique
Du nom de l’ ethnos ou de la cité est tiré le nom d’ un héros éponyme, grec, qui d’ une
35
Hérodote, Histoires, I, 94
36
Théogonie, 1011-1013
37
Voir Tite-Live, Histoire romaine, I, 23, et Varron, La langue latine, V, 32, 144
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Sous le règne d’ Atys, fils de Manès, toute la Lydie fut affligée d’ une grande famine, que les
Lydiens supportèrent quelque temps avec patience Mais, en voyant que le mal ne cessait
point, ils y cherchèrent remède, et chacun en imagina à sa manière […] Enfin, le mal, au
lieu de diminuer, prenant de nouvelles forces, le roi partagea tous les Lydiens en deux
classes, et les fit tirer au sort, l’ une pour rester, l’ antre pour quitter le pays Celle que le
sort destinait à rester eut pour chef le roi même, et son fils Tyrrhénos se mit à la tête des
émigrants Les Lydiens que le sort bannissait de leur patrie allèrent d’ abord à Smyrne, où
ils construisirent des vaisseaux, les chargèrent de tous les meubles et instruments utiles,
et s’ embarquèrent pour aller chercher des vivres et d’ autres terres Après avoir côtoyé
différents pays, ils abordèrent en Ombrie, où ils se bâtirent des villes, qu’ ils habitent
encore à présent ; mais ils quittèrent le nom de Lydiens, et prirent celui de Tyrrhéniens, à
partir de Tyrrhénos, fils de leur roi, qui était le chef de la colonie35
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façon ou d’ une autre devient l’ ancêtre fondateur Un étranger, ou un peuple migrant,
est partie prenante de la fondation et va se confondre avec un peuple local Cette
population locale peut être elle-même venue d’ ailleurs, c’ est-à-dire de l’ espace grec des
mythologues et des historiens On lit ainsi chez Denys d’ Halicarnasse, qui avait réuni
une multitude de récits sur la fondation de Rome, qu’ une version, reprise par Caton
l’ Ancien, racontait que les Aborigènes étaient des Grecs ayant émigré en Italie avant la
guerre de Troie, qui se réunirent aux Troyens d’ Énée pour former les Latins
Virgile invente dans l’ Énéide une nouvelle ethnogenèse des Latins, en rompant
avec les précédentes Une fusion entre les Troyens et les Latins produit un nouveau
peuple latin, lors de la fondation de Lavinium Virgile fait se succéder ainsi deux peuples
latins Les anciens Latins que rencontre Énée ont pour roi Latinus À la fin de l’ Énéide,
de nouveaux Latins naîtront d’ un métissage contractuel entre ces anciens Latins et les
Troyens
Au chant XII, quand Turnus, roi des Rutules, qui combat pour les Latins, va
mourir tué par Énée et entraîner la défaite des Latins, Junon demande à Jupiter de ne
pas fonder une nouvelle Troie dans le Latium Jupiter promet à Junon que les Troyens
ne vont pas soumettre les Ausoniens (Italiens) à des lois et une langue étrangère38 Ce
terme d’ Ausoniens, désignant un ethnos d’ Italie du Sud, se substitue dans le texte à celui
de Latins En fait, chaque peuple italien de l’ Énéide – les Latins comme les autres – est
une métonymie de l’ Italie entière, c’ est-à-dire de tous les Italiens qui sont à l’ époque
d’ Auguste, juridiquement, des Romains, des Latins ou des alliés
Les Troyens ne devront pas imposer aux Latins une domination étrangère mais
se mélanger avec eux39 Junon accepte que les Troyens vainqueurs s’ allient aux Latins
par des mariages (conubiis) et par une union politique (foedera et leges) mais à condition
de conserver le nomen Latinum, le nom qui fera d’ eux une communauté ; ils doivent
aussi adopter la langue, c’ est-à-dire le latin, et les habitudes vestimentaires des Latins,
c’ est-à-dire la toge
Virgile a manipulé l’ ethnographie mythique traditionnelle qui faisait des Latins
un peuple issu de la fusion entre les Aborigènes, eux-mêmes Arcadiens, et les Troyens
d’ Énée Dans cette version, le roi Latinus tué par Énée donnait son nom aux Latini, un
peuple nouveau Virgile procède autrement Le peuple qu’ Énée a rencontré en arrivant
sur la côte du Latium est déjà celui des Latins et le nom du Latium, ne pouvant plus
38
Énéide, XII, 834-837
39
Énéide, XII, 820-828
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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être rattaché à Latinus, est expliqué à partir du verbe latere, « être caché », suivant
une légende impliquant Saturne L’ absence de référence aux Aborigènes n’ est pas due,
comme le disait Servius, à la seule impossibilité de faire entrer le mot Aborigènes dans
l’ hexamètre Elle distingue les Latins des Troyens Selon un schéma mythique récurrent,
qui associe une guerre et une fusion par le mariage lors des fondations coloniales, dans
l’ Énéide, la future Rome latine est double : d’ un côté Énée et les Troyens, et de l’ autre
l’ ancien peuple latin
Virgile crée une autochtonie mythique et primitiviste, donnant comme ancêtres
à Latinus des dieux rustiques du terroir : il a pour père Faunus, fils de Picus, lui-même
fils de Saturne – trois dieux aux noms latins Le latin sera la langue identitaire de ce
nouveau nomen Dans cette ethnogenèse des Latins, Virgile raconte la fondation de
Lavinium, non pas celle de Rome Il fait l’ histoire de la composante latine, devenue
italienne, fédérale de la Res publica Énée fondateur de Lavinium et de la gens Julia est
aussi le héros fondateur des Latins Les deux composantes de Rome, l’ Vrbs fondée par
Romulus et le nomen Latinum fondé par Énée sont indissociables dans la mythologie
augustéenne et représentées face à face à l’ entrée de l’ ara Pacis D’ un côté la louve
découvre les jumeaux ; de l’ autre Énée sacrifie sur le site de Lavinium
Les récits en rapport avec l’ ethnogenèse des Latins ne sont donc pas les traces
d’ anciens récits italiques et indigènes mais des constructions sur le modèle grec des
récits de fondation « destinés à faciliter les relations avec le monde grec »40 Ils ne sont
pas utilisables pour reconstituer la préhistoire de l’ Italie, mais traduisent la présence
prégnante de « l’ hellénisme organique » dans l’ Italie préromaine41 Les cités du Latium,
comme Rome elle-même, manifestent à leurs débuts politiques la forte présence d’ une
culture civique grecque, qui allait reculer progressivement
7- Lavinium – ville grecque ? Hellénisme organique et identité latine
Au vie siècle av J -C , quelles langues parlait-on à Lavinium, dans la cité
emblématique du nomen Latinum, devenue le sanctuaire de la composante fédérale de
la Res publica ?
40
Bourdin 2012, p 286
41
Sur « l’ hellénisme organique », voir Humm 2007 et Dupont 2022, p 43-47
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Lavinium42 est une ville banale dans sa région Les découvertes archéologiques
permettent de comparer Lavinium et les villes du Latium, dès la fin du iie millénaire
avant J -C On y trouve les mêmes tombes à incinération, plus anciennes, et des tombes
à fosses, plus récentes Puis, les fouilles révèlent la présence aux viie et au vie siècle
avant J -C d’ une culture urbaine hellénisée, accompagnée d’ une forte croissance
démographique et économique, et d’ importants échanges commerciaux avec la Grèce
Datant des alentours de 650 avant J -C , la vaisselle de style orientalisant atteste que
Lavinium participe à la koinè culturelle de l’ Italie pré-romaine, comme l’ Étrurie
méridionale et les cités falisques La ville avait cédé à la séduction de la mythologie
grecque, en se donnant comme héros fondateur Énée, le rescapé de Troie Aux viie et
au vie siècle avant J -C , Lavinium est à l’ apogée de sa puissance Les fouilles ont dégagé
un complexe monumental, désigné comme « l’ aire sacrée des treize autels » L’ étude
des plus anciens de ces autels a montré qu’ ils étaient du même style que les autels grecs
de la même époque, sans médiation étrusque Ont été trouvées au même endroit des
statuettes de koroi et de korai, inspirées des modèles grecs archaïques de la Grande Grèce
et faites par des artisans locaux, ainsi que des bronzes votifs et des vases qui prouvent de
très anciennes relations directes avec le monde grec
On peut prolonger l’ enquête et se demander quelle langue parlait-on dans les
sanctuaires de Lavinium Une dédicace aux Dioscures a été retrouvée sur le site, datant
au plus tard de la fin du vie siècle avant J -C Elle est généralement qualifiée d’ inscription
latine archaïque
CASTOREIPODLOUQUEIQUEQUROIS
Aux jeunes garçons Castor et Pollux43
Figure 1 : Lamelle de bronze avec dédicace, CIL I2, 2833.
Crédit/source : https://kb.osu.edu/handle/1811/99099.
42
Voir Moyaers 1977
43
CIL I2, 2833
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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Des quatre mots qui la composent, seul est latin l’ enclitique -que ; les trois autres
mots sont des emprunts au grec, même si l’ alphabet est latin L’ écriture, en effet, va de
gauche à droite et les lettres sont semblables à celles de l’ inscription du cippe du Forum ;
il s’ agit donc d’ un alphabet latin avec quelques variantes La dédicace à Castor et Pollux
est claire : les deux noms propres sont au datif grec, comme le nom commun qurois
La forme Podlouquei (en latin Polluci) présente une anomalie graphique par rapport à
l’ alphabet latin : l’ usage de quei au lieu de cei. La forme Podlouquei, en outre, n’ est pas la
transcription phonétique du grec Poludeukei ; le nom a été adapté au phonétisme local
On peut supposer que le u bref de Polu a disparu et que le groupe ld, imprononçable,
est devenu dl, présent dans le phonétisme local (e. g. le latin adloquor) Le mot qurois,
en alphabet latin, représente le ionien kourois Kouroi a été isolé à partir de Dioskouroi,
dénomination habituelle de Castor et Pollux Cet isolement de kouroi suppose que le
rédacteur de l’ inscription connaissait le grec Il a recréé la gémellité des dieux devenue
invisible, en les liant par un -que Cette connaissance de l’ étymologie grecque des
Dioscures est manifeste dans d’ autres langues d’ Italie, où leur nom de « fils de Zeus »
a été traduit – ce qui n’ est pas le cas ici En étrusque, cela donne Tinias Cliniiarias et en
marse, langue sabellique, Iovies Pucles
La présence du -que est intrigante Elle témoigne d’ un mélange des langues que
l’ on retrouve dans d’ autres inscriptions, cataloguées trop rapidement comme étant
« latines » archaïques Le plurilinguisme des cités de la région du Latium a pu causer
une déformation des langues, en particulier du grec Les Grecs de Sicile s’ en plaignaient
d’ après le témoignage d’ Aristoxène de Tarente Parlant des Poseidoniates, celui-ci
écrivait :
Après avoir été originairement Grecs, ils sont devenus Toscans ou Romains, c’ est-à-dire
barbares ; ils ont perdu leur langue, oublié leurs usages, et ne font plus qu’ une seule des
fêtes de la Grèce, s’ y rassemblant pour se rappeler encore une fois par an les noms antiques
des choses et des coutumes de leur pays44
L’ inscription archaïque de Lavinium atteste de l’ usage du grec dans le culte des
Dioscures importé de Grèce, comme toute la culture matérielle ce qui rendait possible
le bios grec de l’ élite locale Si Lavinium fait déjà partie à cette époque du nomen
Latinum, elle n’ affiche pas une identité latine de la cité, même si visiblement le latin
parasite quelque peu le grec religieux Au contraire, cette présence de la culture grecque
à Lavinium suggère un « hellénisme organique » de la ville Lorsque les habitants ont
44
Athénée, Deipnosophistes, XIV, XXXI, 632a
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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fondé leur cité, c’ était une polis, dont le cadre politique et religieux était grec Ensuite,
progressivement, en intégrant le nomen Latinum, Lavinium s’ est latinisée : cette
inscription en marquerait les prémices
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Les Grecs faisaient correspondre une langue à chaque ethnos45 Ainsi, Denys
d’ Halicarnasse considère que les Samnites, les Bruttiens et les Opiques parlent des
langues différentes, parce qu’ il s’ agit d’ ethnè différents46 Or, nous savons qu’ ils parlaient
tous l’ osque Cet a priori idéologique était tellement fort qu’ Hérodote qui veut affirmer
l’ unité des Hellènes face au péril perse, comme reposant sur une culture commune (to
hellénikon), écrit contre toute évidence :
Nous sommes unis par la langue et par le sang, les sanctuaires et les sacrifices qui nous sont
communs, et nos mœurs qui sont les mêmes47
Or, chaque cité grecque a son panthéon, son dialecte, son alphabet, ses traditions
vestimentaires, etc
Tous les peuples du Latium ne sont pas identifiés par le latin La langue du
populus ou de la ciuitas est celle qui les identifie à l’ extérieur C’ est une des langues
utilisées : ce n’ est pas nécessairement la même dans les inscriptions d’ appartenance,
les inscriptions funéraires ou les inscriptions publiques et religieuses Si la langue sert
d’ identifiant pour les historiens grecs, rien ne permet de dire que c’ est LA langue du
peuple En conséquence, il est impossible de passer de la langue à la culture Si un ethnos,
un nomen, se caractérise par une « langue » cela ne prouve pas qu’ un populus qui se
rattache à ce nomen, se caractérise par cette langue Certaines villes du nomen Latinum
en sont l’ exemple
À Lavinium, le latin a-t-il rongé le grec et l’ a-t-il barbarisé, comme à Poseidonia ?
Le latin a-t-il été la langue du nomen Latinum, adoptée progressivement comme langue
de la cité par Lavinium et les autres cités du nomen Latinum qui utilisaient chez elles
aussi d’ autres langues, dont le grec ? Le latin surgit comme la langue du pouvoir dans
la Res publica48 Elle est la langue du sénat (patrius sermo) et conjoint les deux espaces
45
Hérodote, Histoires, III, 98, et Aulu-Gelle, Nuits attiques, XVII, 17, 2
46
Denys d’ Halicarnasse, Antiquités romaines, I, LXXXIX, 3 et I, XXIX, 3-4
47
Hérodote, Histoires, VIII, 144
48
Dupont 2022, p 100 et suiv
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8- Hérodote, langue et identité
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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politiques, la cité et la fédération L’ extension rapide de l’ imperium à toute l’ Italie puis
les conquêtes extérieures font du latin – qui s’ inscrit en lettres capitales dans les villes
des alliés – un monumentum de la puissance romaine En ayant conquis l’ Italie, les
Romains se confrontent à l’ Orient hellénisé, au-delà de l’ Adriatique Ils vont affirmer
leur identité en s’ opposant aux Grecs, jusqu’ à faire de la langue latine la rivale et l’ égale
de la langue grecque la plus prestigieuse, le néo-attique49 Cicéron dit nostri quand il
veut opposer les auteurs latins aux auteurs grecs La création du latin comme « autre
grec » contribue à l’ ethnogenèse latine de Rome Le latin chez Virgile est un des
marqueurs identitaires des Latini
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L’ histoire du nomen Latinum nous donne l’ occasion de constater qu’ une
ethnogenèse n’ est pas un processus irréversible Du nomen Latinum créé dans les Monts
Albains, sept à six siècles plus tôt, il ne reste à la fin de la République que les récits
mythologiques associés à l’ ethnogenèse des Latins, un statut juridique et une langue
Les villes latines sont vides ou devenues romaines Ces récits, quels qu’ ils soient, sont la
mémoire de Rome, une mémoire artificiellement construite à partir de modèles grecs
Toute histoire de Rome doit commencer par là Ces récits disant une ethnogenèse de la
Res publica sont vivants à l’ époque de Virgile, dans la mesure où ils sont politiquement
manipulables Dans l’ Énéide, Virgile réinvente les Latins, les enracine dans le Latium,
pour en faire la composante italienne de la Res publica, incarnée par Auguste
Le nomen Latinum n’ était pas un peuple Il serait impossible d’ en raconter
l’ histoire, si nous devions traduire son nom et parler du « peuple des Latins » ou de
« l’ ethnie latine »
Bibliographie
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Gruen 2011, considère que l’ identité romaine s’ est construite en opposition à une identité grecque
réinventée par Rome Voir aussi Dupont 2022, p 185-190
49
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9- Naissance, vie et mort d’ un nomen
294
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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295
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III- Du nouveau sur l’ ethnogenèse des Latins
De quand date l’ ethnogenèse des Latins50 et selon quels paramètres peut-on
l’ évaluer ? Est-il même licite de supposer qu’ à partir d’ une certaine période et dans un
territoire donné serait apparue, au sein des communautés humaines qui y résidaient et
selon des modalités qu’ il conviendrait de préciser, une conscience, voire une identité
communautaire, ressentie et revendiquée comme telle ? Et si, d’ une manière ou
d’ une autre, on arrive à proposer des réponses, fussent-elles partielles, à ces questions,
quels ont pu être les rapports de cet ensemble latin avec la naissance et les premiers
développements de Rome ?
Assurément, le regain actuel des recherches sur le concept d’ ethnos dans
l’ Antiquité51 apporte d’ utiles instruments conceptuels et permet des approches
renouvelées D’ autant que la question des Latins et de leurs rapports avec la cité romaine
relève d’ un domaine scientifique qui a une très longue histoire, et qu’ on appellera, faute
de mieux, les origines de Rome52 Quoique lacunaires, les sources, tant philologiques
qu’ archéologiques, y sont beaucoup plus riches que pour toute autre région du monde
méditerranéen antique : ainsi, en deux siècles d’ érudition (si on part des travaux de
Niebuhr au tout début du xixe siècle), bien des pistes ont été explorées, et des impasses
repérées, mais aussi bien des perspectives s’ offrent à qui entend prendre la pleine mesure
des possibilités offertes par le développement des recherches
Ce qui n’ empêche pas que, ici plus qu’ ailleurs sans doute, le savoir ne
peut prétendre qu’ à être une délimitation de l’ incertitude, même s’ il s’ agit d’ une
délimitation en constante évolution : irréductiblement, la masse de ce qu’ on ignore, et
de ce qu’ on ignore ignorer, dépassera toujours le peu que l’ on sait, ou croit savoir De
cette constatation qui ne prétend certes pas à l’ originalité, je tire personnellement la
conclusion qu’ il vaut la peine de chercher sans trêve à aller plus loin dans l’ enquête, que
rien n’ est jamais figé ou acquis pour toujours, et qu’ il est sain de remettre en question
les évidences les mieux établies
Au premier rang de celles-ci figure dans la vulgate contemporaine, pour des
raisons qu’ il serait trop long d’ analyser ici, la conviction que l’ ethnos serait à chaque
Ce thème étant au centre de mes recherches depuis longtemps, on voudra bien m’ excuser de devoir
renvoyer les lecteurs à plusieurs de mes travaux où je l’ ai traité en détail
50
51
Voir le bilan dressé par Dan 2016, p 278-286
Pour une présentation générale de ce domaine de recherches, avec la bibliographie récente, voir
Grandazzi 20193 (2003) Voir aussi le livre, bien informé et nuancé, de De Sanctis 2021
52
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fois un phénomène artificiel et tardif, qui relèverait plus d’ une fabrication a posteriori
et à visée idéologique que de la réalité historique ou, en l’ occurrence, protohistorique
Ainsi le déconstructionnisme contemporain ne considère-t-il les sources littéraires
faisant état des Latins à haute époque que du point de vue des enjeux idéologiques à
l’ œuvre au moment de leur publication (qui est, elle, beaucoup plus tardive) ; quant
aux données archéologiques, surtout les plus récentes, il n’ en a, la plupart du temps,
qu’ une connaissance très partielle, ne serait-ce que parce que plusieurs d’ entre elles, et
des plus importantes pour notre propos, ont été publiées postérieurement au maîtrelivre de Stéphane Bourdin sur les peuples antiques de l’ Italie centrale53 Si nouveau qu’ il
se veuille aujourd’ hui dans les différents champs des sciences humaines, il est à observer
que ce déconstructionnisme a, dans le domaine des origines de Rome, plus d’ un siècle
d’ existence Simplement, il s’ y est développé sous le nom d’ hypercritique, et on sait très
bien à quoi il a abouti : la disparition de la possibilité même de tout savoir, la réduction
de la recherche à la seule dimension de la réception
Venons-en maintenant à l’ examen des faits, qui, s’ agissant d’ une ethnogenèse,
doit commencer par un regard sur l’ espace géographique où a pu se produire celleci Les Latini sont le, ou plutôt, les peuples habitant le Latium, c’ est-à-dire la région
délimitée au nord par le Tibre et l’ Anio, à l’ ouest par la mer, à l’ est par une suite de
reliefs constituant les contreforts des Apennins, et au sud par le promontoire du cap
Circeo : la côte maritime bordant le grand large, les montagnes étant pourvues de
nombreux points de passages, le fleuve étant franchissable, on peut dire qu’ il s’ agit là
d’ un territoire ouvert à toutes les influences
Or des recherches publiées récemment54 ont montré que la basse vallée du Tibre
est, dès l’ époque néolithique, l’ une des aires les plus fréquentées de toute l’ Europe
occidentale À mi-chemin entre la Sicile et les rivages méridionaux de la France, juste
en face du détroit de Bonifacio, et en liaison avec la Sardaigne, l’ embouchure – ostia –
du Tibre est dans une situation exceptionnelle qui en fait un carrefour majeur pour
les échanges de toutes sortes Archéologiquement, il apparaît qu’ il s’ agit de la zone la
plus dense en Europe au Néolithique, disons entre 3 500 et 2 500 ans avant J -C C’ est
dire que ce bilan tout à fait récent peut apparaître comme une confirmation saisissante
d’ un modèle proposé au xixe siècle par le grand géographe Élisée Reclus, modèle qu’ on
Bourdin 2012 ; il est vrai que les Latins y sont à la portion congrue, la section qui leur est consacrée
n’ occupant que les p 143 à 147
53
54
Par Cifani 2021, p 24-26
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peut appeler des trois cercles : si la Méditerranée est bien au centre du monde antique,
la péninsule italienne en occupe la position médiane, tandis que le Latium et la plaine
tibérine, en particulier, se trouvent au milieu de l’ isthme que dessine l’ Italie Autrement
dit, la prééminence économique qui se dessine dès le Néolithique pour la plaine latiale
constitue la meilleure preuve qui soit de la justesse de cette théorie des trois cercles Bien
sûr, cela n’ explique ni les Latins ni les Romains, dont la cité est encore située loin dans le
futur, mais cela représente la mise en place du cadre régional et « international » dans
lequel les communautés des uns et des autres viendront à naître puis à se développer
Quant à l’ histoire du site romain et celle de ses rapports avec les Latins, si Latins
il y a, il n’ est pas inutile d’ en rappeler rapidement les caractéristiques principales : le
premier lieu à avoir livré des traces d’ une fréquentation humaine régulière est la colline
du Palatin, au milieu du Paléolithique, mais il s’ agit alors plus de passages épisodiques
que d’ habitat stable On peut faire débuter la protohistoire de Rome durant la phase
dite âge du bronze moyen et, plus précisément, au xviie siècle avant J -C C’ est à ce
moment-là, en effet, que se fixe, sur le haut de la colline du Capitole, un habitat sans
doute alors seulement saisonnier, évidemment implanté à cet endroit en raison des
facilités de défense qu’ offre le relief le plus pentu de l’ ensemble du site romain On
touche là à la fameuse question des collines de Rome, qui, bien entendu, furent toujours
plus de sept : le site romain55 est sans conteste d’ une complexité particulière, puisqu’ il
résulte des forces telluriques opposées, provoquées, aux âges géologiques récents, par
deux systèmes volcaniques, les monts Sabatini au nord, les monts Albains au sud, les
deux disposés de part et d’ autre de la vallée du paléo-Tibre, qui devait être aussi puissant
que l’ Amazone actuel Au cours de nombreux épisodes éruptifs, suivis à chaque fois
par plusieurs millénaires d’ érosion, les laves du plateau albain sont venues repousser le
Tibre et aboutir jusque dans sa vallée, l’ érosion y creusant ensuite le relief des fatales
collines Rien de plus étrange et de moins fait pour l’ unité urbaine qu’ un tel site, dont
l’ aménagement exigera toujours des efforts et des travaux considérables, à l’ inverse des
grands plateaux de l’ Étrurie méridionale qui, à Véies, à Tarquinia, à Orvieto, semblaient
attendre de toute éternité les cités puissantes qui s’ y dresseraient un jour !
Cependant, outre son caractère fragmenté et dissymétrique, le site romain se
distingue par la continuité naturelle qui s’établit entre lui et la campagne environnante,
puisque le sommet de ses collines n’ est jamais qu’ à la hauteur du plateau d’ ensemble
descendant en pente douce du sommet du Volcan Latial (aujourd’ hui monts Albains)
55
Voir Grandazzi 20202 (1991), p 136-162
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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Cette continuité morphologique est un facteur capital pour l’évaluation des rapports
entre Latins et Romains : en effet, si le centre géométrique du Latium se trouve dans le
massif des monts Albains, alors que Rome est à la marge, à la frontière de la région, les
deux sites sont directement reliés entre eux par le chemin pris par les coulées de lave que
n’ aura plus qu’ à emprunter la future via Appia D’ où une première conclusion : s’ il y a eu
des Latins dans le massif Albain, il y en a forcément eu aussi dans le (futur) site romain
Sur quelles bases peut-on parler d’ un ethnos latin ? Même si une population
particulière ou plusieurs autres ont pu se réclamer d’ ancêtres communs, il est clair que
la détection d’ éventuelles ascendances biologiques est hors de portée de la science De
plus, il est non moins clair que les revendications exprimées de ce point de vue par les
mythes d’ origine, celui du roi Latinus en l’ occurrence56, ont pu – dès une époque haute,
puisque le nom est présent chez Hésiode57 (qu’ il s’ agisse ou non d’ une interpolation
importe peu ici) – relever d’ une construction idéologique, ne traduisant, et c’ est déjà
beaucoup pour l’ historien moderne, qu’ une volonté commune d’ identification
Comment, dans ces conditions, repérer et prouver l’ émergence possible d’ un ethnos
latin ? L’ archéologie contemporaine a répondu à cette question en conceptualisant, sur la
base d’ un siècle et demi de découvertes et d’ innombrables publications et classifications
de détail, l’ idée d’ une cultura/civiltà laziale pour le dire en italien, puisqu’ il s’ agit d’ une
découverte en grande partie italienne58 Il se trouve en effet que, dans toute l’ étendue de la
région du Latium, et avec une simultanéité et une analogie impressionnantes, notamment
du point de vue des rites funéraires, se manifeste à partir d’ une certaine période une
civilisation matérielle présentant un profil général qui la différencie nettement des
régions avoisinantes L’ émergence de cette unité culturelle massive se produit à la fin de
l’ âge du bronze, dont la chronologie absolue tend aujourd’ hui à être révisée vers le haut :
non plus xe siècle avant J -C , mais xie, voire xiie dans certains cas Les caractéristiques
principales de cette « culture latiale » sont : la miniaturisation des mobiliers funéraires,
la présence récurrente d’ armes dans lesdits mobiliers, le recours à des cinéraires en forme
de cabanes, accompagnés, dans quelques rares cas, de figurines à forme humaine Si les
archéologues – Renato Peroni, Giovanni Colonna et Anna Maria Bietti Sestieri étant
les plus connus – ont conservé à cette « culture » le qualificatif, venu du xixe siècle
56
Sur les traditions relatives à Latinus, voir Grandazzi 2008, vol II, p 752-760
57
Théogonie, v 1011 et suiv
Le catalogue de la grande exposition tenue à Rome en 1976 sous le titre, Civiltà del Lazio Primitivo,
reste une référence incontournable
58
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avec Giovanni Pinza, de « latiale », c’ est que le Latium est la seule région où ces
caractéristiques matérielles se trouvent réunies et uniformisées à ce point
De topographique, le qualificatif peut-il devenir ethnique ? En d’ autres termes,
a-t-on le droit de considérer que les hommes et les femmes dont les urnes funéraires ont
été retrouvées dans le Latium, mais aussi en plein centre de Rome, notamment au Forum,
étaient des Latins ? Ce qui permet de donner une réponse positive à cette question,
c’ est d’ abord la totale continuité entre les habitats et les nécropoles de cette civilisation
« latiale » avec les habitats et les nécropoles du Latium des époques postérieures, et
ce notamment dans les cités bien connues de la période classique Il semble en effet
très difficile d’ imaginer que, en l’ absence de toute césure ultérieure constatable sur
le terrain, les populations des premières époques aient été totalement allogènes par
rapport à celles identifiables par la suite comme incontestablement latines
Une autre manière de répondre à la question de la latinité et de son émergence,
passe par l’ examen du facteur linguistique59 Il faut bien sûr rappeler qu’ il n’ y a pas
nécessairement homologie entre les facteurs démographiques et linguistiques : on peut
tout à fait parler une langue sans faire partie de ses locuteurs de naissance D’ autre
part, il est évident que le latin des périodes dites « latiales » devait être profondément
différent de celui que nous connaissons : il se caractérisait par ce que les linguistes
appellent aujourd’ hui son polycentrisme, autrement dit, par une grande diversité
dialectale On ne parlait pas tout à fait le même latin à Lavinium, à Tibur ou à Rome,
même s’ il y avait néanmoins une unité linguistique Bien sûr, comme toute langue,
le latin de cette culture latiale était influencé par les langues avec lesquelles il était en
contact : l’ étrusque, auquel il a emprunté plusieurs vocables (en moins grand nombre,
toutefois, qu’ on ne le dit parfois) ; le grec, dont des locuteurs ont pu être présents en
Latium dès les époques post-mycéniennes ; les langues sabelliques, parlées par des
peuplades proches Comme on le sait, la plus ancienne inscription latine est celle de
la fibule de Préneste, les linguistes actuels y reconnaissant une variété de latin parlée
dans ce lieu, et donc bien un témoignage de l’ existence du latin60 ; j’ ajoute que la fibule
est désormais (depuis 2011) reconnue comme très probablement authentique sur la
base d’ analyses techniques d’ une ingénierie très poussée61 : l’ objet et son inscription
sont donc bien datables de la première moitié du viie siècle avant J -C Or une langue
59
Voir Van Heems 2016
60
Voir Touratier 2013, ainsi que l’ importante recension qu’ en a faite Martzloff 2014
61
Voir Limon Belén, Fernández Martinez 2015
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qui commence à pouvoir être écrite au viie siècle avant J -C est une langue qui existait
déjà, à tout le moins, au siècle précédent On parlait donc latin en Latium aux débuts
de l’ âge du fer, et, compte tenu de la continuité topographique et « culturelle » (au
sens archéologique du mot) rappelée précédemment, on peut présumer que le latin
était parlé en Latium depuis au moins les débuts de cette civilisation latiale, c’ est-àdire, encore une fois, depuis le xiie ou xie siècle avant J -C Qu’ il l’ ait été auparavant,
c’ est probable, mais non prouvable On considérera donc que les locuteurs de cette
langue latine peuvent être appelés des Latins Compte tenu de ce qui a été dit plus haut
sur la continuité géographique entre le massif Albain – espace où a été trouvé le plus
grand nombre d’ urnes cabanes « latiales » – et le site romain, on peut en conclure que
les Latins ont été présents dès les débuts de la « civilisation latiale » sur les collines
bordant le grand fleuve de leur région qui formeront un jour le site de Rome, ce que
suggère aussi l’ analogie entre les toponymes Latium et Palatium
Ils n’ y ont sans doute pas été les seuls, mais ils ont été les seuls à laisser des traces
aussi repérables et uniformes Ce qui veut dire, en d’ autres termes, que les traditions
antiques sur une origine latine de Rome sont vérifiées par les résultats de l’archéologie
et de l’ anthropologie Il n’ y a dès lors pas à s’ étonner que le latin ait été la langue des
Romains, comme en atteste du reste la désignation même de leur cité, urbs, qui, on le sait
désormais, relève d’ une origine indo-européenne62 Prévalence latine dans le surgissement
de l’ entité romaine qui s’ illustre également par le fait que tous les vocables décrivant les
rites auguraux, indispensables à la fondation et au fonctionnement de la cité romaine en
tant qu’ organisme politique, sont, sans exception, de facture latine : augurium, auspicium,
sulcus primigenius, pomerium, arx, auguraculum Quant à la question de l’ historicité des
légendes concernant la fondation de Rome, qui n’ est pas notre sujet ici, il n’ est pas possible
de faire comme si les vestiges découverts au pied du Palatin par Andrea Carandini et son
équipe n’ existaient pas : le grand livre récemment publié à ce propos par Adam Ziólkowski
montre la voie d’ une interprétation qui satisfait pleinement aux critères les plus exigeants
de la science historique63 Pour autant, cette première Rome n’ était pas que latine : ce
que la tradition antique dit avec insistance, parlant tantôt d’ une urbs geminata, c’ est-àdire unissant Latins et Sabins, tantôt d’une civitas triplex, par allusion aux fameuses trois
62
Voir Grandazzi 2020, p 138, sur les rapports avec le nomen Latinum
63
Ziólkowski 2019
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tribus romuléennes des Ramnes, Titienses et Luceres64 Mais on est là, on va le voir dans un
instant, à un stade déjà nettement postérieur à l’ ethnogenèse des Latins
Ces Latins, qui parlaient le latin (un proto-latin, bien entendu, par rapport à
celui que nous connaissons), avaient-ils conscience d’ être des Latins ? Autrement dit,
se sentaient-ils appartenir à un ensemble humain différenciable de ceux qui pouvaient
exister autour d’ eux ? Si on veut échapper aux risques de la paléo-psychologie, voire à
ceux du roman, c’ est vers l’ étude des facteurs religieux qu’ il faut se tourner Comme
on l’ a vu, il y a d’ abord ce fait, remarqué depuis très longtemps, qu’ est la surprenante
homologie des cultes funéraires dans toute la région : même si on ne peut restituer
les croyances qui accompagnaient ces rites, il est certain que cette uniformité de
comportements rituels implique des formes minimales de conscience collective
Mais il y a plus et il convient de rappeler ici la définition de la latinité que donnait
un auteur aussi informé que Varron : pour lui, peuvent être définis comme Latins
les participants aux Féries Latines, autrement dit la principale panégyrie du Latium,
célébrée et contrôlée à l’ époque classique par l’ État romain65
Latinae feriae dies conceptiuus, dictus a Latinis populis, quibus in Albano monte ex sacris
carnem petere fuit ius cum Romanis, a quibus Latinis Latinae dictae
Mobile est le jour des Féries latines nommées d’ après les peuples latins, qui, sur le mont
Albain, avaient en commun avec les Romains le droit de réclamer leur portion du
sacrifice ; c’ est d’ après ces Latins qu’ elles ont été appelées Latines66
Il s’ agissait, comme on sait, d’ une fête confédérale regroupant une fois par an
sur le sommet du Monte Cavo, antique mons Albanus ou arx Albana67, et en présence
d’ une très nombreuse assistance, les délégués des cités latines et ceux de Rome pour un
sacrifice commun célébré en l’ honneur de Iuppiter Latiaris, Jupiter Latial C’ est dire
qu’ on se trouve ici en présence de la typologie, bien connue par ailleurs, d’ une panégyrie
fondant l’ appartenance, et le sentiment d’ appartenance, à un ethnos, en l’ occurrence
le nomen Latinum Que celui-ci soit désigné par le mot nomen est du reste révélateur
de la capacité d’ ouverture et d’ intégration de cette confédération latine : pour qu’ une
64
Sur ces aspects, voir l’ ultime ouvrage (posthume) de Prosdocimi 2016
J’ ai consacré à l’ analyse détaillée des Féries Latines les p 517 à 729 du vol II de Grandazzi 2008 ; la
liste des populi Albenses y est étudiée p 676-727
65
La Langue latine, VI, 25, éd -trad P Flobert, 1985, p 15 Se retrouveront dans la liste plinienne, le
mot populi ainsi que la formule carnem in monte Albano : autant d’ indices en faveur de la provenance des
deux textes d’ une même source
66
67
Pour la démonstration de cette équivalence, voir Grandazzi 2006
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population (car il s’ agit, comme presque toujours dans le monde antique, d’ un rituel
à dimension collective et non individuelle) puisse être qualifiée de « Latine », il suffit
qu’ elle puisse être nommée comme telle du fait de sa participation aux Féries Latines Ce
qui ouvrait la porte à des peuples d’ origine non latine, comme, de fait, il semblerait que,
d’ après Denys d’ Halicarnasse68 ce fut le cas pour les Herniques et même les Volsques (en
tout cas, une partie d’ entre eux) En somme, ou on est latin par naissance, ou on peut
le devenir aussi, parce qu’ on est dit tel, sur la base d’ une participation à certains rituels
collectifs en un certain lieu, l’ arx Albana en l’ occurrence : on voit qu’ on n’ est alors
plus très loin de ce qui deviendra, aux époques postérieures, le type de définition et de
conditions d’ accès à la citoyenneté romaine
En tout cas, on doit souligner que, grâce à un document exceptionnel, aujourd’ hui
considéré presque unanimement comme authentique et très ancien, on a une image de ce
qu’ a pu être la première ligue latine : il s’ agit de la liste des populi dits Albenses, transmise
par Pline69, mais remontant beaucoup plus avant et qu’ on date désormais d’ avant le temps
des cités en Latium, soit les toutes premières périodes de ce qui est, archéologiquement,
la « civilisation latiale » Collectivement comme personnellement, on prend toujours
conscience de soi par rapport à autrui : à cet égard, il se pourrait bien que l’ histoire de
la religion étrusque apporte une illustration du rayonnement « international » qu’ a
pu avoir cette première ligue latine à base religieuse, s’ il se confirmait que, comme l’ ont
supposé naguère le linguiste Helmut Rix puis l’ archéologue Mario Torelli70, les noms de
plusieurs de leurs divinités (notamment Maris, Uni, Nethuns, Selvans, Menerva, Satre,
Veive) arrivèrent aux Étrusques en provenance de territoires situés sur la rive gauche du
Tibre : ainsi, au rebours de la vulgate traditionnelle, les emprunts religieux allèrent du
Latium vers l’ Étrurie, et non pas dans le sens inverse Ce qui n’ a pu se faire, comme le
soulignait M Torelli, qu’ avant le décollage culturel et économique que connaîtront les
territoires étrusques avec l’ urbanisation qui s’ y manifestera à partir du ixe siècle avant J -C
Il reste qu’ il faut bien admettre que la preuve archéologique de l’ existence
d’ un sanctuaire confédéral sur le Mont Albain dès la fin de l’ âge du bronze est plus
présumable que définitivement concluante : le site n’ a cessé, en effet, d’ être, depuis la
Renaissance, soumis à des déprédations continuelles71 Fort heureusement, il se trouve
68
Antiquités Romaines, IV, 49
69
Histoire naturelle, III, 69
70
Torelli 2009
71
Description et analyse des fouilles successives dans Grandazzi 2008, vol I, p 267-281
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qu’ à quelques km de là, dans ce même massif Albain, qui apparaît avoir été, aux époques
hautes, le centre de la latinité, une nouvelle découverte archéologique vient apporter un
élément d’ importance majeure pour notre propos Sur la rive du lac de Nemi, en effet,
là où s’ élevait le sanctuaire de Diane et dont n’ avaient été retrouvées jusqu’ à récemment
que des traces relativement tardives, a été enfin identifié, à la faveur de fouilles encore en
cours, le site du sanctuaire le plus ancien, qui se situait non pas au bord de l’ eau, comme
on l’ avait pensé, mais sur une terrasse à mi-hauteur de la pente Or, à cet endroit, a été
trouvé et dégagé un enclos de pierre destiné, selon toute vraisemblance, à entourer une
plantation à laquelle était conférée ainsi une sacralité particulière : devant ledit enclos, a
été retrouvé un dépôt votif qui paraît avoir été en usage dès une chronologie très haute,
le xie, voire le xiie siècle av J -C Filippo Coarelli et Giuseppina Ghini ont proposé de
reconnaître dans ces vestiges l’ aire sacrée de l’ arbre connu dans la tradition virgilienne72
comme l’ arbre au rameau d’ or, objet d’ une dévotion collective dont le dépôt votif, situé
juste devant lui, témoignerait pour une durée de plusieurs siècles Or les céramologues
qui ont étudié ledit dépôt votif ont noté que, dès ses phases les plus anciennes, il porte les
signes d’ un début de différenciation régionale73 On l’ aura compris : il se pourrait bien
que l’ on fût là en présence du plus ancien lieu de culte collectif identifiable en Latium,
un culte qui, compte tenu de l’ identité de la divinité honorée là à l’ époque historique, et
de la continuité d’ occupation et de fréquentation que révèle le site, ne peut qu’ avoir été
de caractère latin dès ses tout premiers débuts Nous ne pouvons mieux faire que citer la
conclusion qu’ en tire Filippo Coarelli lui-même74 :
L’ apparition en plein âge du bronze du sanctuaire de Diane, telle qu’ elle s’ avère
aujourd’ hui démontrée, constitue une preuve déterminante en faveur de la datation à
cette même époque de la plus ancienne ligue latine
On a donc ici une preuve archéologique de l’ ethnogenèse latine dès la toute
première phase de la culture latiale, une preuve qui, compte tenu de son histoire
tourmentée, restait insuffisante sur le Mont Albain
L’ ethnogenèse latine n’ est donc ni tardive ni artificiellement fabriquée bien des
siècles après par des littérateurs idéologues ; elle est un phénomène protohistorique,
présumable par l’ anthropologie religieuse et vérifié par l’ archéologie
72
Servius, Commentaire à l’ Éneide, VI, 136
73
Voir Bruni 2014, p 48
74
Coarelli 2012, p 564
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Alexandre Grandazzi
IV- Géographie, ethnographie, identité et romanisation en Ibérie/Hispanie75
Quamquam est uno loco condicio melior externae victoriae quam
domesticae, quod hostes alienigenae aut oppressi serviunt aut
recepti beneficio se obligatos putant…
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Ce texte traite de la réalité pluri-identitaire de l’ Ibérie/Hispanie en rapport avec
le processus de « romanisation » car, à notre avis, les deux concepts sont indéniablement
connectés
1- La crise du concept de « romanisation »
Entre le xixe siècle et les années 1960, le caractère positif de la « romanisation »
n’ a pas été mis en cause Le débat académique se fixait autour de la portée, du degré, de
l’ intensité ou des agents intervenants dans ce « processus historique » Certes, au fur
et à mesure que l’ on disposait de nouvelles données – archéologiques ou littéraires –, le
phénomène de la « romanisation » commençait à être régionalisé Mais la vision de la
romanisation comme progrès continu des territoires et des sociétés conquises, tant d’ un
point de vue matériel que du point de vue culturel, ne fut pas contestée L’ extension de
la cité et de ses formes les plus efficaces d’ exploitation économique et socio-politique,
l’ homogénéisation des territoires et de leurs populations grâce au développement des
réseaux de communication qui permirent, à leur tour, la mobilité sociale et la diffusion
de valeurs et de cultures partagées, le gouvernement s’ appuyant sur un corpus juridique
Projets de recherche : « Geografía y etnografía antiguas de la Península Ibérica de Eratóstenes a
Ptolomeo: describir el espacio y dibujar el mapa II » (PID2020-117119GB-C21), « Hacia las fronteras
del mundo habitado Conocimiento y transmisión de la literatura geográfica e historiográfica griega » (US1380757), « Incognitae Terrae, Incognitae Gentes El conocimiento geográfico e historiográfico antiguo:
formación, evolución, transmisión y recepción » (P20_00573) y Grupo de Estudios Historiográficos
(Plan Andaluz de Investigación HUM-394) Ce texte s’ appuie sur une conférence tenue au Séminaire
« Géographie historique et géoarchéologie » le 14 février 2020 à l’ École Normale Supérieure de Paris
Nous tenons ici à remercier nos collègues Anca Dan, pour son aimable invitation, pour son accueil ainsi
que pour la correction du texte en français, et Pilar Ciprés pour ses suggestions concernant le texte
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(Cicéron, Contre Catilina, IV, 22, 1)
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unique, ou l’ implantation d’ une langue et d’ une écriture communes, entre autres
éléments, furent considérés comme de jalons incontestables de progrès et de bien-être,
en particulier pour les populations dispersées, fragmentées et éloignées de l’ Europe
occidentale et des côtes africaines Dans ce contexte-là, les communautés préexistantes
à la conquête qui, d’ une façon ou d’ une autre, continuèrent d’ exister jusqu’ à leur
absorption définitive et leur transformation en « Romains », étaient considérées
comme de simples agents passifs76
Les processus dramatiques de décolonisation vécus par les puissances
européennes à partir des années 50 ont eu un effet dévastateur non seulement sur la
vision du présent mais aussi du passé Jusqu’ alors, les entreprises coloniales avaient
partagé une idée : étendre la civilisation aux populations emprisonnées par une culture
arriérée lorsqu’ elle n’ était pas primitive Il s’ agissait, en conséquence, de reprendre
le chemin commencé par Rome et interrompu par l’ Islam La décolonisation et
l’ apparition de nouveaux modèles d’ organisation politique qui ont, en partie, marqué
une rupture avec ce passé colonial ont mis en lumière la réalité en toute son âpreté :
la colonisation n’ avait été qu’ un processus d’ exploitation et d’ assujettissement mené
avec la connivence des minorités corrompues, et même d’ extermination de populations
entières, soumises à une tentative d’ acculturation forcée et échouée qui, par ailleurs, a
engendré de fortes tensions internes Les mouvements contre la ségrégation raciale aux
États-Unis, la crise de Mai 68 ou la guerre du Vietnam, qui ont mis en cause le modèle
occidental dominant, n’ ont fait que creuser l’ écart dans les contradictions du système
Inévitablement, ce passé idéal, dans lequel Rome était la seule protagoniste, a dû être
revisité et débattu77
C’ est bien connu que nous devons à Th Mommsen la vision canonique de la romanisation, surtout
à partir la publication du cinquième tome de sa Römische Geschichte en Angleterre en 1886 Son idée
de départ était que la romanisation était un processus inévitable et positif ; même les communautés
provinciales conquises y assumaient un rôle actif, car Rome les faisait échapper à une vie de pauvreté et de
barbarie (voir Wulff 2021, p 169-231) Le succès de cette perspective sans nuances a été total, notamment
dans le monde anglo-saxon (voir Haverfield 1915), en raison de la légitimation d’ une politique impérialiste
(cf Freeman 1997 ; Crespo Mas 2008)
76
Cette forte contestation des systèmes impérialistes, coloniaux et néocoloniaux, qui eut lieu entre les
années 60 et 80 du dernier siècle, fut très importante dans les milieux universitaires européens et nordaméricains et elle eut une forte influence historiographique dans tous les domaines d’ étude, y compris celui
de l’ Antiquité Le vieux paradigme qui voyait le monde gréco-romain comme une phase incontournable
dans le processus civilisateur, dans lequel les civilisations plus anciennes ou périphériques vaincues
finissaient par être absorbées, commence à être mis en cause La révision du vieux modèle passait par
une réévaluation du phénomène colonial grec, en octroyant aux communautés locales un rôle actif dans
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Les concepts employés ont commencé à changer78 Ainsi, l’ intégration a laissé
place à la résistance, à la persistance ou à la continuité ; la « romanisation » a laissé,
à son tour, place à des expressions telles que « modes de contact » ou « processus
de transferts » qui laissaient un rôle de protagoniste aux communautés vaincues
ou soumises79 En conséquence, est né un débat sur la portée et les possibles effets
négatifs de l’ impérialisme romain L’ étude des langues préromaines ou la continuité de
certains usages culturels ou religieux ont été mises en valeur et quelques phénomènes
qui avaient été catalogués comme strictement romains commencèrent à être analysés
selon une optique différente, qui finit par déboucher vers une « provincialisation » de
la romanisation On a donc commencé à parler de la singularité hispano-romaine ou
gallo-romaine d’ un point de vue culturel mais aussi social80
Le changement de paradigme s’ impose : le débat à propos de l’ identité et des
nouvelles perspectives sur la romanisation vont de pair, à tel point que le dernier
concept devient pratiquement obsolète à cause de l’ irruption du premier Aujourd’ hui,
personne ne doute que l’ Empire romain était constitué d’ un conglomérat d’ identités
leur évolution Elle passait aussi par l’ acceptation du caractère multiethnique et innovateur des empires
orientaux, qui n’ étaient plus conçus comme des réalités compactes, statiques et peu développées En
même temps, plusieurs études sur les particularités de la culture hellénistique face à l’ idée traditionnelle
de l’ homogénéité du modèle classique commencent à être publiées Toutes ces approches critiquent les
regards conservateurs sur les processus de contact entre des sociétés inégales Elles mettent en doute
« l’ utilité » des impérialismes antiques et les bontés de l’ épanouissement de la civilisation Suite à ces
critiques, on vient à regretter l’ ignorance préconçue envers les oubliés et les vaincus de l’ Histoire grécoromaine ainsi qu’ à revendiquer une vision plurielle du monde classique, qui inclue les Perses, les Puniques,
les Iraniens, les Juifs, les Scythes, les Italiques, etc Dans ce sens-là, le livre d’ A Momigliano (1975) causa
un vrai bouleversement historiographique (cf Wullf 2019b)
Voir les résultats du colloque tenu à Cortone en mai 1981, et publié par l’ École Française de Rome en
1983 sous le titre Modes de contacts et processus de transformation dans les sociétés anciennes
78
Voir l’ étude essentielle de Bénabou 1976, qui évoque la résistance des populations nord-africaines,
pour préserver leur identité face à l’ imposition du modèle de Rome ; cette opposition transparaît aussi dans
des résistances quotidiennes, silencieuses ou invisibles, qui expriment autant les permanences et continuités
culturelles que les phénomènes d’ hybridation avec les modèles exogènes
79
Voir les études fondamentales de Millet 1990 qui pense que le succès fût l’ intégration des élites
locales, car elles viennent à assumer la culture romaine afin de perpétuer leur pouvoir et leur prestige
communautaires, lors du processus de romanisation Voir aussi les travaux de Woolf 1998, qui soutient que
le modèle de la romanisation a permis le développement des cultures provinciales à caractère hybride, qui
provoquent de changements dans deux sens, pas seulement dans les milieux provinciaux mais aussi dans le
pouvoir romain même (cf Keay, Terrenato 2001)
80
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qui agissaient autant dans la sphère publique que dans la sphère privée81 La question
s’ inscrit désormais dans le contexte de la crise des identités traditionnelles de
l’ hémisphère Nord, avec le développement de sociétés multi-ethniques, multiculturelles
et multi-identitaires, le succès des modèles d’ analyse postmodernistes qui remettent
en cause les schémas analytiques précédents, pétrifiés à la chute du mur de Berlin, la
crise de l’ hégémonie académique occidentale, la critique des perspectives eurocentristes
ainsi que l’ émergence d’ approches post-processuelles et post-coloniales dans l’ étude des
sociétés périphériques du présent et du passé82
On n’ y peut pas faire abstraction du rôle joué par le développement de
l’ archéologie, sous de nouveaux critères épistémologiques et méthodologiques De
manière progressive, l’ archéologie classique des monuments – apparentée à l’ histoire de
l’ art et à la philologie – fut remplacée par une discipline très influencée par la sociologie
et l’ anthropologie, qui s’ intéressaient à la culture matérielle et à toute manifestation
81
Revell 2015
Actuellement, les débats atteignent de positions plus extrêmes que celles de Millet et Woolf qui
n’ arrivaient pas à nier la position de Rome en tant que puissance dominatrice En fait, au plus fort du succès
des études post-coloniales (notamment dans l’ historiographie anglo-saxonne), les discussions se tournent
vers « l’ agence locale », le rôle des « groupes subalternes », les minorités et leur « résistance passive »,
les « espaces intermédiaires » ou « neutres », les phénomènes d’ hybridation et de transfert culturel,
en arrivant même à la négation de l’ opérativité du concept de « romanisation » (voir Barrett 1997) car
il s’ agit d’ une notion unidirectionnelle et généraliste qui ne tient pas compte des réalités culturelles et
identitaires locales très dynamiques et à caractère hétérogène On opte ainsi pour la « créolisation », le
« bricolage culturel » ou même la « glocalisation » qui, comme la globalisation actuelle, sert à mettre
l’ accent sur la multi-directionnalité des changements au niveau politique, économique et culturel de
manière unitaire et en même temps interconnectée À notre avis, l’ expression braudélienne de « transfert
culturel » reflète le mieux ce virage (Dan, Queyrel 2014) Voir, en général, Hingley 2005 ; Mattingly
2011 ; Webster 2001 ; Scott 1985 ; pour les derniers concepts mentionnés, voir Pitts, Versluys 2015 ou
Roudometof 2016 ; pour un état de la question en partant d’ une perspective post-coloniale, voir Van Oyen
2015 De telles approches ont été qualifiées d’ « idéalistes » car, en mettant un accent excessif sur le fait
local, elles finissent par diluer le rôle de Rome, ainsi que l’ inégalité et la dépendance implicite et explicite
de tout colonialisme : voir Gardner 2013 ; Silliman 2005 Elles ont été aussi critiquées d’ être excessivement
théoriques, car elles projettent sur le monde romain, avec un excès d’ automatisme, les modèles d’ analyse
des réalités contemporaines (voir Beltrán 2017, p 18-21, et plus spécialement, Cardete del Olmo 2018,
p 659-673) Pour une analyse plus mesurée, voir Le Roux 2004 ; 2006b, p 159-166, et Pereira Menaut
2010 ; pour un état de la question, voir Versluys 2014, avec le travail de Woolf Une synthèse a été publiée
dans Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 3 5 et 5 1
82
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susceptible de fournir de données à caractère historique83 En faisant cela, l’ archéologie
fixe son attention sur de sujets ou de processus qui, jusque-là, avaient été passés sous
silence ou n’ avaient pas été consciemment pris en compte, étant donné qu’ ils ne sont
présents ni dans la littérature classique ni dans l’ histoire politique qui en découle84
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L’ Espagne est un cas d’ études à part La situation académique et historiographique
y était bien distincte de celle du reste de l’ Europe Le franquisme, au moins jusqu’ à
l’ arrivée du développementalisme et le saut culturel des années 60, n’ eut pas cessé de
mépriser le développement vécu par la science espagnole entre 1890 et 1936 – une
période connue, à juste titre, comme edad de plata de la culture espagnole Le régime
récupéra un modèle éducatif et culturel ancré dans le conservatisme catholique du
xixe siècle, dans une université appauvrie par la guerre civile, complètement isolée et
anéantie par l’ exil forcé de ses représentants les plus notables85
D’ un point de vue historiographique, l’ idée de Rome qui continuait à se
répandre en Espagne était celle d’un pouvoir politique qui avait réussi à soumettre les
indomptables Ibères, en mettant un terme à leur tendance naturelle à l’ affrontement
civil et en les dotant d’ une langue et d’ une culture communes86 Ainsi, Mela, Martial,
Il n’ est pas nécessaire d’ expliquer pourquoi l’ archéologie a joué et joue encore un rôle central dans
les débats à propos des identités (tant au niveau théorique ‒ pour les approches constructivistes ‒ comme
au niveau pratique) La culture matérielle en tant qu’ item ethnique identitaire est, très souvent, la seule
variable dont on dispose quand il s’ agit d’ étudier les communautés illettrées, c’ est-à-dire la majeure partie
des sociétés dans l’ Antiquité Les identités collectives y jouent un rôle plus important que les identités
individuelles La culture matérielle devient pourtant une variable d’ interprétation complexe, car le passage
que suit un élément matériel à usage commun et quotidien pour arriver à être un item identitaire n’ est
pas jamais automatique : ce sont les communautés qui lui confient une certaine valeur, selon la pratique
sociale Voir les travaux déjà classiques de Barth 1969, Hodder 1982, Shennan 1989 ou Jones 1997 ; plus
récemment Fernández-Götz 2008 et 2009, et Fernández-Götz, Ruiz Zapatero 2011 Une synthèse dans
Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 2 1 et 3 4 Le débat sur la « romanisation » a d’ ailleurs été
mené en large mesure par les archéologues (voir n 82)
83
Le succès actuel des théories philosophiques post-humanistes qui nient le rôle central de l’ être humain
a fait pencher l’ archéologie à nouveau vers l’ artéfact, laissant complètement de côté l’ élément humain : voir
Díaz de Liaño, Fernández-Götz 2021, et Fernández-Götz, Gardner, Díaz de Liaño, Harris 2021
84
85
Voir Wulff 2004
On trouve ainsi dans l’ Antiquité le « caractère essentiel » espagnol, avec un fort individualisme, une
nature indomptable qui fait face aux envahisseurs, un attachement à la terre d’ origine et un monothéisme
86
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2- Le dossier espagnol : historiographie et politique
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Sénèque, Trajan, Hadrien, Théodose ou Isidore étaient des figures qui s’ imposaient par
leur origine hispanique et par leur capacité de gestion politique, culturelle et religieuse
au milieu d’ un empire décadent Ainsi, on était face à une romanisation à l’espagnole87
D’ autre part, la clé de voûte de l’ identité espagnole ne résidait pas dans l’ époque antique,
mais au Moyen Âge et, surtout, à la période de l’ expulsion des musulmans Dans ce
contexte, la discipline antiquaire n’ était, loin il s’ en fallait, l’ une des plus puissantes car
elle ne comptait pas sur un appui politique solide, comme c’était le cas en Italie, par
exemple Au-delà d’ un essentialisme démodé, où les gènes de « l’ espagnol » ont été
trouvés chez les premiers habitants du terroir hispanique, le nœud gordien de notre
identité nationale devait être cherché dans l’ unification territoriale, politique et religieuse
d’ Isabelle de Castille et Ferdinand d’ Aragon, les rois catholiques, qui avaient comme
précédent l’ éphémère période visigothique Par ce modèle, on dépassait pour la première
fois la contradiction que l’ on héritait depuis l’ Antiquité : l’ étranger et/ou l’ infidèle était
finalement expulsé et l’ on atteignait l’ unité politique et religieuse longuement attendue88
Il nous paraît important de souligner ces questions car elles nous aident à comprendre
dans quel état se trouvait le débat à propos de la romanisation en Espagne, pendant que
d’ autres paradigmes poussaient dans l’ historiographie européenne Dans le cas espagnol,
de facto, les sciences humaines et sociales n’ ont commencé à décoller que dans les années 60,
lorsqu’ un certain développement économique a permis aux chercheurs et scientifiques
espagnols une timide ouverture vers l’ Europe Ce décollement a été encouragé par la
réactivation de l’ activité scientifique d’ institutions comme l’ Instituto Arqueológico Alemán
ou la Casa de Velázquez, à Madrid Leurs travaux en collaboration avec les protohistoriens
et les archéologues ont contribué largement au renouvellement des techniques de fouille,
primitif, qui annoncerait le triomphe du Christianisme Cet historicisme culturel, très répandu dans les
études d’ archéologie préhistorique publiées entre dans les premières 60 années du xxe siècle n’ est pas, loin
il s’ en faut, un phénomène constaté seulement en Espagne, mais dans toute l’ Europe (Díaz-Andreu et al
2009, p 30-36 ; Díaz-Andreu 2002, p 38-41)
Gozalbes Cravioto, González Ballesteros 2007 Cette vision positive de la romanisation et de son
hispanisation contraste avec des approches plus critiques ‒ bien que minoritaires ‒ comme celle de
P Bosch Gimpera dans les années 20 Bosch Gimpera, qui a fini ses jours exilé en Mexique, soutenait que
la romanisation était une « super structure » sous laquelle un component social et culturel indigène a
toujours survécu, renaissant après la chute de l’ Empire romain (cf Blázquez 1969) Paradoxalement, il
faudra atteindre quelques années ‒ pendant la période de « soulagement intellectuel » de l’ époque
franquiste ‒ pour que les idées de Bosch trouvent leur place dans l’ historiographie hispanique Pour la
figure de Bosch, voir Cortadella 2003
87
88
Voir en général Wulff 2003 et Wulff, Álvarez Martí-Aguilar 2003
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des concepts et des méthodologies d’ analyse, en donnant lieu à la création de nouveaux
réseaux d’ échanges scientifiques Cette circonstance a aussi permis aux nouvelles
générations d’ archéologues espagnols d’ augmenter leurs capacités de formation et leurs
possibilités de spécialisation thématique et technique La multiplication des campagnes de
fouilles, pas seulement au sein de chantiers monumentaux ou emblématiques mais aussi sur
des sites beaucoup moins connus, a permis d’ouvrir le champ de recherche vers des cultures
ou des périodes inattendues jusqu’ alors Le débat sur « l’ essence espagnole » est toujours
présent89, mais un changement de perspective commença à s’y développer doucement
Dans ce processus, on remarque surtout les premiers travaux de M Vigil90, qui opposa la
romanisation à la survivance des structures sociales indigènes dans le cas précis du nord
de la péninsule (fait qui avait déjà été souligné par Broughton91) Peu après, il développa
ses hypothèses dans son introduction à la Formación del feudalismo, en collaboration avec
Abilio Barbero92 Le seul fait de parler de « items ou rythmes de romanisation » ou de
la distinction d’ un impact divers de Rome parmi les communautés indigènes constituait
déjà une transformation envers la vision centraliste romaine des années 40 et 5093
Mais ce changement de perspective n’ a rien de comparable avec l’ effet rénovateur que
l’ anthropologie, la sociologie ou l’ archéologie ont eu sur l’ histoire ancienne en Europe,
pendant les années 60 et 70 du xxe siècle
Un changement quantitatif et qualitatif apparaît à la période postfranquiste,
quand les conditions matérielles et intellectuelles en Espagne sont devenues plus
propices Dès ce moment-là, on y assista à un profond renouvellement des institutions
universitaires espagnoles, qui commençaient à disposer d’ un budget plus important
Ces ressources économiques ont servi à financer des séjours de recherche et des
programmes de formation du professorat espagnol, lui permettant de prendre contact
avec des laboratoires de recherche français et italiens, en premier lieu, ainsi qu’ anglosaxons quelques années plus tard Il va de soi que les équipes qui y travaillaient étaient
de pionniers dans leurs approches méthodologiques et conceptuelles En même temps,
le renforcement de l’ archéologie locale et régionale allait mettre à la disposition des
chercheurs un nombre considérable de données matérielles
89
Voir, par exemple, Blázquez 1969, qui critique la « romanisation super structurelle » de Bosch
90
Vigil 1963
91
Broughton 1959
92
Barbero 1978
93
Voir Balil 1956 ; Palol 1960 ; Blázquez 1962
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Ce n’ est pas un hasard si les changements de paradigme interprétatif dans
l’ historiographie hispanique commencent par les études sur les peuples du Nord
péninsulaire, en suivant la voie de recherche ouverte par Marcelo Vigil La rupture dans
cette zone du modèle traditionnel de romanisation est beaucoup plus évidente si l’ on
tient compte de la documentation épigraphique et littéraire Pour cela, il suffisait d’ y
apposer un regard différent : une survivance quelconque ne peut pas avoir la même
valeur ni peut jouer le même rôle dans deux contextes différents En sens inverse, une
nouveauté romaine qui apparaissait dans un contexte précoce de conquête ne pouvait
être analysée en partant seulement d’ une approche acculturatrice Voici quelques
exemples
Dans le monde gallaïque et, en général, sur la côte cantabrique, la réalité antique
était complexe D’ une part, la conquête romaine tardive et une situation périphérique
par rapport aux aires de tension et d’ activité militaire pendant le iie et le ier siècle avant
J -C 94 ont contribué au développement des cultures locales, qui étaient très puissantes
quand Auguste y parvient à les soumettre entre 29 et 19 avant J -C 95 D’ autre part,
juste après la conquête, nous y constatons une hybridation identitaire dans l’ épigraphie
(qui accepte les usages latins)96 et même dans les croyances (quand les dieux locaux
s’ expriment en se servant d’ un « nouvel ordre institutionnel »)97 Les rapports en sont
encore plus évidents dans le domaine politique et administratif Dans le cas gallaïque, le
contrôle romain s’ organise autour des castella et de plusieurs populi/civitates. Assez tôt,
Rome crée ainsi une identité consciente, autour d’ une réalité neuve ‒ Callaecia98 Cette
identité est construite sur certaines bases qui finissent par acquérir un sens ethnique
Cette affirmation doit être nuancée car la situation dans la zone méridionale gallaïque (beaucoup plus
développée du point de vue économique et urbain, grâce aux grands oppida), différente de celle que l’ on
documente dans la partie septentrionale de la région (voir la bibliographie, n 99)
94
Dans le cas gallaïque, ni les interventions militaires de D Iunius Brutus en 138 av Ch , ni celle de
César en 61-60 av Ch , tenues dans les zones méridionales du nord-ouest n’ ont presque pas d’ effet
95
96
Albertos 1987
97
González Rodríguez 2005 ; 2018
Le choronyme précède l’ ethnonyme de « gallaïcan » Ce territoire fut reconnu en tant que prouincia
en 239 apr J -C , sous Dioclétien Pour Callaecia en tant que région historique crée par Rome, voir Pereira
1983 et 1984
98
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3- Les changements de paradigme : les peuples du nord péninsulaire comme étude
de cas
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et territorial nouveau99 Ainsi, l’ intervention romaine dans la sphère publique est
perceptible dans des documents épigraphiques à une date très proche après la conquête,
comme c’ est le cas du bronze de Bembibre, daté de 15 avant J -C , ou de la Tabula
Lougeiorum, datée de 1 après J -C
Dans le premier cas100, à travers ses legati, Auguste modifie les limites et les munera
de communautés de dediticii (castella et gentes/civitates) appartenant à une zone de la
Transduriana prouincia101, pour récompenser les communautés qui sont restées fidèles
à Rome et punir celles qui n’ont pas accompli leurs obligations (sans doute à caractère
militaire, mais il n’ est pas clair qu’ elles soient les seuls revenus réclamés par l’ Empire)
L’ importance du bronze de Bembibre ne réside pas tellement dans le fait qu’ il
s’ agit d’ un texte officiel qui reflète le « respect » montré par Rome aux « organisations
indigènes » et a priori à leurs territoires en permettant un certain degré d’ autonomie
aux divers castella des civitates ‒ ce qui était d’ ailleurs normal dans les communautés
pérégrines Rome y montre sa capacité de reformuler le rôle et les fonctions des castella
autour de la gens/civitas. La civitas se constitue alors dans une structure politique et
C’ est surtout dans l’ habitat que les signes de continuité sont les plus évidents, même si l’ effet que
l’ articulation précoce des territoires autour des trois grandes capitales conventuelles a eu sur les castra reste
encore à étudier en profondeur (Dopico, Santos Yanguas 2017, p 710-711) Pour la culture castreña voir :
González Ruibal 2007 et Calo Lourido 1997 Pour la romanisation de la zone, voir la première partie de
Dopico, Rodríguez, Villanueva Acuña 2009
99
Imp(erator) Caesar divi fil(ius) Aug(ustus) trib(unicia) pot(estate) / VIII{I} et proco(n)s(ule) dicit / castellanos
Paemeiobrigenses ex / gente Susarrorum desciscentibus / ceteris permansisse in officio cog/novi ex omnibus legatis
meis qui / Transdurianae provinciae prae/fuerunt itaque eos universos im/munitate perpetua dono quosq(ue)
agros et quibus finibus possede/runt Lucio Sestio Quirinale leg(ato) / meo eam provinciam optinente{m} / eos
agros sine controversia possi/dere iubeo / castellanis Paemeiobrigensibus ex / gente Susarrorum quibus ante ea(m) /
immunitatem omnium rerum dede/ram eorum loco restituo castellanos / Aiiobrigiaecinos ex gente Gigurro/rum
volente ipsa civitate eosque / castellanos Aiiobrigiaecinos om/ni munere fungi iubeo cum / Susarris / actum Narbone
Martio / XVI et XV K(alendas) Martias / M(arco) Druso Li/bone Lucio Calpurnio Pisone co(n)s(ulibus) HEp
7, 1997, 378 = HEp 8, 1998, 325 = HEp 11, 2001, 286 = HEp 2013, 285 = AÉ 1999, 915 = AÉ 2000, 760
= AÉ 2001, 1214 Provenance : Bembibre, León – une zone de « frontière » entre le monde des Gallaïcans et
celui des Astures Pour une synthèse sur débat autour l’ authenticité du bronze voir Wulff 2012, p 504-507, et
Rodríguez Colmenero 2010, n 1 Pour le rôle des gentes, voir infra, sur le Pacte des Zoelae
100
Prouincia à existence éphémère, la Transduriana dépend du legatus Lucius Sestius L’ existence de cette
prouincia montre encore une fois l’ énorme adaptabilité romaine aux instruments politiques et militaires
qu’ elle a à sa disposition Pour le terme prouincia et le cas précis de la Transduriana, voir Díaz Fernández
2015 et 2021 L’ aire de cette prouincia coïncide avec l’ imperium d’ un legatus qui a sous ses ordres deux
légions ; elle se place au-delà du fleuve Douro, jusqu’ au territoire des Gallaïcans dont parle Strabon dans
III, 4, 20
101
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administrative neuve, où les obligations des castella deviennent interchangeables Tout
cela se passe dans un contexte qui est encore à caractère préurbain102
La Tabula Lougeiorum103 nous a permis de dater une nouvelle structure
territoriale, politique et administrative : le conuentus iuridici, qui rassemblait une série
de civitates et de populi (en en éloignant en même temps d’ autres) sur la base de leur
affinité ethnique ou pour des questions stratégiques et économiques, autour d’ un siège
conventuel Le legatus-gouverneur s’ y déplaçait de manière régulière, pour y appliquer
la loi de Rome dans les cas litigieux104
Ces deux documents épigraphiques sont à notre avis deux exemples clairs des
changements structurels qui touchent le noyau des communautés indigènes ‒ voire leurs
capacités de détermination et leurs territoires ‒ même si elles arrivaient à garder une
partie de leur identité Dans cette partie de la péninsule ibérique, Rome se servait des
pactes d’ hospitalité afin de réorganiser les territoires et/ou d’ y établir de liens personnels
et collectifs soit parmi les différentes communautés, soit avec des personnalités locales
prestigieuses qui intervenaient dans les affaires de leur gentes/civitates105, où elles
Wulff 2012 et 2019 ; à propos les possibles exigences et exemptions, voir Rodríguez Colmenero 2010,
p 42
102
103
C(aio) Caesare Aug(usto) f(ilio) L(ucio) Aemilio Paullo co(n)s(ulibus) / ex gente Asturum conventus
Arae / August(a)e / civitas Lougeiorum hospitium fecit cum / C(aio) Asinio Gallo libereis postereisque eius /
eumque liberos posterosque eius sibi libe/reis postereisque suis patronum cooptarunt / isque eos in fidem
clientelamque suam suo/rumque recepit / egerunt legati / Silvanus Clouti / Nobbius Andami HEp 1, 1989,
458 ; HEp 3, 1993, 247 ; HEp 7, 1997, 402 ; HEp 4, 1994, 505 ; AÉ 1984, 553 ; AÉ 1987, 561 ; AÉ 1989,
431 ; AÉ 1997, 862 Provenance : Lugo Voir Santos Yanguas 1985
104
Dopico, Santos Yanguas 2012 ; Dopico, Santos Yanguas 2016 ; en général : Ozcáriz 2012
L’ exemple le plus connu est le Pacte des Zoelae, provenant de l’ aire des Astures C’ est un document
épigraphique exceptionnel, par son état de conservation et son contenu Il témoigne d’ un pacte d’ hospitalité
signé en 27 apr J -C et renouvelé en 152 apr J -C Le texte met en évidence l’ évolution de la gens, en tant
que structure supra familiale, à la civitas, en tant que communauté politique : M(arco) Licinio Crasso /
L(ucio) Calpurnio Pisone co(n)s(ulibus) / IIII K(alendas) Maias / gentilitas Desoncorum ex gente Zoelarum /
et gentilitas Tridia/vorum ex gente idem / Zoelarum hospitium vetustum antiquom / renova/verunt eique
omnes ali(u)s alium in fi/dem clientelamque suam suorumque libero/rum posterorumque receperunt egerunt /
Araus Ablecaeni et Turaius Clouti Docius Elaesi / Magilo Clouti Bodecius Burrali Elaesus Clutami / per
Abienum Pentili magistratum Zoelarum / actum Curunda / Glabrione et Homullo co(n)s(ulibus) V Idus
Iulias / idem gentilitas Desoncorum et gentilitas / Tridiavorum in eandem clientelam eadem / foedera
recepunt ex gente Avolgigorum / Sempronium Perpetuum Orniacum et ex gente / Visaligorum Antonium
Arquium et ex gente / Cabruagenigorum Flavium Frontonem Zoelas / egerunt / L(ucius) Domitius Silo et /
L(ucius) Flavius Severus / Asturicae (CIL II, 2633) Si dans la première partie du pacte, la gens Zoelarum
commence à fonctionner comme une civitas ‒ avec Curunda comme lieu de réunion autour du magistratum
105
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jouaient le rôle de principes106 reconnus par Rome, à un moment où les structures
romaines à proprement parler étaient loin de s’ être imposées En conséquence, ces
gentilitates/gentes107 devenaient pour Rome un efficace instrument d’ organisation et de
réorganisation d’ un territoire (surtout pour la sécurité et l’ exploitation économique
et militaire), tout en perdant une importante partie de leur possible essence d’ origine
Mais, comme on peut le voir, il ne s’ agit pas d’ assumer une identité préalable à
Rome (dans un phénomène de transfert culturel), mais d’ une création romaine ex novo
qui finit, au fil du temps, par acquérir un caractère historique aux yeux des populations
gallaïco-romaines Dans l’ origo d’ un gallaïque continue à apparaître le castellum
originaire, même lorsque l’ individu en question est déjà complètement romanisé La
situation se révèle très similaire chez les Astures et les Cantabres, ethniques crées par
Rome après la conquête du littoral nord de la péninsule, menée par Auguste Ainsi,
l’ apparition des ethnies asture ou cantabre ‒ et d’ autres gentes (= civitates romaines dans
certains cas108) qui ne sont pas mentionnées dans les témoignages littéraires ‒ apposées
à des noms de citoyens romains sur des inscriptions jusqu’ au iie siècle après J -C peut
être due à plusieurs raisons :
Zoelarum, dans sa deuxième partie la civitas Zoelarum (y compris l’ ordo Zoelarum mentionné au CIL
II, 2606) est déjà l’ élément politique et administratif central tant pour Rome que pour l’ ensemble de
communautés (cf a civi Zoelae dans CIL II, 5684 et AÉ 1988, 759 des iie-iiie siècles apr J -C ) Même si
les gentes continuent à jouer un rôle dont nous n’ arrivons pas à saisir la portée réelle, elles doivent au moins
continuer à garder une valeur identitaire qui fait référence à une réalité collective pas trop éloignée dans
le temps Voir Santos Yanguas 2010, p 56-57, et la thèse doctorale de Beltrán Ortega 2015, p 70 et suiv
Princeps Copororum (IRPLugo 349), parmi les Copori à Lucus Augusti ; princeps Albionum (ERA 14 ;
AÉ 1946, 121), chez les Astures ; princeps Cantabrorum (HEp 7, 1997, 380 = AÉ 1997, 875 = ERPLe
374) chez les Deobriguenses ; princeps Arcailon (CIL II, 5762), attesté à Paredes de Nava, Palencia Sur
la figure et le rôle de ces principes du Nord après les guerres cantabres, lorsque le modèle politique et
administratif romain n’ a pas été complètement implanté, voir González Rodríguez 2002 Sur princeps/
dux (et leurs dérivés), leurs composants politiques et militaires dans le contexte de la conquête romaine et
leurs effets sur les communautés indigènes, voir Ciprés 1993, p 116-135 ; Moret 2002-2003 ; Pérez Zurita
2021
106
107
Les gentilitates et les gentes peuvent être définies comme des structures supra-familiales qui
articulent d’ un point de vue territorial (et aussi identitaire) les populations placées dans un habitat épars
et qui peuvent être assimilées à des ethnè, des civitates ou des populi Voir González Rodríguez 1986 et
González Rodríguez, Santos Yanguas 1994
108
Pacte des Zoelae, cit. supra, n 105
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En même temps, les ethnies asture et cantabre sont attestées dans les ouvrages de
Tite-Live113, Pline l’ Ancien114, Florus115 et Orose116
Cela signifie, à notre avis, que ces ethniques crées par Rome après la conquête
deviennent des acquis identitaires de ces communautés, tout en s’ assimilant à des
structures à caractère politique comme les civitates ou les gentes On peut trouver des
exemples dans toute la péninsule En somme, ce qui pendant très longtemps a été vu et
analysé comme des persistances maladroites de peuples souffrant d’ un retard et d’ une
C(aio) Annio L(uci) f(ilio) / Quir(ina) Flavo / Iuliobrigens(i) / ex gente Canta/brorum / provincia
Hispa/nia citerior / ob causas utilita/tesque publicas / fideliter et con/stanter defensas (CIL II, 4192) (iie siècle
apr J -C )
109
……tribuno laticlavio l[eg(ionis)] / VII Gemin(ae) a<d=T> census accipi[en]/dos CIVITATIUM
XXIII / Vasconum et Vardulorum / vixit annis XXXVI / ex testamento (CIL VI, 1463) (1re moitié du iie
siècle apr J -C )
110
C. Nonio C. f. An(iensi) Caepian[o] ---- pra[ef(ecto)] alae Asturum ----- C. Valerius Saturninus
d[ec(urio)] alae Asturum--- (CIL XI, 393) (2e moitié du iie siècle apr J -C )
111
…et cohortib]us VI quae appellantur / [Gallorum Petria]na c(ivium) R(omanorum) et I Tungrorum / [et
I Hispanorum Ast]urum et I Hispanorum / [et III et I] Fida Vardullorum…. (CIL XVI, 43) (98 apr J -C )
112
Lucullus cos., cum Claudius Marcellus, cui successerat, pacasse omnes Celtiberiae populos uideretur,
Vaccaeos et Cantabros et alias incognitas adhuc in Hispania trentes subegit (Tite-Live, Periochae, XLVIII,
19)
113
Civitatum novem Regio Cantabrorum, flumen Sauga, portus Victoriae Iuliobrigensium. Ab eo fontes
Hiberi quadraginta millia passum. Portus Blendium, Orgenomesci e Cantabris. Portus eorum Vereasueca…
(Pline l’ Ancien, Histoire Naturelle, IV, 110-111)
114
Sub occasu pacata erat fere omnis Hispania, nisi quam Pyrenaei desinentis scopulis inhaerentem
citerior adluebat Oceanus. Hic duae validissimae gentes, Cantabri et Astures; inmunes imperii agitabant.
Cantabrorum et prior et acrior et magis pertinax in rebellando animus fuit, qui non contenti libertatem suam
defendere proximis etiam imperitare temptabant Vaccaeosque et Turmogos et Autrigonas crebris incursionibus
fatigabant (Flore, II, 33)
115
Anno ab urbe condita DCCXXVI imperatore Augusto Caesare sexies et bis M. Agrippa consulibus
Caesar parum in Hispania per ducentos annos actum intellegens, si Cantabros atque Astures, duas fortissimas
Hispaniae gentes, suis uti legibus sineret, aperuit Iani portas atque in Hispanias ipse cum exercitu profectues
est. Cantabri et Astures Gallaeciae prouinciae portio sunt, qua extentum Pyrenaei iugum haud procul secundo
Oceano sub septentrione dedicitur… (Orose, Histoire contre les païens, VI, 21, 1)
116
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• indiquer leurs origines109,
• dans le cadre de démarches censuelles110,
• en faisant référence aux unités auxiliaires de l’ armée111,
• dans les diplômes militaires112
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forte résistance à la romanisation, commence à être lu comme un système neuf et opératif
d’ adaptation mutuelle La péninsule était, de fait, un terrain d’ essai de l’ impérialisme
romain Paradoxalement, Rome promeut la création d’ identités collectives autour de
civitates (le seul modèle permis par l’ Vrbs) qui acceptaient la conquête En faisant cela,
elle arrive à contrôler, de manière efficace, les territoires et leurs habitants117
Comme on peut le voir, ces résultats ont précédé les débats actuels sur les
identités et la romanisation Néanmoins, leurs conclusions sont sensiblement
différentes et viennent à confirmer les critiques de certains secteurs de la recherche
envers une théorisation excessive et un regard bienveillant vers les mécanismes purement
impérialistes développés par Rome118 Bien entendu, le souvenir des identités ethniques
préexistantes, autour des lieux de cultes attachés aux origines, a continué à occuper
une place essentielle dans la mémoire individuelle, familiale ou sociale, sans entrer en
conflit avec les identités civiques émergentes119 Mais, après un important processus de
réorganisation et de restructuration, ces dernières sont les seules à être reconnues par
Rome120
4- Les changements de paradigme : nouvelles lectures des sources antiques
Ce changement radical de perspective s’ applique non seulement à
l’ interprétation des données archéologiques et épigraphiques, mais aussi à l’ analyse
des sources littéraires qui, bien que très peu nombreuses, sont indispensables, surtout
quand elles ont un caractère géographique ou ethnographique Il convient de souligner
que le corpus littéraire des références aux peuples préromains avait été évalué auparavant
soit en partant d’ une perspective essentialiste, soit en adoptant un postulat positiviste
On a dû attendre l’ ouvrage de P Thollard, Barbarie et civilisation chez Strabon : Étude
Pour une brève synthèse sur les aires des Gallaïques et des Astures avec les inscriptions et la bibliographie
fondamentale, voir Santos Yanguas 2010
117
Voir n 82 Le Roux 2014 réclame, à juste titre, que le débat terminologique (« hybridation »,
« créolisation », « transfert culturel ») ne peut être abordé avec succès qu’ au cas par cas, vu que la réalité
provinciale est très diverse et que la présence romaine est très différente selon les sphères publique, privée,
religieuse, cultuelle, etc
118
Sur les limites et les possibilités de défendre l’ existence d’ une « identité cultuelle » des communautés
indo-européennes de la péninsule voir Alfayé 2012 Pour le rôle de la « mémoire » dans l’ élaboration des
identités collectives, voir l’ intéressante réflexion de Dan 2015
119
120
Voir Ortiz de Urbina 2019
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critique des livres III et IV de la Géographie en 1987, ou les études de J C Bermejo121
pour qu’ un auteur de l’ importance de Strabon soit mis en valeur et qu’ il cesse d’ être
considéré comme un simple compilateur
Cela s’ explique par le fait qu’ auparavant, la méthodologie dominante avait été
celle de la Quellensforschung allemande : émietter l’ ouvrage du géographe avec le seul
propos de mettre en lumière les sources dont il s’ était servi pour le rédiger Concrètement,
la raison est l’ utilisation récurrente de l’ édition d’ A Schulten, Estrabón, Geografía de
Iberia, publiée en 1952 et l’ omission de celle de F Lasserre de 1966, ainsi que l’ emploi
répandu dans les milieux universitaires espagnols des Fontes Hispaniae Antiquae, un
corpus compilé aussi par Schulten entre les années 20 et 60 du siècle passé ‒ avec un
supplément daté des années 90
Il est indéniable que le volume des informations littéraires dont on dispose
pour la péninsule Ibérique est réduit et fragmentaire, surtout en comparaison avec
d’ autres zones de l’ œkoumène : la situation périphérique d’ Hispania par rapport aux
grands protagonistes et aux événements de l’ histoire ancienne de la Méditerranée a
été un handicap difficile à surmonter Néanmoins, cette particularité rend ce corpus,
même si compliqué à saisir et à évaluer, beaucoup plus précieux Nonobstant, pour le
comprendre, il fallut laisser définitivement de côté une lecture qui voyait ces sources
comme de simples compléments ou ajouts au discours historique dominant, et
commencer à les analyser en prenant compte leur valeur intrinsèque L’ introduction
progressive en Espagne des études axées sur la géographie et l’ ethnographie antiques,
qui avaient déjà un long parcours en Italie et en France122, a favorisé l’ apparition des
nouvelles lectures de ce corpus littéraire123 Dans ce changement de paradigme, Strabon
121
Bermejo 1977-1978 ; 1981 ; 1982 ; 1983 ; 1986 ; 1987
L’ ouvrage édité par F Prontera aux éditions Laterza en 1983 (avec les contributions de Stahl, Jacob,
Peretti, Myres, Janni, Dihle, Dion ou Van Paassen entre autres) peut être considéré un point d’ inflexion, car
le modèle des études consacrées à la géographie et à l’ ethnographie antiques a changé après sa publication
Ce changement commençait à être aperçu déjà dans les travaux d’ Aujac 1966 ; Van Paassen 1957 ; le
bref mais suggestif manuel de Jacob 1991 ; ou l’ approche « révolutionnaire » de Janni 1984 avec une
perception de l’ espace géographique ancien caractérisé comme « hodologique »
122
F J Gómez Espelosín a été pionnier dans l’ étude de la géographie et de l’ ethnographie de l’ Ibérie
d’ un point de vue littéraire (Gómez Espelosín et alii 1994 et 1995) Sans vouloir être exhaustifs nous
soulignerons aussi l’ importance des deux colloques à la Casa de Velázquez (Madrid) en mars 2005 et en
avril 2006 et publiés respectivement en 2006 et 2007 sous le titre de L’invention d’ une géographie de la
péninsule Ibérique, I, L’ époque républicaine et II L’ époque impériale (Cruz Andreotti, Le Roux, Moret 2006
et 2007) Une synthèse récente dans Castro-Páez 2023
123
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a joué, comme nous l’ avons dit tout à l’ heure, un rôle central, car la conservation de son
ouvrage presque complet nous permet une analyse holistique de la péninsule Ibérique
d’ un point de vue historique124 En lisant les commentaires de Schulten tout au long
du livre III de la Géographie, on voit que son travail s’ est limité, comme l’ on vient de le
dire, à essayer d’ établir les sources auxquelles Strabon a puisé En réalité, en critiquant le
manque d’ originalité du géographe d’ Amasée, le philologue allemand montre sa propre
incapacité de comprendre un ouvrage historique et son esprit colossal125
Strabon fait la géographie dont l’ Empire a besoin, mais il ne s’ agit pas d’ une
géographie ou d’ une cartographie qui donnent raison à l’ extension des domaines
impériaux Il rédige une histoire de l’ expansion de la civilisation toujours en tenant
compte du fait que Rome y joue un rôle fondamental sans pour autant être le seul élément
sur le tableau de jeux Strabon se sert du genre littéraire de la géographie afin de montrer
que Rome représente la ligne d’ arrivée ou, si l’ on veut, la dernière étape d’ un processus
de civilisation initié par la Grèce, mais que seule l’ Vrbs a réussi à faire aboutir126
Certes, le livre III de la Géographie peut très bien être expliqué en termes de
civilisation versus barbarie, avec tout ce que l’ organisation spatiale de l’ Ibérie et un
discours narratif et descriptif sur les peuples qui y habitaient et leurs rapports avec Rome
impliquent C’ est un modèle hérité par Strabon de l’ historiographie hellénistique,
mais qui remontait déjà à Hérodote et même à Hécatée : un modèle qui repose sur
une « rhétorique de l’ altérité » parfaitement compréhensible pour un lecteur grec
ou romain et qui, à l’ époque de Strabon, venait de connaître un fort revival en tant
qu’ instrument du discours légitimiste augustéen – dont les Res Gestae constituent un
bon exemple127 Mais c’ est également un modèle historique construit sur l’ acceptation
des profonds changements introduits par Rome dans les territoires soumis Dans ce
schéma né de la conquête et de la pacification, l’ ethnographie de l’ Ibérie joue un rôle
central, bien plus important que la cartographie Par conséquent, pour un auteur
comme Strabon, les conditions environnementales sont importantes mais la capacité
124
Cruz Andreotti 1999
125
Une synthèse peut être consultée dans Cruz Andreotti, Castro-Páez 2021, p 131-150
Cela devient très évident quand on compare le modèle descriptif employé par Strabon tout au long des
livres dédiés aux territoires occidentaux conquis par Rome avec sa description du monde hellénique, qui
répond à un schéma classique où la barbarie n’ a pas de place et où le rôle de Rome est assez dilué Les études
dédiées par F Prontera à Strabon sont innombrables et indispensables : voir Prontera 2016 ; Castro-Páez,
Cruz Andreotti 2020, p xxvii-xxxviii
126
127
García Quintela 2007 ; voir la bibliographie de Bermejo mentionnée dans la n 121
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des peuples à avoir une vie civilisée est absolument indispensable : une agriculture qui
procure la stabilité et la croissance démographique ; un réseau commercial productif et
prospère ; une communauté citadine fondée sur une législation commune Le contraire
est une pauvreté structurale, le recours constant à la guerre et au brigandage pour
arriver à survivre et l’ inexistence d’ un système qui vise à régler la vie communautaire
Voici le rôle que doit jouer Rome : imposer ce système là où il le faut De ce point
de vue, la géographie de la péninsule Ibérique n’ est pas une image fixe mais une
construction permanente, par les communautés qui y habitent Le fait que les deux
référents fondamentaux du livre III de Strabon soient deux historiens comme Polybe et
Posidonius ne doit pas donc nous surprendre128
Quand Strabon entreprend de nommer les grands groupes ethniques qui
s’ articulent sur le littoral nord de la péninsule – les Astures, les Cantabres ou les Basques
dont on a déjà fait mention – et, en même temps, refuse de faire mention des autres à
cause de « leur nom imprononçable et leur manque de prestige »129, il est en train de
doter de catégorie identitaire les peuples qui n’ en avaient pas auparavant car ils étaient
des sauvages Il emploie la même méthode quand il décrit les Celtibères comme des
togati qui, peu de temps auparavant, étaient des barbares130 Dans ce cas précis, Strabon
reconnaît une réalité en transformation, car il raconte que l’ espace celtibérique et la
Lusitanie sont plus réduits qu’ auparavant, alors que les Gallaïcans s’ étaient répandus
vers le nord-ouest, à cause des transferts de population lusitaine en deçà des fleuves
Douro et Tage131 Néanmoins, il ne s’ agit pas non plus d’ une ethnographie actuelle, car
la configuration ethnique péninsulaire antérieure à la présence de Rome continue à y
occuper une place importante132 Toutefois, dans tous ces cas, c’ est la conquête romaine
qui fait apparaître ces peuples dans le récit historique en les définissant et en leur
donnant des limites plus ou moins définies, selon un modèle cohérent d’ articulation
de leurs territoires (oppida, póleis) Par conséquent, c’ est encore Rome qui leur attribue
(ou non) une identité spécifique, car elle-même en a besoin Cette identité, comme on
128
Cruz Andreotti 2009 ; Cruz Andreotti, Ciprés Torres 2011 ; Le Roux 2010, p 105-107
Strabon, Géographie, III, 3, 7 : ὀκνῶ δὲ τοῖς ὀνόμασι πλεονάζειν φεύγων τὸ ἀηδὲς τῆς γραφῆς ‒ εἰ μή τινι
πρὸς ἡδονῆς ἐστιν ἀκούειν Πλευταύρους καὶ Βαρδυήτας καὶ Ἀλλότριγας καὶ ἄλλα χείρω καὶ ἀσημότερα τούτων
ὀνόματα
129
130
Strabon, Géographie, III, 2, 15 ; III, 4, 20
131
Strabon, Géographie, III, 2, 11 ; III, 1, 6 ; III, 3, 2 et 3
132
Moret 2004 et 2017, spécialement les chapitres 1 et 4 pour l’ ethnographie précédente
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l’ a vu, émerge tant dans les sources littéraires que dans les témoignages épigraphiques133
Pour citer Polybe (à propos de l’ Ibérie) :
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Les Turdétans participent, eux aussi, à un mécanisme de création identitaire
Mais ce processus n’ a pas été mis en marche par Rome Aux yeux de Strabon, les
habitants du Sud de la péninsule ont derrière eux un parcours historique qui est qualifié
de civilisé, grâce à leurs contacts avec les Phéniciens, les Puniques et, en dernier lieu,
avec les Romains C’ est à cause de cela qu’ ils sont appelés togati135, tout un symbole
d’ identité culturelle136 Les Turdétans sont les seuls à qui Strabon peut attribuer un
schéma ethno-identitaire classique : depuis l’ Antiquité, ils ont eu une langue et une
littérature propres, une histoire de leurs origines (Tartessos) enregistrée par leurs
scribes, un territoire articulé tout autour du fleuve Bétis, une claire tendance à la vie
poliade et, même, un corpus de lois composé en vers137 À ne pas s’ en douter, Strabon
leur reconnaît une identité précise qui existait déjà avant l’ arrivée de Rome, identité qui
La portée historique de cette « reconnaissance » n’ est pas facile à saisir car les documents apparaissent
pendant la guerre ou immédiatement après (voir Ciprés Torres 2006 et plus précisément 2012) Pour les
ethnè, gentes, populi ou regiones chez Pline, dans le contexte de l’ expansion de la civitas dans l’ articulation
territoriale et/ou identitaire de l’ Hispanie citérieure voir Ciprés Torres 2014 ; 2016 ; 2017 ; 2019 ; 2020
133
Polybe, Histoires, III, 37, 11 Polybe signalait, à son tour, que la connaissance certaine de la périphérie
œcuménique n’ arriva qu’ après les conquêtes d’ Alexandre et de Rome (III, 59, 1-5) Pour Polybe et la
géographie de l’ Ibérie voir Cruz Andreotti 2003
134
135
Strabon, Géographie, III, 2, 15
Nous gardons la lecture de togati proposée par Meineke face à celle de stolati proposée par Lasserre, en
consonance avec la lecture de Le Roux 2006a, p 22 En Turdétanie, on constate un fait singulier par rapport
à d’ autres régions péninsulaires : le passage d’ une identité culturelle parfaitement assimilable (les togati du
texte) à une identité juridique et politique (les Latini) qui n’ est pas encore confirmée de manière définitive
Dans le premier des cas, la toge portée par les élites ibériques (García Cardiel 2019) peut être expliquée par
un usage symbolique qui signale certains liens individuels avec la puissance dominatrice et l’ éloignement
conscient de l’ individu qui la porte de la communauté ethnique dont il fait partie (voir Le Roux 2006a,
p 22-35) L’ abandon de sa langue maternelle et l’ adoption du latin comme langue véhiculaire tel que nous
explique Strabon est un instrument d’ acculturation plutôt mythique que réel (Dubuisson 1982 ; à propos
de l’ implantation « réelle » du latin, voir Beltrán 2004, et Le Roux 2010, p 93-104)
136
Strabon, Géographie, III, 1, 6 Pour l’ emploi du mythe de Tartessos dans l’ invention du passé prestigieux
de la Turdétanie chez Strabon, voir Cruz Andreotti 2010 et 2019b
137
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τὸ δὲ παρὰ τὴν ἔξω καὶ μεγάλην προσαγορευομένην κοινὴν μὲν ὀνομασίαν οὐκ ἔχει διὰ τὸ
προσφάτως κατωπτεῦσθαι, κατοικεῖται δὲ πᾶν ὑπὸ βαρβάρων ἐθνῶν καὶ πολυανθρώπων, ὑπὲρ
ὧν ἡμεῖς μετὰ ταῦτα τὸν134
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
322
était peut-être plus complexe qu’ une simple construction littéraire138 C’ est du moins
ce que semblent indiquer les écrits d’ Asclépiades de Myrlea, qui avait été invité par les
élites locales en tant qu’ enseignant de grammaire139, ou d’ Artémidore d’ Éphèse et de
Posidonius d’ Apamée lorsqu’ ils menaient leurs recherches au sud de la péninsule140 On
comprend mieux pourquoi Strabon fait des Phéniciens et des Puniques les découvreurs
et les maîtres du littoral méridional hispanique avant l’ avènement de Rome, et la plus
grande partie de la population contemporaine141, ainsi que le colophon avec lequel
Strabon clôt la description de la Turdétanie :
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L’ identité est commune à tous Le schéma narratif de Strabon apparaît de façon
très nette : la présence des Phéniciens et des Puniques et les extraordinaires conditions
naturelles du milieu ont donné lieu à un développement ethno-génétique exemplaire,
ce qui a facilité le chemin vers une « romanisation » réelle143
Par opposition à ce que l’ on constate parmi les peuples du nord de la péninsule,
l’ emploi du mot « turdétan » n’ apparaît pas comme ethnonyme dans l’ épigraphie
républicaine ou impériale, probablement parce que ce que l’ on considère « turdétan »
est la seule identité assimilable à ce que l’ on appelle « romain », à la différence des
138
Pour le modèle identitaire grec, voir Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 4
139
Strabon, Géographie, III, 4, 3
140
Strabon, Géographie, III, 1, 4 et III 5, 8 respectivement
141
Strabon, Géographie, III, 2, 13 et 14
142
Strabon, Géographie, III, 2, 15
Voir n 128 Bendala 2006 signalait déjà le fait que la rapide « romanisation » de la partie méridionale
de la Péninsule ne serait pas arrivée s’ il n’ y avait pas eu un réseau urbain et institutionnel préalable, avec
des systèmes d’ organisation et d’ exploitation des produits agricoles, miniers, maritimes, etc qui avait
été mis en place auparavant par les Phéniciens et les Puniques occidentaux hybridés avec les populations
locales Il conclut : « De modo que en una ciudad de la Bética, durante mucho tiempo bajo la dominación
romana, un individuo podría vestir toga, porque había adquirido la ciudadanía romana, comer a la
manera turdetana, orar y venerar a sus dioses según la tradición púnica y enterrar a sus muertos según
ritos mezclados de tradiciones púnicas, turdetanas y romanas, algunas de ellas parecidas o concluyentes »
(p 292) (cf García Fernández 2019) À propos de la survivance d’ une identité phénicienne à la manière
« romaine » pendant la période républicaine : Machuca Prieto 2019a, 2019b, Ferrer Albelda 2019,
Álvarez Martí-Aguilar 2019
143
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Λατῖνοί τε οἱ πλεῖστοι γεγόνασι καὶ ἐποίκους εἰλήφασι Ῥωμαίους, ὥστε μικρὸν ἀπέχουσι τοῦ
πάντες εἶναι Ῥωμαῖοι142
323
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autres communautés hispaniques144 Est-il possible que toute cette complexe élaboration
de Strabon, avec cette mention d’ Asclépiades, soit une sorte d’ hápax littéraire ?
Évidemment, cela serait la réponse la plus facile à défendre et, en conséquence, la plus
répandue : voir la description de Strabon comme un construit littéraire Mais c’ est
aussi possible que l’ identification tartésique-turdétan/Tartesos-Turdétanie et même
l’ idée d’ un Tartesos légendaire, identifié avec les horizons phénicien et gaditan, soit
restée dans la mémoire collective, au moins pendant la période romaine, d’ après ce
que les sources littéraires laissent entrevoir On ne veut pas mettre en cause le fait que
Strabon élabore une narration cohérente mais, il est possible que cette mémoire était
déjà présente dans certaines traditions locales qui, de ce fait, réaffirment leur caractère
et rivalisent pour avoir une « identité classique et prestigieuse » Dès lors, nous avons
affaire à des poleis qui non seulement partageaient un passé légendaire, tissu à partir
de modèles hellénistiques bien connus, mais aussi à une coexistence de populations
et d’ ethnè, non seulement au sein de fondations d’ origine romaine, mais aussi tout
autour de poleis cataloguées comme mixtes, tel que l’ était la propre Corduba, capitale
provinciale Dans ce sens-là, le rôle de Gades en tant que ville fondée par Héraclès et
distinguée par l’ octroi de la citoyenneté en 49 avant J -C devient essentiel au moment
où il était question de revendiquer son passé singulier et une certaine position de
domination sur les communautés méridionales145 Le fait que des personnalités de la
taille d’ Artémidore, de Posidonius ou d’ Asclépides choisissaient Gades comme « base
L’ ethnique Turduli apparaît dans l’ épigraphie comme indicatif d’ origine (HEp 1998, 76 ; HEp 1998,
28 y CIL II, 523) Rappelons que chez Polybe (Histoires, XXXIV, 9), les Turduli et les Turdetani étaient
deux ethnies différentes ; Strabon, en revanche, souligne qu’ à son époque il n’ y existe plus de distinction
entre eux (Géographie, III, 1, 6) Pline l’ Ancien (Histoire naturelle, III, 8) ou Mela (Chorographie, III, 1, 7 ;
III, 1, 12) ne font mention que des Turduli Ces données peuvent peut-être indiquer une identité double,
les Turdetani étant identifiés avec ce que l’ on considère comme « romain », alors que les Turduli seraient
plus puniques, comme les Bastuli-Bastetani : Pline l’ Ancien, Histoire naturelle, III, 8 ; Strabon, Géographie,
III 1, 7 ; III 4, 1 Cf Ferrer Albelda, García Fernández 2002 et García Fernández 2019
144
Strabon, en suivant Posidonius, souligne la survivance d’ un récit identitaire propre à Gades,
directement attaché aux prestigieuses origines tyriennes (en concurrence avec les « nouvelles » origines
italiques des autres communautés, comme le montre Asclépiades) Quand Posidonius visite Gades
(Strabon, Géographie, III, 5, 5-6), il y a encore deux traditions sur l’ emplacement des Colonnes : la première
‒ d’ origine grecque ‒ les plaçait au Détroit de Gibraltar et la second ‒ d’ origine locale ‒ à l’ Héracleion
gaditan, le temple le plus ancien dédié à Melkart en Occident On en déduit l’ existence de deux « histoires
de fondation » divergentes La question n’ est pas sans importance, ni hasardeuse, ni simplement érudite :
Gades était, il ne faut pas l’ oublier, la plus « romaine » des villes de la Bétique Voir Álvarez Martí-Aguilar
2014 avec toutes les références textuelles
145
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opérationnelle » pendant leurs séjours en Ibérie prend, de ce point de vue, tout son
sens La Turdétanie de Strabon qui, pour l’ historiographie traditionnelle, était le cas
de figure de la romanisation, peut être lue, en revanche, comme un véritable essai de
constructions identitaires convergentes encouragé par Rome, mais en réalité de manière
assez différente du reste de la péninsule
Le passé (autrefois) et le présent (aujourd’ hui) et avec eux les processus de
déconstruction et de construction ethno-identitaires sont autant d’ éléments nucléaires
dans le récit strabonien, car ils font partie de l’ élaboration du paysage péninsulaire et
de la condition historique de sa géographie La « romanisation » relatée par Strabon
n’ est pas du tout homogène, car les différents niveaux de narrations nous parlent de
très divers acteurs, en nous montrant comment l’ attitude de Rome n’ est pas toujours la
même et qu’ elle dépend de qui est en face La description de Pline l’ Ancien constitue le
point d’ arrivée de ce long processus146
5- En guise de conclusion
Retournons au début de notre exposé : « romanisation » et « identité » ne sont
pas deux concepts opposés, mais complémentaires Ils font partie d’ un même processus
historique où, sans le développement de l’ élément local, l’ énorme capacité romaine
à maintenir stable un si vaste empire, du moins entre le ier et le iie siècles après J -C ,
ne peut pas être comprise Le débat post-colonial sur la romanisation a sans aucun
doute contribué à ouvrir de nouvelles perspectives dans l’ analyse de la documentation
disponible et à confirmer sa valeur et sa richesse, également pour l’ histoire de la
péninsule Ibérique En tout cas, les données étaient là pour ceux qui voulaient les
voir sans les charges historiographiques du passé L’ historiographie espagnole l’ a fait
depuis les années 1980 sans préjugés, en sachant bien que la péninsule Ibérique a été
le premier grand laboratoire extra-italien de mise en œuvre de l’ impérialisme romain
Dans ce contexte, les « nouvelles identités » jouent un rôle essentiel, jusqu’ à arriver à
conformer un ensemble de sociétés provinciales à caractère hétérogène, dans lesquelles
il n’ y a rien de véritablement romain ou d’ essentiellement autochtone
146
Voir n 126
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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V- Considerazioni sulla cronologia del rinnovamento urbanistico delle città
della provincia romana di Sicilia
Questo articolo ha come obiettivo l’ analisi e la definizione dell’ ambito
cronologico del rinnovamento urbanistico che interessò le città della provincia romana
di Sicilia, istituita successivamente alla prima guerra punica nel solo settore occidentale,
per essere poi estesa a tutta l’ isola dopo la conquista anche del settore centroorientale durante la seconda guerra punica147 (fig. 1) Si tratta di un contesto storico
particolarmente difficile da definire, tenuto conto che sia i dati archeologici sia quelli
storico-epigrafici relativi alla prima fase della provincia si presentano particolarmente
scarni
Tra le esigue notizie storiche di cui disponiamo, va certamente ricordato il passo
di Livio, che riferisce della punizione che i Romani inflissero alla città di Morgantina
per essersi ribellata a loro durante la II guerra punica, consegnando la città a un gruppo
di ausiliari spagnoli guidati da Merico Il senato aveva deciso per decreto di assegnare
una città agli Spagnoli, mentre la scelta fu effettuata dal pretore M Cornelio tra le città
che erano passate a Cartagine 148
Questa forma d’ intervento da parte dei Romani con assegnazioni di città e terre
a determinati gruppi militari si presenta analoga ad altri casi, quale ad esempio quello
delle terre e dell’ oppidum, poi chiamato Valentia nella Hispania Ulterior, assegnati
ai soldati che avevano prestato servizio militare sub Viriatho, il condottiero lusitano
morto nel 139 a C 149
147
Soraci 2016, p 44-51, con bibl prec
M. Cornelius praetor et militum animos nunc consolando nunc castigando sedavit, et civitates omnes quae
defecerant in dicionem redegit; atque ex iis Murgentiam Hispanis quibus urbs agerque debebatur ex senatus
consulto attribuit: Livio, XXVI, 21, 17
148
149
Iunius Brutus cos. in Hispania iis qui sub Viriatho militaverant agros et oppidum dedit, quod vocatum
est Valentia: Livio, Periochae, LV, 4 Bandelli 2002, p 108 Per S Sisani invece sub Viriatho avrebbe una
valenza esclusivamente temporale, ovvero “al tempo di Viriato” (Sisani 2018, p 344-345)
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Gonzalo Cruz Andreotti, Encarnación Castro-Páez
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
Figura 1: Pianta della Sicilia antica.
Crediti/fonte: De Vincenzo 2013a, p. 9, fig. 2.
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Il racconto di Livio, pur fornendoci quindi una notizia estremamente preziosa,
apre però uno squarcio su di una serie di accadimenti e di procedure utilizzate da Roma
anche in Sicilia durante una fase particolarmente povera di notizie storiche Tenuto
conto della diffusione di questa procedura, non si può certamente escludere che simili
operazioni siano state effettuate anche in riferimento ad altri centri o contesti territoriali
di Sicilia, che nel corso delle prime due guerre puniche si erano opposti o che avevano
tradito Roma
Analoghe considerazioni si possono avanzare per due passaggi delle Verrine,
dove Cicerone riferisce dell’ intervento di Verre per favorire la nomina di nuovi senatori
nei senati di Agrigento150 e di Eraclea Minoa151 In questi centri il numero dei senatori
provenienti dalle fila dei vecchi abitanti doveva essere superiore a quello dei coloni Verre
però, ricevendone in cambio favori, sostenne la nomina di un senatore proveniente dai
coloni, contravvenendo quindi alla norma che definiva la composizione di tali senati
Il dato significativo ai fini di questa analisi è però la presenza di coloni in questi
due centri, spostati secondo Cicerone da altri oppida di Sicilia Ad Agrigento i coloni
furono insediati dal pretore T Manlio, probabilmente Manlio Vulsone, pretore del
197 a C ; ad Eraclea Minoa invece i coloni furono insediati da Publio Rupilio, pretore
nel 131 a C 152 La notizia di Cicerone, ancorché cursoria, getta anche in questo caso
una luce significativa su accadimenti di cui altrimenti si sarebbe completamente persa
memoria Soprattutto i passi in questione delle Verrine lasciano intuire l’ esistenza di
procedure, quali quelle dello spostamento di persone da vari oppida della Sicilia e del
loro insediamento come coloni in determinate città, che con ogni probabilità potrebbe
risultare anche diffuso, tenuto conto che i due episodi sono documentati a circa
settant’ anni l’ uno dall’ altro
150
Agrigentini de senatu cooptando Scipionis leges antiquas habent, in quibus et illa eadem sancta sunt et
hoc amplius: cum Agrigentinorum duo genera sint, unum veterum, alterum colonorum quos Titus Manlius
praetor ex senatus consulto de oppidis Siculorum deduxit Agrigentum, cautum est in Scipionis legibus ne plures
essent in senatu ex colonorum numero quam ex vetere Agrigentinorum: Cicerone, In Verrem, II, 2, 123
Idem fecit Heracleae. Nam eo quoque colonos Publius Rupilius deduxit, legesque similes de cooptando
senatu et de numero veterum ac novorum dedit. Ibi non solum iste ut apud ceteros pecuniam accepit, sed etiam
genera veterum ac novorum numerumque permiscuit: Cicerone, In Verrem, II, 2, 125
151
152
Manganaro 1980, p 422-423
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I casi evidenziati da Cicerone non sono certamente isolati nel contemporaneo
panorama delle province, quali ad esempio quelle galliche e quelle iberiche 153
Significativo in questo senso l’ esempio di Aquae Sextiae nella Narbonense, città fondata
nel 122 a C 154 All’ interno di un più antico oppidum fu insediato un presidio di cittadini
romani, nel quale è stato proposto di riconoscere non uno stanziamento militare ma
un conventus di negotiatores Quello di Aquae Sextiae viene quindi a configurarsi come
un significativo esempio di un centro provinciale, riorganizzato dal punto di vista sia
giuridico sia urbanistico da parte di Roma Tali radicali interventi erano realizzati
nell’ ambito della pratica della contributio su iniziativa dei singoli magistrati per dare
seguito a esigenze legate al controllo territoriale, senza quindi una pronuncia da parte
del senato, come di norma avveniva fino a tutto il II a C 155
Ulteriori esempi provengono dai territori iberici a nord del fiume Tagus, dove
durante le campagne di Bruto Callaico, riferibili agli anni 138-136 a C , i Romani
ridussero a villaggio la maggior parte delle città di questa regione, mentre altre furono
accresciute concentrando lì la popolazione 156 Tra gli interventi che diedero vita a nuove
comunità con un proprio centro e un proprio territorio vi è la fondazione dell’ oppidum
di Gracchuris nella Hispania Citerior, avvenuta nel 178 a C da parte di T Sempronio
Gracco 157 A quest’ ultimo si deve inoltre la fondazione di Complega, ancora nella
Citerior, realizzata secondo Appiano aggiungendo agli abitanti della città indigena
anche elementi di classi sociali subalterne, a cui furono assegnate delle terre 158
In merito a problematiche analoghe nella Grecia di età romana intese come “urbanizzazione forzata”
vd Alcock 1993, p 183-187
153
Livio, Periochae, LXI, 1; Strabone, IV, 1, 5; Cassiodoro, Chronica, 442 Tali passi lasciano ipotizzare
degli interventi di natura esclusivamente urbanistica piuttosto che la deduzione di una vera e propria
colonia, come si evincerebbe anche dal verbo condere mai utilizzato da Livio con il significato di (coloniam)
deducere
154
155
Sisani 2018, p 338-339 In merito alla contributio vd Laffi 1966, p 99-165
156
Strabone, III, 3, 1-5 Sisani 2018, p 339
Tib. Sempronius Gracchus procos. Celtiberos victos in deditionem accepit, monimentumque operum
suorum Gracchurim, oppidum in Hispania, constituit: Livio, Periochae, XLI, 2 Bandelli 2002, p 107-108
157
158
[…] τῆς Κομπλέγας κατέσχε καὶ τῶν περιοίκων Τοὺς δὲ ἀπόρους συνῴκιζε, καὶ γῆν αὐτοῖς διεμέτρει
(Appiano, Hispania, 43) Bandelli 2002, p 107 Sempronio Gracco nel 178 a C dedusse nella Hispania
Ulterior anche Iliturgi: Ti. Sempronio Graccho / deductori / populus Iliturgitanus: CIL II2, 7, 32 Nella
Ulterior fu inoltre fondata probabilmente nel 189 a C Turris Luscutana da parte di L Emilio Paolo,
che dopo aver liberato i servi degli Hastenses residenti nel centro di Turris Luscutana, assegnò loro sia la
città sia il territorio: L. Aimilius L. f. inpeirator decreivit / utei quei Hastensium servei / in Turri Lascutana
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Simili procedure insediative e nel contempo fondative risultavano pertanto in
ambito provinciale durante il II a C particolarmente diffuse Si tratta di vere e proprie
fondazioni promosse da magistrati o promagistrati cum imperio, dotati della facoltà di
operare a loro completo arbitrio Tali fondazioni, realizzate in modo quasi esclusivo con
indigeni provenienti anche dagli strati subalterni, erano caratterizzate quasi certamente
da una condizione giuridica destinata a rimanere peregrina 159 In linea generale quanto
documentato nei territori delle province galliche e soprattutto iberiche potrebbe quindi
offrire un utile confronto per quanto potrebbe essere stato realizzato anche in Sicilia e
di cui non sono rimaste che tracce storiche estremamente labili
Passando ad analizzare i dati archeologici relativi alla struttura e alla cronologia
degli impianti urbanistici di età romana di alcuni significativi centri dell’ isola, non
si può trascurare di soffermarsi su Agrigento ed Eraclea Minoa, in considerazione
anche della cursoria e isolata notizia di Cicerone relativa all’ insediamento di coloni in
queste due città 160 Ad Agrigento nello specifico, la strutturazione del c d Quartiere
ellenistico-romano è stata datata genericamente al IV-III sec a C sulla base della
tecnica edilizia, in considerazione soprattutto dell’ utilizzo di blocchi in bugnato,
ritenuti simili a quelli del bouleuterion 161 Solo tra la fine del II e il I sec a C sarebbero
stati invece realizzati i muri perimetrali degli isolati È in questa fase che si affermano
ad Agrigento una serie di edifici considerati prossimi ai modelli romani 162 Ancora da
definire risulta invece la cronologia del teatro, di recente scoperta, ritenuto l’ ultimo
intervento monumentale nell’ area dell’ agora, la cui edificazione è stata collocata in via
ancora preliminare tra la fine del III e il II sec a C 163 È stato inoltre ipotizzato che
tale monumento, in modo simile ad altri centri greci, abbia soppiantato nelle funzioni
politiche l’ ekklesiasterion, caduto invece in disuso nel corso del II sec a C e obliterato
habitarent / leiberei essent, agrum oppidumqu(e) / quod ea tempestate posedisent / item possidere habereque /
iousit dum poplus senatusque / Romanus vellet. Act(um) in castreis / a(nte) d(iem) XII K(alendas) Februarias
(CIL I2 614) Bandelli 2002, p 107 Una notizia di Plinio documenta la fondazione di Tarraco da parte di
Scipione, forse nel 206 a C , senza però fornire notizie in merito alla natura dei coloni: colonia Tarracon,
Scipionum opus, sicut Carthago Poenorum: Plinio, Naturalis historia, III, 21 Terraconam in Hispania
Scipiones construxerunt (Isidoro, Etymologiarum sive Originum, XV, 1, 65); Sisani 2018, p 339
159
Bandelli 2002, p 115, 120-121, 124
160
Cicerone, In Verrem, II, 2, 123 e 125
161
In generale sul c d quartiere ellenistico romano vd De Miro 2010; Lepore et al 2019
162
De Miro 2010, p 407; Aiosa 2018, p 87; Giannella 2015, p 136-137
163
Brienza, Caliò 2018, p 55
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poi contestualmente alla costruzione del c d Oratorio di Falaride In modo analogo è
stata avanzata la suggestione che l’ edificazione del teatro potrebbe essere da ricondurre
allo sviluppo di Agrigento dopo l’ arrivo dei coloni voluta da Manlio Vulsone, pretore
del 197 a C 164 Il dato interessante, in linea generale, è che successivamente alla II guerra
punica la città sembrerebbe mostrare tracce, ancorché esigue, di un rinnovamento
urbano, documentato dall’ edificazione del teatro, che verrà poi ad assumere le funzioni
politiche dell’ ekklesiasterion della città greca
Della struttura urbana di Eraclea Minoa, città presa da Roma probabilmente
dopo la caduta di Agrigento nel 210 a C , si conosce unicamente il settore del teatro,
del quartiere abitativo immediatamente a sud di questo e parte della cinta muraria165
(fig. 2) I dati di scavo sono nel loro insieme ancora molto parziali e non consentono
di definire il contesto culturale in cui è maturato il suo impianto urbanistico regolare
Questo si fonderebbe su insulae larghe ca 35 m, secondo la ricostruzione proposta da
E Schmidt sulla base della fotografia aerea, ed è datato in genere alla seconda metà
del IV sec a C 166 Alla fase più antica della città sono stati riferiti gli isolati regolari, il
sistema viario ortogonale e le tracce di una cinta muraria conservata solamente a nord
del pianoro della città 167
Un successivo radicale intervento è documentato dalla realizzazione del muro di
fortificazione in opera quadrata con bugnato, immediatamente a est del teatro, che ha
prodotto il restringimento dell’ area urbana 168 L’ impostazione del muro taglia le case
più antiche, ovvero quelle del c d strato II, ed è stata datata a una fase compresa tra
le due guerre puniche Il successivo allargamento di questo muro, che sembra invece
adattarsi a tali case, evitando di distruggerle, ma causando l’ obliterazione dell’ euripo
del teatro, è stato messo in relazione con la prima guerra servile 169
164
Soraci 2017, p 19 Sulla deduzione di una colonia ad Agrigento vd Manganaro 1980, p 422-423
Polibio, I, 26-29 Schmiedt 1957, p 25-27 Alla città arcaica e classica, sono stati ricondotti unicamente
alcuni tratti della cinta muraria in mattoni crudi, ritenuti contestuali alla prima fase, conservati sotto le
mura ellenistiche: De Miro 2014
165
166
Schmiedt 1957; De Miro 1958b; 1966, p 233
De Miro 1965, p 11-14 Questa risistemazione e stata interpretata dagli scavatori come conseguenza
di una fondazione da parte di “Eracleoti da Cefalodio” che ripopolarono il centro: De Miro 2003, p 278
167
168
De Miro 1958a, p 232-239; 1965, p 15; 1966, p 229
169
De Miro 1965, p 15
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Figura 2: Eraclea Minoa. Planimetria dell’ area del teatro.
Crediti/fonte: De Miro 1965, p. 41, fig. 20.
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Riguardo all’ edilizia privata, una serie di case della prima fase (strato II)
presentano consistenti tracce di riutilizzo, documentate dallo strato I,170 ricondotto
quest’ ultimo all’ episodio citato da Cicerone, secondo cui Rupilio, pretore nel 131 a C ,
avrebbe introdotto dei coloni in città; l’ isolato mostra un successivo abbandono nel
corso del terzo quarto del I sec a C 171
Riguardo alle case dello strato I, ovvero quelle datate alla fase di Rupilio, queste
presentano strutture più povere delle precedenti, evidenziando inoltre una disposizione
urbanistica maggiormente irregolare Al riguardo tali case vanno a occupare una serie
di spazi in precedenza a destinazione pubblica, come nel caso dell’ area antistante al
teatro Sulla base delle similitudini tra le case di Eraclea Minoa e quelle di Finziade
è stato invece proposto in modo condivisibile uno spostamento della loro cronologia
e del rinnovamento dell’ impianto urbanistico a una fase compresa tra la fine del III e
l’ inizio del II sec a C , prossima quindi alla fine della II guerra punica 172
L’ osservazione dei contesti di fondazione del rinnovamento urbanistico di età
romana di Agrigento e Eraclea Minoa conferma, in modo concreto, l’ estrema esiguità
e parzialità dei dati stratigrafici e in generale archeologici di cui disponiamo riguardo a
questa strategica e articolata fase della provincia romana Gli elementi in nostro possesso,
come è ben noto, diventano maggiormente consistenti in riferimento alla diffusa fase di
monumentalizzazione dei centri della Sicilia romana, datata in modo ormai condiviso
a partire dalla fine del II sec a C Tale monumentalizzazione, in molti dei centri
dell’ isola, va però ad inserirsi all’ interno di una precedente, radicale riorganizzazione
urbanistica delle città, documentata dalla presenza di strutture urbanistiche di tipo
ortogonale, che lasciano postulare un progetto urbano unitario alla base di una serie
di città, quali ad esempio Solunto, Halaesa, Thermae Himeraeae, Tindari e Finziade 173
Tali progetti urbanistici unitari sono da riferire alla fase romana dell’ isola e devono
di conseguenza essere intesi come delle vere e proprie rifondazioni, successivamente
monumentalizzate sullo scorcio del II sec a C 174 Ancora aperta resta però la questione
170
De Miro 1966, p 223; 1980
Cicerone, In Verrem, II, 2, 125 La Torre 2006, p 90 Per più recenti indagini stratigrafiche in relazione
all’ edilizia privata di Eraclea Minoa vd Campagna 1996
171
La Torre 2006, p 90 Per una proposta di cronologia della riorganizzazione dei centri della Sicilia
centrale “starting perhaps about 180 BC or 170 BC ” vd Wilson 2013, p 100
172
173
La Torre 2006; 2009
174
Per i termini della questione vd De Vincenzo 2018, con bibl prec
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relativa alla cronologia di tali rifondazioni ed è proprio questo aspetto, come anticipato,
che si vuole affrontare in questo contributo
Allo sviluppo di progetti urbanistici di tipo regolare fanno da contraltare una
serie di impianti, quali ad esempio quelli dei centri elimi, in primo luogo Segesta e
Monte Iato, connotati invece da un’ urbanistica non ortogonale ma di tipo scenografico
Significativo anche il caso di Tauromenion, sulla costa orientale dell’ isola, anch’ esso
situato in altura così come gli insediamenti elimi 175 Questi centri conserveranno in
età romana il loro assetto urbanistico, successivamente interessato da una consistente
monumentalizzazione, in modo precipuo dei settori pubblici a partire dalla fine del
II sec a C 176
Tra i contesti maggiormente esplicativi ai fini di questa disamina vi è il caso
di Finziade, centro fondato nel 282 a C alla foce dell’ Himera da Finzia, tiranno di
Agrigento, ma che secondo la condivisibile ricostruzione di G F La Torre avrebbe
sviluppato un’ urbanistica di tipo regolare negli anni successivi alla seconda guerra
punica 177 Le indagini stratigrafiche hanno consentito d’ indagare nella loro interezza
due abitazioni, mentre una terza è stata scavata solamente per metà Tali case hanno
evidenziato misure costanti (14,3 x 13,4 m), con una superficie di ca 190 m2 Allo
stesso modo, le case presentano analoghe caratteristiche sia strutturali, con zoccolature
in blocchi di pietra locale e alzato in crudo, sia decorative, con pavimenti in calce e in
cocciopesto con tessere inserite e con intonaci e cornici in stucco di primo stile 178 La
struttura urbanistica del centro risulta articolata con isolati rettangolari larghi 27/28 m
e lunghi ca 54 m, con un rapporto quindi tra i lati di 1:2 179
In merito alla cronologia, sia l’ impostazione delle case indagate sia la stessa
struttura urbanistica del centro con isolati regolari sono state ritenute di poco successive
alla II guerra punica, quando Finziade da avamposto militare e base per la flotta romana
Lo sviluppo urbanistico in senso scenografico di matrice microasiatica di Tauromenion è stato
ricondotto alla politica urbanistica ed edilizia di Ierone II di Siracusa: Campagna 2009, p 215
175
Sulla monumentalizzazione di età tardo-repubblicana dei centri urbani di Sicilia vd Campagna 2006;
De Vincenzo 2013a, p 114-129
176
177
Sull’ impianto urbanistico di Finziade vd La Torre 2006, p 83-90; 2009, p 195-196
178
La Torre 2006, p 83-85
La Torre 2006, p 87 Gli stenopoi sono larghi ca 3 m, mentre gli ambitus che dividono le insulae nel
senso della lunghezza mostrano una larghezza di 0,6 m
179
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durante la I guerra punica passò a essere uno dei maggiori centri caricatori di grano da
inviare a Roma 180
Significativo anche il contesto di Tindari, fondata da Dionisio I di Siracusa
nel 396 a C (fig. 3) Sulla scorta dei dati restituiti dallo scavo integrale dell’ insula
IV, sono stati ipotizzati isolati di 28,3 x 72,4 m, secondo un modulo quindi di 1:2,5,
composti da due file di cinque case di ca 14 x 13,5 m, in modo analogo a quelle di
Finziade 181 L’ impostazione delle case indagate è stata datata tra la fine del II e l’ inizio
del I sec a C , mentre l’ impianto urbanistico della città è stato ritenuto genericamente
almeno successivo alla deditio ai Romani nel 254 a C , avvenuto insieme a Solunto e
Iaitai durante la I guerra punica, senza escludere una datazione della struttura urbana
di Tindari con il contestuale passaggio del centro da phrourion a polis subito dopo la
II guerra punica Alla strutturazione del centro in senso urbano seguì poi una fase di
monumentalizzazione sostenuta dalla ricca aristocrazia locale 182
Sebbene ancora più esigui siano i dati archeologici relativi ad Halaesa, è stato
comunque ipotizzato anche per questo centro, caratterizzato analogamente ai casi
di Tindari e Finziade da isolati rettangolari in rapporto di 1:2, uno sviluppo urbano
almeno successivo alla I guerra punica 183
In considerazione del rapporto tra i lati degli isolati, prossimo a un modulo di 1:2,
che sembra caratterizzare i centri sopra descritti, si potrebbe con ogni probabilità inserire
in tale ambito cronologico anche il caso di Cefalù, situato sulla costa settentrionale
dell’ isola L’ impianto urbanistico è stato ricostruito con isolati di ca 30 x 60 m , con un
modulo quindi di 1:2, proponendo per la sua impostazione una generica datazione a
età ellenistica 184
La Torre 2006, p 89-90 Finziade è citata da Cicerone accanto ad Halaesa e Catania quale centro dove
un produttore di Enna poteva concentrare e consegnare il grano al pretore: Cicerone, In Verrem, II, 3, 192
180
181
La Torre 2006, p 90-91; Spigo 2006
182
La Torre 2006, p 91-93; 2009, p 197
183
Scibona, Tigano 2009; La Torre 2006, p 87, 92; Portale 2017, p 109-110
184
Tullio 1993
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Figura 3: Tindari. Impianto urbanistico.
Crediti/fonte: Spigo 2006, p. 98, fig. 1.
Tra i casi maggiormente esplicativi per ciò che concerne la definizione dei
contesti urbanistici della fase più antica della provincia Sicilia vi è certamente quello
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Figura 4: Solunto. Planimetria della città romana.
Crediti/fonte: Van Wiegand 1997, p. 3, fig. 2.
Tra i pochi elementi riconducibili alla più antica frequentazione del sito,
anteriore alla fase di monumentalizzazione dell’ ultimo quarto del II sec a C , vi sono
quelli restituiti dagli scavi effettuati da C Greco sotto parte del lastricato della c d
Diodoro Siculo, XIV, 48, 4-5; 78, 7 Per una sintesi sulla storia degli scavi di Solunto vd Cutroni Tusa
et al. 1994, p 12-15
185
Ad oggi sono visibili tre plateiai larghe 8 m, di cui quella centrale, la c d Via dell’ Agorà, costituisce
l’ asse principale che congiunge l’ area urbana con la pianura sottostante Sull’ urbanistica di Solunto vd
Italia, Lima 1987; Cutroni Tusa et al. 1994, p 33-36; Portale 2006; 2017, p 103-109
186
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di Solunto Il centro è stato fondato in un momento ancora imprecisato nel corso del
IV sec a C sulla sommità del monte Catalfano, su di un pianoro con un accentuato
dislivello 185 La città con una superficie di circa 18 ettari, nonostante la forte pendenza,
da una quota di 235 a una quota di 170 m, presenta un impianto urbanistico regolare,
con assi stradali che delimitano isolati disposti per strigas, ciascuno di 40 x 80 m ca,
secondo un modulo 1:2186 (fig. 4)
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Via degli Ulivi Tali indagini hanno evidenziato tre battuti pavimentali sovrapposti,
precedenti alla posa del lastricato In particolare il battuto pavimentale più recente ha
restituito materiale datato in modo generico al III-II sec a C 187
Il teatro, e più in generale l’ agora, sono stati realizzati invece nell’ ambito di una
consistente monumentalizzazione del sito alla fine del II sec a C , che ha distrutto
precedenti strutture a carattere però privato e non pubblico 188 Questa sovrapposizione
evidenzia come in realtà solo in età romana sia stata realizzata l’ area pubblica, su di
un precedente settore con una differente destinazione d’ uso 189 A questi dati vanno ad
aggiungersi le recenti indagini realizzate da C Portale nell’ area dei santuari a monte del
teatro, nell’ ambito delle quali è stato indagato il contesto di fondazione della c d “Via
degli artigiani”, una delle plateiai della città, consentendo di collocare cronologicamente
l’ impostazione della strada, e con ogni probabilità dello stesso rinnovamento urbanistico
della città romana, tra la fine del III e l’ inizio del II sec a C 190 Questo dato, ancorché
isolato in un quadro di quasi totale assenza di dati stratigrafici, contribuisce in modo
concreto a corroborare l’ ipotesi di una rifondazione di molti dei centri della provincia
Sicilia avviata in una fase a cavallo della fine della II guerra punica, che si struttura con
un’ urbanistica di tipo regolare basata su insulae di modulo tendente a 1:2
Riguardo ai restanti centri di fondazione punica del settore occidentale dell’ isola,
una serie d’ interessanti spunti si possono altresì dedurre dai casi di Lilibeo e Palermo In
riferimento a quest’ ultimo centro, è stata ipotizzata una struttura urbanistica regolare
basata su di un’ unica plateia a partire dalla metà del IV sec a C Tale asse, intersecato
in modo ortogonale da una serie di stenopoi, è stato riconosciuto nell’ attuale Corso
Vittorio Emanuele 191 Il progetto urbanistico di Palermo presenterebbe insulae larghe
187
Spatafora 2009, p 232
L’ edificazione della cavea del teatro ha obliterato alcune precedenti strutture a carattere verosimilmente
privato realizzate in opera a telaio, che mostrano un orientamento leggermente divergente rispetto a quello
documentato nei restanti settori della città: Wiegand 1997, p 18, Abb 7; 25
188
Era stato proposto di riferire alla fase punica lo stesso impianto urbanistico di Solunto, ipotizzando
una sua strutturazione sul cubito punico R Wilson considera l’ impiego del cubito punico una forma
di persistenza della cultura semitica in Sicilia: Wilson 2005, p 913 Per i termini della questione e una
rilettura in chiave romana dell’ impianto di Solunto vd De Vincenzo 2013b
189
190
Portale et al. 2022; Ead. et al. (in c d s) Ringrazio Chiara Portale per avermi consentito la lettura del
contributo ancorché in stampa
Belvedere 1987; Spatafora 2009, p 227-228 Le indagini stratigrafiche hanno evidenziato un
livellamento su cui sarebbe stato realizzato l’ impianto di IV sec a C Nel contempo non sono stati
individuati sotto gli assi viari livelli stradali anteriori al IV sec a C (Spatafora 2003, p 1179-1180)
191
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51/53 m, mentre non è stata avanzata alcuna proposta per la lunghezza di tali insulae,
e si baserebbe sul cubito punico con isolati larghi 100 cubiti 192 Anche per Palermo,
così come per Solunto, si deve evidenziare come questa misura possa allo stesso modo
corrispondere a 180 piedi romani, pari quindi a 1,5 actus Sulla scorta unicamente del
sistema metrico, non si può quindi assolutamente escludere anche per Palermo un
consistente rinnovamento urbanistico della città di età romana
Un dato significativo ai fini di questa disamina emerge dallo scavo realizzato
a Piazza della Vittoria tra l’ Edificio B e l’ Edificio A, che ha consentito di portare alla
luce un asse stradale in terra battuta, orientato così come gli stenopoi, ma con una
larghezza di 4,2 m La strada era più antica dell’ Edificio B, poiché tagliata dalla trincea
di fondazione del suo muro perimetrale orientale Tale muro taglia quattro livelli
di uso della strada Nel più recente di questi livelli è stata rinvenuta una moneta di
bronzo con Testa di Giove sul dritto e guerriero con lancia con legenda Panorm(itan)
al rovescio, datata in genere all’ inizio del II sec a C 193 L’ ultimo livello di utilizzo della
strada evidenzierebbe una strutturazione del piano stradale maggiormente articolata,
mostrando un impluvio centrale e un piano di calpestio a forma di schiena d’ asino con
anche piccoli marciapiedi ai suoi lati Anche questo livello ha restituito una moneta
analoga a quella rinvenuta nello strato sottostante Questi dati, che documentano a
Palermo un intervento urbanistico nel corso della prima metà del II sec a C , sono tra
i pochi riscontri stratigrafici di cui disponiamo in riferimento alla struttura urbanistica
della città ed è doveroso di conseguenza riconoscergli la necessaria importanza
In merito a Lilibeo, scelta dai Romani quale sede del governatore della provincia,194
le indagini hanno contribuito solo in piccolissima parte alla ricostruzione del suo
tessuto urbano, per la cui definizione molto si deve ancora alle fotointerpretazioni di
G Schmiedt 195 Secondo quest’ ultimo la città mostrerebbe un impianto ortogonale,
con insulae ordinate per scamna con un rapporto di 1:3, che sarebbe da ritenere di
192
Belvedere 1987, p 294-296
Spatafora, Montali 2006, p 135-136 Questa moneta è datata in genere all’ inizio del II sec a C : FreyKupper 1992, Caccamo Caltabiano 2000, p 200, 206 La presenza di analoghe monete nel più recente
piano stradale e nello strato immediatamente sottostante lascerebbe ipotizzare una contemporaneità
piuttosto che un rapporto di posteriorità tra questi due contesti Lo strato tagliato dall’ Edificio B potrebbe
pertanto costituire un livello di preparazione della strada
193
194
Manganaro 1980, p 448-451
Schmiedt 1963; Vecchio 2001 Sulle recenti indagini a Lilibeo vd Palazzo, Vecchio 2015; Mandruzzato
et al 2018
195
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matrice romana, senza però avanzare proposte di cronologia 196 Questi dati sono poi
stati riconsiderati da E Caruso, che ha proposto invece di far risalire la cronologia
dell’ organizzazione urbanistica di Lilibeo al IV sec a C , al momento quindi della
fondazione punica del centro 197 La struttura urbanistica ortogonale sarebbe stata
organizzata per strigas, con sei plateiai principali e almeno tre secondarie, alle quali si
intersecherebbero ortogonalmente 23 stenopoi L’ impianto si sarebbe basato sul cubito
punico, con un modulo degli isolati variabile di 1:3 e 1:4, larghi entrambi 60 cubiti e
lunghi rispettivamente 200 e 240 cubiti 198 Come ho già avuto modo di evidenziare, la
lunghezza di 106,56 m può però calcolarsi in 360 piedi romani, che lascerebbe quindi
calcolare insulae di 120 x 360 piedi, pari a 1 x 3 actus 199
A Lilibeo il dato archeologico maggiormente significativo è stato restituito dagli
scavi nell’ ampio settore in prossimità di Capo Boeo, dove è stato messo in luce un intero
quartiere abitativo L’ insula di Capo Boeo con una forma quasi quadrata (45,4 x 43,9 m)
scaturirebbe dall’ accorpamento realizzato a partire dalla fine del II sec d C di più unità
abitative 200 In merito alle fasi più antiche, sotto i livelli pavimentali di due ambienti si
sono rinvenute delle strutture riferibili genericamente al II sec a C , impostate su di
uno strato di livellamento che ha restituito materiale di IV e III sec a C 201 La presenza
di un livellamento con materiale anche di III sec a C e la datazione delle strutture al
II sec a C potrebbe portare a non escludere anche in questo caso un’ impostazione
dell’ insula a partire dagli anni finali o subito dopo la II guerra punica
Dati stratigrafici maggiormente concreti ai fini della definizione della cronologia
del rinnovamento dell’ impianto urbanistico di età romana di Lilibeo sono emersi dagli
scavi effettuati da P Vecchio a Capo Boeo,202 dove è stata indagata l’ area compresa
tra il “decumano massimo” e i tre cardines (A, B e C), che delimitavano quattro
Schmiedt 1963, p 70 I cardines avrebbero avuto tra loro una distanza regolare di 35,52 m, in modo
da formare insulae di 35,52 x 106,56 m
196
197
Caruso 2003, p 153
198
Caruso 2003, p 154
199
De Vincenzo 2013b, p 775-776
Caruso 2003, p 157; 2005 In generale sull’ edilizia privata di Lilibeo vd Di Stefano 1976-1977;
AAVV 1984, p 36-37, 104-107, 134-139; Giglio, Vecchio 2006, p 123-127 In merito agli isolati di età
romana di forma quadrata vd Gros, Torelli 1988, p 392-409
200
201
Caruso 2003, p 157
202
Palazzo, Vecchio 2013
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insulae numerate in progressione “IV, V, VI e VII” In questo settore l’ asportazione
di uno strato di riempimento di una fossa di spoliazione tardoantica, nell’ angolo
orientale dell’ insula V, ha consentito di mettere in luce, sebbene solo in sezione, una
sequenza di battuti stradali anteriori al livello stradale di età romana Dati stratigrafici
particolarmente interessanti per ciò che riguarda il passaggio dall’ età punica a quella
romana sono emersi soprattutto nel settore più occidentale del decumano 203 Lo
scavo realizzato in un’ area caratterizzata dall’ assenza di lastricato stradale, rimosso già
in antico, ha evidenziato, sotto al piano di preparazione stradale, tre setti murari tra
loro legati Tali muri delimitavano un vano abitativo di forma quadrangolare, che era
parte dello spazio urbano di età punica, evidenziando quindi come in questa fase l’ asse
stradale fosse più stretto La riorganizzazione urbanistica di età romana della città si
fonderebbe quindi su assi stradali più larghi di quelli punici, che andarono parzialmente
a coprire i contesti abitativi più antichi Riguardo alla cronologia di questo radicale
intervento, tra i materiali datanti rinvenuti negli strati che coprono i setti murari del
vano quadrato sono presenti anfore puniche databili tra la metà del III e i primi decenni
del II a C Sulla scorta di questi dati sembra quindi plausibile la collocazione anche del
rinnovamento urbanistico di età romana di Lilibeo in una fase prossima alla fine della
II guerra punica
Non lontano da Lilibeo, a Erice, nel Santuario di Venere Ericina, complesso
sacro questo con un significativo ruolo politico nel quadro della provincia, le indagini
stratigrafiche tuttora in corso hanno evidenziato una significativa riorganizzazione di età
romana, documentata dalla realizzazione di una sostruzione funzionale all’ ampliamento
e alla regolarizzazione dello spazio sacro Tra i materiali utili alla datazione del contesto
vi sono alcuni frammenti di anfore greco-italiche, databili tra l’ ultimo quarto del III e
la metà del II sec a C ,204 un ambito cronologico anche in questo caso a cavallo della
fine della II guerra punica
Considerazioni conclusive
Nel quadro della riorganizzazione della provincia, i centri urbani venivano
necessariamente a ricoprire un ruolo fondamentale, tenuto conto che costituivano dei
capisaldi per il controllo sia amministrativo sia tributario dell’ isola È in riferimento
a tali esigenze quindi che si pongono le premesse per il rinnovamento urbanistico
203
Palazzo, Vecchio 2013, p 141-142
204
Blasetti Fantauzzi 2020
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dei centri della Sicilia romana, che in alcuni territori, quali quelli della Sicilia punica,
viene a coincidere con delle vere e proprie rifondazioni, tenuto conto che in questo
settore dell’ isola il grado di urbanitas non risultava essere adeguato 205 I nuovi impianti
presentano delle caratteristiche comuni quali gli assi viari ortogonali e insulae con un
rapporto tra i lati tendente a 1:2 206
Solo a partire dallo scorcio del II sec a C è ben documentata invece una
massiccia monumentalizzazione dei settori sia pubblici sia privati di queste città, attuata
attraverso consistenti interventi evergetici da parte delle aristocrazie locali, come è stato
ormai da più parti evidenziato 207
A interventi di carattere evergetico invece certamente non si possono ricondurre
i vari rinnovamenti urbanistici di molti dei centri dell’ isola, contestualmente ai quali
si vengono a realizzare delle rifondazioni in senso più marcatamente urbano di più
antichi insediamenti L’ impostazione di una struttura urbanistica, infatti, con tutte le
opere ad essa correlate, relative allo sbancamento e al livellamento dell’ area urbana, al
trasporto dei materiali di risulta e di quelli costruttivi, alla realizzazione delle strade,
del sistema difensivo oltre che alla definizione dei settori pubblici, rientra in un ambito
decisamente più complesso e articolato dei singoli interventi evergetici, ancorché questi
ultimi si possano presentare in alcuni casi particolarmente monumentali Simili radicali
interventi possono avere luogo nel quadro di operazioni volute da un’ autorità politica
che abbia forza per gestire l’ attuazione del progetto urbanistico e nel contempo per
imporre una totale ridefinizione del regime delle proprietà all’ interno di tali centri
Un caso particolarmente esplicativo di questa situazione si deve ritenere l’ iscrizione
apposta su di una lastra in calcare inserita nella pavimentazione in laterizio della c d Via
dell’ Agora di Solunto, che corrisponde al tratto più prossimo all’ agora Tale iscrizione
documenta il finanziamento da parte di Antallos Ornichas figlio di Asklapos, membro di
una famiglia locale, proprio della pavimentazione in laterizio della strada L’ iscrizione è
stata datata su base paleografica al II-I sec a C e ritenuta contestuale al grande portico
dell’ agora soluntina, datato alla fine del II sec a C 208 Appare chiaro in questo caso come
l’ intervento evergetico vada a impostarsi su di un asse stradale realizzato in precedenza,
limitandosi di conseguenza ad abbellire e non certamente a fondare la strada principale
205
Sulla struttura urbana dei centri punici di Sicilia vd De Vincenzo 2013a
206
Sulla diffusione del modulo 1:2 nella Sicilia tardorepubblicana vd La Torre 2006, p 94
207
Portale 2017 con bil prec
208
Campagna 2007, p 113 Una dedica analoga è quella di Lucius Decimius Secundio a Scolacium
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della città, impostata invece con ogni probabilità da un’ autorità centrale Sulla scorta
anche di quanto emerso dai contemporanei esempi relativi alle province soprattutto
iberiche, questi nuovi impianti urbanistici vengono che rientrano nel quadro di una
riorganizzazione amministrativa della provincia da parte di Roma, come si evincerebbe
anche dalla posizione strategica di tali centri in relazione al territorio circostante, agli
assi viari e ai porti, come del resto avvenne in Spagna con la fondazione dei centri per la
gestione delle fertili valli del Guadalquivir o dell’ Ebro
Contestuale a tale processo si deve ipotizzare anche un consistente spostamento
di persone da un territorio all’ altro dell’ isola Il riferimento di Cicerone in relazione
all’ introduzione ad Agrigento all’ inizio del II sec a C di coloni da altri oppida della
Sicilia è in questo senso estremamente esplicativo 209 In un simile contesto, che non è
purtroppo possibile comprendere appieno ma solamente intuire, potrebbe non essere
peregrino assegnare anche a tali spostamenti di persone all’ interno dell’ isola un qualche
ruolo nella diffusione della lingua, della cultura nonché delle forme urbanistiche,
architettoniche e decorative di matrice greca, che connotano i centri anche del settore
occidentale dell’ isola di fondazione punica a partire dalla tarda repubblica
Quando si sarebbe avviato un simile processo? I dati archeologici evidenziati,
ancorché esigui e parziali, lasciano intuire come tale consistente rinnovamento degli
impianti urbanistici dei centri di Sicilia, sia stato attuato solo successivamente alla
conquista romana dell’ intera isola durante la seconda guerra punica Questa fase
fu inaugurata da un deciso cambio di rotta da parte di Roma nell’ organizzazione
amministrativa della provincia, documentata in modo significativo a partire dalla stessa
figura di M Valerio Levino, che governò la Sicilia come proconsole durante gli anni
209-207 a C , impegnandosi a risollevare e riorganizzare l’ isola dopo il lungo periodo
di guerre 210 Si deve con ogni probabilità allo stesso Levino la strategica realizzazione
della via Valeria, così chiamata da Strabone, che congiungeva Lilibeo a Messina 211 È
209
Cicerone, In Verrem, II, 2, 123
210
Marino 1995, p 83-94
Strabone, V, 2, 1 (C 266) Per le proposte di cronologia di questa strada vd Uggeri 2004, p 117162; Puglisi 2009, p 74 In merito ancora all’ organizzazione della provincia durante questi complessi anni,
poco dopo Levino, nel 205 a C , il console L C Scipione volle come sua provincia la Sicilia per poter
preparare lo sbarco in Africa Egli reintegrò immediatamente i legittimi proprietari terrieri, comprendendo
che da loro avrebbe potuto ottenere mezzi e non uomini In cambio dell’ esonero ottenne quindi molti
mezzi: Manganaro 1980, p 422
211
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solo a partire da questa fase che si deve quindi con ogni probabilità ipotizzare la reale e
concreta progettazione e strutturazione della Sicilia romana
Elementi utili alla definizione di questo contesto storico sono forniti in modo
significativo anche dalla documentazione numismatica Le analisi dei segni di valore e
delle iconografie, adottate contemporaneamente dalle numerose zecche attive in Sicilia
successivamente alla conquista romana dell’ intera isola, hanno evidenziato come tali
monete abbiano accompagnato la riorganizzazione amministrativa della provincia, a
partire proprio dagli interventi di Levino e Scipione alla fine del III a C 212 Il quadro
inoltre si arricchisce se si tiene conto, come è stato dimostrato da J Prag, che in Sicilia
i Romani non stanziarono soldati, ma la difesa dei centri e di conseguenza dell’ intera
provincia era garantita dalle truppe locali Questa condivisibile ipotesi si fonda
sull’ assenza di dati sia epigrafici sia più in generale archeologici riconducibili in qualche
modo a guarnigioni romane sull’ isola, e nel contempo sulla notevole diffusione di ginnasi
nella Sicilia tardorepubblicana, ricondotti con giusta ragione anche alla formazione
di un corpo militare cittadino 213 A tal riguardo risulta quindi verosimile collegare al
finanziamento di truppe locali le monete coniate durante la prima metà del II sec a C
con il sostegno dei magistrati romani, che intendevano in questo modo favorire le
autonomie locali La coniazione di monete, associata alla presenza dei ginnasi e di
truppe locali, costituiscono un solido indizio di sviluppo e rafforzamento dell’ identità
delle città della Sicilia romana, sostenuta e favorita da Roma perché utile alla stessa
difesa della provincia Propedeutico a tutto questo si deve però ritenere il rinnovamento
urbanistico dei centri di Sicilia, avviato da Roma subito dopo la conquista del settore
orientale dell’ isola per diffondere un più elevato grado di urbanitas, soprattutto nei
territori in precedenza controllati da Cartagine, perché è proprio nelle nuove città che
Roma pone il fulcro intorno al quale far ruotare la riorganizzazione amministrativa
della provincia
Roman control of Sicily implies a more complex range of imperial practices than we have
hitherto tended to assume In Sicily Roman imperialism was inextricably bound up in
local culture 214
Carroccio 2004, p 286-287 Su queste monete vd anche Frey-Kupper 1992; 2006; Caccamo Caltabiano
2000
212
213
Prag 2007 Sulla diffusione dei ginnasi in Sicilia vd anche Mango 2009
214
Prag 2007, p 99
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Salvatore De Vincenzo
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1- Introduzione
A partire dall’ inizio del IV sec a C Roma inizia un processo di conquista del
territorio dell’ intera penisola italiana, con la contestuale fondazione di coloniae di
diritto latino e romano e l’ istituzione di municipia Tale fase di espansione viene portata
a termine nel corso del I sec a C , quando a seguito della guerra sociale si assiste in Italia
centrale alla trasformazione dello status giuridico di più antiche coloniae, praefecturae e
conciliabula in municipia così come alla nascita di numerose nuove entità urbane che
assumono sempre lo status di municipium, strumento di Roma per amministrare le
popolazioni italiche (fig. 1) 215
A differenza delle colonie di diritto latino e di quelle civium romanorum,
in relazione alle quali emerge un contesto piuttosto chiaro e omogeneo sulla loro
pianificazione urbana tra il III e il I sec a C ,216 ancora nebuloso rimane ad oggi il
quadro relativo alla struttura urbana e allo sviluppo dei municipia in Italia centrale,
che, a partire dal conferimento della cittadinanza romana alle popolazioni italiche alla
fine della guerra sociale, costituiscono il modello istituzionale più diffuso utilizzato da
Roma per amministrare e gestire il territorio conquistato
Sui municipia italici vd in particolare da ultimo il lavoro monografico di Bispham 2007 Sull’ origine
del termine municipium vd in particolare Bispham 2007, p 13-31
215
Sugli aspetti urbanistici delle colonie di diritto romano e latino vd von Hesberg 1985; Sommella
1988, p 17-105; Migliorati 1994; Lackner 2008 (con una proposta tipologica dell’ urbanistica delle
colonie latine e romane e un approfondimento sui contesti forensi); Gros, Torelli 1988; De Giorgi 2019
Sulla prima fase della colonizzazione vd da ultimo le considerazioni sul legame tra aristocratici locali e
romani nella formazione delle nuove entità politiche in Terrenato 2019
216
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Romanizzazione, sviluppo urbano, municipalizzazione. Osservazioni sulla
struttura urbana dei municipia italici del Sannio nella tarda repubblica
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Figura 1: I municipia dell’ Italia centrale. In nero le strade romane principali, in grigio quelle secondarie.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi/Roman Road Network version 2008.
Se in generale nella prima fase della ricerca su tali temi negli ultimi decenni
del secolo scorso la municipalizzazione successiva al bellum sociale veniva legata alla
urbanizzazione, in particolare in territori abitati vicatim,217 negli ultimi tempi la città
è generalmente vista come un graduale portato della romanizzazione e la condizione
urbana non solo non verrebbe raggiunta al momento dell’ inquadramento di un
centro nello stato romano sotto la forma giuridica del municipio, ma la costituzione
di municipia sarebbe legata in modo uniforme all’ esistenza di una condizione urbana
preesistente 218
Inoltre, l’ urbanizzazione municipale sarebbe da ritenersi un fenomeno lento
e non omogeneo 219 L’ urbanitas associata alla municipalizzazione si sarebbe quindi
realizzata come un processo autonomo di appropriazione dei modi di vita urbani da
“Vicatim” secondo la definizione di Livio, IX, 13, 7, corrispondente al komedòn in Strabone, V, 2, 1 e
4, 2 Gabba 1976, p 319-320; Sommella 1995, p 279 Su tale problematica vd da ultimo Di Cesare 2010,
p 33
217
218
La Regina 1970; Campanelli 1995; Paci 2003, p 36-37; Di Cesare 2010, p 32
219
Bispham 2007
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parte delle aristocrazie locali 220 Il municipium porterebbe con sé la necessità di adeguare
gli spazi pubblici e l’ architettura politico-amministrativa al nuovo stato giuridico 221
In definitiva nell’ ambito degli studi su tale tematica la colonizzazione e la
municipalizzazione vengono chiaramente distinte l’ una dall’ altra La colonia è intesa
come una creazione artificiale di una nuova entità urbana e costituisce uno strumento
di occupazione dei territori conquistati da Roma, il municipium invece è ritenuto un
mezzo di assimilazione, con l’ incorporazione di centri già esistenti nella cittadinanza
romana 222 Se però queste considerazioni possono essere vere per le più antiche coloniae
trasformate poi in municipia o per i primi municipia nati nella media età repubblicana,
tali ipotesi come vedremo non si possono ritenere valide per tutti i municipia sorti dopo
la guerra sociale Anche alcune delle stesse coloniae al contrario si possono ritenere non
fondate ex nihilo come proposto in passato, ma su aree già interessate da più antichi
insediamenti 223
Mentre cospicui e dettagliati studi di natura storica e giuridico-amministrativa
mettono in evidenza come la municipalizzazione sia un tema ancora altamente rilevante,224
Gros, Torelli 1988, p 152 Secondo P Gros e M Torelli le classi dirigenti locali avrebbero avuto un
peso determinate nella formazione della città, che sarebbe da intendere come un processo autonomo di
acquisizione della forma urbana avviato e guidato dalle aristocrazie locali; dello stesso avviso Robinson
2021 Vd anche a tal proposito La Torre 1985, p 170
220
221
Gabba 1972 Sulla monumentalizzazione degli edifici pubblici connessa all’evergetismo vd Torelli 1993
222
Coarelli 1992
Sommella 1988, p 23-24 Riguardo in particolare a Alba Fucens per l’ ipotesi di un centro equo
precedente alla fondazione della colonia, vd Sommella 1988, p 23 F Pesando ipotizza l’ esistenza di un
luogo sacro nell’ area del santuario di Ercole ad Alba Fucens, precedente alla deduzione coloniale: Pesando
2012, p 211 Anche Carsoli presenta materiali d’ impasto e bucchero che fanno ipotizzare un’ occupazione
dell’ area già nel periodo preromano: Sommella 1988, p 23 A questi esempi si possono aggiungere anche
Isernia e Beneventum: Sommella 1988, p 23-24 Una fase precedente alla deduzione della colonia è stata
riscontrata inoltre per la colonia maritima di Castrum Novum: Migliorati 1994, p 282
223
Il lavoro di Humbert 1978 rimane tuttora un caposaldo in particolare per quelle amministrazioni
municipali nate contemporaneamente alle fondazioni coloniali tra fine IV e III sec a C ; tale studio fu
preceduto da un’ analisi degli aspetti storici e giuridici dei municipia realizzata da Manni 1947 M Tarpin
successivamente incentra la sua ricerca sui concetti di colonia, municipium e vicus (Tarpin 1999), così come
U Laffi che approfondisce aspetti specifici dell’ organizzazione e dell’ istituzione di colonie e municipi (Laffi
2007) Fondamentali rimangono i lavori di L Capogrossi Colognesi e E Gabba, che affrontano assieme
ad altri studiosi vari aspetti legati ai municipi e soprattutto alla loro legislazione (Capogrossi Colognesi,
Gabba 2006) Tra gli ultimi contributi sull’ argomento, sempre incentrati sugli aspetti legislativi e giuridici,
è doveroso segnalare oltre all’ opera di E Bispham, gli atti del convegno a cura di S Evangelisti e C Ricci
224
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l’ interesse degli ultimi decenni del secolo scorso sugli aspetti archeologici dei municipia
non ha invece trovato seguito, nonostante i numerosi dati a disposizione da nuovi scavi
archeologici condotti in tali città, con una conseguente lacuna nella storia degli studi 225
Partendo dai numerosi e significativi studi storiografici e dai dati archeologici,
piuttosto dettagliati ma non studiati finora sistematicamente, ad oggi rimangono
ancora aperti alcuni quesiti riguardo alle dinamiche insediative seguite alla nuova
organizzazione dei territori italici 226 In particolare una questione ancora aperta è quella
relativa alla struttura urbana dei municipia e alla fase durante la quale questa sia stata
raggiunta A tale aspetto risulta chiaramente connesso il concetto di urbanizzazione,
nello specifico se questa sia legata o meno alla municipalizzazione in un rapporto di
causa-effetto Allo stesso modo ancora da definire sono la tipologia della struttura
urbana, così come gli edifici pubblici e privati che vengono costruiti nonché la loro
datazione Oltre a ciò si aggiungono questioni aperte riguardo ai cambiamenti che
interessano gli insediamenti italici a seguito del raggiungimento della urbanitas romana
dopo la costituzione di un municipium
Nel quadro di queste considerazioni, in un contesto territoriale caratterizzato nel
II sec a C da imponenti santuari confederali extra urbani, con una valenza economica,
politica e di aggregazione sociale, è certamente rilevante allo stesso modo comprendere
sulle forme municipali tra il I sec a C e il III sec d C : Bispham 2007; Evangelisti, Ricci 2017 Un
significativo ultimo contributo in ordine di tempo è quello di S Sisani, che affronta il tema dei municipia
retti da duoviri (Sisani 2021)
Nell’ ambito degli studi sull’ urbanizzazione dell’ Italia centrale, in particolare appenninica, fondati
su di un approccio archeologico sono da annoverare i lavori di E Gabba (in particolare Gabba 1972),
e soprattutto i lavori di P Sommella, sia generali sull’ urbanistica romana sia in particolare sui siti
oggetto di questo contributo: Sommella 1988, p 119-123, con schede delle città a cura di L Migliorati
Sull’ urbanistica tardorepubblicana in Italia centrale con riferimento anche ai centri della Regio IV vd le
più recenti considerazioni in Pesando 2015
225
Laffi 1973, p 39; Paci 2003, p 33 Lo statuto municipale delle città è in genere attestato da iscrizioni,
in cui sono citati i quattuorviri, magistrati che governano i municipia creati dopo la guerra sociale La
presenza invece dei duoviri fa collocare l’ istituzione del municipium in una fase verosimilmente successiva
al 49 a C , in età cesariana Sono questi i due momenti principali nel corso del I sec a C durante i quali si
realizzarono municipia in Italia (Sisani 2007, p 268) In riferimento a questo schema sono state messe in
evidenza in un recente studio di S Sisani una serie di difformità, con casi di adozione del quattuorvirato
tanto in municipia nati da comunità già incluse nell’ ager Romanus prima della guerra sociale, così come in
municipia ricostituiti nella fase post-cesariana Inoltre vi sono attestazioni di schemi magistratuali anomali
in municipia posteriori al 90 a C (Sisani 2021)
226
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quale ruolo abbiano avuto tali santuari e in generale i contesti sacri nel processo di
municipalizzazione e formazione delle entità urbane 227
Sulla base delle numerose evidenze archeologiche, nel presente contributo si è
tentato in particolare di approfondire questi aspetti attraverso un’ analisi dettagliata
dei dati archeologici dei municipia del Sannio compresi tra la Valle del Biferno a sud
e il fiume Tordino a nord, area corrispondente alle attuali regioni Abruzzo e Molise,
considerando in particolare la loro disposizione topografica, l’ estensione delle città, così
come l’ organizzazione dei settori pubblici Da questa sintesi e dal confronto tra tali città
è stato possibile di conseguenza delinearne con un approccio olistico le caratteristiche
urbanistiche e ricostruire alcuni aspetti generali, che si possono ritenere elementi
connotanti dei municipia tra la tarda repubblica e la prima età imperiale, allo scopo di
contribuire a una migliore definizione dell’ origine e dello sviluppo della città in questi
territori L’ analisi dei municipia segue un criterio topografico ed etnico Nello specifico,
i centri di cui si posseggono sufficienti dati archeologici relativamente alla struttura
urbana sono trattati partendo da nord e procedendo verso sud, con un’ attenzione ai
gruppi di centri appartenenti ai differenti ethne italici (Praetutii, Vestini, Paeligni,
Marrucini, Carricini, Frentani, Aequi/Marsi) 228
2- Organizzazione dello spazio urbano dei municipia
A- Interamna Praetuttianorum e Hatria
Uno dei casi più esemplari in tale ambito è Interamna Praetuttianorum, i cui
resti sono collocati nell’ attuale centro di Teramo (fig. 2) 229 Il centro è sorto come
conciliabulum civium Romanorum nell’ ambito di assegnazioni viritane dopo la
conquista romana della Sabina da parte di M Curio Dentato, che interessò anche il
territorio pretuziano, verosimilmente dopo il 268 a C in un periodo di poco successivo
alla deduzione della colonia latina di Hatria e quella romana di Castrum Novum 230 Il
centro era posto lungo un diverticolo della via Caecilia, che si dipanava all’ altezza di
227
Si pensi ad esempio ai santuari di Pietrabbondante e Monte Rinaldo: Strazzulla 1971; Giorgi et al.
2020
228
Non sono oggetto invece di una descrizione dettagliata in questo contributo quei municipia che sono
attestati solo epigraficamente o nelle fonti letterarie
229
Secondo G Firpo in Buonocore, Firpo 1998, p 758-759, così come in Di Cesare 2010, p 28-29, il
toponimo sarebbe da riconoscere in Interamna Praetuttianorum piuttosto che in Interamnia Praetuttiorum
230
Frontinus, De controuersiis, p 18, 10-11 L; Buonocore, Firpo 1998, p 760-761
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Figura 2: Interamna Praetuttianorum, posizionamento degli edifici antichi nell’ area della città moderna.
Crediti/fonte: Di Cesare 2010.
231
Di Cesare 2010, p 27
Migliorati 1976, p 243; Coarelli, La Regina 1984, p 35; Buonocore, Firpo 1998, p 760; Di Cesare
2010, p 27-34, 39; Secondo E Bispham il centro avrebbe ricevuto lo status di municipium in un periodo
precedente la guerra sociale, rimanendo l’ unico caso per questa zona trattata della Regio V (Bispham 2007,
s. v. “appendix 3”, nota 21), mentre secondo S Sisani il centro fu elevato a municipium solo in età augustea
da una precedente condizione di conciliabulum: Sisani 2010, p 207-210; Sisani 2021, p 55
232
Floro riferisce che in questo centro fu dedotta una colonia sillana: Floro, Epitoma, II, 9, 27-28; Gabba
1970-1971, p 472 Vi sono iscrizioni che menzionano contemporaneamente le due istituzioni: CIL IX,
5074; CIL I2, 1904; AÉ 1998, 416 Nella documentazione epigrafica di Interamna Praetuttianorum è
attestata la contemporanea presenza di duoviri (CIL IX, 5063; CIL I2, 1905) e octoviri (CIL IX, 5067)
fino alla fine del I sec a C , che troverebbe spiegazione riconoscendo nei duoviri i magistrati della colonia
mentre negli octoviri quelli del conciliabulum: Buonocore, Firpo 1998, p 761; Sisani 2010, p 209 Sullo
stato giuridico e amministrativo della città vd anche Migliorati 1976, p 243-244 e Guidobaldi 1995,
p 219-221
233
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Montorio al Vomano e collegava il centro con Castrum Novum 231 Il centro fu elevato
a municipium dopo la guerra sociale232 e dalla prima metà del I sec a C ricevette
contemporaneamente allo statuto municipale anche lo status giuridico di colonia 233
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Inizialmente sono stati riconosciuti due orientamenti nel tessuto urbano,
ricondotti a tale duplicità amministrativa,234 ipotesi definitivamente superata 235 Come
ha infatti dimostrato L Migliorati con argomenti convincenti, la città presenta in realtà
un unico schema urbanistico, con orientamento est-ovest degli assi viari, ricalcato da via
dei Mille, corso Cerulli e via Stazio, e impianti rettangolari, con modulo di 270 x 200
piedi romani 236 La fascia centrale presenta invece isolati quadrati di 270 x 270
piedi romani, per via della presenza della piazza forense, che venne localizzata in un
primo tempo in maniera ipotetica in piazza Verdi all’ incrocio tra corso Cerulli e via
S Antonio 237 Il rapporto 1:1,3 è raffrontabile con esempi compresi tra gli inizi del II
sec a C e gli inizi del I sec a C , ponendo la guerra sociale come terminus post quem
non 238 La conformazione geomorfologica del pianoro su cui sorge la città avrebbe
inoltre condizionato la costruzione della cinta muraria, limitando la sua costruzione
al solo lato occidentale, posta in corrispondenza della via dell’ Antica Cattedrale e la
via Muzi 239 Tale impianto urbano è da collocare quindi negli anni immediatamente
La Regina 1966b; Gabba 1970-1971, p 462; Coarelli, La Regina 1984, p 35; M Torelli, in Gros,
Torelli 1988, p 150; de Smet 1989-1990, p 63-74; Guidobaldi 1995, p 223
234
Migliorati 1976; Sommella 1985, p 390-391; L Migliorati in Sommella 1988, p 127; Sommella
1988, p 114-115; Guidobaldi 1995, p 222 In particolare è stata sottolineata la mancanza di una doppia
cinta muraria Tra l’ altro il rinvenimento di pavimenti di età repubblicana rinvenuti alla stessa profondità
su due lati di via S Antonio dimostrerebbero che tale via non potesse costituire il limite dei due diversi
orientamenti
235
236
Migliorati 1976, p 255-256
Ipotesi suffragata dal rinvenimento nelle vicinanze di quest’ area di materiale architettonico e
iscrizioni onorarie: L Migliorati, in Sommella 1988, p 127; Coarelli, La Regina 1984, p 39; Guidobaldi
1995, p 225, Staffa 2006, p 73-74, fig 107, n 37; p 83, fig 128 Di diverso avviso R Di Cesare, che vede
in quest’ area piuttosto la presenza di un complesso sacrale (Di Cesare 2010, p 43-48), come si discuterà
oltre Un’ iscrizione datata alla metà del I sec a C indicherebbe l’ appalto per la costruzione del muro
perimetrale del foro (CIL I2, 3296): Buonocore 2006, p 116, n 105
237
238
Lucca presenta isolati di 3 x 3, 5 actus con rapporto 1:1,3, impianto urbano datato agli inizi del II
sec a C mentre Allifae presenta isolati di 3,2 actus con un rapporto 1:1,4 riconducibile agli inizi del I
sec a C Il modulo con isolati quadrati è da ricondurre invece alle colonie triumvirali e augustee: Migliorati
1976, p 256; Sommella 1974
Migliorati 1976, p 246-253, spostando quindi il limite della città verso est rispetto alle ipotesi
precedenti che vedevano in via della Banca il limite occidentale di Interamna (Migliorati 1976, p 252253) Le mura di VI sec a C rinvenute lungo tale percorso seguirebbero quindi l’ andamento della cinta
muraria di epoca romana Per le varie ipotesi sulla cinta muraria vd Di Cesare 2010, p 30, nota 43 con
bibliografia precedente
239
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successivi alla guerra sociale e da riferire all’ istituzione del municipium 240
In posizione extraurbana, ad ovest di tale tratto murario sono stati costruiti
nella prima età augustea il teatro, collocato a sud di corso Cerulli241 e nella seconda
metà del I sec d C l’ anfiteatro, posto immediatamente a sud della Cattedrale 242
Nell’ estremità orientale della città invece, presso Largo Madonna delle Grazie, è stato
scavato un complesso termale di età augustea e probabilmente un campus riqualificato
in età municipale 243
Secondo una recente lettura delle evidenze di Interamna, il foro sarebbe da
collocare a 200 metri ad est del Complesso di S Giovanni, sotto corso de’ Michetti,
dove è stata rinvenuta una pavimentazione con lastre rettangolari di grandi dimensioni
riconducibili a una piazza, in posizione centrale nella città antica rispetto a piazza
Verdi 244 Questo sarebbe stato ubicato con l’ istituzione del municipium, ricevendo poi
una pavimentazione tarda all’ inizio del II sec d C 245 L’ area di Piazza Verdi sarebbe
invece da ricondurre a un complesso santuariale da collocare ad una fase subito successiva
alla guerra sociale e alla deduzione sillana, cui si riferirebbero un’ area terrazzata, alcuni
resti strutturali oltre a una serie di capitelli corinzio-italici provenienti dalla zona e
240
Migliorati 1976, p 255-256 Per la fase precedente l’ istituzione del municipium, è stato ipotizzato un
impianto urbano tra la seconda metà del III e la metà del II sec a C , con orientamento nord-ovest/sudest e una porta urbica da collocare a nord del teatro Tra i vari elementi riferibili a un impianto precedente
sono da considerare pavimenti di domus private e un edificio dalla planimetria complessa con una serie di
vani intorno a un quadriportico rinvenuto tra il Largo Madonna delle Grazie e Piazza Caduti della Libertà,
interpretato come sede di un collegio della metà del II sec a C , date le grandi proporzioni di uno dei vani
e il motivo ornamentale rinvenuto del caduceo: Guidobaldi 1995, p 227-230; Staffa 2006, p 74, n 11;
Di Cesare 2010, p 30-31
241
Coarelli, La Regina 1984, p 35-37; Guidobaldi 1995, p 224
242
Coarelli, La Regina 1984, p 38-39; Guidobaldi 1995, p 224-225
Guidobaldi 1995, p 227-231 Per il campus rimane difficile la localizzazione Sono state rinvenute
due iscrizioni speculari della metà del I sec a C che commemorano la strada di accesso a un campus Si
tratta di due cippi in calcare Una delle epigrafe è stata reimpiegata come mensa dell’ altare maggiore nella
Chiesa delle Grazie Le dimensioni del cippo avrebbero reso difficile il trasporto e farebbero propendere
per una collocazione del campus in prossimità del rinvenimento, a est del pianoro Buonocore 2006, p 115,
n 25 e 106; Di Cesare 2010, p 41-42 A tale periodo sono da riferire altri atti evergetici, tra cui quelli di
due fratelli della famiglia senatoria dei Poppaei In due iscrizioni della metà del I sec a C i due patroni
del municipio a proprie spese offrirono l’ uso di un edificio termale: Buonocore 2006, p 115, n 23-24;
Di Cesare 2010, p 40
243
244
Staffa 2006, p 74, n 60; Di Cesare 2010, p 46-47
245
Di Cesare 2010, p 46
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datati agli ultimi decenni del II sec a C -inizio del I sec a C e un piede in calcare
riferibile a un acrolito rinvenuto nelle vicinanze 246
Sono state rinvenute una serie di ricche e grandi domus, tra cui la Casa del Leone
presso corso Cerulli in posizione centrale nell’ abitato antico, datata alla prima metà del
I sec a C ,247 il cui proprietario è stato riconosciuto in via ipotetica da M P Guidobaldi
in C. Sornatius C.f. Vel. Barba, colono sillano, legato di Lucullo in Asia tra il 74 e il
68 a C , proprietario di fundi, che si arricchì con la vendita del vino 248
Riguardo alla necropoli, sono attestati 14 basamenti di tombe monumentali
allineati lungo una via sepolcrale presso Ponte Messato e datati alla metà del I sec a C 249
Riferito al territorio dei Praetutii è anche il centro di Hatria Posto su un plateau
tra i fiumi Piomba e Calvano, è situato a 10 km dalla costa 250 In questo sito fu dedotta
una colonia latina nel 289 a C in seguito alla conquista dei Praetuttii da parte di
Manius Curius Dentatus Verosimilmente divenne municipium dopo la guerra sociale,
mentre durante l’ età augustea fu rifondata come colonia 251
246
Di Cesare 2010, p 47
Coarelli, La Regina 1984, p 39-41; Guidobaldi 1995, p 231-233 Durante vari scavi condotti
a Teramo sono state individuate strutture da ricondurre a abitazioni private, collocate per la gran parte
all’ inizio e metà del I sec a C In particolare in via del Baluardo sono stati scavati ambienti datati tra il
I sec a C e il V sec d C ; presso vico Corto vi sono pavimenti datati all’ inizio del I sec a C ; in via dei
Tribunali e in via di Porta Carrese vi sono strutture collocate tra l’ età tardo repubblicana e la prima età
imperiale; ambienti di fine II/inizio I sec a C sono stati rinvenuti anche a vico dell’ Ariete; in vico degli
Orti sono venuti alla luce pavimenti di età imperiale Particolarmente numerose sono le strutture rinvenute
presso corse de’ Michetti, tra cui due domus datate tra la fine del II sec a C e l’ inizio del I sec a C e una
pavimentazione collocata genericamente nel II-I sec a C Per tali evidenze vd Guidobaldi 1995, p 233237
247
Guidobaldi 1995, p 232 A tale orizzonte cronologico possono riferirsi anche due altre ricche domus,
una situata a nord-est di quella del Leone e denominata di “Torre Bruciata”, che date le dimensioni più
che a un’ abitazione sarebbe da riferire a un edificio ufficiale, forse la sede di una corporazione, e la domus
rinvenuta sotto Palazzo Melatino: Di Cesare 2010, p 50-52
248
249
Coarelli, La Regina 1984, p 41-44; Guidobaldi 1995, p 236-237; Di Cesare 2010, p 57-60
Sull’ urbanistica di Hatria vd in particolare Azzena 1987; Guidobaldi 1995, p 189-214; Guidobaldi
2001; Buonocore 2002 Vd da ultimo anche Vermeulen 2017, p 176-177
250
Sulla deduzione coloniale: Livio, Periochae, XI; Sulle notizie relative alla conquista della Sabina da
parte di M Curio Dentato: Floro, I, 15,3; Sulla ipotizzabile costituzione del municipium dopo la guerra
sociale: Azzena 1987, p 22; Guidobaldi 1995, p 194; Sulla colonia sillana e/o augustea: Liber Coloniarum,
I, 227, 11; Plinio, Naturalis historia, III, 110; Azzena 1987, p 21 secondo il quale è improbabile una
colonia sillana mentre sicura sarebbe quella augustea; Guidobaldi 1995, p 194-195
251
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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La colonia latina di Hatria, fiorente in età repubblicana, come dimostrano oltre
che le strutture urbane quali le mura, il foro e un settore abitativo, anche le attività
produttive di terrecotte architettoniche, non presenta interventi riferibili al periodo
successivo alla guerra sociale e alla municipalizzazione, mentre all’ età augustea sarebbe
da riferire il teatro 252
B- Pinna Vestinorum, Peltuinum e Aveia
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Alcuni tratti murari in opus quadratum a nord dell’ attuale paese, lungo Via della Circonvallazione,
sono da riferirsi alla cinta muraria coeva alla fondazione della colonia, e di cui si può ipotizzare il percorso a
nord, ovest e sud del sito condizionata dalla geomorfologia del territorio Più complesso rimane determinare
invece il limite orientale della città, che andrebbe oltre l’ attuale confine del centro medievale della città,
fino al Colle Maralto, Colle di Mezzo e Colle Muralto, con un’ estensione che oscilla nelle varie ipotesi tra
i 45 e i 70 ettari Per la cinta muraria coeva alla deduzione della colonia vd Azzena 1987, p 48, n 31; 67
Azzena 1987, p 65-67 è incline a vedere un’ estensione ridotta della città, che comprenderebbe a est la zona
della Villa comunale (il colle di Mezzo) escludendo la zona del Colle Maralto a Nord e Colle Muralto a
sud Di diverso avviso M P Guidobaldi che sulla base di rinvenimenti anche su questi due colli è propensa
a vedere la città più ampia, fatto che non sarebbe anomalo confrontando altre città dell’ Italia romana:
Guidobaldi 1995, p 198-200 Il foro della città è da collocare presso la Piazza antistante il Comune di
Atri, oggi Piazza Duchi d’ Acquaviva, lungo il prosieguo dell’ odierno Corso Adriano, che coinciderebbe
con il decumanus maximus della città, e a nord di esso Non sono forniti dati sulla datazione della piazza
che rientra pienamente nell’ urbanistica della città: Azzena 1987, p 72-75 Risulta superata l’ idea che la
piazza forense fosse collocata presso la piazza della Cattedrale per la presenza di abitazioni private nell’ area
nel periodo repubblicano: Azzena 1987, p 72; Guidobaldi 1995, p 204 A circa 300 m a est della piazza
del foro, al di sotto del piano pavimentale della zona antistante la Catterdrale di Atri sono state messe in
luce alcune strutture riconducibili a un settore abitativo, collocato genericamente all’ età repubblicana e
probabilmente coevo alla fondazione della colonia Ad una fase successiva sono attribuibili invece resti di
suspensurae oltre a muri di sostruzioni che hanno fatto interpretare l’ area come un complesso termale il
cui abbandono è da collocare nel I sec d C : Azzena 1987, p 24-17, n 4-6; p 57-60, n 35 Infine il teatro
posto nella parte nord-est della città sarebbe stato costruito tra l’ età augustea e la fine del I sec d C La
datazione ad età augustea è stata proposta sulla base dell’ integrazione della struttura nel piano urbanistico
della città alla fine del I sec a C , oltre a confronto dei muri in laterizio con i tratti murari rinvenuti
nell’ area della Cattedrale: Azzena 1987, p 53-57, n 34; Guidobaldi 1995, p 205
252
253
Diodoro Siculo, XXVII, 19, 3-5; 20-21
254
Valerio Massimo, V, 4, ext 7
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Riguardo invece ai Vestini, tra gli esempi è da citare il caso di Pinna L’ insediamento
si trova lungo la strada per Ausculum, nella zona abitata dai Vestini Transmontani
Durante la guerra sociale la città rimase fedele a Roma,253 tanto da essere assediata dagli
Italici e poi rioccupata da parte dei Romani 254 Probabilmente la città doveva essere
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cinta da mura 255 Dopo la guerra sociale Roma conferì a Pinna Vestinorum un territorio
molto ampio che andava fino all’Adriatico 256 La città fu amministrata da quattuorviri,
come attesta un’ iscrizione che riferisce dell’ opera di regolamentarizzazione della fonte
di Acqua Ventina, mediante la costruzione di camere di smistamento e delle relative
cellae a volta (castella e concomeratio), intervento dedicato alle divinità Fons, Ventina e
Vires La fonte è da collocare probabilmente presso l’ estrema propaggine occidentale del
Colle del Duomo 257 Il piano urbanistico della città è stato datato a partire dal I sec a C ,
contestualmente alla sua elevazione a municipium, dopo la guerra sociale (fig. 3) 258
Il municipium è collocato lungo la strada che da Asculum passando per
Interamna e Pinna conduceva a Teate, corrispondente all’ attuale SS 81 Piceno Aprutina
Nonostante la continuità di frequentazione fino ai giorni nostri e al disfacimento del
sito per via delle costruzioni medievali, tratti di tale strada sono ricostruibili presso Porta
da Piedi sul Colle Castello fino a Porta San Francesco, che tra I sec a C e I sec d C
sarebbe stata oggetto di un rifacimento Il tracciato risale almeno fino al III sec a C ,
come dimostrano alcuni tratti scavati fuori dalla città così come edifici rustici e necropoli
rinvenuti lungo il suo tracciato Il terrazzamento sostruttivo della strada di ingresso alla
città è stato collocato però cronologicamente ad un periodo non anteriore alla metà del I
sec a C , in concomitanza con la formazione del municipium 259 L’ altro asse importante
per la città era costituito da un diverticolo della via Flaminia Adriatica ad est
La città antica era situata sul Colle Duomo, dove scavi sistematici hanno messo
in evidenza un piano ortogonale con orientamento nord-est/sud-ovest 260 L’ impianto
viene adattato alla morfologia del luogo e disposto su terrazzamenti Rimane difficile
ricostruire con precisione l’ impianto urbanistico della città, che durante l’ età romana
doveva estendersi su una superficie corrispondente al successivo insediamento
medievale 261 La città romana occupava infatti parte del Colle Castello, le sue pendici
255
Franchi dell’ Orto 2010, p 167-170
256
Liber Coloniarum, II, 257, 11 L
CIL IX, 3351 L’ acqua di Pinna è ricordata tra l’ altro da Vitruvio per le sue proprietà terapeutiche:
Vitruvio, De Architectura, VIII, 3, 5
257
Staffa 2000-2001, p 295; Staffa 2010, p 94 Secondo M Buonocore l’ insediamento sarebbe stato
formato subito dopo la fine della guerra sociale: Buonocore 2010, p 222
258
259
Staffa 2010, p 158
260
Staffa 2000-2001, p 306-311
261
Staffa 2000-2001, p 295
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Figura 3: Pinna Vestinorum, planimetria della città moderna con i resti delle strutture antiche.
Crediti/fonte: Franchi Dell’ Orto 2010.
262
Staffa 2010, p 97
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verso l’ attuale viale Ringa, l’ area di piazza Luca da Penne ed il Colle del Duomo fino
all’ area di Porta San Francesco 262 Un impianto termale è stato rinvenuto nella zona
della cattedrale e datato alla prima età imperiale, così come una strada è stata individuata
presso il Palazzo vescovile e datata anch’ essa a questa fase
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Nel settore meridionale di Colle Castello, lungo l’ attuale Viale Ringa, è stato messo
in luce un quartiere residenziale con domus particolarmente sontuose, con la presenza di
ninfei, costruite in opera reticolata e mista, e datate dal II sec a C fino al I sec d C 263
Numerosi bolli laterizi attestano santuari, tra cui quelli con la dicitura Ops/Opes
databili alla metà del I sec a C , che indicherebbero il culto della divinità all’ inizio
della formazione del municipium (81) 264 Un unico santuario dei tanti attestati nei bolli
laterizi è stato collocato nel centro urbano, anche se in maniera molto ipotetica Questo
presenta una pianta quadrata, cella tripartita con pronao antistante La grandezza
sarebbe simile a quella di Castel di Ieri (15 x 19,9 m) datato tra il II e il I sec a C e
troverebbe confronti anche con quello di San Giovanni in Galdo Dalla descrizione
fornita nelle pubblicazioni sembra possa trattarsi di un capitolium
Le élite locali, mercanti e proprietari arricchitisi, si lasciano seppellire a partire
dal II sec a C e nel I sec a C in tombe a camera, come attestano le necropoli di Porta
San Francesco, Arce Conaprato, Casale e Trofigno Nell’ ambito dei corredi vi sono
letti in osso e balsamari in bronzo 265 Riguardo invece alla necropoli di età imperiale
riferibile al centro, questa doveva situarsi a sud-est della città, presso l’ attuale campo
sportivo, lungo il tracciato che conduceva alla valle del Tavo, verso Teate, ed è costituita
da nuclei di tombe a incinerazione 266
Un’ organizzazione urbanistica regolare è stata postulata anche per il sito più
interno di Aveia (fig. 4) Il sito è collocato in Provincia de L’ Aquila e corrisponde in
parte al paese di Fossa, in territorio vestino, lungo un diverticolo che portava alla via
Claudia nova Lo status giuridico di Aveia rimane ancora incerto allo stato attuale della
ricerca Con verosimiglianza fu dapprima praefectura e solo in età augustea il centro fu
elevato a municipium 267
263
Staffa 2000-2001, p 296-299
Sui bolli laterizi riferibili a divinità vd Buonocore 2010, p 222 Tra le divinità attestate vi sono Vesta,
Venere e Giunone
264
265
Franchi dell’ Orto 2010, p 68-81
266
Buonocore, Firpo 1998, p 855, n 44; Franchi dell’ Orto 2010, p 252-253, n 52
La città non compare nell’ elenco fornito da Plinio relativo ai municipia delle regiones augustee
(Plinio, Naturalis historia, III, 107, Vestinorum Angulani, Pennenses, Peltuinates, quibus inguntur Aufinates
Cismontani), è stato quindi proposto che questa, come Peltuinum, fosse da ritenere una praefectura (CIL
IX, 3627 e 3613), mantenendo probabilmente tale status anche in età imperiale L’ unica iscrizione che
menziona il municipium è datata infatti al III sec d C : ILS 9087 Vd La Regina 1968, p 383-384; Coarelli,
La Regina 1984, p 14 e anche La Torre 1985, p 157 A La Regina propone una lettura diversa del testo di
267
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Figura 4: Aveia, ricostruzione planimetrica.
Crediti/fonte: Pesando 2014.
Anche se le indagini sono ancora limitate e preliminari, Aveia sembra evidenziare
comunque un’ organizzazione ortogonale, con una parte alta alle pendici del monte
Circolo e una più bassa pianeggiante, separate da una strada pedemontana 268 L’ unica
evidenza archeologica ricostruibile in linea di massima è la cinta muraria di cui sono
stati indagati alcuni tratti Si tratta di mura in opera incerta di grande pezzatura, con
nucleo in cementizio, che cingono sia la città alta che quella bassa Le due strutture
interconnesse tra loro sono state datate al periodo augusteo, anche se in maniera
molto ipotetica e in attesa di ulteriori auspicabili indagini, sulla base di esigui reperti,
provenienti dalle fosse di fondazione, e in particolare della tecnica muraria, e fatti risalire
all’ istituzione del municipium, secondo l’ ipotesi che vede l’ istituzione del municipium
di Aveia in età augustea 269 Interessante risulta l’ individuazione di un tratto murario
precedente a tale fortificazione, con una tecnica muraria simile, definito genericamente
di età pre-romana ancora non datato con precisione 270 La città si estendenderebbe per
un’ area di ca 24 ettari e presenterebbe isolati rettangolari di 105 x 60 m 271
Plinio integrandolo in questo modo: Vestinorum: Angulani, Pennenses, Trasmontani; Aveiates, Peltuinates
quibus iuguntur Aufinates, Cismontani (La Regina 1968, p 370-371) Di diverso avviso M Buonocore, che
colloca l’ istituzione del municipium all’ epoca augustea, ipotesi accettata anche da F Pesando: Buonocore
2004, p 418-428; Pesando 2014, p 236
Le indagini sono state condotte da La Torre 1985 negli anni Ottanta del secolo scorso e riprese
successivamente nel 2009 da Pesando 2014 Vd anche Sommella 1988, p 141-142
268
269
Pesando 2014, p 235-236
270
Pesando 2014, p 239
271
La Torre 1985, p 162; Sommella 1988, p 142
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Figura 5: Peltuinum, planimetria.
Crediti/fonte: Migliorati 2016.
Secondo Coarelli, La Regina 1984, p 28 la città rimase praefectura senza divenire municipium
Dello stesso avviso G Firpo in Buonocore, Firpo 1998, p 859 e La Regina 1968, p 400 Diversamente
Sisani 2010, p 191: Peltuinum presenterebbe anomalie rispetto alla struttura di tipo quattuorvirale/
duovirale caratteristica dei municipia d’ Italia, tenuto conto che in relazione a questo centro sono attestati
solo quaestores, aediles, praefecti iure dicundo, con la prerogativa censoria segnata dal titolo quinquennalis
associata agli aediles È probabile quindi che il municipium fosse retto da un collegium costituito da praefecti
iure dicundo con affianco gli aediles Peltuinum quindi pur essendo stato elevato a municipium “continua a
rapportarsi al proprio territorio come una praefectura”, quale doveva essere anteriormente al municipium
Sulle fonti letterarie e epigrafiche provenienti da Peltuinum vd Buonocore, Firpo 1998, p 859-891
272
Su Peltuinum Buonocore, Firpo 1998, p 859-891 Secondo Coarelli, La Regina 1984, p 28 la città
rimase praefectura senza divenire municipium Dello stesso avviso G Firpo in Buonocore, Firpo 1998,
p 859 e La Regina 1968, p 400 Diversamente Sisani 2010, p 191 Sulle fonti letterarie e epigrafiche
provenienti da Peltuinum vd Buonocore, Firpo 1998, p 859-891 Un’ analoga attestazione epigrafica del
praefectus iure dicundo è stata restituita da Amiternum e da Nursia, che lascia ipotizzare come in questi
centri la magistratura maggiore del municipium almeno durante la sua prima fase fosse quella dei praefecti:
Sisani 2010, p 202, 205
273
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Nel caso del vicino centro di Peltuinum,272 sempre in area vestina, il centro da
praefectura fu elevato a municipium dopo la guerra sociale (fig. 5) 273
371
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Situato lungo una via della transumanza sul cui tracciato viene costruita nel
47 d C la via Claudia Nova, è verosimile ipotizzare un luogo di culto a partire dall’ età
arcaica probabilmente legato ad Ercole e successivamente a partire dalla metà del
I sec a C consacrato ad Apollo, come attestato da un’ iscrizione che cita la divinità
su una mensa per offerte votive reimpiegata come soglia di una delle tabernae situate
lungo la via Claudia Nova (fig. 7) 274 Una cisterna coperta dal temenos del successivo
tempio di età augustea con materiale di ambito votivo databile tra la fine del IV e la
metà del I sec a C , avvalorerebbe tale ipotesi 275 Inoltre alcune strutture in mattoni
crudi hanno fatto ipotizzare la presenza di un insediamento nel III-II sec a C legato
all’ attività transumante, seppur di difficile definizione e probabilmente non ancora a
carattere urbano 276
In continuità con l’ area sacra viene impostato in epoca augustea all’ estremità
meridionale dell’ area forense un tempio con podio, esastilo prostilo circondato da una
porticus 277
La pianificazione urbanistica del centro è stata collocata alla metà del I
sec a C ,278 proponendo una datazione al 40/30 a C per la cinta muraria in opera
incerta 279 Ancora visibili sono in particolare i resti della porta occidentale a due fornici
I tratti murari visibili e quelli ipotizzati racchiuderebbero un’ area di ca 22 ettari di
274
Migliorati 2008; Migliorati 2011, p 4-5 Sull’ iscrizione (AÉ 1994, 545) e la datazione alla fine dell’ età
repubblicana (II-I sec a C ) vd in particolare Buonocore 1989-1990, p 218 in cui fa riferimento al
contributo di Giustizia 1985, tav XLVII; Sommella 1995, p 284-288, che fornisce una datazione generica
alla fine della Repubblica; per la datazione, ritenuta più probabile, alla metà del I sec a C vd Buonocore
2022, p 144 (l’ articolo è aggiornato rispetto a quello pubblicato nel 1989-1990) e Sommella 2011-2012,
p 284 L’ iscrizione si trova anche nel catalogo di iscrizioni in Buonocore, Firpo 1998, p 882-883, n 106
Sul tratturo e in generale la transumanza in tale territorio vd Migliorati 2010-2011; Migliorati, Canino
2014, p 127-135
275
Migliorati 2008, p 344-346; Migliorati 2011, p 4
276
Sommella 1995, p 280
Per la datazione del tempio all’ epoca augustea vd Bianchi 2009, p 140 Per la divinità titolare del
tempio vd in particolare le osservazioni in Sommella 2011-2012, p 285-286 Sulla porticus vd inoltre
Migliorati, Canino 2014, p 135-138
277
278
Sommella 1988, p 178; Migliorati 2011, p 1; Sommella 2011-2012, p 275
Sommella 2011-2012, p 275 P Sommella esclude tra l’ altro la formazione del centro e la costruzione
della cinta muraria in un periodo precedente alla guerra sociale I tratti di mura in opera incerta ricondotti
alla cinta muraria erano stati collocati in precedenza genericamente alla metà del I sec a C : Blake 1947,
p 233; Jouffroy 1986, p 21
279
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C- Sulmo e Corfinium
Passando ad analizzare i vicini municipia di area peligna, il municipium di
Sulmo, collocato nell’ estremità meridionale della valle Peligna su un pianoro a ca 400 m
s l m delimitato dal fiume Gizio e dal torrente Vella, si trova sulla strada che collegava
la via Valeria con Aufidena e il Sannio La città divenne municipium amministrato da
quattuorviri e iscritto nella tribù Sergia, probabilmente dopo la guerra sociale 286 La
città antica si estende tra la via di Porta romana a nord, il lato settentrionale di piazza
Garibaldi a sud, la via Quatrario a ovest e la circonvallazione orientale a est (fig. 6)
Tali limiti sono inoltre determinati dalla presenza di necropoli, datate in particolare
all’ età imperiale Non si hanno dati dalla città per il periodo precedente l’ istituzione
del municipium, ma solo dal territorio, seppur esigui, in cui sono attestate tombe di età
repubblicana a est del fiume Gizio e fuori la Porta Napoli, che hanno fatto ipotizzare la
posizione dell’ insediamento peligno a Nord di Porta Napoli La posizione risulterebbe
infatti piuttosto strategica, alla confluenza di strade che passano lungo la valle del
Sagittario e in direzione del fiume Sannio
280
Se valida la ricostruzione ipotetica di Coarelli e La Regina: Coarelli, La Regina 1984, p 28
281
Sommella 2011-2012, p 276-277
282
Migliorati 2016, p 54
Con verosimiglianza il teatro è da ritenere intramurario (Sommella 2011-2012, p 279) a differenza
dell’ ipotesi che vedeva l’ edificio collocato al di fuori della cinta muraria (Coarelli, La Regina 1984, p 28)
283
284
285
286
Migliorati 2016, p 53
Campanelli 1996, p 32-34, 37-38
CIL IX, 3023; Bispham 2007, p 469, nota 90
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forma irregolare, di ca 650 m in direzione est-ovest e 600 m in direzione nord-sud 280
L’ impianto urbano è legato al doppio multiplo dell’ actus, che lo fa collocare alla fase
tardo-repubblicana/augustea La strada in direzione NW-SE, poi divenuta claudia
nova, costeggia il rettangolo forense lungo il lato breve settentrionale 281 L’ unico
scavo effettuato lungo la parte conservata del tratturo ha messo in evidenza una strada
ortogonale ad esso 282
Immediatamente a sud del tempio è situato il teatro datato a età giulio-claudia,283
mentre a nord-ovest del sito sono documentate alcune domus costituite da muri in opera
reticolata e opera incerta 284 Le domus sono state collocate alla prima età augustea, con
rifacimenti successivi dell’ età di Caligola 285
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Figura 6: Sulmona, pianta della città con indicazione dei resti antichi.
Crediti/fonte: Van Wonterghem 1984, p. 228, fig. 306.
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L’ urbanizzazione della città è collocata nel I sec a C per la presenza della
maggior parte degli edifici in opera reticolata 287 Si tratta di un impianto quadrato di
400 m di lato, non dissimile da quello successivo medievale, che segue il corso dei fiumi
Gizio e Vella Questi ne costituiscono i confini occidentale e orientale L’ impianto è
suddiviso in modo regolare da sei assi viari nei due sensi, per una superficie totale di
ca 17 ettari 288 La città doveva essere cinta da mura, anche se non se ne sono trovati
resti Si ipotizza che in parte le mura servissero a sostruire i pendii scoscesi verso i due
fiumi 289 L’ asse centrale della città è costituito dall’ odierno Corso Ovidio, lungo il quale
sarebbe da collocare il foro Agli estremi di questo asse dovevano collocarsi due porte,
Porta di S Agostino a nord e Porta Salvatoris a sud, come in età medievale Solo la
porta meridionale ha restituito strutture riconducibili all’ età romana, anche se non
riconosciute unanimemente come appartenenti ad una porta (fig. 6, n 28) 290 L’ altro
asse era probabilmente costituito da quello trasversale che unisce la Porta Joannis
Bonorum Hominum e la Porta Joannis Passeri, e che avrebbe costituito probabilmente
il decumano L’ andamento delle vie trasversali ha fatto pensare ad un orientamento non
perfettamente ortogonale, che richiamerebbe quello di Sepino 291
E’ stato ipotizzato che la città fosse dotata anche di un teatro e un anfiteatro nella
zona nord-est, tra le odierne via Solimo e via Innocenzo VII
All’ interno della città antica sono collocati resti più tardi, soprattutto di
pavimenti mosaicati riconducibili ad abitazioni, da collocare tra il II e il III sec d C
Resti di un quartiere residenziale suburbano sono stati rinvenuti a nord della città, tra
la Porta S Agostino e la Cattedrale S Panfilo (fig. 6, n 20) 292
Riguardo alla necropoli, le tombe più antiche, la maggior parte delle quali
collocate presso la necropoli del Crocefisso, non risalgono oltre il I sec a C (fig. 6,
La Regina 1966, p 115 Secondo A La Regina la città in realtà presentava una cinta muraria e quindi
era già strutturata prima della guerra sociale
287
288
Coarelli, La Regina 1984, p 133-137 Per la ricostruzione urbanistica della città vd La Regina 1966
289
Secondo Ovidio le mura delimitavano una città di piccole dimensioni: Ovidio, Amores, III, 15, 12
290
Van Wonterghem 1984, p 130, n 28
291
Van Wonterghem 1984, p 226
Van Wonterghem 1984, p 130, n 20 Inoltre le iscrizioni attestano numerosi culti, tra cui quello di
Angitia, Cerere e Venere (CIL IX, 3076) oltre a una serie di culti di divinità romane e al culto imperiale
Inoltre sono attestati vari personaggi di origine locale quali L Staio Murco, pretore nel 45 a C e il poeta
Ovidio, che sottolinea l’ estensione limitata della città CIL IX, 3080; Velleio, II, 69
292
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n 35) 293 Ad ovest della città invece lungo le vie di percorrenza verso ovest erano situate
le necropoli più antiche, nella parte settentrionale con una frequentazione anche in età
imperiale 294
Subito fuori dalla città, a nord-ovest di essa, è stata rinvenuta una stipe votiva
con monete, oltre a ornamenti in bronzo e statuette fittili, databili alla seconda metà del
I sec a C , probabilmente riconducibili a un santuario extra-urbano (fig. 6, n 25) 295
Sulmona mostrerebbe quindi un’ urbanizzazione dopo la guerra sociale,
diventando con l’ amministrazione da parte di Roma il centro principale in quest’ area 296
Passando al centro di Corfinium, questo situato nell’ attuale Corfinio è il centro
più importante tra i Peligni fino alla guerra sociale (fig. 7) 297 La sua posizione risulta
particolarmente strategica, in quanto posto sulla riva destra del fiume Aterno, in cui
confluiscono la via appenninica proveniente da nord e la via Valeria, che in antichità
aveva come ultimo centro proprio Corfinium La città ebbe il ruolo di capitale degli
insorti durante la guerra sociale, assumendo il nome di Italica 298 Secondo Diodoro
Siculo al tempo la città presentava un foro, una curia, oltre ad arsenali e depositi di
tesoro e provviste 299
La città divenne municipium verosimilmente subito dopo la guerra sociale per la
presenza dei quattuorviri 300 Come tutta la zona dei Peligni, il territorio venne inserito
nella tribù Sergia Cesare colloca Corfinium a 7 miglia a N di Sulmo Successivamente
nel liber Coloniarum Corfinium è collocato nella Provincia Valeria301 sotto le Civitates
Piceni e Civitates Regionis Samnii 302
293
Van Wonterghem 1984, p 130, n 35
294
Van Wonterghem 1984, p 226
295
Van Wonterghem 1984, p 130, n 25
296
Ipotesi avanzata anche in Dionisio 2015
Van Wonterghem 1984, p 113-122; Coarelli, La Regina 1984, p 118-132; Plinio, Naturalis historia,
III, 106; Strabone, V, 4, 2 Su Corfinium vd in generale van Wonterghem 1984; Valenti 2010; Biella 2010;
Isayev 2011; Dionisio 2015
297
298
Velleio Petercolo, II, 16; Diodoro Siculo, XXXVII, 2
299
Diodoro Siculo, XXXVII, 2
300
Bispham 2007, p 500, Q84
301
Cesare, De bello civili, I, 16-23; Liber Coloniarum, I, 228, 18
302
Liber Coloniarum, II, 255, 3-12; II, 260, 3
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Figura 7: Corfinio, pianta della città con indicazione dei resti antichi.
Crediti/fonte: Van Wonterghem 1984, p. 121, fig. 108.
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Il primo nucleo della città si ipotizza fosse posto su una zona terrazzata, dove fu
in seguito costruito il Castro medievale di Pentima L’ area presenta le pareti scoscese su
tre lati, mentre un quarto lato è collegato con un altopiano E’ stato ipotizzato si tratti
di un vicus per la presenza di relative tombe a camera datate tra il IV e il I sec a C Tale
vicus, con una frequentazione a partire dal V sec a C viene lentamente ad allargarsi
dal IV sec in poi, in modo particolare nel II sec a C 303 L’ uso della lingua locale così
come l’ utilizzo delle tombe a camera terminano con la fine della guerra sociale Con
l’ istituzione del municipium sono attestate infatti tombe a incinerazione, così come i
monumenti funerari a torre
La collocazione della città della fine dell’ età repubblicana e di età imperiale è stata
riconosciuta nella località Piano di Civita L’ impianto urbano si organizza intorno alla
via Valeria (attuale via Poppedio)304 e la via proveniente da sud-est, corrispondente alla
via di Pratola, lungo la quale è collocata una necropoli di età repubblicana (fig 84, n 3,
p 33-35) 305 Lungo la via di Pratola tra il Castrum e la necropoli sarebbe da collocare
secondo Wonterghem l’ area sacra di un ipotizzato pagus,306 mentre la via Poppedio
determina l’ urbanizzazione di età romana, nell’ attuale loc Madonna del Loreto e
Loc S Giacomo La collocazione del foro rimane incerta, ipotizzata inizialmente
vicino la chiesa di Madonna delle Grazie, lungo la via di Pratola in quello che più
probabilmente sembrerebbe trattarsi di un campus 307
Cesare fa riferimento a mura probabilmente costruite quando il centro divenne
municipium, che comprenderebbero sia la parte arroccata sia parte dell’altopiano, come
testimonia la posizione delle necropoli di età repubblicana 308 Il teatro, di cui si riconosce la
planimetria grazie alla disposizione a semicerchio delle case intorno al paese, si addossava
alle pendici della collina, con muri radiali in opera incerta per la parte occidentale
costruita e una cavea di 75 m (fig 84, n 4) 309 L’ edificio è stato datato all’inizio del I
Molti segnacoli presentano iscrizioni in dialetto locale e alfabeto latino, segno di una precoce
penetrazione della cultura romana
303
304
Van Wonterghem 1984, p 48, n 3
Van Wonterghem 1984, p 48, n 33-35 Per una descrizione dettagliata delle varie tipologie di tombe
rinvenute a Corfinium vd Van Wonterghem 1984, p 144-154
305
306
Van Wonterghem 1984, p 118
307
Van Wonterghem 1984, p 157-162
Cesare, De bello civili, I, 16-23 Caesar […] iuxtaque murum castra posuit; Cesare, De bello civili, I, 21:
Domitius […] portas murosque adversari iubet
308
309
Van Wonterghem 1984, p 48, n 4
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sec a C , per via di un’iscrizione in cui viene menzionato un quattuorviro quinquennale
T. Mittius Celer, che ne curò la sua costruzione, con gradinate 310 E’ inoltre menzionata la
costruzione di un mundus, inteso come probabile atto fondativo del municipium 311
Presso il cimitero di Corfinio, sempre nella zona Piano S Giacomo, sono state
trovate tombe repubblicane, che non documentano un utilizzo della necropoli in età
imperiale (fig 84, n 20) 312 L’ assenza di una fase imperiale ha fatto pensare che tale zona
fosse occupata dal centro urbano tra la fine della Repubblica e la prima età imperiale
Lungo la via di Pratola, probabilmente in posizione extraurbana sono collocati
due edifici templari di piccole dimensioni di età tardo repubblicana o inizio dell’ età
imperiale 313 Uno presenta un edificio in opera cementizia con paramento in opera
incerta, orientato nord ovest/sud-est, con cella quadrata, pronao e due colonne in antis
Per la tecnica costruttiva il tempietto è stato ricondotto a un periodo compreso tra la
prima metà del I sec a C e il I sec d C Il materiale votivo trovato nelle vicinanze tra
cui sette statuette bronzee di Ercole, hanno fatto identificare in questa divinità quella
venerata nel tempio L’ orientamento non coincide con quello della città, ma segue la via
San Giacomo e alcuni edifici nelle vicinanze, elemento che ha fatto ipotizzare si tratti
probabilmente dell’ area sacra del più antico pagus poi monumentalizzata durante l’ età
imperiale (fig 84, n 10) 314
D- Teate
Nel territorio della popolazione italica dei Marrucini viene istituito invece un
unico municipium, quello di Teate, i cui resti sono situati nella città di Chieti (fig. 8) 315
Definita da Silio Italico magnum Teate, il centro è situato su di un colle tra il fiume
Pescara a ovest e il fiume Alento a est Il municipium fu amministrato da quattuorviri,
mentre successivamente divenne colonia, come attesta un’ iscrizione di età tarda (113) 316
CIL IX, 3173 T. Muttius P.f. Celer IIII v(ir) q(uinquennalis)/theatrum, mundum, /gradus, faciendos
cura(vit), / senatique consultum / fecit[que] utei pequnia(m) a/populo pageis retribueret.
310
311
Vd a tal proposito Buonocore, Firpo 1991, p 227, n 31; Gros, Torelli 1988, p 153
312
Van Wonterghem 1984, p 48, n 20
313
Van Wonterghem 1984, p 48, n 12; per la descrizione dell’ edificio vd ibid , p 127-130
314
Van Wonterghem 1984, p 48, n 10; CIL IX, 6333, 6336
315
Viglietti 2008; Iaculli 2017; Liberatore 2017
Silio Italico, VIII 522; CIL IX, 3022; CIL IX, 3044 Secondo Buonocore, Firpo 1991, p 100 Teate
divenne municipium durante la guerra sociale e mantenne anche in seguito tale status giuridico
316
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Figura 8: Teate, posizionamento degli edifici antichi nell’ area della città moderna.
Crediti/fonte: Liberatore 2017.
A Teate è stato individuato l’ asse centrale della città, che correva parallelo
all’ attuale corso Marrucino, spostato di 6 m verso est rispetto a questo e corrispondente
al tratto urbano della via Valeria La gran parte degli edifici antichi rinvenuti, quali
un edificio termale, il teatro e tre tempietti lungo il lato lungo nord-occidentale
dell’ ipotetica piazza forense, si colloca alla metà del I sec d C 317
Pochi ma di estremo interesse sono i dati sulla fase precedente, riferibili in
particolare a strutture di carattere sacro Sulla Civitella, una zona ad ovest e più elevata
rispetto alle evidenze di età imperiale, una porticus in opera reticolata di età cesariana
interseca una struttura sacra più antica (il c d edificio De Chiara), costituendone il
terminus ante quem relativo alla sua dismissione 318 La struttura non si è conservata,
ma gli elementi di decorazione architettonica in terracotta permettono la ricostruzione
di un frontone con la Triade capitolina, oltre a due frontoni, uno con i Dioscuri e
Coarelli, La Regina 1984, p 143-151; Sommella 1988, p 180-181 Teate divenne municipium
subito dopo la guerra sociale e rimase tale anche in età imperiale: su Teate vd anche Gabba 1972, p 100;
Buonocore, Firpo 1991, p 392
317
318
Liberatore 2017
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l’ altro con Apollo, Ercole e le Muse, questi ultimi due collocati alla prima metà del
II sec a C 319 La costruzione del capitolium della città potrebbe riferirsi invece ad
una fase subito successiva alla guerra sociale, in concomitanza con l’ istituzione del
municipium 320 E’ stato inoltre ipotizzato che la sua costruzione sia dovuta a uno dei
membri della famiglia degli Asinii 321
Il culto capitolino probabilmente fu spostato in età imperiale nella zona
orientale della città presso l’ area forense con la costruzione alla metà del I sec d C
di tre tempietti su alto podio interpretati non senza riserve come capitolium 322 Anche
i tempietti si impostano su strutture in opera quadrata riconducibili a una struttura
sacra precedente, cui sarebbero da riferire terrecotte architettoniche del II sec a C 323
All’ angolo occidentale della piazza del foro è stato individuato un tempio tetrastilo
prostilo in antis contemporaneo ai tre tempietti, nella cui costruzione sono stati
reimpiegati blocchi di tufo riconducibili a un edificio precedente, con funzione sacra,
se si attribuiscono a questo edificio alcune terrecotte architettoniche datate tra la fine
del II sec a C e l’ inizio del I sec a C , oppure da interpretare come curia se si esclude
un legame con le terrecotte architettoniche 324
E- Alba Fucens, Marruvium e Anxa
Una microregione distinta è caratterizzata dal lago del Fucino e i municipia
a esso afferenti, corrispondenti alle zone delle popolazioni dei Marsi e in parte degli
Aequi Dopo la guerra sociale vennero istituiti in quest’ area tre municipia: Marruvium
sulla sponda orientale del lago Fucino in una zona verosimilmente non abitata in
precedenza, Anxa sulla sponda occidentale, su di un sito dove dal III sec a C sorgeva
un santuario consacrato alla divinità italica Angitia e l’ antica colonia di Alba Fucens a
nord, lungo la via Valeria
La colonia latina di Alba Fucens fu fondata nel 303 a C per controllare la
regione della popolazione italica degli Equi lungo la Via Valeria, la cui costruzione
319
Liberatore 2017, p 157-160
320
Liberatore 2017, p 160-161
321
Liberatore 2017, p 161-163
322
Iaculli 2017, p 108-115; Liberatore 2017, p 158-165
323
Liberatore 2017, p 164
324
Iaculli 2017, p 115
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può essere collocata con verosimiglianza nel 307 a C (fig. 9) 325 La città è divisa da
assi stradali in blocchi regolari di forma allungata e risulta munita da mura in opera
poligonale costruite nel momento della fondazione della città; a questa fase sono state
riferite anche la rete stradale urbana e le porte urbiche 326 Tra la cosiddetta Via del
Miliario e Via dei Pilastri è situato il foro, con i principali edifici di carattere civile: il
comitium e il diribitorium ritenuti contemporanei alla fondazione della colonia, e la
successiva basilica di fine II-inizio I sec a C , impostata su di una zona verosimilmente
già in precedenza funzionalizzata ad area pubblica;327 più a sud si trova il santuario
di Ercole, le cui terrecotte architettoniche lasciano ipotizzare una prima fase già a
partire dal III sec a C 328 Tale complesso è da interpretare verosimilmente come un
forum pecuarium 329 A nord-ovest del santuario vi sono edifici più tardi, in particolare
un complesso con il macellum del I sec a C e le terme di cui è attestata una fase di
II sec d C Le altre strutture poste lungo le strade sono tabernae e abitazioni, di cui
emerge con sicurezza una fase medio-imperiale 330
L’ antica Marruvium, oggi situata nel comune di San Benedetto dei Marsi, in
Abruzzo, è collocata invece direttamente sulla sponda orientale del Lago Fucinus,
non lontano dalla via Valeria e lungo il fiume Giovenco Inserito nell’ elenco di
Plinio il Vecchio il municipium è retto da quattuorviri, carica documentata fino ad
età tiberiana,331 e di conseguenza con verosimiglianza sorto nel periodo successivo la
guerra sociale 332 Rimangono comunque ad oggi nulli i dati archeologici relativi alla
fase precedente la guerra sociale Differente invece la situazione per ciò che riguarda il
periodo successivo a questa, quando Marruvium divenne municipium
Livio, IX, 45; X, 1, 1-2; In particolare una sintesi relativa alle vicende di scavo nel sito di Alba Fucens
si trovano in Balty 2012
325
326
Liberatore 2004, p 132
327
Liberatore 2004, p 135-141
328
De Visscher et al. 1963; Liberatore 2014
Coarelli, La Regina 1984, p 87 I materiali rinvenuti nell’ area del santuario lasciano ipotizzare un’ area
sacra in questo luogo già a partire dal III sec a C , mentre le strutture risalgono solo al I sec a C L’ ipotesi
del forum pecuarium non viene accettata da D Liberatore, che ritiene l’ apparato scultoreo troppo ricco per
una tale interpretazione: Liberatore 2014
329
330
Di Cesare, Liberatore 2017
331
CIL IX, 3664 e 7678
332
Plinio, Naturalis historia, III, 106 Per una discussione a riguardo vd Letta 1988, p 206-207
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Figura 9: Alba Fucens, planimetria.
Crediti/fonte: Mertens 1969.
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Figura 10: Marruvium, probabile estensione del municipium con indicazione delle evidenze archeologiche.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
333
Per una sintesi critica delle evidenze vd Blasetti Fantauzzi 2016; Blasetti Fantauzzi 2019
CIL IX, 3688; Letta, D’ Amato 1975, n 49: Octavius Laenas [.] Cervasius P.f. IIIIvir(i) quinq. viam
post Capitolium silice sternend(am) ex d.d. locarunt idemq(ue) probar(unt) Per la collocazione vd Coarelli,
La Regina 1984, p 101
334
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Il centro presenta un’ organizzazione ortogonale all’ interno di un’ area compresa
tra un ramo del fiume Giovenco a nord, un tratto di cinta muraria a sud, due monumenti
funerari a torre a ovest e alcune tombe del I sec a C a est, dove poi verrà impostato
l’ anfiteatro di età augustea (fig. 10) 333
A Marruvium è attestato su base epigrafica anche un capitolium della fine dell’ età
repubblicana, da collocare con buona probabilità presso l’ attuale Chiesa di Santa
Sabina nel centro del paese di San Benedetto dei Marsi 334 Una serie di strutture in opera
reticolata, riferite ad edifici sia privati che pubblici, indicano una strutturazione della
città nel periodo subito successivo alla municipalizzazione e una monumentalizzazione
in età augustea In particolare lungo via Vittorio Veneto è attestata una ricca domus nei
pressi dell’ area pubblica della città
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La fondazione ex nihilo del municipium Marruvium si è resa necessaria con
verisimiglianza per sfruttare il territorio lungo la sponda orientale del lago 335 Il
lago, così come la vicinanza all’ unico fiume della regione e più in generale quindi il
complesso delle risorse naturali, hanno probabilmente giocato il ruolo decisivo per il
posizionamento del sito Dirimente inoltre è stato certamente anche il rapporto con
la rete stradale, poiché Marruvium era collegato alla via Valeria, situata a non molta
distanza, ed era inoltre in comunicazione con le strade che gravitavano intorno al lago
La posizione strategica rispetto alla disponibilità di risorse e il buon collegamento con il
territorio sono stati probabilmente i criteri dirimenti alla base di tale nuova fondazione
Sulla sponda del lago opposto a Marruvium è situato invece un complesso
sacro ricondotto al culto della dea italica Angitia, intorno al quale venne organizzato
dopo la guerra sociale uno spazio urbano, che divenne municipium, con il nome di
Anxa, come attesta la notizia di Plinio 336 Il municipium, disposto su terrazze lungo
le pendici scoscese e rocciose del monte Penna, si allargò dopo il 52 d C , acquisendo
parte delle terre bonificate da Claudio 337 Non si hanno dati sufficienti per delineare le
caratteristiche del sito urbano o la sua estensione In località il Tesoro presso l’ attuale
paese di Luco dei Marsi è stata individuata l’ imponente area sacra, nella parte orientale
del monte Penna, disposta su terrazze rivolte verso il Fucino ai piedi di un balzo roccioso
e all’ interno di un circuito murario in opera poligonale datato per la tecnica muraria di
III e IV maniera al IV sec a C Tale area è stata identificata con il Nemus Angitiae di
cui riferisce Virgilio nell’ Eneide, luogo legato sia ai serpenti sia alle sue caratteristiche
magiche, curative e di fertilità 338 Il complesso è considerato nella letteratura come il
santuario federale dei Marsi, mentre il nome della dea nella più antica attestazione è
A(n)ctia da cui deriverebbe il nome del municipium
F- Iuvanum e Larinum
Così come per il caso di Anxa, nell’ ambito dell’ impostazione dei municipia,
sono attestati alcuni casi di santuari con una valenza territoriale scelti come sede per le
nuove città Tali santuari vengono monumentalizzati nel II secolo a C e si trovano in
335
Blasetti Fantauzzi 2019; Blasetti Fantauzzi 2020
336
Plinio, Naturalis historia, III, 106
Di diverso avviso S Sisani, che colloca il sito di Anxa presso Scanno, per la presenza di iscrizioni che
menzionano i decuriones (CIL IX, 3088; 3093) e un quattuorvir (CIL IX, 7143): Sisani 2021, p 45, nota
30
337
338
Virgilio, Eneide, VII, 755-760
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Figura 11: Iuvanum, planimetria dei templi A e B.
Crediti/fonte: Fabbricotti 1997.
Un sito importante in questo senso è quello di Iuvanum nel territorio dei
Carricini L’ insediamento, situato su di un plateau ad un’ altitudine di 1 000 m,
Alcuni di questi santuari furono definitivamente abbandonati dopo la guerra sociale, come il
santuario di Monte Rinaldo nel Picenum e quello di Pietrabbondante nel Sannio Riguardo al santuario di
Pietrabbondante vd Strazzulla 1971; La Regina 1976; La Regina 1984; Coarelli, La Regina 1984, p 230256; Stek 2009, p 40-43 Monte Rinaldo è stato oggetto di recenti scavi archeologici, che hanno permesso
di delineare con precisione le sue fasi di frequentazione: Demma 2019, p 343-344; Giorgi et al. 2020
339
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punti territoriali importanti lungo le rotte della transumanza, risultando poi inglobati
nei nuovi municipia 339
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presenta una fase di frequentazione a partire dal IV sec a C fino al VI sec d C 340 A
partire dal III sec a C è attestato un santuario sannita Durante il III o il II sec a C fu
costruito un temenos di forma poligonale (fig. 11) All’ interno dell’ area terrazzata, sono
stati posti due templi allineati tra di loro, rivolti a sud-est dove è situato l’ ingresso 341
Alla fine del II secolo a C , il santuario fu completato da un teatro di pietra locale, che
potrebbe essere stato utilizzato per spettacoli, riunioni religiose, civili e politiche 342
Il sito di Iuvanum presenta una continuità di frequentazione durante il periodo
della municipalizzazione Nella parte settentrionale della collina del santuario, su di
un altopiano, viene infatti impostato il foro del municipio (fig. 12) Lo spazio forense
risulta di piccole dimensioni (67 x 27 m), con la via d’ accesso che collega il foro
con l’ area rialzata dei templi Nell’ area settentrionale è presente una basilica, la cui
costruzione, sulla base di un’ iscrizione in cui si menzionano anche un tribunal e altri
edifici ma in cui non è possibile riconoscere il nome dei costruttori, è stata fatta risalire
alla concessione dello statuto municipale 343
Il foro presenta poi una monumentalizzazione di età giulio-claudia, come
attesta un’ iscrizione pavimentale bronzea su tre lastre, rivenuta lungo l’ asse minore
mediano del foro datata al 49 d C , che menziona C Herennius Capito, a cui si deve la
pavimentazione dell’ area 344 Alcune strutture a sud della piazza, allineate con il foro di
forma pseudo-rettangolare, sarebbero da collegarsi alle pratiche cultuali del santuario 345
In generale su Iuvanum vd Fabbricotti 1990; Fabbricotti 1992; Fabbricotti 1997; Fabbricotti 2008;
Lapenna 1997; Lapenna 2006 Il nome del municipium è noto da fonti epigrafiche tarde del 352/357 d C
(CIL IX, 2956)
340
Un primo tempio (A) fu costruito nel III o nella prima metà del II sec a C nella parte centrale del
recinto sacro All’ inizio del II sec a C , il secondo tempio (B) fu costruito parallelamente al primo, a una
distanza di circa 4 m a nord di esso Le datazioni fornite in vari contributi di E Fabricotti e S Lapenna sono
differenti In Fabbricotti 2008 si parla di un temenos costruito nel corso del III sec a C , con il tempio A
anch’ esso datato nel III sec a C , mentre in Lapenna 1997 la datazione è più tarda, spostata alla prima
metà del II sec a C Verosimilmente si deve ritienere valida quest’ ultima datazione, poiché proposta in
tutte le pubblicazioni successive allo scavo
341
342
La datazione del teatro non è certa, tenuto conto che la documentazione di uno scavo effettuato negli
anni Quaranta del Secolo scorso è andata persa
343
CIL IX, 2961; Jouffroy 1986, p 49; Paci 1990, p 56; Gros 1996, p 244; Walthew 2002, p 45-52
Sull’ iscrizione oltre che per la posizione dell’ iscrizione, la planimetria del foro e i confronti con altri
siti della penisola vd Iaculli 1990 Vd anche Firpo 1997
344
Un certo numero di altre strutture indicano un’ occupazione precedente a questa fase La loro funzione,
tuttavia, non è chiara È stato ipotizzato possano aver avuto una funzione abitativa Queste (stanze I, L, K,
345
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Figura 12: Iuvanum, foro e basilica.
Crediti/fonte: Gros 1996.
L’ osservazione di questi esempi mostra in modo evidente come lo spazio forense
sia stato impostato al momento della nascita dei municipia, diventando un elemento
costitutivo di queste città La connessione tra foro e processo di municipalizzazione
risulta evidenziata anche dal fatto che in alcune città fondate in una fase anteriore alla
guerra sociale e quindi già strutturate, il foro sembra svilupparsi solo in concomitanza
con la municipalizzazione
Una situazione piuttosto simile è attestata a Larinum nell’ area dei Frentani, dove
il foro è sovrapposto a un quartiere abitativo più antico
J, W, X, Z) hanno un orientamento diverso dalle strutture del periodo giulio-claudio collocate nell’ angolo
sudorientale del foro (strutture A, B, C, D, G) e sono parzialmente intersecate dalla strada del foro
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Figura 13: Larinum, prima fase del
foro.
Crediti/fonte: Caliò et al. 2012.
Figura 14: Larinum, seconda fase
del foro.
Crediti/fonte: Caliò et al. 2012.
346
Su Larinum vd in particolare De Felice 1994; Caliò et al. 2012; Robinson 2021
347
Caliò et al. 2012, p 174
348
Caliò et al. 2012, p 173-174
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Sono documentate tre aree con differenti orientamenti all’ interno della città 346
La più recente di queste, relativa al foro, indica una riorganizzazione urbanistica nel
contesto della municipalizzazione (fig. 13) Il foro, costruito nella sua prima fase
all’ inizio del I sec a C , presenta una planimetria piuttosto semplice, con una struttura
a pettine con stanze rettangolari, situata su uno dei lati corti della piazza (50 x 100 m)
e preceduta da un portico, con una funzione verosimilmente commerciale 347 Nel
periodo augusteo, il foro fu ampiamente rimodellato e dotato di monumenti onorari,
rivelando così una maggiore attenzione alle funzioni di rappresentanza, nel cui contesto
fu costruita anche un’ area absidata (fig. 14) 348
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I dati topografici dei municipia lasciano emergere come questi siano nella gran
parte situati in zone pianeggianti o leggermente elevate e quasi costantemente nei pressi
di corsi d’ acqua (fig. 15) E’ possibile infatti individuare un rapporto con il sistema
fluviale costituito dal corso d’ acqua principale oppure dalla media o alta valle di un
fiume Nel caso di Sulmo il municipium è a fondovalle tra due fiumi che ne costituiscono
anche il confine topografico lungo i due lati Allo stesso modo Marruvium sembrerebbe
evidenziare confini naturali in due rami del fiume Giovenco
Alcuni municipia sono disposti in posizione strategica, in zone collinari in
prossimità di fiumi Teate è situata su un colle tra i fiumi Pescara a ovest e Alento a est,
Hadria su un plateau tra i fiumi Piomba e Calvano e Larinum presso la Valle del Biferno
Interamna Praetuttianorum è situata anch’ essa su una terrazza fluviale di forma trapezoidale
delimitata a Nord e a Est rispettivamente dai fiumi Vezzola e Tordino 349 Direttamente
sulla costa sono collocati pochi municipia, tra cui quelli di Hortona e Histonium 350
Figura 15: Il contesto geografico dei municipia dell’ Italia centrale.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
349
Migliorati 1976, p 246 Indicativo anche il toponimo
350
Sulla collocazione topografica di tali municipi si hanno solo dati epigrafici
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3- Il rapporto dei municipia con il sistema fluviale e quello viario
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Spesso i fiumi vengono utilizzati anche come confini territoriali, come nel caso
di Hadria, Angulum351 e Pinna Vestinorum Verso l’ interno, la vicinanza a un corso
d’ acqua o la collocazione lungo una valle fluviale risultano essere allo stesso modo una
caratteristica quasi generale Aveia si trova presso il fiume di Fossa, affacciato sulla Valle
dell’ Aterno La presenza di una falda acquifera e la conseguente disponibilità di acqua
e di facilità nell’ approvvigionamento idrico deve aver contributo anche alla scelta del
luogo per l’ impianto del centro romano di Peltuinum, oltre alla posizione su un vasto
pianoro all’ interno di una conca intramontana 352
Le valli fluviali costituiscono nel contempo un elemento di collegamento tra i
vari municipia come si evince dai municipia situati nella valle del Sangro, quali Aufidena
nell’ alta valle del Sangro e Iuvanum e Anxanum (Lanciano)353 lungo la media e bassa
valle del Sangro, mentre Histonium (Vasto) gravita sul Trigno, alla cui foce è vicino
Nella parte appenninica più interna hanno lo stesso ruolo le Valli dell’ Aterno, la Valle
del Sagittario e la Valle Roveto Un caso diverso è quello dei municipia nati intorno
all’ antico lago del Fucino, ora bonificato e usato per scopi agricoli, lago che costituiva
nell’ antichità la risorsa naturale più significativa della zona in particolare per i municipia
di Marruvium e Anxa
L’ altro fattore che si può riscontrare nella collocazione dei municipia è il
rapporto con il sistema viario romano, sia con le strade romane principali sia con i loro
diverticoli e, soprattutto per ciò che riguarda l’ area interna appenninica, con i percorsi
della transumanza (fig. 16) 354
351
La collocazione topografica del municipium di Angulum è su base epigrafica
352
Migliorati 2007, p 108-111; Migliorati 2008, p 342; Migliorati 2011, p 2-4
353
La collocazione topografica del municipium di Anxanum è su base epigrafica
Per le strade romane è stato utilizzato McCormick et al. 2013 Le rotte della transumanza sono state
digitalizzate secondo quelle tracciate in van Wonterghem 1992
354
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Figura 16: Il sistema viario dei municipia dell’ Italia centrale. Strade romane (rosso); diverticoli (giallo); strade della
transumanza (tratteggiate).
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
Significative in questo contesto si dimostrano la via Caecilia,355 prolungamento
della Salaria, che collega Roma con l’ Adriatico passando per Interocrium, Forum,
Amiternum fino a Hadria, e la Via Valeria che passando per Carseoli, Alba Fucens,
Corfinium arriva fino a Teate e alla costa adriatica Da quest’ ultima si dipanano
diverticoli che collegano Alba Fucens con Antinum verso Sora; Marruvium con
Aufidena; Corfinium con Sulmo, Aufidena, Aesernia fino a Saepinum I municipia sulla
costa sono invece collegati tra di loro tramite la strada costiera che da Castrum Novum
passa per Hortona e proseguendo per Histonium arriva ad attraversare Larinum
355
Sulla via Caecilia vd Guidobaldi 1995, p 293-313
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Particolarmente significative si presentano le rotte della transumanza su cui
sono collocati i centri di Amiternum e Peltuinum, rotte che passando per Anxanum e
Larinum arrivano fino ad Arpi L’ altra rotta nord-sud è costituita dalla strada CelanoFoggia, lungo la quale è collocata Sulmona La terza grande strada di transumanza è
quella che da Aufidena passando per Aesernia si dirige verso Saepinum 356
Il sistema stradale nel suo insieme, come le vie della transumanza, sembrano
quindi aver agito come catalizzatori per lo sviluppo di queste città, in tutta l’ area
appenninica e adriatica dell’ Italia centrale I municipia, situati generalmente nella
valle, vicino ai fiumi e nei pressi di strade e tratturi permettono, infatti, sia un migliore
uso agricolo dell’ area circostante sia di trarre profitto dall’ allevamento intensivo del
bestiame, con il controllo dei relativi mercati, che giocava un ruolo rilevante nelle
dinamiche economiche dell’ Italia centrale tardorepubblicana 357
4- Osservazioni conclusive
Sulla scorta dei dati archeologici presentati, la municipalizzazione in Italia
centrale non sembrerebbe essere stata un processo lento e frammentario, come in genere
supposto, ma più verosimilmente un processo controllato e organizzato centralmente
da Roma L’ istituzione dei municipia coincide, infatti, in molti casi con una nuova
organizzazione urbanistica Gli edifici pubblici non sono solo monumentalizzati con
atti evergetici, ma in molti casi vengono costruiti solo a partire dalla fase municipale
Più in generale, in alcuni casi gli stessi centri furono più probabilmente fondati solo
durante la municipalizzazione piuttosto che semplicemente monumentalizzati in
questa fase, come mostra chiaramente il caso di Marruvium
In questo contesto anche insediamenti già esistenti furono elevati a municipia
Si tratta, soprattutto di colonie latine più antiche e di alcuni insediamenti situati lungo
le vie della transumanza o in generale in punti strategici del sistema stradale romano
Tali centri mostrano in ogni caso una chiara e radicale ristrutturazione dal punto di
Molto probabilmente da un’ indagine di superficie effettuata nel territorio del Fucino sarebbe da
individuare un’ ulteriore rotta in quella che da Marruvium si ricollega ad Aufidena, così come una strada
parallela, la c d via Pecorale, che da Anxa attraversa la Vallelonga per giungere anch’ essa ad Aufidena In
alcuni casi le rotte stradali coincidono con quelle della transumanza (Blasetti Fantauzzi 2016; Blasetti
Fantauzzi 2020)
356
357
Esempi sono il forum pecuarium di Alba Fucens, Nursia e Forum Novum
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vista urbanistico, nell’ ambito della quale si assiste alla realizzazione dell’ area del foro e
degli edifici funzionali alla gestione della vita amministrativa e politica del municipium
La radicale riorganizzazione degli insediamenti più antichi può essere spiegata
in relazione alla funzione che i municipia venivano a svolgere L’ analisi della struttura di
questi centri, infatti, sembrerebbe evidenziare in primo luogo un loro coinvolgimento
nell’ amministrazione e nello sfruttamento delle risorse dei territori Roma aveva infatti
necessità di strutturare dei nuovi poli politico-amministrativi in Italia Si spiegano
quindi in relazione al loro carattere principalmente amministrativo le dimensioni
relativamente ridotte di molti di questi centri Riguardo ai centri di cui è possibile
riscostruire la planimetria, emerge chiaramente una organizzazione ortogonale del loro
spazio urbano con dimensioni ridotte, che supera raramente i 20 ettari
Il municipium presenta in genere soprattutto il foro e alcune strutture pubbliche
Significativa in questo senso è la connessione tra la strutturazione dei fora e l’ istituzione
dei municipia Il foro si configura, infatti, come elemento essenziale e dirimente per i
municipia, sottolineando ulteriormente la natura amministrativa ed economica di tali
centri A ciò si aggiungono gli edifici pubblici connotanti la città, quali ad esempio i
capitolia di Teate e Marruvium o la basilica di Iuvanum
I contesti residenziali finora identificati sostanziano ulteriormente questo
quadro, tenuto conto che si tratta in genere di singole domus, ricche e di grandi
dimensioni Esempi importanti in questo senso sono la domus di via Vittorio Veneto
a Marruvium e le ricche domus di Intermana 358 Tali edifici sono di norma situati nelle
vicinanze del foro, mentre le aree suburbane sembrano non essere occupate, almeno
nelle prime fasi della municipalizzazione La popolazione continua a vivere nelle
campagne circostanti, probabilmente in piccoli insediamenti, in villae e fattorie, come
prima della municipalizzazione Si potrebbe con verosimiglianza interpretare queste
domus come sede di magistrati o edifici con funzioni pubbliche, per la loro vicinanza al
foro e ai suoi monumenti 359
Un ulteriore elemento da sottolineare è relativo alla centralità da riconoscere
ai grandi santuari tardorepubblicani per la localizzazione di alcuni municipia Il
municipium come visto viene istituito nei pressi di alcuni di questi: nel caso di Iuvanum
358
Blasetti Fantauzzi 2016
Alla stregua della condivisibile interpretazione fornita da S Sisani su alcuni casi di singole domus in
municipia di area umbra (Sisani 2014)
359
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il santuario fu integrato nel municipium dopo la guerra sociale, nell’ area del santuario
di Angitia fu istituito invece il municipium di Anxa
Le motivazioni alla base della scelta dei santuari come centri intorno ai quali
strutturare i municipia vanno riconosciute con ogni probabilità nello stretto legame
che questi avevano sviluppato con i territori circostanti, a cui erano collegati attraverso
la rete stradale anteriore all’ istituzione del municipium, che ne favoriva pertanto la
centralità anche nel rinnovato quadro amministrativo di questi comprensori Angitia
e Iuvanum, entrambi strettamente collegati al territorio e posizionati lungo percorsi
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Chiara Blasetti Fantauzzi
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Les concepts en sciences de l’Antiquité : mode d’emploi
Chronique 2023 – Ethnogenèses romaines
Responsable Anca Dan, Contributeurs Encarnación Castro-Páez, Salvatore De Vincenzo,
Chiara Blasetti Fantauzzi, Florence Dupont, Alexandre Grandazzi,
Gonzalo Cruz Andreotti
Dans Dialogues d'histoire ancienne 2023/1 (49/1),
(49/1) pages 269 à 400
Éditions Presses universitaires de Franche-Comté
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ISSN 0755-7256
DOI 10.3917/dha.491.0269
Dialogues d’ histoire ancienne, 49/1, 2023, 269-400 – CC-BY
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Responsable
Anca Dan
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AOROC, CNRS-ENS-EPHE, Université PSL
anca-cristina dan@ens fr
Florence Dupont
Université Paris Diderot-Paris 7
latinjussieu@orange fr
Alexandre Grandazzi
Sorbonne université, EDITTA – UR 1491
alexandre grandazzi@sorbonne-universite fr
Gonzalo Cruz Andreotti
ORCID : 0000-0002-4477-0715
Universidad de Málaga, España
g_andreotti@uma es
Contributeurs
Encarnación Castro-Páez
ORCID : 0000-0003-4528-0870
Universidad de Málaga, España
e castro@uma es
Salvatore De Vincenzo
Università degli Studi della Tuscia
devincenzo@unitus it
Chiara Blasetti Fantauzzi
Freie Universität Berlin, Deutschland
chiara blasetti fantauzzi@fu-berlin de
I- Introduction : Rome et la reconfiguration perpétuelle de la mémoire
Les plus anciennes cartes du monde que nous avons conservées ne montrent
pas le monde tel que leurs auteurs médiévaux le voyaient autour d’ eux Elles sont une
transfiguration du rôle que leurs auteurs assignaient à l’ Empire romain, comme socle
de la culture latine et chrétienne, diffusée tout autour de la Méditerranée Sur la plus
fameuse d’ entre elles, la mappemonde d’ Hereford1, Jérusalem terrestre surmontée
par Christ sur sa croix occupe le centre d’ une autre grande croix – le T formé par les
1
Https://www themappamundi co uk/mappa-mundi/
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi
Chronique 2023 – Ethnogenèses romaines
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
270
mers intérieures, entre l’ Europe, l’ Asie et l’ Afrique La ville est stylisée sous une forme
circulaire, au milieu du « cercle des terres » (orbis terrarum) qui n’ en a jamais été un,
en dehors des visions pythagoriciennes et platoniciennes de la création divine, donc
parfaite De fait, même si le dessin peut correspondre au Dôme du Rocher (un octogone
comprenant une coupole soutenue par 16 colonnes) cette représentation n’ est qu’ une
transposition graphique de la parole du Seigneur, selon Ezéchiel 5:5 :
ista est Hierusalem in medio gentium posui eam et in circuitu eius terras
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Cette centralité, de même que les deux roues concentriques (selon Ezéchiel
10) peuvent être directement inspirées des cartes babyloniennes2 Comme elles, la
mappemonde médiévale d’ Hereford ne sert pas au voyage réel, mais intellectuel Elle
donne à voir, en une seule image, des lieux du Nouveau et de l’ Ancien Testament, à
l’ intérieur des limites de l’ Empire d’ Auguste, recensé selon l’ évangéliste Luc (2:1) au
moment de la naissance du Christ
À la fin du xvie siècle, dans le premier atlas moderne, le Theatrum orbis terrarum,
Abraham Ortelius fait voir une image de l’ Empire plus facilement reconnaissable
pour nous, Modernes3 Tout en reprenant l’ orientation au Nord avec les coordonnées
de latitude et longitude de la tradition ptoléméenne ainsi que la légende de Delphes,
nombril du monde4, Ortelius veut montrer les limites de l’ État romain, enraciné dans la
généalogie mythique de ses sept rois, qu’ une
divina mens civitatem populi Romani egregia temperataque regione collocavit, uti Orbis
terrarum imperio potiretur5
divine intelligence a établi dans une région exceptionnellement tempérée, pour maîtriser
dans son empire l’ ensemble des terres
À travers Vitruve, l’ architecte de l’ Antiquité romaine adulé à la Renaissance,
Ortelius revient à la carte mentale grecque du ve siècle avant J -C , et à la théorie
hippocratique du meilleur lieu, source de supériorité politique et civilisationnelle
2
E. g. BM 92687 : https://www britishmuseum org/collection/object/W_1882-0714-509
3
Https://upload wikimedia org/wikipedia/commons/e/eb/Romani_Imperii_Imago jpg
4
E. g. Pindare, Pythique, IV, 6 ; Eschyle, Euménides, 39-40 ; Euripide, Ion, 222-223 ; Pausanias, X,
16, 3
5
Vitruve, Sur l’ architecture, VI, 1, 11
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C’ est là cette Jérusalem que j’ avais placée au milieu des nations et des pays d’ alentour
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Ces deux exemples illustrent la manière dont les textes et les images de
différentes époques, également ancrés dans l’ héritage gréco-romain et judéo-chrétien,
ne correspondent ni aux temps dont ils veulent rendre compte, ni à la réalité dans
laquelle ils ont été créés Ce sont des synthèses des savoirs livresques et architecturaux
éparses, disponibles à un certain moment, modelées selon la compréhension et
l’ intention exégétique de leurs auteurs De fait, rien de plus banal que la recomposition
de la mémoire dans les différentes civilisations humaines, familières de l’ écriture6 Le
phénomène reste toutefois difficile à déchiffrer pour l’ Antiquité préchrétienne, dont
nous avons conservé moins de textes et de traces archéologiques qui ne soient pas
remaniées par la « romanisation », surtout au cœur de l’ Empire
Alors que tant d’ autres l’ ont tenté avant nous, pouvons-nous, à l’ intérieur de
ce monde méditerranéen, de tradition latine et chrétienne, retrouver les racines du
peuple dont nous nous sommes revendiqués pendant deux millénaires, et de sa langue,
qui a façonné directement ou indirectement nos langues nationales et toute notre
manière de penser en nations ? Dans un ensemble de sources historiques biaisées par
des manipulations politiques de différentes époques et à travers les découvertes des
archéologies nationales, pouvons-nous saisir « what have the Romans done for us? »7
Re-comparer Rome et Jérusalem ?
Malgré l’ abondance de la bibliographie, l’ histoire et l’ archéologie de l’ Occident
romain n’ ont pas totalement accompli leur révolution processuelle, comme a pu le
faire, à titre d’ exemple, l’ archéologie israélienne En dépit de la pression nationaliste,
cette dernière s’ est clairement délimitée de l’ historisme et de l’ archéologie biblique
Voir Assmann (Assmann, Czaplicka 1995), qui a construit son argumentation sur la « mémoire
culturelle » sur les théories sociologiques concernant la « mémoire collective » de Maurice Halbwachs et
Aby Warburg, en mettant en avant la dimension politique qui stabilise ce type de mémoire Aussi Assmann
1998, 2005
6
Allusion à la scène du film Monty Python’ s Life of Brian, inspirée du débat entre le Rabbi Yehuda et
le Rabbi Shimon dans le Shabbat 33b : « Rabbi Yehuda parla ainsi : Qu’ est-ce qu’ ils sont agréables les
faits de ce peuple (i. e. les Romains) : ils ont fait des marchés, des ponts, des bains Rabbi Yosei s’ est tut
Rabbi Shimon ben Yoḥai a répondu : tout ce qu’ ils ont fait, ils l’ ont fait pour leurs intérêts Ils ont faits des
marchés, pour y mettre des prostituées ; des bains, pour se faire laver ; des ponts, pour prendre des taxes de
ceux qui les traversent »
נַ ֲענָה.שׁתַ ק
ָ ַר ִבּי יֹוסֵי. תִ ּקְנּו מ ְֶר ֲחצָאֹות,ש ִׁרים
ָ ְּ תִ ּ ְקּנּו ג,שוָוקִים
ׁ ְ תִ ּ ְקּנּו:שׁל אּו ָמּה זֹו
ֶ שׂיהֶן
ֵ ַכּ ָמּה נָאִים ַמ ֲע:ָפּתַ ח ַר ִבּי י ְהּודָ ה וְָאמַר
— מ ְֶר ֲחצָאֹות,שׁיב ָבּהֶן זֹונֹות
ִ שׁוֹוקִין — לְהֹו
ְ תִ ּ ְקּנּו.ְצֹורְך ַע ְצמָן
ֶ ֹלא תִ ּ ְקּנּו ֶא ָלּא ל,שׁתִ ּ ְקּנּו
ּ ֶ ׇכּל מַה:שׁמְעֹון ֶבּן יֹוחַאי וְָאמַר
ִ ַר ִבּי
ש ִׁרים — לִיּטֹול ֵמהֶן ֶמכֶס
ָ ְּ ג, ְלעַדֵ ּן ָבּהֶן ַע ְצמָן.
7
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Elle a contesté les généalogies, et l’ héroïsation des Patriarches et des fondateurs de la
ville et du Premier Temple – David et Solomon – au profit d’ une histoire plus sobre,
plus conforme avec les sources littéraires et iconographiques assyriennes et égyptiennes
Cette nouvelle narration qui s’ est imposée pendant les dernières décennies rend justice
au rôle actif joué par les ennemis assyriens et ensuite babyloniens dans la construction
d’ une Cité-État ( Jérusalem) et d’ un peuple (de Juda), qui a inscrit son identité historique
dans des livres inspirés de ceux de ses voisins8
Deux cités aux marges des aires de cultures et des puissances militaires majeures
du début de l’ âge du fer, qui s’ affirment à différents moments au milieu des conflits entre
leurs voisins, Jérusalem et Rome peuvent être comparées avec succès pour comprendre
l’ interrelation entre facteurs extérieurs et intérieurs dans le processus d’ ethnogenèse
Les deux communautés se sont inventées comme étant issues des migrations pour
lesquelles il n’ y a aucune base historique et archéologique : il n’ y a pas d’ Exode tel qu’ on
peut le lire dans la Bible, ni de migration troyenne ou grecque, comme la racontent
Virgile et Ovide Il y a en revanche des déplacements, des échanges et des conflits, qui
agissent comme des forces centripètes pour la constitution de Cités-États, lesquelles
empruntent et recréent à leur manière le modèle étatique des ennemis – Babyloniens
et Étrusques Au final, les deux villes peuvent être vues comme des réponses opposées
au modèle hégémonique d’ Alexandrie : de retour de leur exil babylonien, les Juifs
se groupent autour de leur Temple et s’ opposent à la pression de l’ hellénisation Les
Romains, hésitant entre leurs origines latines, étrusques et grecques dans leur middle
ground italique, s’ affirment comme un asile des peuples, microcosme capable de prendre
la tête de tous les autres ethnè
Le but des débats inclus dans cette chronique est d’ actualiser les discussions
autour des ethnogenèses romaines Puisque nous vivons dans des États-Nations, résultats
de l’ évolution séculaire des nations modernes avec des racines antiques et médiévales,
nous avons tendance à oublier que l’ humanité a connu d’ autres formes d’ organisation
que l’ ethnos La définition de l’ ethnicité grecque dans les Histoires d’ Hérodote9, par
l’ identité généalogique, linguistique, religieuse et plus généralement culturelle, nous
fait oublier que ce modèle n’ est pas commun dans les civilisations anciennes mais que sa
première définition est une réaction grecque devant le danger achéménide Si certains
empires – comme les Égyptiens et les Hittites – ont pu exprimer une unité ethnique,
Voir en particulier les travaux d’ Israël Finkelstein avec Neil Asher Silberman (2002, 2006) et avec
Thomas Römer (2013), pourtant fortement contestés par exemple par Dever 2005, Mazar 2009
8
9
Hérodote, VIII, 144
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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liée à la vallée d’ un grand fleuve, malgré la pluralité des communautés d’ origine dès
l’ âge du bronze, d’ autres – comme les Sumériens ou les Aztèques – ont dû attendre
le xixe siècle pour recevoir un nom ethnique de la part des savants De ces empires,
les Assyriens, les Babyloniens, les Perses et ensuite les Macédoniens ont emprunté le
principe dynastique, avec un roi qui par son charisme et sa généalogie peut dominer les
autres chefs locaux Or, les Romains sont dans un cas encore différent : héritiers de tous
les passés, ils ont pu reconstruire à répétition le leur, en se rapportant et en répondant
aux autres
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Le dernier siècle a mis à notre disposition plusieurs outils méthodologiques qui
nous permettent de questionner les origines plurielles des Latins et de l’ Empire de Rome
autrement que par le comparatisme historique, qui remonte à l’ Antiquité Au début
du xxe siècle, la phénoménologie nous a rendus attentifs à l’ expérience individuelle
ou collective derrière les structures linguistiques-logiques ou topographiquesarchitecturales Émile Benveniste a reconnu que « rien n’ existe dans la langue sans
exister d’ abord dans le discours » (nihil est in lingua quod non prius fuerit in oratione,
en paraphrasant le célèbre dicton aristotélicien et empiriste de Thomas d’ Aquin : nihil
est in intellectu quod prius non fuerit in sensu)10 Par la suite, notre vision historique du
latin a pu être remodelée selon les documents épigraphiques et littéraires, aussi étranges
et peu normés furent-ils à l’ époque républicaine Nous avons pu distinguer la langue
écrite de la langue parlée ou encore observer les interférences anciennes entre le latin
et le grec11, les autres langues italiques et, plus récemment l’ étrusque et le punique12,
auprès de locuteurs bi- ou plurilingues
Conséquence directe de l’ approche phénoménologique appliquée aux
vestiges matériels, l’ archéologie processuelle des années 1950-1960 a renoncé à la
recherche déductive et ethnocentrique des « cultures archéologiques » qu’ on tentait
à associer aux différents peuples historiques Cette nouvelle archéologie, inspirée par
l’ anthropologie américaine, a mis l’ accent sur le structuro-fonctionnalisme (privilégiant
la compréhension des actions individuelles et de groupe) et sur l’ écologie culturelle
10
Benveniste 1993, I, p 131, avec Coquet 1992 ; Margarito 1997 Thomas d’ Aquin, Sur la vérité, q 2 a 3
arg 19
11
E. g. Leiwo 1995 ; Biville 2001-2003 ; Adams 2003 ; Rochette 2010
12
Briquel 2019 ; Adams 1994
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De nouveaux outils méthodologiques à l’ œuvre
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(d’ où l’ archéologie du paysage et finalement la géoarchéologie) À Rome, l’ archéologie
processuelle a donc mis un terme à la domination de l’ histoire de l’ art, qui faisait
l’ histoire de l’ esthétique, et a favorisé la dimension sociale des monuments : grâce à elle,
nous comprenons aujourd’ hui comment Rome a été construite et a pu construire13
Toutefois, en faisant usage des nouvelles techniques de datation (14C) et d’ analyse
chimique et biologique, les processualistes ont pu être accusés de positivisme et d’ avoir
oublié qu’ une fouille est avant tout le résultat de la pensée subjective de l’ archéologue
C’ est ce qui a donné naissance aux courants post-processuels, dont le post-colonialisme,
qui a changé la manière dont nous percevons aujourd’ hui l’ économie romaine, d’ abord
dans les provinces et plus récemment à Rome14 Ensuite, certaines démarches postprocessualistes promeuvent la décentralisation de l’ Empire romain et limitent jusqu’ à
exclure le terme de « romanisation » Poussé à l’ extrême, le post-processualisme a
pu vider l’ expansion romaine de son contenu, en s’ interdisant tout usage des textes
littéraires, forcément romano-centriques, dans le déchiffrement des « négociations »
d’ hybridation culturelle15
Nouveaux débats
Dans le contexte actuel d’ émiettement théorique de l’ archéologie (post-)postprocessuelle, le retour à la stratigraphie, reconstituée et datée plus précisément qu’ elle
n’ a pu l’ être pendant les deux derniers siècles, est salutaire16 Ce tournant matérialiste,
dans lequel s’ inscrivent les études de Salvatore de Vincenzo (sur la conquête romaine
de la Sicile) et de Chiara Blasetti Fantauzzi (sur la conversion culturelle romaine du
Samnium), peut être appliqué également à l’ histoire La lecture attentive aux détails
philologiques des textes géographiques gréco-romains, sous le prisme critique
des « middle range theories » (MRT), permet à Gonzalo Cruz Andreotti et à
Encarnación Castro-Páez d’ observer les différents processus d’ ethnogenèses celtoibériques, au contact avec Rome Reste cependant l’ épineuse question de l’ ethnogenèse
romaine, voire latine : à partir de quel moment les Romains se sont-ils vus comme
Latins ? Alexandre Grandazzi et Florence Dupont prennent des partis opposés : tandis
que Grandazzi met en avant la continuité de la culture archéologique latiale qui semble
13
E. g. Coarelli 1988, 1997, 2012
14
Cifani 2021
15
E. g. Terrenato 2019
16
E. g. Fernández-Götz, Maschek, Roymans 2020
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
275
correspondre aux textes historiques tout au long du premier âge du fer, Dupont remet
en discussion le plurilinguisme des documents archaïques, qui nous obligent à nous
interroger sur la fabrique de la mémoire romaine
Ce dossier, hétérogène malgré son unité thématique, sa structure géographique
et sa progression chronologique, est donc une invitation à réfléchir à la manière dont les
Romains se sont inventés comme peuple latin et dont ils ont défini les autres ethnè (en
Hispanie) avant de les latiniser et les « romaniser » (en Italie et en Sicile)
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Anca Dan
II- Ethnos, polis, nomen, populus, res publica : les Latins étaient-ils un
« peuple » ?
1- Quel peuple ?
Cité, état, peuple, ethnie ? Comment parler aujourd’ hui des collectivités
antiques sans projeter sur elles nos catégories modernes, politiques ou culturelles ?
Faut-il traduire les termes anciens ? Certains n’ ont aucun équivalent dans une langue
moderne, comme gens ou nomen Est-il préférable de ne pas traduire et garder les termes
latins et grecs ? Cette solution comporte un risque : superposer inconsciemment le
mot français au mot grec ou latin qui en est à l’ origine, comme ethnie à ethnos, peuple
à populus ou encore Res publica à République Si gens et nomen sont sans équivalent,
comment se ferait-il qu’ ethnos soit une ethnie, populus, un peuple et Res publica, une
République ?
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277
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Les mots ont une histoire qui s’ interpose entre l’ Antiquité et nous Prenons
l’ exemple du mot latin populus, sa traduction française « peuple » et sa traduction
allemande Volk Le « peuple » traîne avec lui une connotation ethnique : c’ est
en français comme en allemand le peuple romantique, celui des folkloristes et des
nationalistes, qui surgit dans l’ Europe du xixe siècle Le peuple romantique a un esprit,
le Volkgeist, gardien de la mémoire et de ses origines qui plongeraient dans la nuit des
temps, une mémoire transmise de génération en génération, par le sang, la langue et les
mythes
La confrontation avec les réalités antiques nous fait sentir les implications et les
présupposés de notre terminologie moderne Même si nous avons pris nos distances
avec ces croyances brumeuses, nous imaginons difficilement qu’ un peuple pourrait
exister seulement par des institutions politiques, sans une première culture commune,
ancestrale qui lui donnerait son identité C’ est pourtant ainsi que Cicéron définit le
populus La politique est première et il évacue, explicitement, tout autre lien à l’ origine
d’ une communauté civique, que les lois et l’ utilité17 Cette définition correspond à
l’ emploi de populus en latin, qui désigne l’ assemblée des citoyens ou l’ armée
Or, sans tenir compte de la conception romaine, les historiens modernes, pour
la plupart, ont longtemps considéré comme une évidence que les Romains avant de
constituer un populus, par la fondation de Rome, appartenaient à l’ ethnie latine, qu’ ils
étaient des Latins, c’ est-à-dire un peuple, un Volk, ayant en commun, une culture, une
langue – le latin –, un territoire, le Latium Après des guerres ayant opposé Rome et les
Latins, ceux-ci seraient passés sous la domination romaine et devenus progressivement
romains, le Latium n’ ayant plus qu’ une définition géographique Les Latins avaient
disparu, mais Rome aurait conservé une identité latine Un peuple, une langue, un
territoire, une culture : tout s’ emboîte, tout va bien Nous sommes au xixe siècle
Sauf que rien ne va Ce que nous savons du Latium pré-romain, des Latini et de
la ville de Rome, ne correspond pas à ce schéma historique
Cicéron, République, I, 25, 39 : Est igitur, inquit Africanus […] populus autem non omnis hominum
coetus quoquo modo congregatus, sed coetus multitudinis iuris consensu et utilitatis communione sociatus ;
« Donc dit Scipion l’ Africain […] un peuple n’ est pas tout groupe humain rassemblé par n’ importe
quel lien, mais un groupe nombreux d’ hommes qui se sont alliés en s’ accordant sur des lois et une utilité
commune » Voir Ando 2015, p 46
17
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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L’ Italie centrale est jusqu’ à la conquête romaine une mosaïque de villes dont la
population est hétérogène, pluriethnique, mobile et parlant des langues multiples aussi
différentes que le grec, l’ étrusque, le sabin, l’ osque, l’ ombrien…18 Le Latium n’ est pas
un territoire occupé par un peuple unique, les Latins, mais par des cités, populi, entités
politiques fondées sur le modèle politique de la polis, même si les rituels de fondation
sont variables Rome est fondée selon le rite étrusque et gardera ce rite pour la fondation
de ses colonies
Les populi du Latium, comme le reste de l’ Italie, ont des populations bigarrées
L’ épigraphie atteste d’ une grande mobilité des élites d’ une cité à l’ autre Elles ont, certes,
une culture commune, mais qui n’ est pas spécifiquement latine, car elle se retrouve dans
toute l’ Italie, en particulier dans les villes étrusques C’ est une koinè culturelle d’ origine
grecque qui concerne essentiellement les élites L’ archéologie a mis à jour des vases de
symposion, importés de Grande Grèce ou de fabrication locale, dans le style orientalisant,
parfois même des banquettes maçonnées indiquant l’ usage de salles de banquet
Les Romains se représentent eux-mêmes comme une cité plurielle, quand ils
placent, au tout début de Rome, la figure de l’ asylum Romulus aurait peuplé la ville qu’ il
venait de fonder en créant un refuge sur le Capitole, ouvert à tous sans discrimination :
esclaves et criminels en fuite, aventuriers, bergers19 Selon Tite-Live, c’ était une pratique
courante chez les fondateurs de cités, soucieux de peupler rapidement leur ville Ensuite
pour faire oublier l’ origine douteuse des premiers habitants, ils faisaient circuler, écrit
par des logographes grecs, un récit mythique de fondation, où les dieux favorisaient la
croissance de la cité en faisant sortir des hommes de la terre, reprenant ainsi le mythe
grec de l’ autochtonie Les Romains, au contraire ne cherchent pas à masquer les débuts
de Rome ; ils ont conservé symboliquement l’ emplacement de l’ asylum, encore visible
à l’ époque de Tite-Live
Un autre récit, rapporté par Salluste, fait d’ Énée le fondateur de Rome et des
Romains le résultat de la fusion entre les Aborigènes, nomades errants, et les Troyens
d’ Énée, tout aussi errants Il place aux débuts de Rome un mélange de populations
sédentarisées et unifiées grâce à des lois L’ institution politique de la cité crée la ciuitas,
à partir d’ hommes que nous dirions aujourd’ hui « de cultures différentes » puisqu’ ils
Tite-Live, I, 18, 3 témoigne d’ une Italie jadis hétérogène : « […] tot gentes dissonas sermone
moribusque »
18
19
Tite-Live, I, 8, 5-6
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2- L’ asylum romain et le primat du politique
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diffèrent par la langue et le genre de vie (mores) Ils ne sont soumis à aucune norme
sociale et n’ ont aucun lien d’ alliance20 La cité impose un vivre ensemble pacifique
(concordia) ; les lois suppriment la violence créée par la diversité C’ est ce vivre ensemble
institutionnel qui crée la cité comme communauté humaine singulière La fondation
de Rome est présentée comme une ethnogenèse politique, aussi bien dans les récits
historiques que mythiques Le peuple romain est une conséquence de la fondation de
Rome et non son préalable
Ces récits de fondation des deux historiens, qui donnent le primat au politique,
coïncident avec la définition cicéronienne du populus Ils correspondent historiquement
au passé bigarré de Rome Les noms des premiers consuls au début de la République ont
été conservés par les fastes consulaires21 Beaucoup sont étrusques, d’ autres sabins ou
volsques ; on trouve aussi des cognomina, les rattachant à des villes du Latium
La révolution romaine qui renverse les Tarquins est une révolution politique, les
nobles se débarrassent du tyran Ce n’ est pas une révolution ethnique qui aurait porté
au pouvoir une élite latine à la place d’ une élite étrusque Il est vrai que ce scénario
se retrouve ailleurs : une élite locale prend le pouvoir à la place d’ une élite grecque
ou étrusque, sans que la population de la cité change Par exemple les Lucaniens à
Poseidonia, ou les Prénestins à Préneste22 Ce n’ est pas le cas à Rome Certains libérateurs
sont étrusques, comme Tarquin Collatin, petit-fils de Tarquin l’ Ancien Brutus, luimême, est son cousin par sa mère Tarquinia, fille de Tarquin
Ce passé pluriel et hétérogène va de pair avec l’ absence de revendication
identitaire et ethnique à Rome Jamais les Romains ne se réclament d’ une latinitas
culturelle, ce terme de latinitas n’ étant employé que pour parler de la pureté de la langue
latine23
3- Nomen : une fédération religieuse
Alors que les cité-États ou les peuples, qui sont des entités politiques, sont
fondées plus ou moins sur le modèle des poleis grecques, à partir du viie siècle avant
J -C apparaît une forme de confédération, appelée nomen en latin et ethnos en grec
20
Salluste, La Conjuration de Catilina, VI, 1-2
21
Bourdin 2012, p 542
22
Dupont 2022, p 84
23
Dupont 2022, p 40
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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Tite-Live témoigne de l’ existence dans la Péninsule italienne d’ une multitude de
nomina : nomen Tuscum, Campani nomen, nomen Hernicum, Ligurum nomen, Volscum
nomen, Lucanum nomen La documentation épigraphique dans des langues autres
que le latin et le grec fait apparaître certains termes synonymes de nomen : numen,
en ombrien et tuta en osque Certes, l’ emploi des mots n’ est pas systématique et tuta
désigne aussi bien une cité qu’ une fédération Il ne faudrait donc pas s’ imaginer une
organisation stricte et hiérarchisée entre nomen et populus En revanche, une différence
de nature distingue le lien qui fonde ces deux formes de communauté Les cités sont
des institutions politiques, les fédérations sont des associations religieuses Ce qui ne
veut pas dire que les fondations de cité ne soient pas soumises à des rituels, ni que les
confédérations n’ aient pas d’ action politique
Ces confédérations, ces ethnè, sont-elles des créations contingentes et locales,
comme les cités ? Ou rassemblent-elles des entités politiques, peuples ou cités, ayant une
culture commune ? Autrefois, les historiens y ont vu la mise en forme institutionnelle
d’ anciennes ethnies tribales en voie d’ affaiblissement La fondation des cités, qui se
faisaient la guerre entre elles et tenaient à se distinguer de leurs voisines, aurait effacé
progressivement leur identité commune La création d’ une fédération aurait permis de
ranimer leur proximité culturelle grâce à un culte et un sanctuaire communs
L’ hétérogénéité interne des cités suggère qu’ il s’ agirait plutôt de ligues entre des
entités politiques qui s’ associent pour contenir par les armes leurs voisins quand ceux-ci
tentent d’ étendre leurs territoires ou font des razzias sur les troupeaux, comme on le voit
dans les premiers livres de Tite-Live Ces fédérations réunissent des populi affichant des
rattachements divers et dont la liste est variable24 Ils peuvent avoir des points communs,
comme les Étrusques, ou pas Ces fédérations résultent souvent d’ une séparation
d’ avec un groupe plus vaste Dans le sud de l’ Italie, c’ est le cas des Campaniens qui se
constituent en ethnos, et se distinguent des Samnites et des Étrusques leurs voisins, en
adoptant ce nom d’ après une plaine proche25 Les Mamertins, mercenaires samnites, se
constituent en ethnos et se donnent ce nom de Mamertins avant de s’ installer et prendre
le pouvoir à Messine
Ce n’ est donc pas une identité commune préalable qui motive la formation
d’ un nomen, d’ un ethnos, mais inversement : c’ est l’ institution, l’ ethnos, le nomen, qui
24
Bourdin 2012, p 722
25
Diodore de Sicile, XII, 31, 1
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280
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
281
crée une communauté nouvelle Le nomen affirme son identité, par la création d’ un
ethnonyme et l’ invention d’ un récit de fondation sur le modèle grec de la ktisis26
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Les fédérations de cités, nomen ou ethnos, étaient plus que des alliances instituées
par des traités Un traité suppose deux ou plusieurs partenaires, son renouvellement
réaffirme et maintient une distance, empêchant une fusion entre eux Le sacrifice obtient
le résultat inverse : il unifie les participants et en fait une communauté réunissant ceux
qui sacrifient et les dieux destinataires du sacrifice
Outre le politique, l’ autre façon de « faire société » dans l’ Antiquité est donc
la création d’ une communauté sacrificielle (societas) Les nomina se constituaient en
communautés grâce à un sacrifice commun, renouvelé régulièrement Ce sacrifice,
auquel participe chaque membre de la communauté, est offert dans un sanctuaire
déterminé à un dieu particulier qui devient le dieu de cette communauté et lui
donne son identité, parfois son nom27 Dans le cas d’ une fédération de cités, c’ est le
représentant de chaque cité qui agit en son nom et participe au sacrifice Tous reçoivent
leur part de la victime sacrifiée, selon un ordre fixé à l’ avance : le dieu puis les autres
participants, selon leur statut Le partage sacrificiel non seulement crée un lien sacré
entre les co-sacrificateurs mais organise la societas ainsi créée La différence entre les
parts reçues crée une hiérarchie entre les participants et le scénario du rituel permet
que l’ une des cités du nomen exerce une suprématie sur les autres Ensuite, la societas
créée par le sacrifice pourra se réunir et prendre des décisions politiques concernant la
communauté, jusqu’ au prochain sacrifice Chaque année, des cités peuvent ainsi entrer
ou sortir de la ligue au moment du sacrifice, sans rien changer au nomen
Cette sociabilité sacrificielle est omniprésente dans l’ Antiquité et elle est utilisée
à tous les niveaux À Rome, elle fait la familia, par les sacrifices dans la domus aux Lares
et aux Pénates ; un quartier est réuni par les sacrifices lors des Compitalia ; les collèges
religieux, les collèges funéraires, les collèges professionnels, la cité elle-même, aucun
acte collectif ne peut se faire sans un sacrifice préalable, célébré par les magistrats et
définissant la collectivité engagée dans une action de la cité, que ce soit procéder à un
vote ou engager une bataille
26
Voir infra, « l’ ethnographie mythique », p 286.
27
Voir Scheid 2005
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4- La force fédérative du sacrifice
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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La force du sacrifice dans une société ritualiste comme le sont les cités anciennes
tient à ce que le lien religieux ne suppose de la part des participants aucune croyance,
aucune allégeance, aucune initiation, la pureté rituelle suffit Le sacrifice a des effets
performatifs : le participant s’ il respecte scrupuleusement les rites, est intégré
automatiquement à la societas du nomen Latinum Qu’ il représente une cité latine,
Rome, une cité étrusque, volsque ou hernique, son populus fait partie des Latini
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Nous connaissons seulement, et plus ou moins bien, deux nomina : le
nomen Tuscum et le nomen Latinum Nous savons que l’ un et l’ autre se réunissaient
régulièrement dans un sanctuaire fédéral où un sacrifice était célébré en commun par
tous les peuples du nomen Le sacrifice était suivi d’ une assemblée politique
Le nomen Tuscum a-t-il servi de modèle au nomen Latinum ? Ou l’ inverse ?
Ce que nous en savons montre une certaine similitude entre les deux28 Le siège de la
Ligue étrusque était le fanum Voltumnae, à proximité de la grande métropole étrusque
de Velzna, Volsinii en latin, où se renouvelait chaque année, dans un bois sacré près du
sanctuaire, l’ union entre les douze grandes cités étrusques Les sacrifices étaient suivis
d’ un concilium, l’ assemblée du nomen C’ est là que, selon Tite-Live, se décidaient en
particulier les guerres ou le soutien à une ville de la dodécapole attaquée Le nombre
douze a un caractère sacré, car aucune cité ne peut s’ y ajouter Quand le nombre de cités
s’ accroît, d’ autres ligues de douze cités sont constituées sur le territoire étrusque, au sud
en Campanie, au nord dans la vallée du Pô
Si l’ on sait peu de choses des rituels étrusques à Volsinii, en revanche on connaît
les rituels annuels du nomen Latinum – que les Romains appellent Feriae Latinae Ils
associent un sacrifice, le Latiar, dans le sanctuaire fédéral de Jupiter Latiaris au sommet
du Mons Albanus et une assemblée politique, qui se réunit à la source Ferentina, au pied
des Monts Albains Au cours de cette assemblée, les cités du nomen Latinum décident
des guerres, des fondations de colonies latines et fixent la date des prochaines feriae
Nous possédons une description du sacrifice29 par Denys d’ Halicarnasse qui a dû y
assister à son époque, c’ est-à-dire à la fin du ier siècle avant J -C Il attribue à Tarquin
le Superbe la création des feriae, les datant ainsi de la fin du vie siècle avant J -C Le
rituel a-t-il été modifié depuis ? Il est probable que le rituel existait avant et que Tarquin
28
Tite-Live, Histoire romaine, IV, 23, 5 ; IV, 25, 7 ; IV, 61, 2 ; V, 17, 6 ; VI, 2, 2
29
Denys d’ Halicarnasse, Antiquités romaines, IV, 49
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5- Le nomen Latinum
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n’ a fait que le transformer en donnant à Rome la prééminence (hègèmonia) dans le
sacrifice, Rome devenant en termes techniques princeps30
Selon Denys d’ Halicarnasse, après avoir vaincu les Latins, Tarquin les associe
aux Romains, aux Herniques et à deux cités des Volsques, dans le Latiar Il choisit un
lieu central et décrète une loi qui impose une trêve durant toutes les fêtes Les cités
contractantes forment un seul peuple au milieu d’ un territoire unifié, durant les feriae,
mais seulement durant les feriae Ce qui est consommé en commun durant les feriae
et tout ce qui est nécessaire au sacrifice est apporté par les cités, qui se répartissent
les contributions : certaines apportent les fromages, d’ autres les agneaux, d’ autres le
lait, etc Les Romains ayant la suprématie, sacrifient au nom de tous : ce sont eux qui
prononcent la prière, au lieu que cet honneur tourne, revenant chaque année à une
autre cité Le sacrifice consiste en un seul bœuf blanc, comme il convient à Jupiter
Chaque cité qui participe au sacrifice en reçoit une part Nul doute que Rome, princeps,
ne reçoive la première part, après Jupiter
Le récit de Denys témoigne de l’ image du nomen à son époque : une fédération
hétérogène avec un ancrage territorial L’ appartenance à la Ligue latine n’ est pas
fondée sur une origine ethnique Elle rassemble ceux qui auparavant se désignaient
comme Latins et auxquels les Romains de Tarquin faisaient précédemment la guerre,
les Herniques et deux cités volsques Le nomen Latinum ainsi créé, ou plutôt réformé
(?), est incontestablement un instrument politique Le Latiar fonde religieusement la
suprématie des Romains, une suprématie qui devait valoir dans l’ assemblée politique
qui suivait
Dans les mêmes années (509-508 avant J -C ), un traité entre Rome et Carthage
atteste de cette hégémonia des Romains sur ceux que le texte dénomme les Latins :
Rome traite en leur nom, comme elle sacrifie en leur nom au Latiar Il était écrit, selon
Polybe qui traduit en grec :
Les Carthaginois ne feront aucun tort aux peuples (dêmôn) d’ Ardée, d’ Antium, de
Laurentium, de Circée et de Terracine, ni à aucun autre des peuples latins (Latinôn) sous
la domination de Rome (hupèkooi)31
Scheid 2005, p 264-274 Il commente le texte de Denys d’ Halicarnasse et reconstruit à partir de là le
vocabulaire sacrificiel des Romains
30
31
Polybe, Histoires, III, XXII, 4-13
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Une entité politique constituée par Rome et les Latins « soumis » traite avec
Carthage sous le nom de Rome et le fait en latin, puisque le texte, bien que difficile, est
encore intelligible, selon Polybe, plus de trois siècles après
Quelques années plus tard (en 493 avant J -C ), le foedus Cassianum, un traité
de paix éternelle entre Rome et les Latins, transforme ce qui était une alliance entre
des cités en une intégration politique de leurs citoyens grâce à la clause d’ isopoliteia
Le foedus Cassianum, en effet, accorde aux Latins, c’ est-à-dire aux citoyens des cités
membres du nomen Latinum, le droit de commerce, le droit de mariage, le droit de
migrer et le droit de vote S’ ils s’ installent à Rome, ils deviennent des citoyens romains
de plein droit Ce droit concerne aussi les colonies latines Cette clause va vider les
cités latines de leur population par l’ émigration, et leur retirer toute identité Le nomen
Latinum enfin perd ses pouvoirs politiques en 338 avant J -C après qu’ une révolte des
Latins a été écrasée par les Romains ; l’ assemblée qui suivait le Latiar est supprimée
Rome crée par le foedus Cassianum un type particulier de Romain, le citoyen
de droit latin, ius Latinum La latinité est désormais un statut juridique et non plus
le rattachement à un nomen Accèdent à ce statut les populations italiennes conquises
par les Romains et leurs alliés C’ est ainsi qu’ en 273 avant J -C , Paiston la lucanienne,
devient Paestum, une colonie romaine de droit latin Les Romains qui s’ y installent
comme colons, en recevant des terres, perdent leur ancien statut pour celui de « Latin »,
à égalité avec les anciens habitants, devenus eux aussi des Latins
Pourquoi dans ces conditions Rome conserve-t-elle les feriae Latinae et en faitelle un rituel romain qui allait être célébré jusqu’ au ive siècle après J -C ? Quelle latinité
est ainsi conservée ? La réponse est politique
Rome se désigne comme Res publica, c’ est-à-dire qu’ elle ne se réduit pas à une
cité Elle conjoint l’ Vrbs et une fédération de villes de droit latin, dont les populations
sont appelées à devenir des citoyens romains, à titre individuel ou collectif Ce système
permet l’ intégration par une étape intermédiaire, des territoires et populations
conquises Les magistrats romains qui gouvernent la Respublica sont à la fois ceux de
Rome et ceux des cités fédérées à Rome C’ est pourquoi chaque année, à leur entrée en
charge, ils vont en pèlerinage à Lavinium, ville latine symbolique, pour y sacrifier aux
Pénates de Rome32
Voir Dupont 2011, chapitre 2 « L’ origo rituelle de Rome Le pèlerinage à Lavinium », et Thomas
1996
32
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Rome est une institution politique singulière, dont la singularité repose non sur
une constitution, une politeia spécifique, mais sur deux pratiques rituelles extérieures
à l’ Vrbs, qui la relie aux Latins : les Féries latines sur le Mons Albanus et le sacrifice aux
Pénates de Lavinium Ces Latins n’ ont aucune identité ethnique, aucune ancestralité :
ils sont une fiction indispensable à la Res publica Ils sont aussi fantomatiques que la ville
de Lavinium
L’ histoire du nomen Latinum peut se résumer en quatre étapes, de sa naissance
à sa mort
1 À l’ époque des premiers regroupements qui avaient lieu lors de la création des
premières cités-États, vers le viiie siècle avant J -C , avant la création du nomen
Latinum proprement dit, une première association des populi Albenses dont la
liste est donnée par Pline l’ Ancien, célèbre le Latiar sur le Mons Albanus33
2 La deuxième étape, sans doute dès le viie siècle avant J -C , est l’ élargissement de
la communauté des populi Albenses à leurs colonies, avec lesquelles ils ont des liens
d’ alliances et à d’ autres villes de la région À quel moment apparaît l’ expression
nomen Latinum pour identifier la ligue ? Et, du même coup, le nom de Latini ?
On a vu précédemment que les nomina ou ethnè, quand ils se constituaient, se
donnaient des noms L’ adjectif Latinus vient-il du Latiar ? Le terme de Latiar
lui-même désigne strictement le sacrifice à Jupiter sur le Mons Albanus. La
terminaison en -ar est rare On trouve un autre exemple de cette suffixation pour
un sacrifice très ancien, le Palatuar, célébré au Palatin Les peuples du nomen se
sont-ils donné un nom comme les Campaniens ou les Lucaniens ? Latini est-il un
ethnonyme composé sur le radical, comme le dieu Jupiter qualifié de Latiaris ?
Cette deuxième étape coïnciderait avec l’ ethnogenèse des Latins, à partir de la
ligue des peuples albains Mais il est impossible de dire si Rome faisait partie
ou non de l’ ancien nomen Latinum, car des guerres incessantes l’ opposent aux
Latins
3 La troisième étape est la soumission du nomen à une domination romanoétrusque sous le règne des Tarquins, que montrent le traité avec Carthage de 509
et le rituel sacrificiel décrit par Denys d’ Halicarnasse Après plusieurs révoltes
des Latins et leur défaite au lac Régille en 498 avant J -C , la guerre se conclut
par le foedus Cassianum en 493 avant J -C Les Latins ont temporairement créé
33
Pline l’ Ancien, Histoire naturelle, III, 69
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L’ histoire du nomen Latinum suggère que les Latini sont le résultat d’ une
ethnogenèse Constitué contre Rome et les Étrusques, le nomen Latinum réunit des
cités qui ne forment pas un tout homogène, n’ ayant pas une spécificité ethnique
préalable L’ affirmation identitaire des Latini, qui accompagne cette ethnogenèse, se
manifeste par la création de récits mythologiques, qui racontent la création des Latins
sur le mode de la fondation grecque, ktisis
6- Une ethnographie mythique
La création de récits mythologiques donne une dignité et une visibilité à un
nouvel ethnos ou à une ville récemment fondée De tels récits légitiment leur formation
vis-à-vis de l’ extérieur et créent des liens de suggeneia (de parenté) avec les cités grecques
Ils leur permettent d’ entrer dans un circuit de reconnaissances symboliques et d’ accéder
à une forme de langage diplomatique
Ces récits suivent le modèle des mythes de fondation coloniale, rendant le nomen
semblable à n’ importe quel ethnos grec ; il est désormais pourvu d’ un héros éponyme,
créé par les soins de quelque logographe grec ayant reçu commande, et il est repris
ensuite par les historiens Dieu ou héros, le personnage fondateur vient d’ ailleurs : il est
grec Souvent c’ est Héraclès, Ulysse, Énée, ou un de leurs compagnons Il appartient à
la koinè culturelle grecque omniprésente chez les élites italiennes
On connaît par Hérodote un récit fondateur du nomen Tuscum dont l’ ancêtre
éponyme est un certain Tyrrhenus (signifiant « étrusque » en grec), venu de Lydie, audelà de la Grèce d’ Asie :
Voir Coarelli 2012 Caton, Origines, II, 28 (fr 58) : Aricino Egerius Laeuius Tusculanus dedicauit
dictator Latinus Lucum Dianium in nemore, puis il donne la liste des populi de la ligue
34
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ou ranimé une ligue latine concurrente, vers 500 avant J -C , au sanctuaire de
Diane à Nemi34
4 La quatrième étape consacre, après un ultime soulèvement, l’ écrasement
définitif des armées latines en 338 avant J -C Rome dissout la ligue et soumet
l’ une après l’ autre les cités latines qui avaient adhéré à la coalition contre elle
Après la dissolution politique du nomen Latinum, chaque cité ou peuple devient
l’ allié de Rome à titre individuel, avec le renouvellement personnalisé du foedus
Cassianum Les communautés qui ne se sont pas révoltées obtiennent le droit de
cité romaine
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Comme Tyrrhenus pour les Étrusques, Latinus est un ancêtre éponyme du
nomen Latinum. Il est présent chez Hésiode, où il est le fils de Circé et d’ Ulysse, comme
Telegonus et Agrios, le nom de ce dernier étant la traduction grecque de Silvius36
Tous les trois sont chez Hésiode des rois étrusques Cette présence dans la Théogonie
nous renvoie au-delà du viie siècle avant J -C La mythologie de Latinus est donc très
ancienne, sans doute associée à Albe et à la ligue des cités albaines Était-il le fondateur
éponyme du Latiar, dont le nomen Latinum aurait tiré son nom ? Le texte d’ Hésiode
reprend évidemment un de ces récits mythologiques inventant des rois éponymes et
fondateurs, à l’ usage dans les cités et les ligues S’ agit-il de cités étrusques ? Certes, les
Grecs ont souvent considéré comme étrusque toute l’ Italie centrale au bord de la mer
Tyrrhénienne
Différents récits sur le même modèle font de Latinus un roi d’ Albe Dans ces
versions, un ancien roi Latinus, celui que nous retrouverons chez Virgile, règne sur les
Laurentes, peuple qui se serait uni aux Troyens pour former les Latins37 Selon Tite-Live,
il y avait deux versions : les Troyens auraient vaincu les Aborigènes, ou bien ils auraient
combattu ensemble un ennemi commun, les Rutules De toute façon, après la mort
de Latinus, roi des Aborigènes, Énée devenait leur chef commun et donnait aux deux
peuples réunis le nom de Latins
Tous ces récits et leurs variantes relèvent d’ un imaginaire de l’ ethnogenèse, formé
sur le modèle des fondations coloniales, et constituent une ethnographie mythique
Du nom de l’ ethnos ou de la cité est tiré le nom d’ un héros éponyme, grec, qui d’ une
35
Hérodote, Histoires, I, 94
36
Théogonie, 1011-1013
37
Voir Tite-Live, Histoire romaine, I, 23, et Varron, La langue latine, V, 32, 144
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Sous le règne d’ Atys, fils de Manès, toute la Lydie fut affligée d’ une grande famine, que les
Lydiens supportèrent quelque temps avec patience Mais, en voyant que le mal ne cessait
point, ils y cherchèrent remède, et chacun en imagina à sa manière […] Enfin, le mal, au
lieu de diminuer, prenant de nouvelles forces, le roi partagea tous les Lydiens en deux
classes, et les fit tirer au sort, l’ une pour rester, l’ antre pour quitter le pays Celle que le
sort destinait à rester eut pour chef le roi même, et son fils Tyrrhénos se mit à la tête des
émigrants Les Lydiens que le sort bannissait de leur patrie allèrent d’ abord à Smyrne, où
ils construisirent des vaisseaux, les chargèrent de tous les meubles et instruments utiles,
et s’ embarquèrent pour aller chercher des vivres et d’ autres terres Après avoir côtoyé
différents pays, ils abordèrent en Ombrie, où ils se bâtirent des villes, qu’ ils habitent
encore à présent ; mais ils quittèrent le nom de Lydiens, et prirent celui de Tyrrhéniens, à
partir de Tyrrhénos, fils de leur roi, qui était le chef de la colonie35
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façon ou d’ une autre devient l’ ancêtre fondateur Un étranger, ou un peuple migrant,
est partie prenante de la fondation et va se confondre avec un peuple local Cette
population locale peut être elle-même venue d’ ailleurs, c’ est-à-dire de l’ espace grec des
mythologues et des historiens On lit ainsi chez Denys d’ Halicarnasse, qui avait réuni
une multitude de récits sur la fondation de Rome, qu’ une version, reprise par Caton
l’ Ancien, racontait que les Aborigènes étaient des Grecs ayant émigré en Italie avant la
guerre de Troie, qui se réunirent aux Troyens d’ Énée pour former les Latins
Virgile invente dans l’ Énéide une nouvelle ethnogenèse des Latins, en rompant
avec les précédentes Une fusion entre les Troyens et les Latins produit un nouveau
peuple latin, lors de la fondation de Lavinium Virgile fait se succéder ainsi deux peuples
latins Les anciens Latins que rencontre Énée ont pour roi Latinus À la fin de l’ Énéide,
de nouveaux Latins naîtront d’ un métissage contractuel entre ces anciens Latins et les
Troyens
Au chant XII, quand Turnus, roi des Rutules, qui combat pour les Latins, va
mourir tué par Énée et entraîner la défaite des Latins, Junon demande à Jupiter de ne
pas fonder une nouvelle Troie dans le Latium Jupiter promet à Junon que les Troyens
ne vont pas soumettre les Ausoniens (Italiens) à des lois et une langue étrangère38 Ce
terme d’ Ausoniens, désignant un ethnos d’ Italie du Sud, se substitue dans le texte à celui
de Latins En fait, chaque peuple italien de l’ Énéide – les Latins comme les autres – est
une métonymie de l’ Italie entière, c’ est-à-dire de tous les Italiens qui sont à l’ époque
d’ Auguste, juridiquement, des Romains, des Latins ou des alliés
Les Troyens ne devront pas imposer aux Latins une domination étrangère mais
se mélanger avec eux39 Junon accepte que les Troyens vainqueurs s’ allient aux Latins
par des mariages (conubiis) et par une union politique (foedera et leges) mais à condition
de conserver le nomen Latinum, le nom qui fera d’ eux une communauté ; ils doivent
aussi adopter la langue, c’ est-à-dire le latin, et les habitudes vestimentaires des Latins,
c’ est-à-dire la toge
Virgile a manipulé l’ ethnographie mythique traditionnelle qui faisait des Latins
un peuple issu de la fusion entre les Aborigènes, eux-mêmes Arcadiens, et les Troyens
d’ Énée Dans cette version, le roi Latinus tué par Énée donnait son nom aux Latini, un
peuple nouveau Virgile procède autrement Le peuple qu’ Énée a rencontré en arrivant
sur la côte du Latium est déjà celui des Latins et le nom du Latium, ne pouvant plus
38
Énéide, XII, 834-837
39
Énéide, XII, 820-828
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être rattaché à Latinus, est expliqué à partir du verbe latere, « être caché », suivant
une légende impliquant Saturne L’ absence de référence aux Aborigènes n’ est pas due,
comme le disait Servius, à la seule impossibilité de faire entrer le mot Aborigènes dans
l’ hexamètre Elle distingue les Latins des Troyens Selon un schéma mythique récurrent,
qui associe une guerre et une fusion par le mariage lors des fondations coloniales, dans
l’ Énéide, la future Rome latine est double : d’ un côté Énée et les Troyens, et de l’ autre
l’ ancien peuple latin
Virgile crée une autochtonie mythique et primitiviste, donnant comme ancêtres
à Latinus des dieux rustiques du terroir : il a pour père Faunus, fils de Picus, lui-même
fils de Saturne – trois dieux aux noms latins Le latin sera la langue identitaire de ce
nouveau nomen Dans cette ethnogenèse des Latins, Virgile raconte la fondation de
Lavinium, non pas celle de Rome Il fait l’ histoire de la composante latine, devenue
italienne, fédérale de la Res publica Énée fondateur de Lavinium et de la gens Julia est
aussi le héros fondateur des Latins Les deux composantes de Rome, l’ Vrbs fondée par
Romulus et le nomen Latinum fondé par Énée sont indissociables dans la mythologie
augustéenne et représentées face à face à l’ entrée de l’ ara Pacis D’ un côté la louve
découvre les jumeaux ; de l’ autre Énée sacrifie sur le site de Lavinium
Les récits en rapport avec l’ ethnogenèse des Latins ne sont donc pas les traces
d’ anciens récits italiques et indigènes mais des constructions sur le modèle grec des
récits de fondation « destinés à faciliter les relations avec le monde grec »40 Ils ne sont
pas utilisables pour reconstituer la préhistoire de l’ Italie, mais traduisent la présence
prégnante de « l’ hellénisme organique » dans l’ Italie préromaine41 Les cités du Latium,
comme Rome elle-même, manifestent à leurs débuts politiques la forte présence d’ une
culture civique grecque, qui allait reculer progressivement
7- Lavinium – ville grecque ? Hellénisme organique et identité latine
Au vie siècle av J -C , quelles langues parlait-on à Lavinium, dans la cité
emblématique du nomen Latinum, devenue le sanctuaire de la composante fédérale de
la Res publica ?
40
Bourdin 2012, p 286
41
Sur « l’ hellénisme organique », voir Humm 2007 et Dupont 2022, p 43-47
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Lavinium42 est une ville banale dans sa région Les découvertes archéologiques
permettent de comparer Lavinium et les villes du Latium, dès la fin du iie millénaire
avant J -C On y trouve les mêmes tombes à incinération, plus anciennes, et des tombes
à fosses, plus récentes Puis, les fouilles révèlent la présence aux viie et au vie siècle
avant J -C d’ une culture urbaine hellénisée, accompagnée d’ une forte croissance
démographique et économique, et d’ importants échanges commerciaux avec la Grèce
Datant des alentours de 650 avant J -C , la vaisselle de style orientalisant atteste que
Lavinium participe à la koinè culturelle de l’ Italie pré-romaine, comme l’ Étrurie
méridionale et les cités falisques La ville avait cédé à la séduction de la mythologie
grecque, en se donnant comme héros fondateur Énée, le rescapé de Troie Aux viie et
au vie siècle avant J -C , Lavinium est à l’ apogée de sa puissance Les fouilles ont dégagé
un complexe monumental, désigné comme « l’ aire sacrée des treize autels » L’ étude
des plus anciens de ces autels a montré qu’ ils étaient du même style que les autels grecs
de la même époque, sans médiation étrusque Ont été trouvées au même endroit des
statuettes de koroi et de korai, inspirées des modèles grecs archaïques de la Grande Grèce
et faites par des artisans locaux, ainsi que des bronzes votifs et des vases qui prouvent de
très anciennes relations directes avec le monde grec
On peut prolonger l’ enquête et se demander quelle langue parlait-on dans les
sanctuaires de Lavinium Une dédicace aux Dioscures a été retrouvée sur le site, datant
au plus tard de la fin du vie siècle avant J -C Elle est généralement qualifiée d’ inscription
latine archaïque
CASTOREIPODLOUQUEIQUEQUROIS
Aux jeunes garçons Castor et Pollux43
Figure 1 : Lamelle de bronze avec dédicace, CIL I2, 2833.
Crédit/source : https://kb.osu.edu/handle/1811/99099.
42
Voir Moyaers 1977
43
CIL I2, 2833
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Des quatre mots qui la composent, seul est latin l’ enclitique -que ; les trois autres
mots sont des emprunts au grec, même si l’ alphabet est latin L’ écriture, en effet, va de
gauche à droite et les lettres sont semblables à celles de l’ inscription du cippe du Forum ;
il s’ agit donc d’ un alphabet latin avec quelques variantes La dédicace à Castor et Pollux
est claire : les deux noms propres sont au datif grec, comme le nom commun qurois
La forme Podlouquei (en latin Polluci) présente une anomalie graphique par rapport à
l’ alphabet latin : l’ usage de quei au lieu de cei. La forme Podlouquei, en outre, n’ est pas la
transcription phonétique du grec Poludeukei ; le nom a été adapté au phonétisme local
On peut supposer que le u bref de Polu a disparu et que le groupe ld, imprononçable,
est devenu dl, présent dans le phonétisme local (e. g. le latin adloquor) Le mot qurois,
en alphabet latin, représente le ionien kourois Kouroi a été isolé à partir de Dioskouroi,
dénomination habituelle de Castor et Pollux Cet isolement de kouroi suppose que le
rédacteur de l’ inscription connaissait le grec Il a recréé la gémellité des dieux devenue
invisible, en les liant par un -que Cette connaissance de l’ étymologie grecque des
Dioscures est manifeste dans d’ autres langues d’ Italie, où leur nom de « fils de Zeus »
a été traduit – ce qui n’ est pas le cas ici En étrusque, cela donne Tinias Cliniiarias et en
marse, langue sabellique, Iovies Pucles
La présence du -que est intrigante Elle témoigne d’ un mélange des langues que
l’ on retrouve dans d’ autres inscriptions, cataloguées trop rapidement comme étant
« latines » archaïques Le plurilinguisme des cités de la région du Latium a pu causer
une déformation des langues, en particulier du grec Les Grecs de Sicile s’ en plaignaient
d’ après le témoignage d’ Aristoxène de Tarente Parlant des Poseidoniates, celui-ci
écrivait :
Après avoir été originairement Grecs, ils sont devenus Toscans ou Romains, c’ est-à-dire
barbares ; ils ont perdu leur langue, oublié leurs usages, et ne font plus qu’ une seule des
fêtes de la Grèce, s’ y rassemblant pour se rappeler encore une fois par an les noms antiques
des choses et des coutumes de leur pays44
L’ inscription archaïque de Lavinium atteste de l’ usage du grec dans le culte des
Dioscures importé de Grèce, comme toute la culture matérielle ce qui rendait possible
le bios grec de l’ élite locale Si Lavinium fait déjà partie à cette époque du nomen
Latinum, elle n’ affiche pas une identité latine de la cité, même si visiblement le latin
parasite quelque peu le grec religieux Au contraire, cette présence de la culture grecque
à Lavinium suggère un « hellénisme organique » de la ville Lorsque les habitants ont
44
Athénée, Deipnosophistes, XIV, XXXI, 632a
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fondé leur cité, c’ était une polis, dont le cadre politique et religieux était grec Ensuite,
progressivement, en intégrant le nomen Latinum, Lavinium s’ est latinisée : cette
inscription en marquerait les prémices
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Les Grecs faisaient correspondre une langue à chaque ethnos45 Ainsi, Denys
d’ Halicarnasse considère que les Samnites, les Bruttiens et les Opiques parlent des
langues différentes, parce qu’ il s’ agit d’ ethnè différents46 Or, nous savons qu’ ils parlaient
tous l’ osque Cet a priori idéologique était tellement fort qu’ Hérodote qui veut affirmer
l’ unité des Hellènes face au péril perse, comme reposant sur une culture commune (to
hellénikon), écrit contre toute évidence :
Nous sommes unis par la langue et par le sang, les sanctuaires et les sacrifices qui nous sont
communs, et nos mœurs qui sont les mêmes47
Or, chaque cité grecque a son panthéon, son dialecte, son alphabet, ses traditions
vestimentaires, etc
Tous les peuples du Latium ne sont pas identifiés par le latin La langue du
populus ou de la ciuitas est celle qui les identifie à l’ extérieur C’ est une des langues
utilisées : ce n’ est pas nécessairement la même dans les inscriptions d’ appartenance,
les inscriptions funéraires ou les inscriptions publiques et religieuses Si la langue sert
d’ identifiant pour les historiens grecs, rien ne permet de dire que c’ est LA langue du
peuple En conséquence, il est impossible de passer de la langue à la culture Si un ethnos,
un nomen, se caractérise par une « langue » cela ne prouve pas qu’ un populus qui se
rattache à ce nomen, se caractérise par cette langue Certaines villes du nomen Latinum
en sont l’ exemple
À Lavinium, le latin a-t-il rongé le grec et l’ a-t-il barbarisé, comme à Poseidonia ?
Le latin a-t-il été la langue du nomen Latinum, adoptée progressivement comme langue
de la cité par Lavinium et les autres cités du nomen Latinum qui utilisaient chez elles
aussi d’ autres langues, dont le grec ? Le latin surgit comme la langue du pouvoir dans
la Res publica48 Elle est la langue du sénat (patrius sermo) et conjoint les deux espaces
45
Hérodote, Histoires, III, 98, et Aulu-Gelle, Nuits attiques, XVII, 17, 2
46
Denys d’ Halicarnasse, Antiquités romaines, I, LXXXIX, 3 et I, XXIX, 3-4
47
Hérodote, Histoires, VIII, 144
48
Dupont 2022, p 100 et suiv
DHA, 49/1, 2023 – CC-BY
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8- Hérodote, langue et identité
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
293
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9- Naissance, vie et mort d’ un nomen
L’ histoire du nomen Latinum nous donne l’ occasion de constater qu’ une
ethnogenèse n’ est pas un processus irréversible Du nomen Latinum créé dans les Monts
Albains, sept à six siècles plus tôt, il ne reste à la fin de la République que les récits
mythologiques associés à l’ ethnogenèse des Latins, un statut juridique et une langue
Les villes latines sont vides ou devenues romaines Ces récits, quels qu’ ils soient, sont la
mémoire de Rome, une mémoire artificiellement construite à partir de modèles grecs
Toute histoire de Rome doit commencer par là Ces récits disant une ethnogenèse de la
Res publica sont vivants à l’ époque de Virgile, dans la mesure où ils sont politiquement
manipulables Dans l’ Énéide, Virgile réinvente les Latins, les enracine dans le Latium,
pour en faire la composante italienne de la Res publica, incarnée par Auguste
Le nomen Latinum n’ était pas un peuple Il serait impossible d’ en raconter
l’ histoire, si nous devions traduire son nom et parler du « peuple des Latins » ou de
« l’ ethnie latine »
Bibliographie
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Gruen 2011, considère que l’ identité romaine s’ est construite en opposition à une identité grecque
réinventée par Rome Voir aussi Dupont 2022, p 185-190
49
DHA, 49/1, 2023 – CC-BY
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politiques, la cité et la fédération L’ extension rapide de l’ imperium à toute l’ Italie puis
les conquêtes extérieures font du latin – qui s’ inscrit en lettres capitales dans les villes
des alliés – un monumentum de la puissance romaine En ayant conquis l’ Italie, les
Romains se confrontent à l’ Orient hellénisé, au-delà de l’ Adriatique Ils vont affirmer
leur identité en s’ opposant aux Grecs, jusqu’ à faire de la langue latine la rivale et l’ égale
de la langue grecque la plus prestigieuse, le néo-attique49 Cicéron dit nostri quand il
veut opposer les auteurs latins aux auteurs grecs La création du latin comme « autre
grec » contribue à l’ ethnogenèse latine de Rome Le latin chez Virgile est un des
marqueurs identitaires des Latini
294
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
Bourdin S (2019), « L’ organisation politique et territoriale des peuples de l’ Italie préromaine vue par
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Florence Dupont
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III- Du nouveau sur l’ ethnogenèse des Latins
De quand date l’ ethnogenèse des Latins50 et selon quels paramètres peut-on
l’ évaluer ? Est-il même licite de supposer qu’ à partir d’ une certaine période et dans un
territoire donné serait apparue, au sein des communautés humaines qui y résidaient et
selon des modalités qu’ il conviendrait de préciser, une conscience, voire une identité
communautaire, ressentie et revendiquée comme telle ? Et si, d’ une manière ou
d’ une autre, on arrive à proposer des réponses, fussent-elles partielles, à ces questions,
quels ont pu être les rapports de cet ensemble latin avec la naissance et les premiers
développements de Rome ?
Assurément, le regain actuel des recherches sur le concept d’ ethnos dans
l’ Antiquité51 apporte d’ utiles instruments conceptuels et permet des approches
renouvelées D’ autant que la question des Latins et de leurs rapports avec la cité romaine
relève d’ un domaine scientifique qui a une très longue histoire, et qu’ on appellera, faute
de mieux, les origines de Rome52 Quoique lacunaires, les sources, tant philologiques
qu’ archéologiques, y sont beaucoup plus riches que pour toute autre région du monde
méditerranéen antique : ainsi, en deux siècles d’ érudition (si on part des travaux de
Niebuhr au tout début du xixe siècle), bien des pistes ont été explorées, et des impasses
repérées, mais aussi bien des perspectives s’ offrent à qui entend prendre la pleine mesure
des possibilités offertes par le développement des recherches
Ce qui n’ empêche pas que, ici plus qu’ ailleurs sans doute, le savoir ne
peut prétendre qu’ à être une délimitation de l’ incertitude, même s’ il s’ agit d’ une
délimitation en constante évolution : irréductiblement, la masse de ce qu’ on ignore, et
de ce qu’ on ignore ignorer, dépassera toujours le peu que l’ on sait, ou croit savoir De
cette constatation qui ne prétend certes pas à l’ originalité, je tire personnellement la
conclusion qu’ il vaut la peine de chercher sans trêve à aller plus loin dans l’ enquête, que
rien n’ est jamais figé ou acquis pour toujours, et qu’ il est sain de remettre en question
les évidences les mieux établies
Au premier rang de celles-ci figure dans la vulgate contemporaine, pour des
raisons qu’ il serait trop long d’ analyser ici, la conviction que l’ ethnos serait à chaque
Ce thème étant au centre de mes recherches depuis longtemps, on voudra bien m’ excuser de devoir
renvoyer les lecteurs à plusieurs de mes travaux où je l’ ai traité en détail
50
51
Voir le bilan dressé par Dan 2016, p 278-286
Pour une présentation générale de ce domaine de recherches, avec la bibliographie récente, voir
Grandazzi 20193 (2003) Voir aussi le livre, bien informé et nuancé, de De Sanctis 2021
52
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fois un phénomène artificiel et tardif, qui relèverait plus d’ une fabrication a posteriori
et à visée idéologique que de la réalité historique ou, en l’ occurrence, protohistorique
Ainsi le déconstructionnisme contemporain ne considère-t-il les sources littéraires
faisant état des Latins à haute époque que du point de vue des enjeux idéologiques à
l’ œuvre au moment de leur publication (qui est, elle, beaucoup plus tardive) ; quant
aux données archéologiques, surtout les plus récentes, il n’ en a, la plupart du temps,
qu’ une connaissance très partielle, ne serait-ce que parce que plusieurs d’ entre elles, et
des plus importantes pour notre propos, ont été publiées postérieurement au maîtrelivre de Stéphane Bourdin sur les peuples antiques de l’ Italie centrale53 Si nouveau qu’ il
se veuille aujourd’ hui dans les différents champs des sciences humaines, il est à observer
que ce déconstructionnisme a, dans le domaine des origines de Rome, plus d’ un siècle
d’ existence Simplement, il s’ y est développé sous le nom d’ hypercritique, et on sait très
bien à quoi il a abouti : la disparition de la possibilité même de tout savoir, la réduction
de la recherche à la seule dimension de la réception
Venons-en maintenant à l’ examen des faits, qui, s’ agissant d’ une ethnogenèse,
doit commencer par un regard sur l’ espace géographique où a pu se produire celleci Les Latini sont le, ou plutôt, les peuples habitant le Latium, c’ est-à-dire la région
délimitée au nord par le Tibre et l’ Anio, à l’ ouest par la mer, à l’ est par une suite de
reliefs constituant les contreforts des Apennins, et au sud par le promontoire du cap
Circeo : la côte maritime bordant le grand large, les montagnes étant pourvues de
nombreux points de passages, le fleuve étant franchissable, on peut dire qu’ il s’ agit là
d’ un territoire ouvert à toutes les influences
Or des recherches publiées récemment54 ont montré que la basse vallée du Tibre
est, dès l’ époque néolithique, l’ une des aires les plus fréquentées de toute l’ Europe
occidentale À mi-chemin entre la Sicile et les rivages méridionaux de la France, juste
en face du détroit de Bonifacio, et en liaison avec la Sardaigne, l’ embouchure – ostia –
du Tibre est dans une situation exceptionnelle qui en fait un carrefour majeur pour
les échanges de toutes sortes Archéologiquement, il apparaît qu’ il s’ agit de la zone la
plus dense en Europe au Néolithique, disons entre 3 500 et 2 500 ans avant J -C C’ est
dire que ce bilan tout à fait récent peut apparaître comme une confirmation saisissante
d’ un modèle proposé au xixe siècle par le grand géographe Élisée Reclus, modèle qu’ on
Bourdin 2012 ; il est vrai que les Latins y sont à la portion congrue, la section qui leur est consacrée
n’ occupant que les p 143 à 147
53
54
Par Cifani 2021, p 24-26
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peut appeler des trois cercles : si la Méditerranée est bien au centre du monde antique,
la péninsule italienne en occupe la position médiane, tandis que le Latium et la plaine
tibérine, en particulier, se trouvent au milieu de l’ isthme que dessine l’ Italie Autrement
dit, la prééminence économique qui se dessine dès le Néolithique pour la plaine latiale
constitue la meilleure preuve qui soit de la justesse de cette théorie des trois cercles Bien
sûr, cela n’ explique ni les Latins ni les Romains, dont la cité est encore située loin dans le
futur, mais cela représente la mise en place du cadre régional et « international » dans
lequel les communautés des uns et des autres viendront à naître puis à se développer
Quant à l’ histoire du site romain et celle de ses rapports avec les Latins, si Latins
il y a, il n’ est pas inutile d’ en rappeler rapidement les caractéristiques principales : le
premier lieu à avoir livré des traces d’ une fréquentation humaine régulière est la colline
du Palatin, au milieu du Paléolithique, mais il s’ agit alors plus de passages épisodiques
que d’ habitat stable On peut faire débuter la protohistoire de Rome durant la phase
dite âge du bronze moyen et, plus précisément, au xviie siècle avant J -C C’ est à ce
moment-là, en effet, que se fixe, sur le haut de la colline du Capitole, un habitat sans
doute alors seulement saisonnier, évidemment implanté à cet endroit en raison des
facilités de défense qu’ offre le relief le plus pentu de l’ ensemble du site romain On
touche là à la fameuse question des collines de Rome, qui, bien entendu, furent toujours
plus de sept : le site romain55 est sans conteste d’ une complexité particulière, puisqu’ il
résulte des forces telluriques opposées, provoquées, aux âges géologiques récents, par
deux systèmes volcaniques, les monts Sabatini au nord, les monts Albains au sud, les
deux disposés de part et d’ autre de la vallée du paléo-Tibre, qui devait être aussi puissant
que l’ Amazone actuel Au cours de nombreux épisodes éruptifs, suivis à chaque fois
par plusieurs millénaires d’ érosion, les laves du plateau albain sont venues repousser le
Tibre et aboutir jusque dans sa vallée, l’ érosion y creusant ensuite le relief des fatales
collines Rien de plus étrange et de moins fait pour l’ unité urbaine qu’ un tel site, dont
l’ aménagement exigera toujours des efforts et des travaux considérables, à l’ inverse des
grands plateaux de l’ Étrurie méridionale qui, à Véies, à Tarquinia, à Orvieto, semblaient
attendre de toute éternité les cités puissantes qui s’ y dresseraient un jour !
Cependant, outre son caractère fragmenté et dissymétrique, le site romain se
distingue par la continuité naturelle qui s’établit entre lui et la campagne environnante,
puisque le sommet de ses collines n’ est jamais qu’ à la hauteur du plateau d’ ensemble
descendant en pente douce du sommet du Volcan Latial (aujourd’ hui monts Albains)
55
Voir Grandazzi 20202 (1991), p 136-162
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Cette continuité morphologique est un facteur capital pour l’évaluation des rapports
entre Latins et Romains : en effet, si le centre géométrique du Latium se trouve dans le
massif des monts Albains, alors que Rome est à la marge, à la frontière de la région, les
deux sites sont directement reliés entre eux par le chemin pris par les coulées de lave que
n’ aura plus qu’ à emprunter la future via Appia D’ où une première conclusion : s’ il y a eu
des Latins dans le massif Albain, il y en a forcément eu aussi dans le (futur) site romain
Sur quelles bases peut-on parler d’ un ethnos latin ? Même si une population
particulière ou plusieurs autres ont pu se réclamer d’ ancêtres communs, il est clair que
la détection d’ éventuelles ascendances biologiques est hors de portée de la science De
plus, il est non moins clair que les revendications exprimées de ce point de vue par les
mythes d’ origine, celui du roi Latinus en l’ occurrence56, ont pu – dès une époque haute,
puisque le nom est présent chez Hésiode57 (qu’ il s’ agisse ou non d’ une interpolation
importe peu ici) – relever d’ une construction idéologique, ne traduisant, et c’ est déjà
beaucoup pour l’ historien moderne, qu’ une volonté commune d’ identification
Comment, dans ces conditions, repérer et prouver l’ émergence possible d’ un ethnos
latin ? L’ archéologie contemporaine a répondu à cette question en conceptualisant, sur la
base d’ un siècle et demi de découvertes et d’ innombrables publications et classifications
de détail, l’ idée d’ une cultura/civiltà laziale pour le dire en italien, puisqu’ il s’ agit d’ une
découverte en grande partie italienne58 Il se trouve en effet que, dans toute l’ étendue de la
région du Latium, et avec une simultanéité et une analogie impressionnantes, notamment
du point de vue des rites funéraires, se manifeste à partir d’ une certaine période une
civilisation matérielle présentant un profil général qui la différencie nettement des
régions avoisinantes L’ émergence de cette unité culturelle massive se produit à la fin de
l’ âge du bronze, dont la chronologie absolue tend aujourd’ hui à être révisée vers le haut :
non plus xe siècle avant J -C , mais xie, voire xiie dans certains cas Les caractéristiques
principales de cette « culture latiale » sont : la miniaturisation des mobiliers funéraires,
la présence récurrente d’ armes dans lesdits mobiliers, le recours à des cinéraires en forme
de cabanes, accompagnés, dans quelques rares cas, de figurines à forme humaine Si les
archéologues – Renato Peroni, Giovanni Colonna et Anna Maria Bietti Sestieri étant
les plus connus – ont conservé à cette « culture » le qualificatif, venu du xixe siècle
56
Sur les traditions relatives à Latinus, voir Grandazzi 2008, vol II, p 752-760
57
Théogonie, v 1011 et suiv
Le catalogue de la grande exposition tenue à Rome en 1976 sous le titre, Civiltà del Lazio Primitivo,
reste une référence incontournable
58
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avec Giovanni Pinza, de « latiale », c’ est que le Latium est la seule région où ces
caractéristiques matérielles se trouvent réunies et uniformisées à ce point
De topographique, le qualificatif peut-il devenir ethnique ? En d’ autres termes,
a-t-on le droit de considérer que les hommes et les femmes dont les urnes funéraires ont
été retrouvées dans le Latium, mais aussi en plein centre de Rome, notamment au Forum,
étaient des Latins ? Ce qui permet de donner une réponse positive à cette question,
c’ est d’ abord la totale continuité entre les habitats et les nécropoles de cette civilisation
« latiale » avec les habitats et les nécropoles du Latium des époques postérieures, et
ce notamment dans les cités bien connues de la période classique Il semble en effet
très difficile d’ imaginer que, en l’ absence de toute césure ultérieure constatable sur
le terrain, les populations des premières époques aient été totalement allogènes par
rapport à celles identifiables par la suite comme incontestablement latines
Une autre manière de répondre à la question de la latinité et de son émergence,
passe par l’ examen du facteur linguistique59 Il faut bien sûr rappeler qu’ il n’ y a pas
nécessairement homologie entre les facteurs démographiques et linguistiques : on peut
tout à fait parler une langue sans faire partie de ses locuteurs de naissance D’ autre
part, il est évident que le latin des périodes dites « latiales » devait être profondément
différent de celui que nous connaissons : il se caractérisait par ce que les linguistes
appellent aujourd’ hui son polycentrisme, autrement dit, par une grande diversité
dialectale On ne parlait pas tout à fait le même latin à Lavinium, à Tibur ou à Rome,
même s’ il y avait néanmoins une unité linguistique Bien sûr, comme toute langue,
le latin de cette culture latiale était influencé par les langues avec lesquelles il était en
contact : l’ étrusque, auquel il a emprunté plusieurs vocables (en moins grand nombre,
toutefois, qu’ on ne le dit parfois) ; le grec, dont des locuteurs ont pu être présents en
Latium dès les époques post-mycéniennes ; les langues sabelliques, parlées par des
peuplades proches Comme on le sait, la plus ancienne inscription latine est celle de
la fibule de Préneste, les linguistes actuels y reconnaissant une variété de latin parlée
dans ce lieu, et donc bien un témoignage de l’ existence du latin60 ; j’ ajoute que la fibule
est désormais (depuis 2011) reconnue comme très probablement authentique sur la
base d’ analyses techniques d’ une ingénierie très poussée61 : l’ objet et son inscription
sont donc bien datables de la première moitié du viie siècle avant J -C Or une langue
59
Voir Van Heems 2016
60
Voir Touratier 2013, ainsi que l’ importante recension qu’ en a faite Martzloff 2014
61
Voir Limon Belén, Fernández Martinez 2015
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qui commence à pouvoir être écrite au viie siècle avant J -C est une langue qui existait
déjà, à tout le moins, au siècle précédent On parlait donc latin en Latium aux débuts
de l’ âge du fer, et, compte tenu de la continuité topographique et « culturelle » (au
sens archéologique du mot) rappelée précédemment, on peut présumer que le latin
était parlé en Latium depuis au moins les débuts de cette civilisation latiale, c’ est-àdire, encore une fois, depuis le xiie ou xie siècle avant J -C Qu’ il l’ ait été auparavant,
c’ est probable, mais non prouvable On considérera donc que les locuteurs de cette
langue latine peuvent être appelés des Latins Compte tenu de ce qui a été dit plus haut
sur la continuité géographique entre le massif Albain – espace où a été trouvé le plus
grand nombre d’ urnes cabanes « latiales » – et le site romain, on peut en conclure que
les Latins ont été présents dès les débuts de la « civilisation latiale » sur les collines
bordant le grand fleuve de leur région qui formeront un jour le site de Rome, ce que
suggère aussi l’ analogie entre les toponymes Latium et Palatium
Ils n’ y ont sans doute pas été les seuls, mais ils ont été les seuls à laisser des traces
aussi repérables et uniformes Ce qui veut dire, en d’ autres termes, que les traditions
antiques sur une origine latine de Rome sont vérifiées par les résultats de l’archéologie
et de l’ anthropologie Il n’ y a dès lors pas à s’ étonner que le latin ait été la langue des
Romains, comme en atteste du reste la désignation même de leur cité, urbs, qui, on le sait
désormais, relève d’ une origine indo-européenne62 Prévalence latine dans le surgissement
de l’ entité romaine qui s’ illustre également par le fait que tous les vocables décrivant les
rites auguraux, indispensables à la fondation et au fonctionnement de la cité romaine en
tant qu’ organisme politique, sont, sans exception, de facture latine : augurium, auspicium,
sulcus primigenius, pomerium, arx, auguraculum Quant à la question de l’ historicité des
légendes concernant la fondation de Rome, qui n’ est pas notre sujet ici, il n’ est pas possible
de faire comme si les vestiges découverts au pied du Palatin par Andrea Carandini et son
équipe n’ existaient pas : le grand livre récemment publié à ce propos par Adam Ziólkowski
montre la voie d’ une interprétation qui satisfait pleinement aux critères les plus exigeants
de la science historique63 Pour autant, cette première Rome n’ était pas que latine : ce
que la tradition antique dit avec insistance, parlant tantôt d’ une urbs geminata, c’ est-àdire unissant Latins et Sabins, tantôt d’une civitas triplex, par allusion aux fameuses trois
62
Voir Grandazzi 2020, p 138, sur les rapports avec le nomen Latinum
63
Ziólkowski 2019
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tribus romuléennes des Ramnes, Titienses et Luceres64 Mais on est là, on va le voir dans un
instant, à un stade déjà nettement postérieur à l’ ethnogenèse des Latins
Ces Latins, qui parlaient le latin (un proto-latin, bien entendu, par rapport à
celui que nous connaissons), avaient-ils conscience d’ être des Latins ? Autrement dit,
se sentaient-ils appartenir à un ensemble humain différenciable de ceux qui pouvaient
exister autour d’ eux ? Si on veut échapper aux risques de la paléo-psychologie, voire à
ceux du roman, c’ est vers l’ étude des facteurs religieux qu’ il faut se tourner Comme
on l’ a vu, il y a d’ abord ce fait, remarqué depuis très longtemps, qu’ est la surprenante
homologie des cultes funéraires dans toute la région : même si on ne peut restituer
les croyances qui accompagnaient ces rites, il est certain que cette uniformité de
comportements rituels implique des formes minimales de conscience collective
Mais il y a plus et il convient de rappeler ici la définition de la latinité que donnait
un auteur aussi informé que Varron : pour lui, peuvent être définis comme Latins
les participants aux Féries Latines, autrement dit la principale panégyrie du Latium,
célébrée et contrôlée à l’ époque classique par l’ État romain65
Latinae feriae dies conceptiuus, dictus a Latinis populis, quibus in Albano monte ex sacris
carnem petere fuit ius cum Romanis, a quibus Latinis Latinae dictae
Mobile est le jour des Féries latines nommées d’ après les peuples latins, qui, sur le mont
Albain, avaient en commun avec les Romains le droit de réclamer leur portion du
sacrifice ; c’ est d’ après ces Latins qu’ elles ont été appelées Latines66
Il s’ agissait, comme on sait, d’ une fête confédérale regroupant une fois par an
sur le sommet du Monte Cavo, antique mons Albanus ou arx Albana67, et en présence
d’ une très nombreuse assistance, les délégués des cités latines et ceux de Rome pour un
sacrifice commun célébré en l’ honneur de Iuppiter Latiaris, Jupiter Latial C’ est dire
qu’ on se trouve ici en présence de la typologie, bien connue par ailleurs, d’ une panégyrie
fondant l’ appartenance, et le sentiment d’ appartenance, à un ethnos, en l’ occurrence
le nomen Latinum Que celui-ci soit désigné par le mot nomen est du reste révélateur
de la capacité d’ ouverture et d’ intégration de cette confédération latine : pour qu’ une
64
Sur ces aspects, voir l’ ultime ouvrage (posthume) de Prosdocimi 2016
J’ ai consacré à l’ analyse détaillée des Féries Latines les p 517 à 729 du vol II de Grandazzi 2008 ; la
liste des populi Albenses y est étudiée p 676-727
65
La Langue latine, VI, 25, éd -trad P Flobert, 1985, p 15 Se retrouveront dans la liste plinienne, le
mot populi ainsi que la formule carnem in monte Albano : autant d’ indices en faveur de la provenance des
deux textes d’ une même source
66
67
Pour la démonstration de cette équivalence, voir Grandazzi 2006
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population (car il s’ agit, comme presque toujours dans le monde antique, d’ un rituel
à dimension collective et non individuelle) puisse être qualifiée de « Latine », il suffit
qu’ elle puisse être nommée comme telle du fait de sa participation aux Féries Latines Ce
qui ouvrait la porte à des peuples d’ origine non latine, comme, de fait, il semblerait que,
d’ après Denys d’ Halicarnasse68 ce fut le cas pour les Herniques et même les Volsques (en
tout cas, une partie d’ entre eux) En somme, ou on est latin par naissance, ou on peut
le devenir aussi, parce qu’ on est dit tel, sur la base d’ une participation à certains rituels
collectifs en un certain lieu, l’ arx Albana en l’ occurrence : on voit qu’ on n’ est alors
plus très loin de ce qui deviendra, aux époques postérieures, le type de définition et de
conditions d’ accès à la citoyenneté romaine
En tout cas, on doit souligner que, grâce à un document exceptionnel, aujourd’ hui
considéré presque unanimement comme authentique et très ancien, on a une image de ce
qu’ a pu être la première ligue latine : il s’ agit de la liste des populi dits Albenses, transmise
par Pline69, mais remontant beaucoup plus avant et qu’ on date désormais d’ avant le temps
des cités en Latium, soit les toutes premières périodes de ce qui est, archéologiquement,
la « civilisation latiale » Collectivement comme personnellement, on prend toujours
conscience de soi par rapport à autrui : à cet égard, il se pourrait bien que l’ histoire de
la religion étrusque apporte une illustration du rayonnement « international » qu’ a
pu avoir cette première ligue latine à base religieuse, s’ il se confirmait que, comme l’ ont
supposé naguère le linguiste Helmut Rix puis l’ archéologue Mario Torelli70, les noms de
plusieurs de leurs divinités (notamment Maris, Uni, Nethuns, Selvans, Menerva, Satre,
Veive) arrivèrent aux Étrusques en provenance de territoires situés sur la rive gauche du
Tibre : ainsi, au rebours de la vulgate traditionnelle, les emprunts religieux allèrent du
Latium vers l’ Étrurie, et non pas dans le sens inverse Ce qui n’ a pu se faire, comme le
soulignait M Torelli, qu’ avant le décollage culturel et économique que connaîtront les
territoires étrusques avec l’ urbanisation qui s’ y manifestera à partir du ixe siècle avant J -C
Il reste qu’ il faut bien admettre que la preuve archéologique de l’ existence
d’ un sanctuaire confédéral sur le Mont Albain dès la fin de l’ âge du bronze est plus
présumable que définitivement concluante : le site n’ a cessé, en effet, d’ être, depuis la
Renaissance, soumis à des déprédations continuelles71 Fort heureusement, il se trouve
68
Antiquités Romaines, IV, 49
69
Histoire naturelle, III, 69
70
Torelli 2009
71
Description et analyse des fouilles successives dans Grandazzi 2008, vol I, p 267-281
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qu’ à quelques km de là, dans ce même massif Albain, qui apparaît avoir été, aux époques
hautes, le centre de la latinité, une nouvelle découverte archéologique vient apporter un
élément d’ importance majeure pour notre propos Sur la rive du lac de Nemi, en effet,
là où s’ élevait le sanctuaire de Diane et dont n’ avaient été retrouvées jusqu’ à récemment
que des traces relativement tardives, a été enfin identifié, à la faveur de fouilles encore en
cours, le site du sanctuaire le plus ancien, qui se situait non pas au bord de l’ eau, comme
on l’ avait pensé, mais sur une terrasse à mi-hauteur de la pente Or, à cet endroit, a été
trouvé et dégagé un enclos de pierre destiné, selon toute vraisemblance, à entourer une
plantation à laquelle était conférée ainsi une sacralité particulière : devant ledit enclos, a
été retrouvé un dépôt votif qui paraît avoir été en usage dès une chronologie très haute,
le xie, voire le xiie siècle av J -C Filippo Coarelli et Giuseppina Ghini ont proposé de
reconnaître dans ces vestiges l’ aire sacrée de l’ arbre connu dans la tradition virgilienne72
comme l’ arbre au rameau d’ or, objet d’ une dévotion collective dont le dépôt votif, situé
juste devant lui, témoignerait pour une durée de plusieurs siècles Or les céramologues
qui ont étudié ledit dépôt votif ont noté que, dès ses phases les plus anciennes, il porte les
signes d’ un début de différenciation régionale73 On l’ aura compris : il se pourrait bien
que l’ on fût là en présence du plus ancien lieu de culte collectif identifiable en Latium,
un culte qui, compte tenu de l’ identité de la divinité honorée là à l’ époque historique, et
de la continuité d’ occupation et de fréquentation que révèle le site, ne peut qu’ avoir été
de caractère latin dès ses tout premiers débuts Nous ne pouvons mieux faire que citer la
conclusion qu’ en tire Filippo Coarelli lui-même74 :
L’ apparition en plein âge du bronze du sanctuaire de Diane, telle qu’ elle s’ avère
aujourd’ hui démontrée, constitue une preuve déterminante en faveur de la datation à
cette même époque de la plus ancienne ligue latine
On a donc ici une preuve archéologique de l’ ethnogenèse latine dès la toute
première phase de la culture latiale, une preuve qui, compte tenu de son histoire
tourmentée, restait insuffisante sur le Mont Albain
L’ ethnogenèse latine n’ est donc ni tardive ni artificiellement fabriquée bien des
siècles après par des littérateurs idéologues ; elle est un phénomène protohistorique,
présumable par l’ anthropologie religieuse et vérifié par l’ archéologie
72
Servius, Commentaire à l’ Éneide, VI, 136
73
Voir Bruni 2014, p 48
74
Coarelli 2012, p 564
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Alexandre Grandazzi
IV- Géographie, ethnographie, identité et romanisation en Ibérie/Hispanie75
Quamquam est uno loco condicio melior externae victoriae quam
domesticae, quod hostes alienigenae aut oppressi serviunt aut
recepti beneficio se obligatos putant…
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Ce texte traite de la réalité pluri-identitaire de l’ Ibérie/Hispanie en rapport avec
le processus de « romanisation » car, à notre avis, les deux concepts sont indéniablement
connectés
1- La crise du concept de « romanisation »
Entre le xixe siècle et les années 1960, le caractère positif de la « romanisation »
n’ a pas été mis en cause Le débat académique se fixait autour de la portée, du degré, de
l’ intensité ou des agents intervenants dans ce « processus historique » Certes, au fur
et à mesure que l’ on disposait de nouvelles données – archéologiques ou littéraires –, le
phénomène de la « romanisation » commençait à être régionalisé Mais la vision de la
romanisation comme progrès continu des territoires et des sociétés conquises, tant d’ un
point de vue matériel que du point de vue culturel, ne fut pas contestée L’ extension de
la cité et de ses formes les plus efficaces d’ exploitation économique et socio-politique,
l’ homogénéisation des territoires et de leurs populations grâce au développement des
réseaux de communication qui permirent, à leur tour, la mobilité sociale et la diffusion
de valeurs et de cultures partagées, le gouvernement s’ appuyant sur un corpus juridique
Projets de recherche : « Geografía y etnografía antiguas de la Península Ibérica de Eratóstenes a
Ptolomeo: describir el espacio y dibujar el mapa II » (PID2020-117119GB-C21), « Hacia las fronteras
del mundo habitado Conocimiento y transmisión de la literatura geográfica e historiográfica griega » (US1380757), « Incognitae Terrae, Incognitae Gentes El conocimiento geográfico e historiográfico antiguo:
formación, evolución, transmisión y recepción » (P20_00573) y Grupo de Estudios Historiográficos
(Plan Andaluz de Investigación HUM-394) Ce texte s’ appuie sur une conférence tenue au Séminaire
« Géographie historique et géoarchéologie » le 14 février 2020 à l’ École Normale Supérieure de Paris
Nous tenons ici à remercier nos collègues Anca Dan, pour son aimable invitation, pour son accueil ainsi
que pour la correction du texte en français, et Pilar Ciprés pour ses suggestions concernant le texte
75
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(Cicéron, Contre Catilina, IV, 22, 1)
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unique, ou l’ implantation d’ une langue et d’ une écriture communes, entre autres
éléments, furent considérés comme de jalons incontestables de progrès et de bien-être,
en particulier pour les populations dispersées, fragmentées et éloignées de l’ Europe
occidentale et des côtes africaines Dans ce contexte-là, les communautés préexistantes
à la conquête qui, d’ une façon ou d’ une autre, continuèrent d’ exister jusqu’ à leur
absorption définitive et leur transformation en « Romains », étaient considérées
comme de simples agents passifs76
Les processus dramatiques de décolonisation vécus par les puissances
européennes à partir des années 50 ont eu un effet dévastateur non seulement sur la
vision du présent mais aussi du passé Jusqu’ alors, les entreprises coloniales avaient
partagé une idée : étendre la civilisation aux populations emprisonnées par une culture
arriérée lorsqu’ elle n’ était pas primitive Il s’ agissait, en conséquence, de reprendre
le chemin commencé par Rome et interrompu par l’ Islam La décolonisation et
l’ apparition de nouveaux modèles d’ organisation politique qui ont, en partie, marqué
une rupture avec ce passé colonial ont mis en lumière la réalité en toute son âpreté :
la colonisation n’ avait été qu’ un processus d’ exploitation et d’ assujettissement mené
avec la connivence des minorités corrompues, et même d’ extermination de populations
entières, soumises à une tentative d’ acculturation forcée et échouée qui, par ailleurs, a
engendré de fortes tensions internes Les mouvements contre la ségrégation raciale aux
États-Unis, la crise de Mai 68 ou la guerre du Vietnam, qui ont mis en cause le modèle
occidental dominant, n’ ont fait que creuser l’ écart dans les contradictions du système
Inévitablement, ce passé idéal, dans lequel Rome était la seule protagoniste, a dû être
revisité et débattu77
C’ est bien connu que nous devons à Th Mommsen la vision canonique de la romanisation, surtout
à partir la publication du cinquième tome de sa Römische Geschichte en Angleterre en 1886 Son idée
de départ était que la romanisation était un processus inévitable et positif ; même les communautés
provinciales conquises y assumaient un rôle actif, car Rome les faisait échapper à une vie de pauvreté et de
barbarie (voir Wulff 2021, p 169-231) Le succès de cette perspective sans nuances a été total, notamment
dans le monde anglo-saxon (voir Haverfield 1915), en raison de la légitimation d’ une politique impérialiste
(cf Freeman 1997 ; Crespo Mas 2008)
76
Cette forte contestation des systèmes impérialistes, coloniaux et néocoloniaux, qui eut lieu entre les
années 60 et 80 du dernier siècle, fut très importante dans les milieux universitaires européens et nordaméricains et elle eut une forte influence historiographique dans tous les domaines d’ étude, y compris celui
de l’ Antiquité Le vieux paradigme qui voyait le monde gréco-romain comme une phase incontournable
dans le processus civilisateur, dans lequel les civilisations plus anciennes ou périphériques vaincues
finissaient par être absorbées, commence à être mis en cause La révision du vieux modèle passait par
une réévaluation du phénomène colonial grec, en octroyant aux communautés locales un rôle actif dans
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Les concepts employés ont commencé à changer78 Ainsi, l’ intégration a laissé
place à la résistance, à la persistance ou à la continuité ; la « romanisation » a laissé,
à son tour, place à des expressions telles que « modes de contact » ou « processus
de transferts » qui laissaient un rôle de protagoniste aux communautés vaincues
ou soumises79 En conséquence, est né un débat sur la portée et les possibles effets
négatifs de l’ impérialisme romain L’ étude des langues préromaines ou la continuité de
certains usages culturels ou religieux ont été mises en valeur et quelques phénomènes
qui avaient été catalogués comme strictement romains commencèrent à être analysés
selon une optique différente, qui finit par déboucher vers une « provincialisation » de
la romanisation On a donc commencé à parler de la singularité hispano-romaine ou
gallo-romaine d’ un point de vue culturel mais aussi social80
Le changement de paradigme s’ impose : le débat à propos de l’ identité et des
nouvelles perspectives sur la romanisation vont de pair, à tel point que le dernier
concept devient pratiquement obsolète à cause de l’ irruption du premier Aujourd’ hui,
personne ne doute que l’ Empire romain était constitué d’ un conglomérat d’ identités
leur évolution Elle passait aussi par l’ acceptation du caractère multiethnique et innovateur des empires
orientaux, qui n’ étaient plus conçus comme des réalités compactes, statiques et peu développées En
même temps, plusieurs études sur les particularités de la culture hellénistique face à l’ idée traditionnelle
de l’ homogénéité du modèle classique commencent à être publiées Toutes ces approches critiquent les
regards conservateurs sur les processus de contact entre des sociétés inégales Elles mettent en doute
« l’ utilité » des impérialismes antiques et les bontés de l’ épanouissement de la civilisation Suite à ces
critiques, on vient à regretter l’ ignorance préconçue envers les oubliés et les vaincus de l’ Histoire grécoromaine ainsi qu’ à revendiquer une vision plurielle du monde classique, qui inclue les Perses, les Puniques,
les Iraniens, les Juifs, les Scythes, les Italiques, etc Dans ce sens-là, le livre d’ A Momigliano (1975) causa
un vrai bouleversement historiographique (cf Wullf 2019b)
Voir les résultats du colloque tenu à Cortone en mai 1981, et publié par l’ École Française de Rome en
1983 sous le titre Modes de contacts et processus de transformation dans les sociétés anciennes
78
Voir l’ étude essentielle de Bénabou 1976, qui évoque la résistance des populations nord-africaines,
pour préserver leur identité face à l’ imposition du modèle de Rome ; cette opposition transparaît aussi dans
des résistances quotidiennes, silencieuses ou invisibles, qui expriment autant les permanences et continuités
culturelles que les phénomènes d’ hybridation avec les modèles exogènes
79
Voir les études fondamentales de Millet 1990 qui pense que le succès fût l’ intégration des élites
locales, car elles viennent à assumer la culture romaine afin de perpétuer leur pouvoir et leur prestige
communautaires, lors du processus de romanisation Voir aussi les travaux de Woolf 1998, qui soutient que
le modèle de la romanisation a permis le développement des cultures provinciales à caractère hybride, qui
provoquent de changements dans deux sens, pas seulement dans les milieux provinciaux mais aussi dans le
pouvoir romain même (cf Keay, Terrenato 2001)
80
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qui agissaient autant dans la sphère publique que dans la sphère privée81 La question
s’ inscrit désormais dans le contexte de la crise des identités traditionnelles de
l’ hémisphère Nord, avec le développement de sociétés multi-ethniques, multiculturelles
et multi-identitaires, le succès des modèles d’ analyse postmodernistes qui remettent
en cause les schémas analytiques précédents, pétrifiés à la chute du mur de Berlin, la
crise de l’ hégémonie académique occidentale, la critique des perspectives eurocentristes
ainsi que l’ émergence d’ approches post-processuelles et post-coloniales dans l’ étude des
sociétés périphériques du présent et du passé82
On n’ y peut pas faire abstraction du rôle joué par le développement de
l’ archéologie, sous de nouveaux critères épistémologiques et méthodologiques De
manière progressive, l’ archéologie classique des monuments – apparentée à l’ histoire de
l’ art et à la philologie – fut remplacée par une discipline très influencée par la sociologie
et l’ anthropologie, qui s’ intéressaient à la culture matérielle et à toute manifestation
81
Revell 2015
Actuellement, les débats atteignent de positions plus extrêmes que celles de Millet et Woolf qui
n’ arrivaient pas à nier la position de Rome en tant que puissance dominatrice En fait, au plus fort du succès
des études post-coloniales (notamment dans l’ historiographie anglo-saxonne), les discussions se tournent
vers « l’ agence locale », le rôle des « groupes subalternes », les minorités et leur « résistance passive »,
les « espaces intermédiaires » ou « neutres », les phénomènes d’ hybridation et de transfert culturel,
en arrivant même à la négation de l’ opérativité du concept de « romanisation » (voir Barrett 1997) car
il s’ agit d’ une notion unidirectionnelle et généraliste qui ne tient pas compte des réalités culturelles et
identitaires locales très dynamiques et à caractère hétérogène On opte ainsi pour la « créolisation », le
« bricolage culturel » ou même la « glocalisation » qui, comme la globalisation actuelle, sert à mettre
l’ accent sur la multi-directionnalité des changements au niveau politique, économique et culturel de
manière unitaire et en même temps interconnectée À notre avis, l’ expression braudélienne de « transfert
culturel » reflète le mieux ce virage (Dan, Queyrel 2014) Voir, en général, Hingley 2005 ; Mattingly
2011 ; Webster 2001 ; Scott 1985 ; pour les derniers concepts mentionnés, voir Pitts, Versluys 2015 ou
Roudometof 2016 ; pour un état de la question en partant d’ une perspective post-coloniale, voir Van Oyen
2015 De telles approches ont été qualifiées d’ « idéalistes » car, en mettant un accent excessif sur le fait
local, elles finissent par diluer le rôle de Rome, ainsi que l’ inégalité et la dépendance implicite et explicite
de tout colonialisme : voir Gardner 2013 ; Silliman 2005 Elles ont été aussi critiquées d’ être excessivement
théoriques, car elles projettent sur le monde romain, avec un excès d’ automatisme, les modèles d’ analyse
des réalités contemporaines (voir Beltrán 2017, p 18-21, et plus spécialement, Cardete del Olmo 2018,
p 659-673) Pour une analyse plus mesurée, voir Le Roux 2004 ; 2006b, p 159-166, et Pereira Menaut
2010 ; pour un état de la question, voir Versluys 2014, avec le travail de Woolf Une synthèse a été publiée
dans Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 3 5 et 5 1
82
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susceptible de fournir de données à caractère historique83 En faisant cela, l’ archéologie
fixe son attention sur de sujets ou de processus qui, jusque-là, avaient été passés sous
silence ou n’ avaient pas été consciemment pris en compte, étant donné qu’ ils ne sont
présents ni dans la littérature classique ni dans l’ histoire politique qui en découle84
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L’ Espagne est un cas d’ études à part La situation académique et historiographique
y était bien distincte de celle du reste de l’ Europe Le franquisme, au moins jusqu’ à
l’ arrivée du développementalisme et le saut culturel des années 60, n’ eut pas cessé de
mépriser le développement vécu par la science espagnole entre 1890 et 1936 – une
période connue, à juste titre, comme edad de plata de la culture espagnole Le régime
récupéra un modèle éducatif et culturel ancré dans le conservatisme catholique du
xixe siècle, dans une université appauvrie par la guerre civile, complètement isolée et
anéantie par l’ exil forcé de ses représentants les plus notables85
D’ un point de vue historiographique, l’ idée de Rome qui continuait à se
répandre en Espagne était celle d’un pouvoir politique qui avait réussi à soumettre les
indomptables Ibères, en mettant un terme à leur tendance naturelle à l’ affrontement
civil et en les dotant d’ une langue et d’ une culture communes86 Ainsi, Mela, Martial,
Il n’ est pas nécessaire d’ expliquer pourquoi l’ archéologie a joué et joue encore un rôle central dans
les débats à propos des identités (tant au niveau théorique ‒ pour les approches constructivistes ‒ comme
au niveau pratique) La culture matérielle en tant qu’ item ethnique identitaire est, très souvent, la seule
variable dont on dispose quand il s’ agit d’ étudier les communautés illettrées, c’ est-à-dire la majeure partie
des sociétés dans l’ Antiquité Les identités collectives y jouent un rôle plus important que les identités
individuelles La culture matérielle devient pourtant une variable d’ interprétation complexe, car le passage
que suit un élément matériel à usage commun et quotidien pour arriver à être un item identitaire n’ est
pas jamais automatique : ce sont les communautés qui lui confient une certaine valeur, selon la pratique
sociale Voir les travaux déjà classiques de Barth 1969, Hodder 1982, Shennan 1989 ou Jones 1997 ; plus
récemment Fernández-Götz 2008 et 2009, et Fernández-Götz, Ruiz Zapatero 2011 Une synthèse dans
Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 2 1 et 3 4 Le débat sur la « romanisation » a d’ ailleurs été
mené en large mesure par les archéologues (voir n 82)
83
Le succès actuel des théories philosophiques post-humanistes qui nient le rôle central de l’ être humain
a fait pencher l’ archéologie à nouveau vers l’ artéfact, laissant complètement de côté l’ élément humain : voir
Díaz de Liaño, Fernández-Götz 2021, et Fernández-Götz, Gardner, Díaz de Liaño, Harris 2021
84
85
Voir Wulff 2004
On trouve ainsi dans l’ Antiquité le « caractère essentiel » espagnol, avec un fort individualisme, une
nature indomptable qui fait face aux envahisseurs, un attachement à la terre d’ origine et un monothéisme
86
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2- Le dossier espagnol : historiographie et politique
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Sénèque, Trajan, Hadrien, Théodose ou Isidore étaient des figures qui s’ imposaient par
leur origine hispanique et par leur capacité de gestion politique, culturelle et religieuse
au milieu d’ un empire décadent Ainsi, on était face à une romanisation à l’espagnole87
D’ autre part, la clé de voûte de l’ identité espagnole ne résidait pas dans l’ époque antique,
mais au Moyen Âge et, surtout, à la période de l’ expulsion des musulmans Dans ce
contexte, la discipline antiquaire n’ était, loin il s’ en fallait, l’ une des plus puissantes car
elle ne comptait pas sur un appui politique solide, comme c’était le cas en Italie, par
exemple Au-delà d’ un essentialisme démodé, où les gènes de « l’ espagnol » ont été
trouvés chez les premiers habitants du terroir hispanique, le nœud gordien de notre
identité nationale devait être cherché dans l’ unification territoriale, politique et religieuse
d’ Isabelle de Castille et Ferdinand d’ Aragon, les rois catholiques, qui avaient comme
précédent l’ éphémère période visigothique Par ce modèle, on dépassait pour la première
fois la contradiction que l’ on héritait depuis l’ Antiquité : l’ étranger et/ou l’ infidèle était
finalement expulsé et l’ on atteignait l’ unité politique et religieuse longuement attendue88
Il nous paraît important de souligner ces questions car elles nous aident à comprendre
dans quel état se trouvait le débat à propos de la romanisation en Espagne, pendant que
d’ autres paradigmes poussaient dans l’ historiographie européenne Dans le cas espagnol,
de facto, les sciences humaines et sociales n’ ont commencé à décoller que dans les années 60,
lorsqu’ un certain développement économique a permis aux chercheurs et scientifiques
espagnols une timide ouverture vers l’ Europe Ce décollement a été encouragé par la
réactivation de l’ activité scientifique d’ institutions comme l’ Instituto Arqueológico Alemán
ou la Casa de Velázquez, à Madrid Leurs travaux en collaboration avec les protohistoriens
et les archéologues ont contribué largement au renouvellement des techniques de fouille,
primitif, qui annoncerait le triomphe du Christianisme Cet historicisme culturel, très répandu dans les
études d’ archéologie préhistorique publiées entre dans les premières 60 années du xxe siècle n’ est pas, loin
il s’ en faut, un phénomène constaté seulement en Espagne, mais dans toute l’ Europe (Díaz-Andreu et al
2009, p 30-36 ; Díaz-Andreu 2002, p 38-41)
Gozalbes Cravioto, González Ballesteros 2007 Cette vision positive de la romanisation et de son
hispanisation contraste avec des approches plus critiques ‒ bien que minoritaires ‒ comme celle de
P Bosch Gimpera dans les années 20 Bosch Gimpera, qui a fini ses jours exilé en Mexique, soutenait que
la romanisation était une « super structure » sous laquelle un component social et culturel indigène a
toujours survécu, renaissant après la chute de l’ Empire romain (cf Blázquez 1969) Paradoxalement, il
faudra atteindre quelques années ‒ pendant la période de « soulagement intellectuel » de l’ époque
franquiste ‒ pour que les idées de Bosch trouvent leur place dans l’ historiographie hispanique Pour la
figure de Bosch, voir Cortadella 2003
87
88
Voir en général Wulff 2003 et Wulff, Álvarez Martí-Aguilar 2003
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des concepts et des méthodologies d’ analyse, en donnant lieu à la création de nouveaux
réseaux d’ échanges scientifiques Cette circonstance a aussi permis aux nouvelles
générations d’ archéologues espagnols d’ augmenter leurs capacités de formation et leurs
possibilités de spécialisation thématique et technique La multiplication des campagnes de
fouilles, pas seulement au sein de chantiers monumentaux ou emblématiques mais aussi sur
des sites beaucoup moins connus, a permis d’ouvrir le champ de recherche vers des cultures
ou des périodes inattendues jusqu’ alors Le débat sur « l’ essence espagnole » est toujours
présent89, mais un changement de perspective commença à s’y développer doucement
Dans ce processus, on remarque surtout les premiers travaux de M Vigil90, qui opposa la
romanisation à la survivance des structures sociales indigènes dans le cas précis du nord
de la péninsule (fait qui avait déjà été souligné par Broughton91) Peu après, il développa
ses hypothèses dans son introduction à la Formación del feudalismo, en collaboration avec
Abilio Barbero92 Le seul fait de parler de « items ou rythmes de romanisation » ou de
la distinction d’ un impact divers de Rome parmi les communautés indigènes constituait
déjà une transformation envers la vision centraliste romaine des années 40 et 5093
Mais ce changement de perspective n’ a rien de comparable avec l’ effet rénovateur que
l’ anthropologie, la sociologie ou l’ archéologie ont eu sur l’ histoire ancienne en Europe,
pendant les années 60 et 70 du xxe siècle
Un changement quantitatif et qualitatif apparaît à la période postfranquiste,
quand les conditions matérielles et intellectuelles en Espagne sont devenues plus
propices Dès ce moment-là, on y assista à un profond renouvellement des institutions
universitaires espagnoles, qui commençaient à disposer d’ un budget plus important
Ces ressources économiques ont servi à financer des séjours de recherche et des
programmes de formation du professorat espagnol, lui permettant de prendre contact
avec des laboratoires de recherche français et italiens, en premier lieu, ainsi qu’ anglosaxons quelques années plus tard Il va de soi que les équipes qui y travaillaient étaient
de pionniers dans leurs approches méthodologiques et conceptuelles En même temps,
le renforcement de l’ archéologie locale et régionale allait mettre à la disposition des
chercheurs un nombre considérable de données matérielles
89
Voir, par exemple, Blázquez 1969, qui critique la « romanisation super structurelle » de Bosch
90
Vigil 1963
91
Broughton 1959
92
Barbero 1978
93
Voir Balil 1956 ; Palol 1960 ; Blázquez 1962
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Ce n’ est pas un hasard si les changements de paradigme interprétatif dans
l’ historiographie hispanique commencent par les études sur les peuples du Nord
péninsulaire, en suivant la voie de recherche ouverte par Marcelo Vigil La rupture dans
cette zone du modèle traditionnel de romanisation est beaucoup plus évidente si l’ on
tient compte de la documentation épigraphique et littéraire Pour cela, il suffisait d’ y
apposer un regard différent : une survivance quelconque ne peut pas avoir la même
valeur ni peut jouer le même rôle dans deux contextes différents En sens inverse, une
nouveauté romaine qui apparaissait dans un contexte précoce de conquête ne pouvait
être analysée en partant seulement d’ une approche acculturatrice Voici quelques
exemples
Dans le monde gallaïque et, en général, sur la côte cantabrique, la réalité antique
était complexe D’ une part, la conquête romaine tardive et une situation périphérique
par rapport aux aires de tension et d’ activité militaire pendant le iie et le ier siècle avant
J -C 94 ont contribué au développement des cultures locales, qui étaient très puissantes
quand Auguste y parvient à les soumettre entre 29 et 19 avant J -C 95 D’ autre part,
juste après la conquête, nous y constatons une hybridation identitaire dans l’ épigraphie
(qui accepte les usages latins)96 et même dans les croyances (quand les dieux locaux
s’ expriment en se servant d’ un « nouvel ordre institutionnel »)97 Les rapports en sont
encore plus évidents dans le domaine politique et administratif Dans le cas gallaïque, le
contrôle romain s’ organise autour des castella et de plusieurs populi/civitates. Assez tôt,
Rome crée ainsi une identité consciente, autour d’ une réalité neuve ‒ Callaecia98 Cette
identité est construite sur certaines bases qui finissent par acquérir un sens ethnique
Cette affirmation doit être nuancée car la situation dans la zone méridionale gallaïque (beaucoup plus
développée du point de vue économique et urbain, grâce aux grands oppida), différente de celle que l’ on
documente dans la partie septentrionale de la région (voir la bibliographie, n 99)
94
Dans le cas gallaïque, ni les interventions militaires de D Iunius Brutus en 138 av Ch , ni celle de
César en 61-60 av Ch , tenues dans les zones méridionales du nord-ouest n’ ont presque pas d’ effet
95
96
Albertos 1987
97
González Rodríguez 2005 ; 2018
Le choronyme précède l’ ethnonyme de « gallaïcan » Ce territoire fut reconnu en tant que prouincia
en 239 apr J -C , sous Dioclétien Pour Callaecia en tant que région historique crée par Rome, voir Pereira
1983 et 1984
98
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3- Les changements de paradigme : les peuples du nord péninsulaire comme étude
de cas
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et territorial nouveau99 Ainsi, l’ intervention romaine dans la sphère publique est
perceptible dans des documents épigraphiques à une date très proche après la conquête,
comme c’ est le cas du bronze de Bembibre, daté de 15 avant J -C , ou de la Tabula
Lougeiorum, datée de 1 après J -C
Dans le premier cas100, à travers ses legati, Auguste modifie les limites et les munera
de communautés de dediticii (castella et gentes/civitates) appartenant à une zone de la
Transduriana prouincia101, pour récompenser les communautés qui sont restées fidèles
à Rome et punir celles qui n’ont pas accompli leurs obligations (sans doute à caractère
militaire, mais il n’ est pas clair qu’ elles soient les seuls revenus réclamés par l’ Empire)
L’ importance du bronze de Bembibre ne réside pas tellement dans le fait qu’ il
s’ agit d’ un texte officiel qui reflète le « respect » montré par Rome aux « organisations
indigènes » et a priori à leurs territoires en permettant un certain degré d’ autonomie
aux divers castella des civitates ‒ ce qui était d’ ailleurs normal dans les communautés
pérégrines Rome y montre sa capacité de reformuler le rôle et les fonctions des castella
autour de la gens/civitas. La civitas se constitue alors dans une structure politique et
C’ est surtout dans l’ habitat que les signes de continuité sont les plus évidents, même si l’ effet que
l’ articulation précoce des territoires autour des trois grandes capitales conventuelles a eu sur les castra reste
encore à étudier en profondeur (Dopico, Santos Yanguas 2017, p 710-711) Pour la culture castreña voir :
González Ruibal 2007 et Calo Lourido 1997 Pour la romanisation de la zone, voir la première partie de
Dopico, Rodríguez, Villanueva Acuña 2009
99
Imp(erator) Caesar divi fil(ius) Aug(ustus) trib(unicia) pot(estate) / VIII{I} et proco(n)s(ule) dicit / castellanos
Paemeiobrigenses ex / gente Susarrorum desciscentibus / ceteris permansisse in officio cog/novi ex omnibus legatis
meis qui / Transdurianae provinciae prae/fuerunt itaque eos universos im/munitate perpetua dono quosq(ue)
agros et quibus finibus possede/runt Lucio Sestio Quirinale leg(ato) / meo eam provinciam optinente{m} / eos
agros sine controversia possi/dere iubeo / castellanis Paemeiobrigensibus ex / gente Susarrorum quibus ante ea(m) /
immunitatem omnium rerum dede/ram eorum loco restituo castellanos / Aiiobrigiaecinos ex gente Gigurro/rum
volente ipsa civitate eosque / castellanos Aiiobrigiaecinos om/ni munere fungi iubeo cum / Susarris / actum Narbone
Martio / XVI et XV K(alendas) Martias / M(arco) Druso Li/bone Lucio Calpurnio Pisone co(n)s(ulibus) HEp
7, 1997, 378 = HEp 8, 1998, 325 = HEp 11, 2001, 286 = HEp 2013, 285 = AÉ 1999, 915 = AÉ 2000, 760
= AÉ 2001, 1214 Provenance : Bembibre, León – une zone de « frontière » entre le monde des Gallaïcans et
celui des Astures Pour une synthèse sur débat autour l’ authenticité du bronze voir Wulff 2012, p 504-507, et
Rodríguez Colmenero 2010, n 1 Pour le rôle des gentes, voir infra, sur le Pacte des Zoelae
100
Prouincia à existence éphémère, la Transduriana dépend du legatus Lucius Sestius L’ existence de cette
prouincia montre encore une fois l’ énorme adaptabilité romaine aux instruments politiques et militaires
qu’ elle a à sa disposition Pour le terme prouincia et le cas précis de la Transduriana, voir Díaz Fernández
2015 et 2021 L’ aire de cette prouincia coïncide avec l’ imperium d’ un legatus qui a sous ses ordres deux
légions ; elle se place au-delà du fleuve Douro, jusqu’ au territoire des Gallaïcans dont parle Strabon dans
III, 4, 20
101
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administrative neuve, où les obligations des castella deviennent interchangeables Tout
cela se passe dans un contexte qui est encore à caractère préurbain102
La Tabula Lougeiorum103 nous a permis de dater une nouvelle structure
territoriale, politique et administrative : le conuentus iuridici, qui rassemblait une série
de civitates et de populi (en en éloignant en même temps d’ autres) sur la base de leur
affinité ethnique ou pour des questions stratégiques et économiques, autour d’ un siège
conventuel Le legatus-gouverneur s’ y déplaçait de manière régulière, pour y appliquer
la loi de Rome dans les cas litigieux104
Ces deux documents épigraphiques sont à notre avis deux exemples clairs des
changements structurels qui touchent le noyau des communautés indigènes ‒ voire leurs
capacités de détermination et leurs territoires ‒ même si elles arrivaient à garder une
partie de leur identité Dans cette partie de la péninsule ibérique, Rome se servait des
pactes d’ hospitalité afin de réorganiser les territoires et/ou d’ y établir de liens personnels
et collectifs soit parmi les différentes communautés, soit avec des personnalités locales
prestigieuses qui intervenaient dans les affaires de leur gentes/civitates105, où elles
Wulff 2012 et 2019 ; à propos les possibles exigences et exemptions, voir Rodríguez Colmenero 2010,
p 42
102
103
C(aio) Caesare Aug(usto) f(ilio) L(ucio) Aemilio Paullo co(n)s(ulibus) / ex gente Asturum conventus
Arae / August(a)e / civitas Lougeiorum hospitium fecit cum / C(aio) Asinio Gallo libereis postereisque eius /
eumque liberos posterosque eius sibi libe/reis postereisque suis patronum cooptarunt / isque eos in fidem
clientelamque suam suo/rumque recepit / egerunt legati / Silvanus Clouti / Nobbius Andami HEp 1, 1989,
458 ; HEp 3, 1993, 247 ; HEp 7, 1997, 402 ; HEp 4, 1994, 505 ; AÉ 1984, 553 ; AÉ 1987, 561 ; AÉ 1989,
431 ; AÉ 1997, 862 Provenance : Lugo Voir Santos Yanguas 1985
104
Dopico, Santos Yanguas 2012 ; Dopico, Santos Yanguas 2016 ; en général : Ozcáriz 2012
L’ exemple le plus connu est le Pacte des Zoelae, provenant de l’ aire des Astures C’ est un document
épigraphique exceptionnel, par son état de conservation et son contenu Il témoigne d’ un pacte d’ hospitalité
signé en 27 apr J -C et renouvelé en 152 apr J -C Le texte met en évidence l’ évolution de la gens, en tant
que structure supra familiale, à la civitas, en tant que communauté politique : M(arco) Licinio Crasso /
L(ucio) Calpurnio Pisone co(n)s(ulibus) / IIII K(alendas) Maias / gentilitas Desoncorum ex gente Zoelarum /
et gentilitas Tridia/vorum ex gente idem / Zoelarum hospitium vetustum antiquom / renova/verunt eique
omnes ali(u)s alium in fi/dem clientelamque suam suorumque libero/rum posterorumque receperunt egerunt /
Araus Ablecaeni et Turaius Clouti Docius Elaesi / Magilo Clouti Bodecius Burrali Elaesus Clutami / per
Abienum Pentili magistratum Zoelarum / actum Curunda / Glabrione et Homullo co(n)s(ulibus) V Idus
Iulias / idem gentilitas Desoncorum et gentilitas / Tridiavorum in eandem clientelam eadem / foedera
recepunt ex gente Avolgigorum / Sempronium Perpetuum Orniacum et ex gente / Visaligorum Antonium
Arquium et ex gente / Cabruagenigorum Flavium Frontonem Zoelas / egerunt / L(ucius) Domitius Silo et /
L(ucius) Flavius Severus / Asturicae (CIL II, 2633) Si dans la première partie du pacte, la gens Zoelarum
commence à fonctionner comme une civitas ‒ avec Curunda comme lieu de réunion autour du magistratum
105
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jouaient le rôle de principes106 reconnus par Rome, à un moment où les structures
romaines à proprement parler étaient loin de s’ être imposées En conséquence, ces
gentilitates/gentes107 devenaient pour Rome un efficace instrument d’ organisation et de
réorganisation d’ un territoire (surtout pour la sécurité et l’ exploitation économique
et militaire), tout en perdant une importante partie de leur possible essence d’ origine
Mais, comme on peut le voir, il ne s’ agit pas d’ assumer une identité préalable à
Rome (dans un phénomène de transfert culturel), mais d’ une création romaine ex novo
qui finit, au fil du temps, par acquérir un caractère historique aux yeux des populations
gallaïco-romaines Dans l’ origo d’ un gallaïque continue à apparaître le castellum
originaire, même lorsque l’ individu en question est déjà complètement romanisé La
situation se révèle très similaire chez les Astures et les Cantabres, ethniques crées par
Rome après la conquête du littoral nord de la péninsule, menée par Auguste Ainsi,
l’ apparition des ethnies asture ou cantabre ‒ et d’ autres gentes (= civitates romaines dans
certains cas108) qui ne sont pas mentionnées dans les témoignages littéraires ‒ apposées
à des noms de citoyens romains sur des inscriptions jusqu’ au iie siècle après J -C peut
être due à plusieurs raisons :
Zoelarum, dans sa deuxième partie la civitas Zoelarum (y compris l’ ordo Zoelarum mentionné au CIL
II, 2606) est déjà l’ élément politique et administratif central tant pour Rome que pour l’ ensemble de
communautés (cf a civi Zoelae dans CIL II, 5684 et AÉ 1988, 759 des iie-iiie siècles apr J -C ) Même si
les gentes continuent à jouer un rôle dont nous n’ arrivons pas à saisir la portée réelle, elles doivent au moins
continuer à garder une valeur identitaire qui fait référence à une réalité collective pas trop éloignée dans
le temps Voir Santos Yanguas 2010, p 56-57, et la thèse doctorale de Beltrán Ortega 2015, p 70 et suiv
Princeps Copororum (IRPLugo 349), parmi les Copori à Lucus Augusti ; princeps Albionum (ERA 14 ;
AÉ 1946, 121), chez les Astures ; princeps Cantabrorum (HEp 7, 1997, 380 = AÉ 1997, 875 = ERPLe
374) chez les Deobriguenses ; princeps Arcailon (CIL II, 5762), attesté à Paredes de Nava, Palencia Sur
la figure et le rôle de ces principes du Nord après les guerres cantabres, lorsque le modèle politique et
administratif romain n’ a pas été complètement implanté, voir González Rodríguez 2002 Sur princeps/
dux (et leurs dérivés), leurs composants politiques et militaires dans le contexte de la conquête romaine et
leurs effets sur les communautés indigènes, voir Ciprés 1993, p 116-135 ; Moret 2002-2003 ; Pérez Zurita
2021
106
107
Les gentilitates et les gentes peuvent être définies comme des structures supra-familiales qui
articulent d’ un point de vue territorial (et aussi identitaire) les populations placées dans un habitat épars
et qui peuvent être assimilées à des ethnè, des civitates ou des populi Voir González Rodríguez 1986 et
González Rodríguez, Santos Yanguas 1994
108
Pacte des Zoelae, cit. supra, n 105
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En même temps, les ethnies asture et cantabre sont attestées dans les ouvrages de
Tite-Live113, Pline l’ Ancien114, Florus115 et Orose116
Cela signifie, à notre avis, que ces ethniques crées par Rome après la conquête
deviennent des acquis identitaires de ces communautés, tout en s’ assimilant à des
structures à caractère politique comme les civitates ou les gentes On peut trouver des
exemples dans toute la péninsule En somme, ce qui pendant très longtemps a été vu et
analysé comme des persistances maladroites de peuples souffrant d’ un retard et d’ une
C(aio) Annio L(uci) f(ilio) / Quir(ina) Flavo / Iuliobrigens(i) / ex gente Canta/brorum / provincia
Hispa/nia citerior / ob causas utilita/tesque publicas / fideliter et con/stanter defensas (CIL II, 4192) (iie siècle
apr J -C )
109
……tribuno laticlavio l[eg(ionis)] / VII Gemin(ae) a<d=T> census accipi[en]/dos CIVITATIUM
XXIII / Vasconum et Vardulorum / vixit annis XXXVI / ex testamento (CIL VI, 1463) (1re moitié du iie
siècle apr J -C )
110
C. Nonio C. f. An(iensi) Caepian[o] ---- pra[ef(ecto)] alae Asturum ----- C. Valerius Saturninus
d[ec(urio)] alae Asturum--- (CIL XI, 393) (2e moitié du iie siècle apr J -C )
111
…et cohortib]us VI quae appellantur / [Gallorum Petria]na c(ivium) R(omanorum) et I Tungrorum / [et
I Hispanorum Ast]urum et I Hispanorum / [et III et I] Fida Vardullorum…. (CIL XVI, 43) (98 apr J -C )
112
Lucullus cos., cum Claudius Marcellus, cui successerat, pacasse omnes Celtiberiae populos uideretur,
Vaccaeos et Cantabros et alias incognitas adhuc in Hispania trentes subegit (Tite-Live, Periochae, XLVIII,
19)
113
Civitatum novem Regio Cantabrorum, flumen Sauga, portus Victoriae Iuliobrigensium. Ab eo fontes
Hiberi quadraginta millia passum. Portus Blendium, Orgenomesci e Cantabris. Portus eorum Vereasueca…
(Pline l’ Ancien, Histoire Naturelle, IV, 110-111)
114
Sub occasu pacata erat fere omnis Hispania, nisi quam Pyrenaei desinentis scopulis inhaerentem
citerior adluebat Oceanus. Hic duae validissimae gentes, Cantabri et Astures; inmunes imperii agitabant.
Cantabrorum et prior et acrior et magis pertinax in rebellando animus fuit, qui non contenti libertatem suam
defendere proximis etiam imperitare temptabant Vaccaeosque et Turmogos et Autrigonas crebris incursionibus
fatigabant (Flore, II, 33)
115
Anno ab urbe condita DCCXXVI imperatore Augusto Caesare sexies et bis M. Agrippa consulibus
Caesar parum in Hispania per ducentos annos actum intellegens, si Cantabros atque Astures, duas fortissimas
Hispaniae gentes, suis uti legibus sineret, aperuit Iani portas atque in Hispanias ipse cum exercitu profectues
est. Cantabri et Astures Gallaeciae prouinciae portio sunt, qua extentum Pyrenaei iugum haud procul secundo
Oceano sub septentrione dedicitur… (Orose, Histoire contre les païens, VI, 21, 1)
116
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• indiquer leurs origines109,
• dans le cadre de démarches censuelles110,
• en faisant référence aux unités auxiliaires de l’ armée111,
• dans les diplômes militaires112
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forte résistance à la romanisation, commence à être lu comme un système neuf et opératif
d’ adaptation mutuelle La péninsule était, de fait, un terrain d’ essai de l’ impérialisme
romain Paradoxalement, Rome promeut la création d’ identités collectives autour de
civitates (le seul modèle permis par l’ Vrbs) qui acceptaient la conquête En faisant cela,
elle arrive à contrôler, de manière efficace, les territoires et leurs habitants117
Comme on peut le voir, ces résultats ont précédé les débats actuels sur les
identités et la romanisation Néanmoins, leurs conclusions sont sensiblement
différentes et viennent à confirmer les critiques de certains secteurs de la recherche
envers une théorisation excessive et un regard bienveillant vers les mécanismes purement
impérialistes développés par Rome118 Bien entendu, le souvenir des identités ethniques
préexistantes, autour des lieux de cultes attachés aux origines, a continué à occuper
une place essentielle dans la mémoire individuelle, familiale ou sociale, sans entrer en
conflit avec les identités civiques émergentes119 Mais, après un important processus de
réorganisation et de restructuration, ces dernières sont les seules à être reconnues par
Rome120
4- Les changements de paradigme : nouvelles lectures des sources antiques
Ce changement radical de perspective s’ applique non seulement à
l’ interprétation des données archéologiques et épigraphiques, mais aussi à l’ analyse
des sources littéraires qui, bien que très peu nombreuses, sont indispensables, surtout
quand elles ont un caractère géographique ou ethnographique Il convient de souligner
que le corpus littéraire des références aux peuples préromains avait été évalué auparavant
soit en partant d’ une perspective essentialiste, soit en adoptant un postulat positiviste
On a dû attendre l’ ouvrage de P Thollard, Barbarie et civilisation chez Strabon : Étude
Pour une brève synthèse sur les aires des Gallaïques et des Astures avec les inscriptions et la bibliographie
fondamentale, voir Santos Yanguas 2010
117
Voir n 82 Le Roux 2014 réclame, à juste titre, que le débat terminologique (« hybridation »,
« créolisation », « transfert culturel ») ne peut être abordé avec succès qu’ au cas par cas, vu que la réalité
provinciale est très diverse et que la présence romaine est très différente selon les sphères publique, privée,
religieuse, cultuelle, etc
118
Sur les limites et les possibilités de défendre l’ existence d’ une « identité cultuelle » des communautés
indo-européennes de la péninsule voir Alfayé 2012 Pour le rôle de la « mémoire » dans l’ élaboration des
identités collectives, voir l’ intéressante réflexion de Dan 2015
119
120
Voir Ortiz de Urbina 2019
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critique des livres III et IV de la Géographie en 1987, ou les études de J C Bermejo121
pour qu’ un auteur de l’ importance de Strabon soit mis en valeur et qu’ il cesse d’ être
considéré comme un simple compilateur
Cela s’ explique par le fait qu’ auparavant, la méthodologie dominante avait été
celle de la Quellensforschung allemande : émietter l’ ouvrage du géographe avec le seul
propos de mettre en lumière les sources dont il s’ était servi pour le rédiger Concrètement,
la raison est l’ utilisation récurrente de l’ édition d’ A Schulten, Estrabón, Geografía de
Iberia, publiée en 1952 et l’ omission de celle de F Lasserre de 1966, ainsi que l’ emploi
répandu dans les milieux universitaires espagnols des Fontes Hispaniae Antiquae, un
corpus compilé aussi par Schulten entre les années 20 et 60 du siècle passé ‒ avec un
supplément daté des années 90
Il est indéniable que le volume des informations littéraires dont on dispose
pour la péninsule Ibérique est réduit et fragmentaire, surtout en comparaison avec
d’ autres zones de l’ œkoumène : la situation périphérique d’ Hispania par rapport aux
grands protagonistes et aux événements de l’ histoire ancienne de la Méditerranée a
été un handicap difficile à surmonter Néanmoins, cette particularité rend ce corpus,
même si compliqué à saisir et à évaluer, beaucoup plus précieux Nonobstant, pour le
comprendre, il fallut laisser définitivement de côté une lecture qui voyait ces sources
comme de simples compléments ou ajouts au discours historique dominant, et
commencer à les analyser en prenant compte leur valeur intrinsèque L’ introduction
progressive en Espagne des études axées sur la géographie et l’ ethnographie antiques,
qui avaient déjà un long parcours en Italie et en France122, a favorisé l’ apparition des
nouvelles lectures de ce corpus littéraire123 Dans ce changement de paradigme, Strabon
121
Bermejo 1977-1978 ; 1981 ; 1982 ; 1983 ; 1986 ; 1987
L’ ouvrage édité par F Prontera aux éditions Laterza en 1983 (avec les contributions de Stahl, Jacob,
Peretti, Myres, Janni, Dihle, Dion ou Van Paassen entre autres) peut être considéré un point d’ inflexion, car
le modèle des études consacrées à la géographie et à l’ ethnographie antiques a changé après sa publication
Ce changement commençait à être aperçu déjà dans les travaux d’ Aujac 1966 ; Van Paassen 1957 ; le
bref mais suggestif manuel de Jacob 1991 ; ou l’ approche « révolutionnaire » de Janni 1984 avec une
perception de l’ espace géographique ancien caractérisé comme « hodologique »
122
F J Gómez Espelosín a été pionnier dans l’ étude de la géographie et de l’ ethnographie de l’ Ibérie
d’ un point de vue littéraire (Gómez Espelosín et alii 1994 et 1995) Sans vouloir être exhaustifs nous
soulignerons aussi l’ importance des deux colloques à la Casa de Velázquez (Madrid) en mars 2005 et en
avril 2006 et publiés respectivement en 2006 et 2007 sous le titre de L’invention d’ une géographie de la
péninsule Ibérique, I, L’ époque républicaine et II L’ époque impériale (Cruz Andreotti, Le Roux, Moret 2006
et 2007) Une synthèse récente dans Castro-Páez 2023
123
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a joué, comme nous l’ avons dit tout à l’ heure, un rôle central, car la conservation de son
ouvrage presque complet nous permet une analyse holistique de la péninsule Ibérique
d’ un point de vue historique124 En lisant les commentaires de Schulten tout au long
du livre III de la Géographie, on voit que son travail s’ est limité, comme l’ on vient de le
dire, à essayer d’ établir les sources auxquelles Strabon a puisé En réalité, en critiquant le
manque d’ originalité du géographe d’ Amasée, le philologue allemand montre sa propre
incapacité de comprendre un ouvrage historique et son esprit colossal125
Strabon fait la géographie dont l’ Empire a besoin, mais il ne s’ agit pas d’ une
géographie ou d’ une cartographie qui donnent raison à l’ extension des domaines
impériaux Il rédige une histoire de l’ expansion de la civilisation toujours en tenant
compte du fait que Rome y joue un rôle fondamental sans pour autant être le seul élément
sur le tableau de jeux Strabon se sert du genre littéraire de la géographie afin de montrer
que Rome représente la ligne d’ arrivée ou, si l’ on veut, la dernière étape d’ un processus
de civilisation initié par la Grèce, mais que seule l’ Vrbs a réussi à faire aboutir126
Certes, le livre III de la Géographie peut très bien être expliqué en termes de
civilisation versus barbarie, avec tout ce que l’ organisation spatiale de l’ Ibérie et un
discours narratif et descriptif sur les peuples qui y habitaient et leurs rapports avec Rome
impliquent C’ est un modèle hérité par Strabon de l’ historiographie hellénistique,
mais qui remontait déjà à Hérodote et même à Hécatée : un modèle qui repose sur
une « rhétorique de l’ altérité » parfaitement compréhensible pour un lecteur grec
ou romain et qui, à l’ époque de Strabon, venait de connaître un fort revival en tant
qu’ instrument du discours légitimiste augustéen – dont les Res Gestae constituent un
bon exemple127 Mais c’ est également un modèle historique construit sur l’ acceptation
des profonds changements introduits par Rome dans les territoires soumis Dans ce
schéma né de la conquête et de la pacification, l’ ethnographie de l’ Ibérie joue un rôle
central, bien plus important que la cartographie Par conséquent, pour un auteur
comme Strabon, les conditions environnementales sont importantes mais la capacité
124
Cruz Andreotti 1999
125
Une synthèse peut être consultée dans Cruz Andreotti, Castro-Páez 2021, p 131-150
Cela devient très évident quand on compare le modèle descriptif employé par Strabon tout au long des
livres dédiés aux territoires occidentaux conquis par Rome avec sa description du monde hellénique, qui
répond à un schéma classique où la barbarie n’ a pas de place et où le rôle de Rome est assez dilué Les études
dédiées par F Prontera à Strabon sont innombrables et indispensables : voir Prontera 2016 ; Castro-Páez,
Cruz Andreotti 2020, p xxvii-xxxviii
126
127
García Quintela 2007 ; voir la bibliographie de Bermejo mentionnée dans la n 121
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des peuples à avoir une vie civilisée est absolument indispensable : une agriculture qui
procure la stabilité et la croissance démographique ; un réseau commercial productif et
prospère ; une communauté citadine fondée sur une législation commune Le contraire
est une pauvreté structurale, le recours constant à la guerre et au brigandage pour
arriver à survivre et l’ inexistence d’ un système qui vise à régler la vie communautaire
Voici le rôle que doit jouer Rome : imposer ce système là où il le faut De ce point
de vue, la géographie de la péninsule Ibérique n’ est pas une image fixe mais une
construction permanente, par les communautés qui y habitent Le fait que les deux
référents fondamentaux du livre III de Strabon soient deux historiens comme Polybe et
Posidonius ne doit pas donc nous surprendre128
Quand Strabon entreprend de nommer les grands groupes ethniques qui
s’ articulent sur le littoral nord de la péninsule – les Astures, les Cantabres ou les Basques
dont on a déjà fait mention – et, en même temps, refuse de faire mention des autres à
cause de « leur nom imprononçable et leur manque de prestige »129, il est en train de
doter de catégorie identitaire les peuples qui n’ en avaient pas auparavant car ils étaient
des sauvages Il emploie la même méthode quand il décrit les Celtibères comme des
togati qui, peu de temps auparavant, étaient des barbares130 Dans ce cas précis, Strabon
reconnaît une réalité en transformation, car il raconte que l’ espace celtibérique et la
Lusitanie sont plus réduits qu’ auparavant, alors que les Gallaïcans s’ étaient répandus
vers le nord-ouest, à cause des transferts de population lusitaine en deçà des fleuves
Douro et Tage131 Néanmoins, il ne s’ agit pas non plus d’ une ethnographie actuelle, car
la configuration ethnique péninsulaire antérieure à la présence de Rome continue à y
occuper une place importante132 Toutefois, dans tous ces cas, c’ est la conquête romaine
qui fait apparaître ces peuples dans le récit historique en les définissant et en leur
donnant des limites plus ou moins définies, selon un modèle cohérent d’ articulation
de leurs territoires (oppida, póleis) Par conséquent, c’ est encore Rome qui leur attribue
(ou non) une identité spécifique, car elle-même en a besoin Cette identité, comme on
128
Cruz Andreotti 2009 ; Cruz Andreotti, Ciprés Torres 2011 ; Le Roux 2010, p 105-107
Strabon, Géographie, III, 3, 7 : ὀκνῶ δὲ τοῖς ὀνόμασι πλεονάζειν φεύγων τὸ ἀηδὲς τῆς γραφῆς ‒ εἰ μή τινι
πρὸς ἡδονῆς ἐστιν ἀκούειν Πλευταύρους καὶ Βαρδυήτας καὶ Ἀλλότριγας καὶ ἄλλα χείρω καὶ ἀσημότερα τούτων
ὀνόματα
129
130
Strabon, Géographie, III, 2, 15 ; III, 4, 20
131
Strabon, Géographie, III, 2, 11 ; III, 1, 6 ; III, 3, 2 et 3
132
Moret 2004 et 2017, spécialement les chapitres 1 et 4 pour l’ ethnographie précédente
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l’ a vu, émerge tant dans les sources littéraires que dans les témoignages épigraphiques133
Pour citer Polybe (à propos de l’ Ibérie) :
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Les Turdétans participent, eux aussi, à un mécanisme de création identitaire
Mais ce processus n’ a pas été mis en marche par Rome Aux yeux de Strabon, les
habitants du Sud de la péninsule ont derrière eux un parcours historique qui est qualifié
de civilisé, grâce à leurs contacts avec les Phéniciens, les Puniques et, en dernier lieu,
avec les Romains C’ est à cause de cela qu’ ils sont appelés togati135, tout un symbole
d’ identité culturelle136 Les Turdétans sont les seuls à qui Strabon peut attribuer un
schéma ethno-identitaire classique : depuis l’ Antiquité, ils ont eu une langue et une
littérature propres, une histoire de leurs origines (Tartessos) enregistrée par leurs
scribes, un territoire articulé tout autour du fleuve Bétis, une claire tendance à la vie
poliade et, même, un corpus de lois composé en vers137 À ne pas s’ en douter, Strabon
leur reconnaît une identité précise qui existait déjà avant l’ arrivée de Rome, identité qui
La portée historique de cette « reconnaissance » n’ est pas facile à saisir car les documents apparaissent
pendant la guerre ou immédiatement après (voir Ciprés Torres 2006 et plus précisément 2012) Pour les
ethnè, gentes, populi ou regiones chez Pline, dans le contexte de l’ expansion de la civitas dans l’ articulation
territoriale et/ou identitaire de l’ Hispanie citérieure voir Ciprés Torres 2014 ; 2016 ; 2017 ; 2019 ; 2020
133
Polybe, Histoires, III, 37, 11 Polybe signalait, à son tour, que la connaissance certaine de la périphérie
œcuménique n’ arriva qu’ après les conquêtes d’ Alexandre et de Rome (III, 59, 1-5) Pour Polybe et la
géographie de l’ Ibérie voir Cruz Andreotti 2003
134
135
Strabon, Géographie, III, 2, 15
Nous gardons la lecture de togati proposée par Meineke face à celle de stolati proposée par Lasserre, en
consonance avec la lecture de Le Roux 2006a, p 22 En Turdétanie, on constate un fait singulier par rapport
à d’ autres régions péninsulaires : le passage d’ une identité culturelle parfaitement assimilable (les togati du
texte) à une identité juridique et politique (les Latini) qui n’ est pas encore confirmée de manière définitive
Dans le premier des cas, la toge portée par les élites ibériques (García Cardiel 2019) peut être expliquée par
un usage symbolique qui signale certains liens individuels avec la puissance dominatrice et l’ éloignement
conscient de l’ individu qui la porte de la communauté ethnique dont il fait partie (voir Le Roux 2006a,
p 22-35) L’ abandon de sa langue maternelle et l’ adoption du latin comme langue véhiculaire tel que nous
explique Strabon est un instrument d’ acculturation plutôt mythique que réel (Dubuisson 1982 ; à propos
de l’ implantation « réelle » du latin, voir Beltrán 2004, et Le Roux 2010, p 93-104)
136
Strabon, Géographie, III, 1, 6 Pour l’ emploi du mythe de Tartessos dans l’ invention du passé prestigieux
de la Turdétanie chez Strabon, voir Cruz Andreotti 2010 et 2019b
137
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τὸ δὲ παρὰ τὴν ἔξω καὶ μεγάλην προσαγορευομένην κοινὴν μὲν ὀνομασίαν οὐκ ἔχει διὰ τὸ
προσφάτως κατωπτεῦσθαι, κατοικεῖται δὲ πᾶν ὑπὸ βαρβάρων ἐθνῶν καὶ πολυανθρώπων, ὑπὲρ
ὧν ἡμεῖς μετὰ ταῦτα τὸν134
Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
322
était peut-être plus complexe qu’ une simple construction littéraire138 C’ est du moins
ce que semblent indiquer les écrits d’ Asclépiades de Myrlea, qui avait été invité par les
élites locales en tant qu’ enseignant de grammaire139, ou d’ Artémidore d’ Éphèse et de
Posidonius d’ Apamée lorsqu’ ils menaient leurs recherches au sud de la péninsule140 On
comprend mieux pourquoi Strabon fait des Phéniciens et des Puniques les découvreurs
et les maîtres du littoral méridional hispanique avant l’ avènement de Rome, et la plus
grande partie de la population contemporaine141, ainsi que le colophon avec lequel
Strabon clôt la description de la Turdétanie :
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L’ identité est commune à tous Le schéma narratif de Strabon apparaît de façon
très nette : la présence des Phéniciens et des Puniques et les extraordinaires conditions
naturelles du milieu ont donné lieu à un développement ethno-génétique exemplaire,
ce qui a facilité le chemin vers une « romanisation » réelle143
Par opposition à ce que l’ on constate parmi les peuples du nord de la péninsule,
l’ emploi du mot « turdétan » n’ apparaît pas comme ethnonyme dans l’ épigraphie
républicaine ou impériale, probablement parce que ce que l’ on considère « turdétan »
est la seule identité assimilable à ce que l’ on appelle « romain », à la différence des
138
Pour le modèle identitaire grec, voir Cruz Andreotti, Machuca Prieto 2022, chap 4
139
Strabon, Géographie, III, 4, 3
140
Strabon, Géographie, III, 1, 4 et III 5, 8 respectivement
141
Strabon, Géographie, III, 2, 13 et 14
142
Strabon, Géographie, III, 2, 15
Voir n 128 Bendala 2006 signalait déjà le fait que la rapide « romanisation » de la partie méridionale
de la Péninsule ne serait pas arrivée s’ il n’ y avait pas eu un réseau urbain et institutionnel préalable, avec
des systèmes d’ organisation et d’ exploitation des produits agricoles, miniers, maritimes, etc qui avait
été mis en place auparavant par les Phéniciens et les Puniques occidentaux hybridés avec les populations
locales Il conclut : « De modo que en una ciudad de la Bética, durante mucho tiempo bajo la dominación
romana, un individuo podría vestir toga, porque había adquirido la ciudadanía romana, comer a la
manera turdetana, orar y venerar a sus dioses según la tradición púnica y enterrar a sus muertos según
ritos mezclados de tradiciones púnicas, turdetanas y romanas, algunas de ellas parecidas o concluyentes »
(p 292) (cf García Fernández 2019) À propos de la survivance d’ une identité phénicienne à la manière
« romaine » pendant la période républicaine : Machuca Prieto 2019a, 2019b, Ferrer Albelda 2019,
Álvarez Martí-Aguilar 2019
143
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Λατῖνοί τε οἱ πλεῖστοι γεγόνασι καὶ ἐποίκους εἰλήφασι Ῥωμαίους, ὥστε μικρὸν ἀπέχουσι τοῦ
πάντες εἶναι Ῥωμαῖοι142
323
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autres communautés hispaniques144 Est-il possible que toute cette complexe élaboration
de Strabon, avec cette mention d’ Asclépiades, soit une sorte d’ hápax littéraire ?
Évidemment, cela serait la réponse la plus facile à défendre et, en conséquence, la plus
répandue : voir la description de Strabon comme un construit littéraire Mais c’ est
aussi possible que l’ identification tartésique-turdétan/Tartesos-Turdétanie et même
l’ idée d’ un Tartesos légendaire, identifié avec les horizons phénicien et gaditan, soit
restée dans la mémoire collective, au moins pendant la période romaine, d’ après ce
que les sources littéraires laissent entrevoir On ne veut pas mettre en cause le fait que
Strabon élabore une narration cohérente mais, il est possible que cette mémoire était
déjà présente dans certaines traditions locales qui, de ce fait, réaffirment leur caractère
et rivalisent pour avoir une « identité classique et prestigieuse » Dès lors, nous avons
affaire à des poleis qui non seulement partageaient un passé légendaire, tissu à partir
de modèles hellénistiques bien connus, mais aussi à une coexistence de populations
et d’ ethnè, non seulement au sein de fondations d’ origine romaine, mais aussi tout
autour de poleis cataloguées comme mixtes, tel que l’ était la propre Corduba, capitale
provinciale Dans ce sens-là, le rôle de Gades en tant que ville fondée par Héraclès et
distinguée par l’ octroi de la citoyenneté en 49 avant J -C devient essentiel au moment
où il était question de revendiquer son passé singulier et une certaine position de
domination sur les communautés méridionales145 Le fait que des personnalités de la
taille d’ Artémidore, de Posidonius ou d’ Asclépides choisissaient Gades comme « base
L’ ethnique Turduli apparaît dans l’ épigraphie comme indicatif d’ origine (HEp 1998, 76 ; HEp 1998,
28 y CIL II, 523) Rappelons que chez Polybe (Histoires, XXXIV, 9), les Turduli et les Turdetani étaient
deux ethnies différentes ; Strabon, en revanche, souligne qu’ à son époque il n’ y existe plus de distinction
entre eux (Géographie, III, 1, 6) Pline l’ Ancien (Histoire naturelle, III, 8) ou Mela (Chorographie, III, 1, 7 ;
III, 1, 12) ne font mention que des Turduli Ces données peuvent peut-être indiquer une identité double,
les Turdetani étant identifiés avec ce que l’ on considère comme « romain », alors que les Turduli seraient
plus puniques, comme les Bastuli-Bastetani : Pline l’ Ancien, Histoire naturelle, III, 8 ; Strabon, Géographie,
III 1, 7 ; III 4, 1 Cf Ferrer Albelda, García Fernández 2002 et García Fernández 2019
144
Strabon, en suivant Posidonius, souligne la survivance d’ un récit identitaire propre à Gades,
directement attaché aux prestigieuses origines tyriennes (en concurrence avec les « nouvelles » origines
italiques des autres communautés, comme le montre Asclépiades) Quand Posidonius visite Gades
(Strabon, Géographie, III, 5, 5-6), il y a encore deux traditions sur l’ emplacement des Colonnes : la première
‒ d’ origine grecque ‒ les plaçait au Détroit de Gibraltar et la second ‒ d’ origine locale ‒ à l’ Héracleion
gaditan, le temple le plus ancien dédié à Melkart en Occident On en déduit l’ existence de deux « histoires
de fondation » divergentes La question n’ est pas sans importance, ni hasardeuse, ni simplement érudite :
Gades était, il ne faut pas l’ oublier, la plus « romaine » des villes de la Bétique Voir Álvarez Martí-Aguilar
2014 avec toutes les références textuelles
145
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opérationnelle » pendant leurs séjours en Ibérie prend, de ce point de vue, tout son
sens La Turdétanie de Strabon qui, pour l’ historiographie traditionnelle, était le cas
de figure de la romanisation, peut être lue, en revanche, comme un véritable essai de
constructions identitaires convergentes encouragé par Rome, mais en réalité de manière
assez différente du reste de la péninsule
Le passé (autrefois) et le présent (aujourd’ hui) et avec eux les processus de
déconstruction et de construction ethno-identitaires sont autant d’ éléments nucléaires
dans le récit strabonien, car ils font partie de l’ élaboration du paysage péninsulaire et
de la condition historique de sa géographie La « romanisation » relatée par Strabon
n’ est pas du tout homogène, car les différents niveaux de narrations nous parlent de
très divers acteurs, en nous montrant comment l’ attitude de Rome n’ est pas toujours la
même et qu’ elle dépend de qui est en face La description de Pline l’ Ancien constitue le
point d’ arrivée de ce long processus146
5- En guise de conclusion
Retournons au début de notre exposé : « romanisation » et « identité » ne sont
pas deux concepts opposés, mais complémentaires Ils font partie d’ un même processus
historique où, sans le développement de l’ élément local, l’ énorme capacité romaine
à maintenir stable un si vaste empire, du moins entre le ier et le iie siècles après J -C ,
ne peut pas être comprise Le débat post-colonial sur la romanisation a sans aucun
doute contribué à ouvrir de nouvelles perspectives dans l’ analyse de la documentation
disponible et à confirmer sa valeur et sa richesse, également pour l’ histoire de la
péninsule Ibérique En tout cas, les données étaient là pour ceux qui voulaient les
voir sans les charges historiographiques du passé L’ historiographie espagnole l’ a fait
depuis les années 1980 sans préjugés, en sachant bien que la péninsule Ibérique a été
le premier grand laboratoire extra-italien de mise en œuvre de l’ impérialisme romain
Dans ce contexte, les « nouvelles identités » jouent un rôle essentiel, jusqu’ à arriver à
conformer un ensemble de sociétés provinciales à caractère hétérogène, dans lesquelles
il n’ y a rien de véritablement romain ou d’ essentiellement autochtone
146
Voir n 126
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
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Les concepts en sciences de l’ Antiquité : mode d’ emploi. Chronique 2023
325
Bibliographie
Abréviations
ERA = Epigrafía romana de Asturias
ERPLe = Epigrafía romana de la provincia de León
IRPLugo = Inscripciones romanas de la provincia de Lugo
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V- Considerazioni sulla cronologia del rinnovamento urbanistico delle città
della provincia romana di Sicilia
Questo articolo ha come obiettivo l’ analisi e la definizione dell’ ambito
cronologico del rinnovamento urbanistico che interessò le città della provincia romana
di Sicilia, istituita successivamente alla prima guerra punica nel solo settore occidentale,
per essere poi estesa a tutta l’ isola dopo la conquista anche del settore centroorientale durante la seconda guerra punica147 (fig. 1) Si tratta di un contesto storico
particolarmente difficile da definire, tenuto conto che sia i dati archeologici sia quelli
storico-epigrafici relativi alla prima fase della provincia si presentano particolarmente
scarni
Tra le esigue notizie storiche di cui disponiamo, va certamente ricordato il passo
di Livio, che riferisce della punizione che i Romani inflissero alla città di Morgantina
per essersi ribellata a loro durante la II guerra punica, consegnando la città a un gruppo
di ausiliari spagnoli guidati da Merico Il senato aveva deciso per decreto di assegnare
una città agli Spagnoli, mentre la scelta fu effettuata dal pretore M Cornelio tra le città
che erano passate a Cartagine 148
Questa forma d’ intervento da parte dei Romani con assegnazioni di città e terre
a determinati gruppi militari si presenta analoga ad altri casi, quale ad esempio quello
delle terre e dell’ oppidum, poi chiamato Valentia nella Hispania Ulterior, assegnati
ai soldati che avevano prestato servizio militare sub Viriatho, il condottiero lusitano
morto nel 139 a C 149
147
Soraci 2016, p 44-51, con bibl prec
M. Cornelius praetor et militum animos nunc consolando nunc castigando sedavit, et civitates omnes quae
defecerant in dicionem redegit; atque ex iis Murgentiam Hispanis quibus urbs agerque debebatur ex senatus
consulto attribuit: Livio, XXVI, 21, 17
148
149
Iunius Brutus cos. in Hispania iis qui sub Viriatho militaverant agros et oppidum dedit, quod vocatum
est Valentia: Livio, Periochae, LV, 4 Bandelli 2002, p 108 Per S Sisani invece sub Viriatho avrebbe una
valenza esclusivamente temporale, ovvero “al tempo di Viriato” (Sisani 2018, p 344-345)
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Gonzalo Cruz Andreotti, Encarnación Castro-Páez
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Figura 1: Pianta della Sicilia antica.
Crediti/fonte: De Vincenzo 2013a, p. 9, fig. 2.
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Il racconto di Livio, pur fornendoci quindi una notizia estremamente preziosa,
apre però uno squarcio su di una serie di accadimenti e di procedure utilizzate da Roma
anche in Sicilia durante una fase particolarmente povera di notizie storiche Tenuto
conto della diffusione di questa procedura, non si può certamente escludere che simili
operazioni siano state effettuate anche in riferimento ad altri centri o contesti territoriali
di Sicilia, che nel corso delle prime due guerre puniche si erano opposti o che avevano
tradito Roma
Analoghe considerazioni si possono avanzare per due passaggi delle Verrine,
dove Cicerone riferisce dell’ intervento di Verre per favorire la nomina di nuovi senatori
nei senati di Agrigento150 e di Eraclea Minoa151 In questi centri il numero dei senatori
provenienti dalle fila dei vecchi abitanti doveva essere superiore a quello dei coloni Verre
però, ricevendone in cambio favori, sostenne la nomina di un senatore proveniente dai
coloni, contravvenendo quindi alla norma che definiva la composizione di tali senati
Il dato significativo ai fini di questa analisi è però la presenza di coloni in questi
due centri, spostati secondo Cicerone da altri oppida di Sicilia Ad Agrigento i coloni
furono insediati dal pretore T Manlio, probabilmente Manlio Vulsone, pretore del
197 a C ; ad Eraclea Minoa invece i coloni furono insediati da Publio Rupilio, pretore
nel 131 a C 152 La notizia di Cicerone, ancorché cursoria, getta anche in questo caso
una luce significativa su accadimenti di cui altrimenti si sarebbe completamente persa
memoria Soprattutto i passi in questione delle Verrine lasciano intuire l’ esistenza di
procedure, quali quelle dello spostamento di persone da vari oppida della Sicilia e del
loro insediamento come coloni in determinate città, che con ogni probabilità potrebbe
risultare anche diffuso, tenuto conto che i due episodi sono documentati a circa
settant’ anni l’ uno dall’ altro
150
Agrigentini de senatu cooptando Scipionis leges antiquas habent, in quibus et illa eadem sancta sunt et
hoc amplius: cum Agrigentinorum duo genera sint, unum veterum, alterum colonorum quos Titus Manlius
praetor ex senatus consulto de oppidis Siculorum deduxit Agrigentum, cautum est in Scipionis legibus ne plures
essent in senatu ex colonorum numero quam ex vetere Agrigentinorum: Cicerone, In Verrem, II, 2, 123
Idem fecit Heracleae. Nam eo quoque colonos Publius Rupilius deduxit, legesque similes de cooptando
senatu et de numero veterum ac novorum dedit. Ibi non solum iste ut apud ceteros pecuniam accepit, sed etiam
genera veterum ac novorum numerumque permiscuit: Cicerone, In Verrem, II, 2, 125
151
152
Manganaro 1980, p 422-423
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I casi evidenziati da Cicerone non sono certamente isolati nel contemporaneo
panorama delle province, quali ad esempio quelle galliche e quelle iberiche 153
Significativo in questo senso l’ esempio di Aquae Sextiae nella Narbonense, città fondata
nel 122 a C 154 All’ interno di un più antico oppidum fu insediato un presidio di cittadini
romani, nel quale è stato proposto di riconoscere non uno stanziamento militare ma
un conventus di negotiatores Quello di Aquae Sextiae viene quindi a configurarsi come
un significativo esempio di un centro provinciale, riorganizzato dal punto di vista sia
giuridico sia urbanistico da parte di Roma Tali radicali interventi erano realizzati
nell’ ambito della pratica della contributio su iniziativa dei singoli magistrati per dare
seguito a esigenze legate al controllo territoriale, senza quindi una pronuncia da parte
del senato, come di norma avveniva fino a tutto il II a C 155
Ulteriori esempi provengono dai territori iberici a nord del fiume Tagus, dove
durante le campagne di Bruto Callaico, riferibili agli anni 138-136 a C , i Romani
ridussero a villaggio la maggior parte delle città di questa regione, mentre altre furono
accresciute concentrando lì la popolazione 156 Tra gli interventi che diedero vita a nuove
comunità con un proprio centro e un proprio territorio vi è la fondazione dell’ oppidum
di Gracchuris nella Hispania Citerior, avvenuta nel 178 a C da parte di T Sempronio
Gracco 157 A quest’ ultimo si deve inoltre la fondazione di Complega, ancora nella
Citerior, realizzata secondo Appiano aggiungendo agli abitanti della città indigena
anche elementi di classi sociali subalterne, a cui furono assegnate delle terre 158
In merito a problematiche analoghe nella Grecia di età romana intese come “urbanizzazione forzata”
vd Alcock 1993, p 183-187
153
Livio, Periochae, LXI, 1; Strabone, IV, 1, 5; Cassiodoro, Chronica, 442 Tali passi lasciano ipotizzare
degli interventi di natura esclusivamente urbanistica piuttosto che la deduzione di una vera e propria
colonia, come si evincerebbe anche dal verbo condere mai utilizzato da Livio con il significato di (coloniam)
deducere
154
155
Sisani 2018, p 338-339 In merito alla contributio vd Laffi 1966, p 99-165
156
Strabone, III, 3, 1-5 Sisani 2018, p 339
Tib. Sempronius Gracchus procos. Celtiberos victos in deditionem accepit, monimentumque operum
suorum Gracchurim, oppidum in Hispania, constituit: Livio, Periochae, XLI, 2 Bandelli 2002, p 107-108
157
158
[…] τῆς Κομπλέγας κατέσχε καὶ τῶν περιοίκων Τοὺς δὲ ἀπόρους συνῴκιζε, καὶ γῆν αὐτοῖς διεμέτρει
(Appiano, Hispania, 43) Bandelli 2002, p 107 Sempronio Gracco nel 178 a C dedusse nella Hispania
Ulterior anche Iliturgi: Ti. Sempronio Graccho / deductori / populus Iliturgitanus: CIL II2, 7, 32 Nella
Ulterior fu inoltre fondata probabilmente nel 189 a C Turris Luscutana da parte di L Emilio Paolo,
che dopo aver liberato i servi degli Hastenses residenti nel centro di Turris Luscutana, assegnò loro sia la
città sia il territorio: L. Aimilius L. f. inpeirator decreivit / utei quei Hastensium servei / in Turri Lascutana
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Simili procedure insediative e nel contempo fondative risultavano pertanto in
ambito provinciale durante il II a C particolarmente diffuse Si tratta di vere e proprie
fondazioni promosse da magistrati o promagistrati cum imperio, dotati della facoltà di
operare a loro completo arbitrio Tali fondazioni, realizzate in modo quasi esclusivo con
indigeni provenienti anche dagli strati subalterni, erano caratterizzate quasi certamente
da una condizione giuridica destinata a rimanere peregrina 159 In linea generale quanto
documentato nei territori delle province galliche e soprattutto iberiche potrebbe quindi
offrire un utile confronto per quanto potrebbe essere stato realizzato anche in Sicilia e
di cui non sono rimaste che tracce storiche estremamente labili
Passando ad analizzare i dati archeologici relativi alla struttura e alla cronologia
degli impianti urbanistici di età romana di alcuni significativi centri dell’ isola, non
si può trascurare di soffermarsi su Agrigento ed Eraclea Minoa, in considerazione
anche della cursoria e isolata notizia di Cicerone relativa all’ insediamento di coloni in
queste due città 160 Ad Agrigento nello specifico, la strutturazione del c d Quartiere
ellenistico-romano è stata datata genericamente al IV-III sec a C sulla base della
tecnica edilizia, in considerazione soprattutto dell’ utilizzo di blocchi in bugnato,
ritenuti simili a quelli del bouleuterion 161 Solo tra la fine del II e il I sec a C sarebbero
stati invece realizzati i muri perimetrali degli isolati È in questa fase che si affermano
ad Agrigento una serie di edifici considerati prossimi ai modelli romani 162 Ancora da
definire risulta invece la cronologia del teatro, di recente scoperta, ritenuto l’ ultimo
intervento monumentale nell’ area dell’ agora, la cui edificazione è stata collocata in via
ancora preliminare tra la fine del III e il II sec a C 163 È stato inoltre ipotizzato che
tale monumento, in modo simile ad altri centri greci, abbia soppiantato nelle funzioni
politiche l’ ekklesiasterion, caduto invece in disuso nel corso del II sec a C e obliterato
habitarent / leiberei essent, agrum oppidumqu(e) / quod ea tempestate posedisent / item possidere habereque /
iousit dum poplus senatusque / Romanus vellet. Act(um) in castreis / a(nte) d(iem) XII K(alendas) Februarias
(CIL I2 614) Bandelli 2002, p 107 Una notizia di Plinio documenta la fondazione di Tarraco da parte di
Scipione, forse nel 206 a C , senza però fornire notizie in merito alla natura dei coloni: colonia Tarracon,
Scipionum opus, sicut Carthago Poenorum: Plinio, Naturalis historia, III, 21 Terraconam in Hispania
Scipiones construxerunt (Isidoro, Etymologiarum sive Originum, XV, 1, 65); Sisani 2018, p 339
159
Bandelli 2002, p 115, 120-121, 124
160
Cicerone, In Verrem, II, 2, 123 e 125
161
In generale sul c d quartiere ellenistico romano vd De Miro 2010; Lepore et al 2019
162
De Miro 2010, p 407; Aiosa 2018, p 87; Giannella 2015, p 136-137
163
Brienza, Caliò 2018, p 55
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poi contestualmente alla costruzione del c d Oratorio di Falaride In modo analogo è
stata avanzata la suggestione che l’ edificazione del teatro potrebbe essere da ricondurre
allo sviluppo di Agrigento dopo l’ arrivo dei coloni voluta da Manlio Vulsone, pretore
del 197 a C 164 Il dato interessante, in linea generale, è che successivamente alla II guerra
punica la città sembrerebbe mostrare tracce, ancorché esigue, di un rinnovamento
urbano, documentato dall’ edificazione del teatro, che verrà poi ad assumere le funzioni
politiche dell’ ekklesiasterion della città greca
Della struttura urbana di Eraclea Minoa, città presa da Roma probabilmente
dopo la caduta di Agrigento nel 210 a C , si conosce unicamente il settore del teatro,
del quartiere abitativo immediatamente a sud di questo e parte della cinta muraria165
(fig. 2) I dati di scavo sono nel loro insieme ancora molto parziali e non consentono
di definire il contesto culturale in cui è maturato il suo impianto urbanistico regolare
Questo si fonderebbe su insulae larghe ca 35 m, secondo la ricostruzione proposta da
E Schmidt sulla base della fotografia aerea, ed è datato in genere alla seconda metà
del IV sec a C 166 Alla fase più antica della città sono stati riferiti gli isolati regolari, il
sistema viario ortogonale e le tracce di una cinta muraria conservata solamente a nord
del pianoro della città 167
Un successivo radicale intervento è documentato dalla realizzazione del muro di
fortificazione in opera quadrata con bugnato, immediatamente a est del teatro, che ha
prodotto il restringimento dell’ area urbana 168 L’ impostazione del muro taglia le case
più antiche, ovvero quelle del c d strato II, ed è stata datata a una fase compresa tra
le due guerre puniche Il successivo allargamento di questo muro, che sembra invece
adattarsi a tali case, evitando di distruggerle, ma causando l’ obliterazione dell’ euripo
del teatro, è stato messo in relazione con la prima guerra servile 169
164
Soraci 2017, p 19 Sulla deduzione di una colonia ad Agrigento vd Manganaro 1980, p 422-423
Polibio, I, 26-29 Schmiedt 1957, p 25-27 Alla città arcaica e classica, sono stati ricondotti unicamente
alcuni tratti della cinta muraria in mattoni crudi, ritenuti contestuali alla prima fase, conservati sotto le
mura ellenistiche: De Miro 2014
165
166
Schmiedt 1957; De Miro 1958b; 1966, p 233
De Miro 1965, p 11-14 Questa risistemazione e stata interpretata dagli scavatori come conseguenza
di una fondazione da parte di “Eracleoti da Cefalodio” che ripopolarono il centro: De Miro 2003, p 278
167
168
De Miro 1958a, p 232-239; 1965, p 15; 1966, p 229
169
De Miro 1965, p 15
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Figura 2: Eraclea Minoa. Planimetria dell’ area del teatro.
Crediti/fonte: De Miro 1965, p. 41, fig. 20.
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Riguardo all’ edilizia privata, una serie di case della prima fase (strato II)
presentano consistenti tracce di riutilizzo, documentate dallo strato I,170 ricondotto
quest’ ultimo all’ episodio citato da Cicerone, secondo cui Rupilio, pretore nel 131 a C ,
avrebbe introdotto dei coloni in città; l’ isolato mostra un successivo abbandono nel
corso del terzo quarto del I sec a C 171
Riguardo alle case dello strato I, ovvero quelle datate alla fase di Rupilio, queste
presentano strutture più povere delle precedenti, evidenziando inoltre una disposizione
urbanistica maggiormente irregolare Al riguardo tali case vanno a occupare una serie
di spazi in precedenza a destinazione pubblica, come nel caso dell’ area antistante al
teatro Sulla base delle similitudini tra le case di Eraclea Minoa e quelle di Finziade
è stato invece proposto in modo condivisibile uno spostamento della loro cronologia
e del rinnovamento dell’ impianto urbanistico a una fase compresa tra la fine del III e
l’ inizio del II sec a C , prossima quindi alla fine della II guerra punica 172
L’ osservazione dei contesti di fondazione del rinnovamento urbanistico di età
romana di Agrigento e Eraclea Minoa conferma, in modo concreto, l’ estrema esiguità
e parzialità dei dati stratigrafici e in generale archeologici di cui disponiamo riguardo a
questa strategica e articolata fase della provincia romana Gli elementi in nostro possesso,
come è ben noto, diventano maggiormente consistenti in riferimento alla diffusa fase di
monumentalizzazione dei centri della Sicilia romana, datata in modo ormai condiviso
a partire dalla fine del II sec a C Tale monumentalizzazione, in molti dei centri
dell’ isola, va però ad inserirsi all’ interno di una precedente, radicale riorganizzazione
urbanistica delle città, documentata dalla presenza di strutture urbanistiche di tipo
ortogonale, che lasciano postulare un progetto urbano unitario alla base di una serie
di città, quali ad esempio Solunto, Halaesa, Thermae Himeraeae, Tindari e Finziade 173
Tali progetti urbanistici unitari sono da riferire alla fase romana dell’ isola e devono
di conseguenza essere intesi come delle vere e proprie rifondazioni, successivamente
monumentalizzate sullo scorcio del II sec a C 174 Ancora aperta resta però la questione
170
De Miro 1966, p 223; 1980
Cicerone, In Verrem, II, 2, 125 La Torre 2006, p 90 Per più recenti indagini stratigrafiche in relazione
all’ edilizia privata di Eraclea Minoa vd Campagna 1996
171
La Torre 2006, p 90 Per una proposta di cronologia della riorganizzazione dei centri della Sicilia
centrale “starting perhaps about 180 BC or 170 BC ” vd Wilson 2013, p 100
172
173
La Torre 2006; 2009
174
Per i termini della questione vd De Vincenzo 2018, con bibl prec
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relativa alla cronologia di tali rifondazioni ed è proprio questo aspetto, come anticipato,
che si vuole affrontare in questo contributo
Allo sviluppo di progetti urbanistici di tipo regolare fanno da contraltare una
serie di impianti, quali ad esempio quelli dei centri elimi, in primo luogo Segesta e
Monte Iato, connotati invece da un’ urbanistica non ortogonale ma di tipo scenografico
Significativo anche il caso di Tauromenion, sulla costa orientale dell’ isola, anch’ esso
situato in altura così come gli insediamenti elimi 175 Questi centri conserveranno in
età romana il loro assetto urbanistico, successivamente interessato da una consistente
monumentalizzazione, in modo precipuo dei settori pubblici a partire dalla fine del
II sec a C 176
Tra i contesti maggiormente esplicativi ai fini di questa disamina vi è il caso
di Finziade, centro fondato nel 282 a C alla foce dell’ Himera da Finzia, tiranno di
Agrigento, ma che secondo la condivisibile ricostruzione di G F La Torre avrebbe
sviluppato un’ urbanistica di tipo regolare negli anni successivi alla seconda guerra
punica 177 Le indagini stratigrafiche hanno consentito d’ indagare nella loro interezza
due abitazioni, mentre una terza è stata scavata solamente per metà Tali case hanno
evidenziato misure costanti (14,3 x 13,4 m), con una superficie di ca 190 m2 Allo
stesso modo, le case presentano analoghe caratteristiche sia strutturali, con zoccolature
in blocchi di pietra locale e alzato in crudo, sia decorative, con pavimenti in calce e in
cocciopesto con tessere inserite e con intonaci e cornici in stucco di primo stile 178 La
struttura urbanistica del centro risulta articolata con isolati rettangolari larghi 27/28 m
e lunghi ca 54 m, con un rapporto quindi tra i lati di 1:2 179
In merito alla cronologia, sia l’ impostazione delle case indagate sia la stessa
struttura urbanistica del centro con isolati regolari sono state ritenute di poco successive
alla II guerra punica, quando Finziade da avamposto militare e base per la flotta romana
Lo sviluppo urbanistico in senso scenografico di matrice microasiatica di Tauromenion è stato
ricondotto alla politica urbanistica ed edilizia di Ierone II di Siracusa: Campagna 2009, p 215
175
Sulla monumentalizzazione di età tardo-repubblicana dei centri urbani di Sicilia vd Campagna 2006;
De Vincenzo 2013a, p 114-129
176
177
Sull’ impianto urbanistico di Finziade vd La Torre 2006, p 83-90; 2009, p 195-196
178
La Torre 2006, p 83-85
La Torre 2006, p 87 Gli stenopoi sono larghi ca 3 m, mentre gli ambitus che dividono le insulae nel
senso della lunghezza mostrano una larghezza di 0,6 m
179
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durante la I guerra punica passò a essere uno dei maggiori centri caricatori di grano da
inviare a Roma 180
Significativo anche il contesto di Tindari, fondata da Dionisio I di Siracusa
nel 396 a C (fig. 3) Sulla scorta dei dati restituiti dallo scavo integrale dell’ insula
IV, sono stati ipotizzati isolati di 28,3 x 72,4 m, secondo un modulo quindi di 1:2,5,
composti da due file di cinque case di ca 14 x 13,5 m, in modo analogo a quelle di
Finziade 181 L’ impostazione delle case indagate è stata datata tra la fine del II e l’ inizio
del I sec a C , mentre l’ impianto urbanistico della città è stato ritenuto genericamente
almeno successivo alla deditio ai Romani nel 254 a C , avvenuto insieme a Solunto e
Iaitai durante la I guerra punica, senza escludere una datazione della struttura urbana
di Tindari con il contestuale passaggio del centro da phrourion a polis subito dopo la
II guerra punica Alla strutturazione del centro in senso urbano seguì poi una fase di
monumentalizzazione sostenuta dalla ricca aristocrazia locale 182
Sebbene ancora più esigui siano i dati archeologici relativi ad Halaesa, è stato
comunque ipotizzato anche per questo centro, caratterizzato analogamente ai casi
di Tindari e Finziade da isolati rettangolari in rapporto di 1:2, uno sviluppo urbano
almeno successivo alla I guerra punica 183
In considerazione del rapporto tra i lati degli isolati, prossimo a un modulo di 1:2,
che sembra caratterizzare i centri sopra descritti, si potrebbe con ogni probabilità inserire
in tale ambito cronologico anche il caso di Cefalù, situato sulla costa settentrionale
dell’ isola L’ impianto urbanistico è stato ricostruito con isolati di ca 30 x 60 m , con un
modulo quindi di 1:2, proponendo per la sua impostazione una generica datazione a
età ellenistica 184
La Torre 2006, p 89-90 Finziade è citata da Cicerone accanto ad Halaesa e Catania quale centro dove
un produttore di Enna poteva concentrare e consegnare il grano al pretore: Cicerone, In Verrem, II, 3, 192
180
181
La Torre 2006, p 90-91; Spigo 2006
182
La Torre 2006, p 91-93; 2009, p 197
183
Scibona, Tigano 2009; La Torre 2006, p 87, 92; Portale 2017, p 109-110
184
Tullio 1993
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Figura 3: Tindari. Impianto urbanistico.
Crediti/fonte: Spigo 2006, p. 98, fig. 1.
Tra i casi maggiormente esplicativi per ciò che concerne la definizione dei
contesti urbanistici della fase più antica della provincia Sicilia vi è certamente quello
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Figura 4: Solunto. Planimetria della città romana.
Crediti/fonte: Van Wiegand 1997, p. 3, fig. 2.
Tra i pochi elementi riconducibili alla più antica frequentazione del sito,
anteriore alla fase di monumentalizzazione dell’ ultimo quarto del II sec a C , vi sono
quelli restituiti dagli scavi effettuati da C Greco sotto parte del lastricato della c d
Diodoro Siculo, XIV, 48, 4-5; 78, 7 Per una sintesi sulla storia degli scavi di Solunto vd Cutroni Tusa
et al. 1994, p 12-15
185
Ad oggi sono visibili tre plateiai larghe 8 m, di cui quella centrale, la c d Via dell’ Agorà, costituisce
l’ asse principale che congiunge l’ area urbana con la pianura sottostante Sull’ urbanistica di Solunto vd
Italia, Lima 1987; Cutroni Tusa et al. 1994, p 33-36; Portale 2006; 2017, p 103-109
186
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di Solunto Il centro è stato fondato in un momento ancora imprecisato nel corso del
IV sec a C sulla sommità del monte Catalfano, su di un pianoro con un accentuato
dislivello 185 La città con una superficie di circa 18 ettari, nonostante la forte pendenza,
da una quota di 235 a una quota di 170 m, presenta un impianto urbanistico regolare,
con assi stradali che delimitano isolati disposti per strigas, ciascuno di 40 x 80 m ca,
secondo un modulo 1:2186 (fig. 4)
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Via degli Ulivi Tali indagini hanno evidenziato tre battuti pavimentali sovrapposti,
precedenti alla posa del lastricato In particolare il battuto pavimentale più recente ha
restituito materiale datato in modo generico al III-II sec a C 187
Il teatro, e più in generale l’ agora, sono stati realizzati invece nell’ ambito di una
consistente monumentalizzazione del sito alla fine del II sec a C , che ha distrutto
precedenti strutture a carattere però privato e non pubblico 188 Questa sovrapposizione
evidenzia come in realtà solo in età romana sia stata realizzata l’ area pubblica, su di
un precedente settore con una differente destinazione d’ uso 189 A questi dati vanno ad
aggiungersi le recenti indagini realizzate da C Portale nell’ area dei santuari a monte del
teatro, nell’ ambito delle quali è stato indagato il contesto di fondazione della c d “Via
degli artigiani”, una delle plateiai della città, consentendo di collocare cronologicamente
l’ impostazione della strada, e con ogni probabilità dello stesso rinnovamento urbanistico
della città romana, tra la fine del III e l’ inizio del II sec a C 190 Questo dato, ancorché
isolato in un quadro di quasi totale assenza di dati stratigrafici, contribuisce in modo
concreto a corroborare l’ ipotesi di una rifondazione di molti dei centri della provincia
Sicilia avviata in una fase a cavallo della fine della II guerra punica, che si struttura con
un’ urbanistica di tipo regolare basata su insulae di modulo tendente a 1:2
Riguardo ai restanti centri di fondazione punica del settore occidentale dell’ isola,
una serie d’ interessanti spunti si possono altresì dedurre dai casi di Lilibeo e Palermo In
riferimento a quest’ ultimo centro, è stata ipotizzata una struttura urbanistica regolare
basata su di un’ unica plateia a partire dalla metà del IV sec a C Tale asse, intersecato
in modo ortogonale da una serie di stenopoi, è stato riconosciuto nell’ attuale Corso
Vittorio Emanuele 191 Il progetto urbanistico di Palermo presenterebbe insulae larghe
187
Spatafora 2009, p 232
L’ edificazione della cavea del teatro ha obliterato alcune precedenti strutture a carattere verosimilmente
privato realizzate in opera a telaio, che mostrano un orientamento leggermente divergente rispetto a quello
documentato nei restanti settori della città: Wiegand 1997, p 18, Abb 7; 25
188
Era stato proposto di riferire alla fase punica lo stesso impianto urbanistico di Solunto, ipotizzando
una sua strutturazione sul cubito punico R Wilson considera l’ impiego del cubito punico una forma
di persistenza della cultura semitica in Sicilia: Wilson 2005, p 913 Per i termini della questione e una
rilettura in chiave romana dell’ impianto di Solunto vd De Vincenzo 2013b
189
190
Portale et al. 2022; Ead. et al. (in c d s) Ringrazio Chiara Portale per avermi consentito la lettura del
contributo ancorché in stampa
Belvedere 1987; Spatafora 2009, p 227-228 Le indagini stratigrafiche hanno evidenziato un
livellamento su cui sarebbe stato realizzato l’ impianto di IV sec a C Nel contempo non sono stati
individuati sotto gli assi viari livelli stradali anteriori al IV sec a C (Spatafora 2003, p 1179-1180)
191
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51/53 m, mentre non è stata avanzata alcuna proposta per la lunghezza di tali insulae,
e si baserebbe sul cubito punico con isolati larghi 100 cubiti 192 Anche per Palermo,
così come per Solunto, si deve evidenziare come questa misura possa allo stesso modo
corrispondere a 180 piedi romani, pari quindi a 1,5 actus Sulla scorta unicamente del
sistema metrico, non si può quindi assolutamente escludere anche per Palermo un
consistente rinnovamento urbanistico della città di età romana
Un dato significativo ai fini di questa disamina emerge dallo scavo realizzato
a Piazza della Vittoria tra l’ Edificio B e l’ Edificio A, che ha consentito di portare alla
luce un asse stradale in terra battuta, orientato così come gli stenopoi, ma con una
larghezza di 4,2 m La strada era più antica dell’ Edificio B, poiché tagliata dalla trincea
di fondazione del suo muro perimetrale orientale Tale muro taglia quattro livelli
di uso della strada Nel più recente di questi livelli è stata rinvenuta una moneta di
bronzo con Testa di Giove sul dritto e guerriero con lancia con legenda Panorm(itan)
al rovescio, datata in genere all’ inizio del II sec a C 193 L’ ultimo livello di utilizzo della
strada evidenzierebbe una strutturazione del piano stradale maggiormente articolata,
mostrando un impluvio centrale e un piano di calpestio a forma di schiena d’ asino con
anche piccoli marciapiedi ai suoi lati Anche questo livello ha restituito una moneta
analoga a quella rinvenuta nello strato sottostante Questi dati, che documentano a
Palermo un intervento urbanistico nel corso della prima metà del II sec a C , sono tra
i pochi riscontri stratigrafici di cui disponiamo in riferimento alla struttura urbanistica
della città ed è doveroso di conseguenza riconoscergli la necessaria importanza
In merito a Lilibeo, scelta dai Romani quale sede del governatore della provincia,194
le indagini hanno contribuito solo in piccolissima parte alla ricostruzione del suo
tessuto urbano, per la cui definizione molto si deve ancora alle fotointerpretazioni di
G Schmiedt 195 Secondo quest’ ultimo la città mostrerebbe un impianto ortogonale,
con insulae ordinate per scamna con un rapporto di 1:3, che sarebbe da ritenere di
192
Belvedere 1987, p 294-296
Spatafora, Montali 2006, p 135-136 Questa moneta è datata in genere all’ inizio del II sec a C : FreyKupper 1992, Caccamo Caltabiano 2000, p 200, 206 La presenza di analoghe monete nel più recente
piano stradale e nello strato immediatamente sottostante lascerebbe ipotizzare una contemporaneità
piuttosto che un rapporto di posteriorità tra questi due contesti Lo strato tagliato dall’ Edificio B potrebbe
pertanto costituire un livello di preparazione della strada
193
194
Manganaro 1980, p 448-451
Schmiedt 1963; Vecchio 2001 Sulle recenti indagini a Lilibeo vd Palazzo, Vecchio 2015; Mandruzzato
et al 2018
195
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matrice romana, senza però avanzare proposte di cronologia 196 Questi dati sono poi
stati riconsiderati da E Caruso, che ha proposto invece di far risalire la cronologia
dell’ organizzazione urbanistica di Lilibeo al IV sec a C , al momento quindi della
fondazione punica del centro 197 La struttura urbanistica ortogonale sarebbe stata
organizzata per strigas, con sei plateiai principali e almeno tre secondarie, alle quali si
intersecherebbero ortogonalmente 23 stenopoi L’ impianto si sarebbe basato sul cubito
punico, con un modulo degli isolati variabile di 1:3 e 1:4, larghi entrambi 60 cubiti e
lunghi rispettivamente 200 e 240 cubiti 198 Come ho già avuto modo di evidenziare, la
lunghezza di 106,56 m può però calcolarsi in 360 piedi romani, che lascerebbe quindi
calcolare insulae di 120 x 360 piedi, pari a 1 x 3 actus 199
A Lilibeo il dato archeologico maggiormente significativo è stato restituito dagli
scavi nell’ ampio settore in prossimità di Capo Boeo, dove è stato messo in luce un intero
quartiere abitativo L’ insula di Capo Boeo con una forma quasi quadrata (45,4 x 43,9 m)
scaturirebbe dall’ accorpamento realizzato a partire dalla fine del II sec d C di più unità
abitative 200 In merito alle fasi più antiche, sotto i livelli pavimentali di due ambienti si
sono rinvenute delle strutture riferibili genericamente al II sec a C , impostate su di
uno strato di livellamento che ha restituito materiale di IV e III sec a C 201 La presenza
di un livellamento con materiale anche di III sec a C e la datazione delle strutture al
II sec a C potrebbe portare a non escludere anche in questo caso un’ impostazione
dell’ insula a partire dagli anni finali o subito dopo la II guerra punica
Dati stratigrafici maggiormente concreti ai fini della definizione della cronologia
del rinnovamento dell’ impianto urbanistico di età romana di Lilibeo sono emersi dagli
scavi effettuati da P Vecchio a Capo Boeo,202 dove è stata indagata l’ area compresa
tra il “decumano massimo” e i tre cardines (A, B e C), che delimitavano quattro
Schmiedt 1963, p 70 I cardines avrebbero avuto tra loro una distanza regolare di 35,52 m, in modo
da formare insulae di 35,52 x 106,56 m
196
197
Caruso 2003, p 153
198
Caruso 2003, p 154
199
De Vincenzo 2013b, p 775-776
Caruso 2003, p 157; 2005 In generale sull’ edilizia privata di Lilibeo vd Di Stefano 1976-1977;
AAVV 1984, p 36-37, 104-107, 134-139; Giglio, Vecchio 2006, p 123-127 In merito agli isolati di età
romana di forma quadrata vd Gros, Torelli 1988, p 392-409
200
201
Caruso 2003, p 157
202
Palazzo, Vecchio 2013
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insulae numerate in progressione “IV, V, VI e VII” In questo settore l’ asportazione
di uno strato di riempimento di una fossa di spoliazione tardoantica, nell’ angolo
orientale dell’ insula V, ha consentito di mettere in luce, sebbene solo in sezione, una
sequenza di battuti stradali anteriori al livello stradale di età romana Dati stratigrafici
particolarmente interessanti per ciò che riguarda il passaggio dall’ età punica a quella
romana sono emersi soprattutto nel settore più occidentale del decumano 203 Lo
scavo realizzato in un’ area caratterizzata dall’ assenza di lastricato stradale, rimosso già
in antico, ha evidenziato, sotto al piano di preparazione stradale, tre setti murari tra
loro legati Tali muri delimitavano un vano abitativo di forma quadrangolare, che era
parte dello spazio urbano di età punica, evidenziando quindi come in questa fase l’ asse
stradale fosse più stretto La riorganizzazione urbanistica di età romana della città si
fonderebbe quindi su assi stradali più larghi di quelli punici, che andarono parzialmente
a coprire i contesti abitativi più antichi Riguardo alla cronologia di questo radicale
intervento, tra i materiali datanti rinvenuti negli strati che coprono i setti murari del
vano quadrato sono presenti anfore puniche databili tra la metà del III e i primi decenni
del II a C Sulla scorta di questi dati sembra quindi plausibile la collocazione anche del
rinnovamento urbanistico di età romana di Lilibeo in una fase prossima alla fine della
II guerra punica
Non lontano da Lilibeo, a Erice, nel Santuario di Venere Ericina, complesso
sacro questo con un significativo ruolo politico nel quadro della provincia, le indagini
stratigrafiche tuttora in corso hanno evidenziato una significativa riorganizzazione di età
romana, documentata dalla realizzazione di una sostruzione funzionale all’ ampliamento
e alla regolarizzazione dello spazio sacro Tra i materiali utili alla datazione del contesto
vi sono alcuni frammenti di anfore greco-italiche, databili tra l’ ultimo quarto del III e
la metà del II sec a C ,204 un ambito cronologico anche in questo caso a cavallo della
fine della II guerra punica
Considerazioni conclusive
Nel quadro della riorganizzazione della provincia, i centri urbani venivano
necessariamente a ricoprire un ruolo fondamentale, tenuto conto che costituivano dei
capisaldi per il controllo sia amministrativo sia tributario dell’ isola È in riferimento
a tali esigenze quindi che si pongono le premesse per il rinnovamento urbanistico
203
Palazzo, Vecchio 2013, p 141-142
204
Blasetti Fantauzzi 2020
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dei centri della Sicilia romana, che in alcuni territori, quali quelli della Sicilia punica,
viene a coincidere con delle vere e proprie rifondazioni, tenuto conto che in questo
settore dell’ isola il grado di urbanitas non risultava essere adeguato 205 I nuovi impianti
presentano delle caratteristiche comuni quali gli assi viari ortogonali e insulae con un
rapporto tra i lati tendente a 1:2 206
Solo a partire dallo scorcio del II sec a C è ben documentata invece una
massiccia monumentalizzazione dei settori sia pubblici sia privati di queste città, attuata
attraverso consistenti interventi evergetici da parte delle aristocrazie locali, come è stato
ormai da più parti evidenziato 207
A interventi di carattere evergetico invece certamente non si possono ricondurre
i vari rinnovamenti urbanistici di molti dei centri dell’ isola, contestualmente ai quali
si vengono a realizzare delle rifondazioni in senso più marcatamente urbano di più
antichi insediamenti L’ impostazione di una struttura urbanistica, infatti, con tutte le
opere ad essa correlate, relative allo sbancamento e al livellamento dell’ area urbana, al
trasporto dei materiali di risulta e di quelli costruttivi, alla realizzazione delle strade,
del sistema difensivo oltre che alla definizione dei settori pubblici, rientra in un ambito
decisamente più complesso e articolato dei singoli interventi evergetici, ancorché questi
ultimi si possano presentare in alcuni casi particolarmente monumentali Simili radicali
interventi possono avere luogo nel quadro di operazioni volute da un’ autorità politica
che abbia forza per gestire l’ attuazione del progetto urbanistico e nel contempo per
imporre una totale ridefinizione del regime delle proprietà all’ interno di tali centri
Un caso particolarmente esplicativo di questa situazione si deve ritenere l’ iscrizione
apposta su di una lastra in calcare inserita nella pavimentazione in laterizio della c d Via
dell’ Agora di Solunto, che corrisponde al tratto più prossimo all’ agora Tale iscrizione
documenta il finanziamento da parte di Antallos Ornichas figlio di Asklapos, membro di
una famiglia locale, proprio della pavimentazione in laterizio della strada L’ iscrizione è
stata datata su base paleografica al II-I sec a C e ritenuta contestuale al grande portico
dell’ agora soluntina, datato alla fine del II sec a C 208 Appare chiaro in questo caso come
l’ intervento evergetico vada a impostarsi su di un asse stradale realizzato in precedenza,
limitandosi di conseguenza ad abbellire e non certamente a fondare la strada principale
205
Sulla struttura urbana dei centri punici di Sicilia vd De Vincenzo 2013a
206
Sulla diffusione del modulo 1:2 nella Sicilia tardorepubblicana vd La Torre 2006, p 94
207
Portale 2017 con bil prec
208
Campagna 2007, p 113 Una dedica analoga è quella di Lucius Decimius Secundio a Scolacium
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della città, impostata invece con ogni probabilità da un’ autorità centrale Sulla scorta
anche di quanto emerso dai contemporanei esempi relativi alle province soprattutto
iberiche, questi nuovi impianti urbanistici vengono che rientrano nel quadro di una
riorganizzazione amministrativa della provincia da parte di Roma, come si evincerebbe
anche dalla posizione strategica di tali centri in relazione al territorio circostante, agli
assi viari e ai porti, come del resto avvenne in Spagna con la fondazione dei centri per la
gestione delle fertili valli del Guadalquivir o dell’ Ebro
Contestuale a tale processo si deve ipotizzare anche un consistente spostamento
di persone da un territorio all’ altro dell’ isola Il riferimento di Cicerone in relazione
all’ introduzione ad Agrigento all’ inizio del II sec a C di coloni da altri oppida della
Sicilia è in questo senso estremamente esplicativo 209 In un simile contesto, che non è
purtroppo possibile comprendere appieno ma solamente intuire, potrebbe non essere
peregrino assegnare anche a tali spostamenti di persone all’ interno dell’ isola un qualche
ruolo nella diffusione della lingua, della cultura nonché delle forme urbanistiche,
architettoniche e decorative di matrice greca, che connotano i centri anche del settore
occidentale dell’ isola di fondazione punica a partire dalla tarda repubblica
Quando si sarebbe avviato un simile processo? I dati archeologici evidenziati,
ancorché esigui e parziali, lasciano intuire come tale consistente rinnovamento degli
impianti urbanistici dei centri di Sicilia, sia stato attuato solo successivamente alla
conquista romana dell’ intera isola durante la seconda guerra punica Questa fase
fu inaugurata da un deciso cambio di rotta da parte di Roma nell’ organizzazione
amministrativa della provincia, documentata in modo significativo a partire dalla stessa
figura di M Valerio Levino, che governò la Sicilia come proconsole durante gli anni
209-207 a C , impegnandosi a risollevare e riorganizzare l’ isola dopo il lungo periodo
di guerre 210 Si deve con ogni probabilità allo stesso Levino la strategica realizzazione
della via Valeria, così chiamata da Strabone, che congiungeva Lilibeo a Messina 211 È
209
Cicerone, In Verrem, II, 2, 123
210
Marino 1995, p 83-94
Strabone, V, 2, 1 (C 266) Per le proposte di cronologia di questa strada vd Uggeri 2004, p 117162; Puglisi 2009, p 74 In merito ancora all’ organizzazione della provincia durante questi complessi anni,
poco dopo Levino, nel 205 a C , il console L C Scipione volle come sua provincia la Sicilia per poter
preparare lo sbarco in Africa Egli reintegrò immediatamente i legittimi proprietari terrieri, comprendendo
che da loro avrebbe potuto ottenere mezzi e non uomini In cambio dell’ esonero ottenne quindi molti
mezzi: Manganaro 1980, p 422
211
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solo a partire da questa fase che si deve quindi con ogni probabilità ipotizzare la reale e
concreta progettazione e strutturazione della Sicilia romana
Elementi utili alla definizione di questo contesto storico sono forniti in modo
significativo anche dalla documentazione numismatica Le analisi dei segni di valore e
delle iconografie, adottate contemporaneamente dalle numerose zecche attive in Sicilia
successivamente alla conquista romana dell’ intera isola, hanno evidenziato come tali
monete abbiano accompagnato la riorganizzazione amministrativa della provincia, a
partire proprio dagli interventi di Levino e Scipione alla fine del III a C 212 Il quadro
inoltre si arricchisce se si tiene conto, come è stato dimostrato da J Prag, che in Sicilia
i Romani non stanziarono soldati, ma la difesa dei centri e di conseguenza dell’ intera
provincia era garantita dalle truppe locali Questa condivisibile ipotesi si fonda
sull’ assenza di dati sia epigrafici sia più in generale archeologici riconducibili in qualche
modo a guarnigioni romane sull’ isola, e nel contempo sulla notevole diffusione di ginnasi
nella Sicilia tardorepubblicana, ricondotti con giusta ragione anche alla formazione
di un corpo militare cittadino 213 A tal riguardo risulta quindi verosimile collegare al
finanziamento di truppe locali le monete coniate durante la prima metà del II sec a C
con il sostegno dei magistrati romani, che intendevano in questo modo favorire le
autonomie locali La coniazione di monete, associata alla presenza dei ginnasi e di
truppe locali, costituiscono un solido indizio di sviluppo e rafforzamento dell’ identità
delle città della Sicilia romana, sostenuta e favorita da Roma perché utile alla stessa
difesa della provincia Propedeutico a tutto questo si deve però ritenere il rinnovamento
urbanistico dei centri di Sicilia, avviato da Roma subito dopo la conquista del settore
orientale dell’ isola per diffondere un più elevato grado di urbanitas, soprattutto nei
territori in precedenza controllati da Cartagine, perché è proprio nelle nuove città che
Roma pone il fulcro intorno al quale far ruotare la riorganizzazione amministrativa
della provincia
Roman control of Sicily implies a more complex range of imperial practices than we have
hitherto tended to assume In Sicily Roman imperialism was inextricably bound up in
local culture 214
Carroccio 2004, p 286-287 Su queste monete vd anche Frey-Kupper 1992; 2006; Caccamo Caltabiano
2000
212
213
Prag 2007 Sulla diffusione dei ginnasi in Sicilia vd anche Mango 2009
214
Prag 2007, p 99
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Salvatore De Vincenzo
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1- Introduzione
A partire dall’ inizio del IV sec a C Roma inizia un processo di conquista del
territorio dell’ intera penisola italiana, con la contestuale fondazione di coloniae di
diritto latino e romano e l’ istituzione di municipia Tale fase di espansione viene portata
a termine nel corso del I sec a C , quando a seguito della guerra sociale si assiste in Italia
centrale alla trasformazione dello status giuridico di più antiche coloniae, praefecturae e
conciliabula in municipia così come alla nascita di numerose nuove entità urbane che
assumono sempre lo status di municipium, strumento di Roma per amministrare le
popolazioni italiche (fig. 1) 215
A differenza delle colonie di diritto latino e di quelle civium romanorum,
in relazione alle quali emerge un contesto piuttosto chiaro e omogeneo sulla loro
pianificazione urbana tra il III e il I sec a C ,216 ancora nebuloso rimane ad oggi il
quadro relativo alla struttura urbana e allo sviluppo dei municipia in Italia centrale,
che, a partire dal conferimento della cittadinanza romana alle popolazioni italiche alla
fine della guerra sociale, costituiscono il modello istituzionale più diffuso utilizzato da
Roma per amministrare e gestire il territorio conquistato
Sui municipia italici vd in particolare da ultimo il lavoro monografico di Bispham 2007 Sull’ origine
del termine municipium vd in particolare Bispham 2007, p 13-31
215
Sugli aspetti urbanistici delle colonie di diritto romano e latino vd von Hesberg 1985; Sommella
1988, p 17-105; Migliorati 1994; Lackner 2008 (con una proposta tipologica dell’ urbanistica delle
colonie latine e romane e un approfondimento sui contesti forensi); Gros, Torelli 1988; De Giorgi 2019
Sulla prima fase della colonizzazione vd da ultimo le considerazioni sul legame tra aristocratici locali e
romani nella formazione delle nuove entità politiche in Terrenato 2019
216
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Romanizzazione, sviluppo urbano, municipalizzazione. Osservazioni sulla
struttura urbana dei municipia italici del Sannio nella tarda repubblica
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Figura 1: I municipia dell’ Italia centrale. In nero le strade romane principali, in grigio quelle secondarie.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi/Roman Road Network version 2008.
Se in generale nella prima fase della ricerca su tali temi negli ultimi decenni
del secolo scorso la municipalizzazione successiva al bellum sociale veniva legata alla
urbanizzazione, in particolare in territori abitati vicatim,217 negli ultimi tempi la città
è generalmente vista come un graduale portato della romanizzazione e la condizione
urbana non solo non verrebbe raggiunta al momento dell’ inquadramento di un
centro nello stato romano sotto la forma giuridica del municipio, ma la costituzione
di municipia sarebbe legata in modo uniforme all’ esistenza di una condizione urbana
preesistente 218
Inoltre, l’ urbanizzazione municipale sarebbe da ritenersi un fenomeno lento
e non omogeneo 219 L’ urbanitas associata alla municipalizzazione si sarebbe quindi
realizzata come un processo autonomo di appropriazione dei modi di vita urbani da
“Vicatim” secondo la definizione di Livio, IX, 13, 7, corrispondente al komedòn in Strabone, V, 2, 1 e
4, 2 Gabba 1976, p 319-320; Sommella 1995, p 279 Su tale problematica vd da ultimo Di Cesare 2010,
p 33
217
218
La Regina 1970; Campanelli 1995; Paci 2003, p 36-37; Di Cesare 2010, p 32
219
Bispham 2007
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parte delle aristocrazie locali 220 Il municipium porterebbe con sé la necessità di adeguare
gli spazi pubblici e l’ architettura politico-amministrativa al nuovo stato giuridico 221
In definitiva nell’ ambito degli studi su tale tematica la colonizzazione e la
municipalizzazione vengono chiaramente distinte l’ una dall’ altra La colonia è intesa
come una creazione artificiale di una nuova entità urbana e costituisce uno strumento
di occupazione dei territori conquistati da Roma, il municipium invece è ritenuto un
mezzo di assimilazione, con l’ incorporazione di centri già esistenti nella cittadinanza
romana 222 Se però queste considerazioni possono essere vere per le più antiche coloniae
trasformate poi in municipia o per i primi municipia nati nella media età repubblicana,
tali ipotesi come vedremo non si possono ritenere valide per tutti i municipia sorti dopo
la guerra sociale Anche alcune delle stesse coloniae al contrario si possono ritenere non
fondate ex nihilo come proposto in passato, ma su aree già interessate da più antichi
insediamenti 223
Mentre cospicui e dettagliati studi di natura storica e giuridico-amministrativa
mettono in evidenza come la municipalizzazione sia un tema ancora altamente rilevante,224
Gros, Torelli 1988, p 152 Secondo P Gros e M Torelli le classi dirigenti locali avrebbero avuto un
peso determinate nella formazione della città, che sarebbe da intendere come un processo autonomo di
acquisizione della forma urbana avviato e guidato dalle aristocrazie locali; dello stesso avviso Robinson
2021 Vd anche a tal proposito La Torre 1985, p 170
220
221
Gabba 1972 Sulla monumentalizzazione degli edifici pubblici connessa all’evergetismo vd Torelli 1993
222
Coarelli 1992
Sommella 1988, p 23-24 Riguardo in particolare a Alba Fucens per l’ ipotesi di un centro equo
precedente alla fondazione della colonia, vd Sommella 1988, p 23 F Pesando ipotizza l’ esistenza di un
luogo sacro nell’ area del santuario di Ercole ad Alba Fucens, precedente alla deduzione coloniale: Pesando
2012, p 211 Anche Carsoli presenta materiali d’ impasto e bucchero che fanno ipotizzare un’ occupazione
dell’ area già nel periodo preromano: Sommella 1988, p 23 A questi esempi si possono aggiungere anche
Isernia e Beneventum: Sommella 1988, p 23-24 Una fase precedente alla deduzione della colonia è stata
riscontrata inoltre per la colonia maritima di Castrum Novum: Migliorati 1994, p 282
223
Il lavoro di Humbert 1978 rimane tuttora un caposaldo in particolare per quelle amministrazioni
municipali nate contemporaneamente alle fondazioni coloniali tra fine IV e III sec a C ; tale studio fu
preceduto da un’ analisi degli aspetti storici e giuridici dei municipia realizzata da Manni 1947 M Tarpin
successivamente incentra la sua ricerca sui concetti di colonia, municipium e vicus (Tarpin 1999), così come
U Laffi che approfondisce aspetti specifici dell’ organizzazione e dell’ istituzione di colonie e municipi (Laffi
2007) Fondamentali rimangono i lavori di L Capogrossi Colognesi e E Gabba, che affrontano assieme
ad altri studiosi vari aspetti legati ai municipi e soprattutto alla loro legislazione (Capogrossi Colognesi,
Gabba 2006) Tra gli ultimi contributi sull’ argomento, sempre incentrati sugli aspetti legislativi e giuridici,
è doveroso segnalare oltre all’ opera di E Bispham, gli atti del convegno a cura di S Evangelisti e C Ricci
224
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l’ interesse degli ultimi decenni del secolo scorso sugli aspetti archeologici dei municipia
non ha invece trovato seguito, nonostante i numerosi dati a disposizione da nuovi scavi
archeologici condotti in tali città, con una conseguente lacuna nella storia degli studi 225
Partendo dai numerosi e significativi studi storiografici e dai dati archeologici,
piuttosto dettagliati ma non studiati finora sistematicamente, ad oggi rimangono
ancora aperti alcuni quesiti riguardo alle dinamiche insediative seguite alla nuova
organizzazione dei territori italici 226 In particolare una questione ancora aperta è quella
relativa alla struttura urbana dei municipia e alla fase durante la quale questa sia stata
raggiunta A tale aspetto risulta chiaramente connesso il concetto di urbanizzazione,
nello specifico se questa sia legata o meno alla municipalizzazione in un rapporto di
causa-effetto Allo stesso modo ancora da definire sono la tipologia della struttura
urbana, così come gli edifici pubblici e privati che vengono costruiti nonché la loro
datazione Oltre a ciò si aggiungono questioni aperte riguardo ai cambiamenti che
interessano gli insediamenti italici a seguito del raggiungimento della urbanitas romana
dopo la costituzione di un municipium
Nel quadro di queste considerazioni, in un contesto territoriale caratterizzato nel
II sec a C da imponenti santuari confederali extra urbani, con una valenza economica,
politica e di aggregazione sociale, è certamente rilevante allo stesso modo comprendere
sulle forme municipali tra il I sec a C e il III sec d C : Bispham 2007; Evangelisti, Ricci 2017 Un
significativo ultimo contributo in ordine di tempo è quello di S Sisani, che affronta il tema dei municipia
retti da duoviri (Sisani 2021)
Nell’ ambito degli studi sull’ urbanizzazione dell’ Italia centrale, in particolare appenninica, fondati
su di un approccio archeologico sono da annoverare i lavori di E Gabba (in particolare Gabba 1972),
e soprattutto i lavori di P Sommella, sia generali sull’ urbanistica romana sia in particolare sui siti
oggetto di questo contributo: Sommella 1988, p 119-123, con schede delle città a cura di L Migliorati
Sull’ urbanistica tardorepubblicana in Italia centrale con riferimento anche ai centri della Regio IV vd le
più recenti considerazioni in Pesando 2015
225
Laffi 1973, p 39; Paci 2003, p 33 Lo statuto municipale delle città è in genere attestato da iscrizioni,
in cui sono citati i quattuorviri, magistrati che governano i municipia creati dopo la guerra sociale La
presenza invece dei duoviri fa collocare l’ istituzione del municipium in una fase verosimilmente successiva
al 49 a C , in età cesariana Sono questi i due momenti principali nel corso del I sec a C durante i quali si
realizzarono municipia in Italia (Sisani 2007, p 268) In riferimento a questo schema sono state messe in
evidenza in un recente studio di S Sisani una serie di difformità, con casi di adozione del quattuorvirato
tanto in municipia nati da comunità già incluse nell’ ager Romanus prima della guerra sociale, così come in
municipia ricostituiti nella fase post-cesariana Inoltre vi sono attestazioni di schemi magistratuali anomali
in municipia posteriori al 90 a C (Sisani 2021)
226
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quale ruolo abbiano avuto tali santuari e in generale i contesti sacri nel processo di
municipalizzazione e formazione delle entità urbane 227
Sulla base delle numerose evidenze archeologiche, nel presente contributo si è
tentato in particolare di approfondire questi aspetti attraverso un’ analisi dettagliata
dei dati archeologici dei municipia del Sannio compresi tra la Valle del Biferno a sud
e il fiume Tordino a nord, area corrispondente alle attuali regioni Abruzzo e Molise,
considerando in particolare la loro disposizione topografica, l’ estensione delle città, così
come l’ organizzazione dei settori pubblici Da questa sintesi e dal confronto tra tali città
è stato possibile di conseguenza delinearne con un approccio olistico le caratteristiche
urbanistiche e ricostruire alcuni aspetti generali, che si possono ritenere elementi
connotanti dei municipia tra la tarda repubblica e la prima età imperiale, allo scopo di
contribuire a una migliore definizione dell’ origine e dello sviluppo della città in questi
territori L’ analisi dei municipia segue un criterio topografico ed etnico Nello specifico,
i centri di cui si posseggono sufficienti dati archeologici relativamente alla struttura
urbana sono trattati partendo da nord e procedendo verso sud, con un’ attenzione ai
gruppi di centri appartenenti ai differenti ethne italici (Praetutii, Vestini, Paeligni,
Marrucini, Carricini, Frentani, Aequi/Marsi) 228
2- Organizzazione dello spazio urbano dei municipia
A- Interamna Praetuttianorum e Hatria
Uno dei casi più esemplari in tale ambito è Interamna Praetuttianorum, i cui
resti sono collocati nell’ attuale centro di Teramo (fig. 2) 229 Il centro è sorto come
conciliabulum civium Romanorum nell’ ambito di assegnazioni viritane dopo la
conquista romana della Sabina da parte di M Curio Dentato, che interessò anche il
territorio pretuziano, verosimilmente dopo il 268 a C in un periodo di poco successivo
alla deduzione della colonia latina di Hatria e quella romana di Castrum Novum 230 Il
centro era posto lungo un diverticolo della via Caecilia, che si dipanava all’ altezza di
227
Si pensi ad esempio ai santuari di Pietrabbondante e Monte Rinaldo: Strazzulla 1971; Giorgi et al.
2020
228
Non sono oggetto invece di una descrizione dettagliata in questo contributo quei municipia che sono
attestati solo epigraficamente o nelle fonti letterarie
229
Secondo G Firpo in Buonocore, Firpo 1998, p 758-759, così come in Di Cesare 2010, p 28-29, il
toponimo sarebbe da riconoscere in Interamna Praetuttianorum piuttosto che in Interamnia Praetuttiorum
230
Frontinus, De controuersiis, p 18, 10-11 L; Buonocore, Firpo 1998, p 760-761
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Figura 2: Interamna Praetuttianorum, posizionamento degli edifici antichi nell’ area della città moderna.
Crediti/fonte: Di Cesare 2010.
231
Di Cesare 2010, p 27
Migliorati 1976, p 243; Coarelli, La Regina 1984, p 35; Buonocore, Firpo 1998, p 760; Di Cesare
2010, p 27-34, 39; Secondo E Bispham il centro avrebbe ricevuto lo status di municipium in un periodo
precedente la guerra sociale, rimanendo l’ unico caso per questa zona trattata della Regio V (Bispham 2007,
s. v. “appendix 3”, nota 21), mentre secondo S Sisani il centro fu elevato a municipium solo in età augustea
da una precedente condizione di conciliabulum: Sisani 2010, p 207-210; Sisani 2021, p 55
232
Floro riferisce che in questo centro fu dedotta una colonia sillana: Floro, Epitoma, II, 9, 27-28; Gabba
1970-1971, p 472 Vi sono iscrizioni che menzionano contemporaneamente le due istituzioni: CIL IX,
5074; CIL I2, 1904; AÉ 1998, 416 Nella documentazione epigrafica di Interamna Praetuttianorum è
attestata la contemporanea presenza di duoviri (CIL IX, 5063; CIL I2, 1905) e octoviri (CIL IX, 5067)
fino alla fine del I sec a C , che troverebbe spiegazione riconoscendo nei duoviri i magistrati della colonia
mentre negli octoviri quelli del conciliabulum: Buonocore, Firpo 1998, p 761; Sisani 2010, p 209 Sullo
stato giuridico e amministrativo della città vd anche Migliorati 1976, p 243-244 e Guidobaldi 1995,
p 219-221
233
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Montorio al Vomano e collegava il centro con Castrum Novum 231 Il centro fu elevato
a municipium dopo la guerra sociale232 e dalla prima metà del I sec a C ricevette
contemporaneamente allo statuto municipale anche lo status giuridico di colonia 233
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Inizialmente sono stati riconosciuti due orientamenti nel tessuto urbano,
ricondotti a tale duplicità amministrativa,234 ipotesi definitivamente superata 235 Come
ha infatti dimostrato L Migliorati con argomenti convincenti, la città presenta in realtà
un unico schema urbanistico, con orientamento est-ovest degli assi viari, ricalcato da via
dei Mille, corso Cerulli e via Stazio, e impianti rettangolari, con modulo di 270 x 200
piedi romani 236 La fascia centrale presenta invece isolati quadrati di 270 x 270
piedi romani, per via della presenza della piazza forense, che venne localizzata in un
primo tempo in maniera ipotetica in piazza Verdi all’ incrocio tra corso Cerulli e via
S Antonio 237 Il rapporto 1:1,3 è raffrontabile con esempi compresi tra gli inizi del II
sec a C e gli inizi del I sec a C , ponendo la guerra sociale come terminus post quem
non 238 La conformazione geomorfologica del pianoro su cui sorge la città avrebbe
inoltre condizionato la costruzione della cinta muraria, limitando la sua costruzione
al solo lato occidentale, posta in corrispondenza della via dell’ Antica Cattedrale e la
via Muzi 239 Tale impianto urbano è da collocare quindi negli anni immediatamente
La Regina 1966b; Gabba 1970-1971, p 462; Coarelli, La Regina 1984, p 35; M Torelli, in Gros,
Torelli 1988, p 150; de Smet 1989-1990, p 63-74; Guidobaldi 1995, p 223
234
Migliorati 1976; Sommella 1985, p 390-391; L Migliorati in Sommella 1988, p 127; Sommella
1988, p 114-115; Guidobaldi 1995, p 222 In particolare è stata sottolineata la mancanza di una doppia
cinta muraria Tra l’ altro il rinvenimento di pavimenti di età repubblicana rinvenuti alla stessa profondità
su due lati di via S Antonio dimostrerebbero che tale via non potesse costituire il limite dei due diversi
orientamenti
235
236
Migliorati 1976, p 255-256
Ipotesi suffragata dal rinvenimento nelle vicinanze di quest’ area di materiale architettonico e
iscrizioni onorarie: L Migliorati, in Sommella 1988, p 127; Coarelli, La Regina 1984, p 39; Guidobaldi
1995, p 225, Staffa 2006, p 73-74, fig 107, n 37; p 83, fig 128 Di diverso avviso R Di Cesare, che vede
in quest’ area piuttosto la presenza di un complesso sacrale (Di Cesare 2010, p 43-48), come si discuterà
oltre Un’ iscrizione datata alla metà del I sec a C indicherebbe l’ appalto per la costruzione del muro
perimetrale del foro (CIL I2, 3296): Buonocore 2006, p 116, n 105
237
238
Lucca presenta isolati di 3 x 3, 5 actus con rapporto 1:1,3, impianto urbano datato agli inizi del II
sec a C mentre Allifae presenta isolati di 3,2 actus con un rapporto 1:1,4 riconducibile agli inizi del I
sec a C Il modulo con isolati quadrati è da ricondurre invece alle colonie triumvirali e augustee: Migliorati
1976, p 256; Sommella 1974
Migliorati 1976, p 246-253, spostando quindi il limite della città verso est rispetto alle ipotesi
precedenti che vedevano in via della Banca il limite occidentale di Interamna (Migliorati 1976, p 252253) Le mura di VI sec a C rinvenute lungo tale percorso seguirebbero quindi l’ andamento della cinta
muraria di epoca romana Per le varie ipotesi sulla cinta muraria vd Di Cesare 2010, p 30, nota 43 con
bibliografia precedente
239
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successivi alla guerra sociale e da riferire all’ istituzione del municipium 240
In posizione extraurbana, ad ovest di tale tratto murario sono stati costruiti
nella prima età augustea il teatro, collocato a sud di corso Cerulli241 e nella seconda
metà del I sec d C l’ anfiteatro, posto immediatamente a sud della Cattedrale 242
Nell’ estremità orientale della città invece, presso Largo Madonna delle Grazie, è stato
scavato un complesso termale di età augustea e probabilmente un campus riqualificato
in età municipale 243
Secondo una recente lettura delle evidenze di Interamna, il foro sarebbe da
collocare a 200 metri ad est del Complesso di S Giovanni, sotto corso de’ Michetti,
dove è stata rinvenuta una pavimentazione con lastre rettangolari di grandi dimensioni
riconducibili a una piazza, in posizione centrale nella città antica rispetto a piazza
Verdi 244 Questo sarebbe stato ubicato con l’ istituzione del municipium, ricevendo poi
una pavimentazione tarda all’ inizio del II sec d C 245 L’ area di Piazza Verdi sarebbe
invece da ricondurre a un complesso santuariale da collocare ad una fase subito successiva
alla guerra sociale e alla deduzione sillana, cui si riferirebbero un’ area terrazzata, alcuni
resti strutturali oltre a una serie di capitelli corinzio-italici provenienti dalla zona e
240
Migliorati 1976, p 255-256 Per la fase precedente l’ istituzione del municipium, è stato ipotizzato un
impianto urbano tra la seconda metà del III e la metà del II sec a C , con orientamento nord-ovest/sudest e una porta urbica da collocare a nord del teatro Tra i vari elementi riferibili a un impianto precedente
sono da considerare pavimenti di domus private e un edificio dalla planimetria complessa con una serie di
vani intorno a un quadriportico rinvenuto tra il Largo Madonna delle Grazie e Piazza Caduti della Libertà,
interpretato come sede di un collegio della metà del II sec a C , date le grandi proporzioni di uno dei vani
e il motivo ornamentale rinvenuto del caduceo: Guidobaldi 1995, p 227-230; Staffa 2006, p 74, n 11;
Di Cesare 2010, p 30-31
241
Coarelli, La Regina 1984, p 35-37; Guidobaldi 1995, p 224
242
Coarelli, La Regina 1984, p 38-39; Guidobaldi 1995, p 224-225
Guidobaldi 1995, p 227-231 Per il campus rimane difficile la localizzazione Sono state rinvenute
due iscrizioni speculari della metà del I sec a C che commemorano la strada di accesso a un campus Si
tratta di due cippi in calcare Una delle epigrafe è stata reimpiegata come mensa dell’ altare maggiore nella
Chiesa delle Grazie Le dimensioni del cippo avrebbero reso difficile il trasporto e farebbero propendere
per una collocazione del campus in prossimità del rinvenimento, a est del pianoro Buonocore 2006, p 115,
n 25 e 106; Di Cesare 2010, p 41-42 A tale periodo sono da riferire altri atti evergetici, tra cui quelli di
due fratelli della famiglia senatoria dei Poppaei In due iscrizioni della metà del I sec a C i due patroni
del municipio a proprie spese offrirono l’ uso di un edificio termale: Buonocore 2006, p 115, n 23-24;
Di Cesare 2010, p 40
243
244
Staffa 2006, p 74, n 60; Di Cesare 2010, p 46-47
245
Di Cesare 2010, p 46
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datati agli ultimi decenni del II sec a C -inizio del I sec a C e un piede in calcare
riferibile a un acrolito rinvenuto nelle vicinanze 246
Sono state rinvenute una serie di ricche e grandi domus, tra cui la Casa del Leone
presso corso Cerulli in posizione centrale nell’ abitato antico, datata alla prima metà del
I sec a C ,247 il cui proprietario è stato riconosciuto in via ipotetica da M P Guidobaldi
in C. Sornatius C.f. Vel. Barba, colono sillano, legato di Lucullo in Asia tra il 74 e il
68 a C , proprietario di fundi, che si arricchì con la vendita del vino 248
Riguardo alla necropoli, sono attestati 14 basamenti di tombe monumentali
allineati lungo una via sepolcrale presso Ponte Messato e datati alla metà del I sec a C 249
Riferito al territorio dei Praetutii è anche il centro di Hatria Posto su un plateau
tra i fiumi Piomba e Calvano, è situato a 10 km dalla costa 250 In questo sito fu dedotta
una colonia latina nel 289 a C in seguito alla conquista dei Praetuttii da parte di
Manius Curius Dentatus Verosimilmente divenne municipium dopo la guerra sociale,
mentre durante l’ età augustea fu rifondata come colonia 251
246
Di Cesare 2010, p 47
Coarelli, La Regina 1984, p 39-41; Guidobaldi 1995, p 231-233 Durante vari scavi condotti
a Teramo sono state individuate strutture da ricondurre a abitazioni private, collocate per la gran parte
all’ inizio e metà del I sec a C In particolare in via del Baluardo sono stati scavati ambienti datati tra il
I sec a C e il V sec d C ; presso vico Corto vi sono pavimenti datati all’ inizio del I sec a C ; in via dei
Tribunali e in via di Porta Carrese vi sono strutture collocate tra l’ età tardo repubblicana e la prima età
imperiale; ambienti di fine II/inizio I sec a C sono stati rinvenuti anche a vico dell’ Ariete; in vico degli
Orti sono venuti alla luce pavimenti di età imperiale Particolarmente numerose sono le strutture rinvenute
presso corse de’ Michetti, tra cui due domus datate tra la fine del II sec a C e l’ inizio del I sec a C e una
pavimentazione collocata genericamente nel II-I sec a C Per tali evidenze vd Guidobaldi 1995, p 233237
247
Guidobaldi 1995, p 232 A tale orizzonte cronologico possono riferirsi anche due altre ricche domus,
una situata a nord-est di quella del Leone e denominata di “Torre Bruciata”, che date le dimensioni più
che a un’ abitazione sarebbe da riferire a un edificio ufficiale, forse la sede di una corporazione, e la domus
rinvenuta sotto Palazzo Melatino: Di Cesare 2010, p 50-52
248
249
Coarelli, La Regina 1984, p 41-44; Guidobaldi 1995, p 236-237; Di Cesare 2010, p 57-60
Sull’ urbanistica di Hatria vd in particolare Azzena 1987; Guidobaldi 1995, p 189-214; Guidobaldi
2001; Buonocore 2002 Vd da ultimo anche Vermeulen 2017, p 176-177
250
Sulla deduzione coloniale: Livio, Periochae, XI; Sulle notizie relative alla conquista della Sabina da
parte di M Curio Dentato: Floro, I, 15,3; Sulla ipotizzabile costituzione del municipium dopo la guerra
sociale: Azzena 1987, p 22; Guidobaldi 1995, p 194; Sulla colonia sillana e/o augustea: Liber Coloniarum,
I, 227, 11; Plinio, Naturalis historia, III, 110; Azzena 1987, p 21 secondo il quale è improbabile una
colonia sillana mentre sicura sarebbe quella augustea; Guidobaldi 1995, p 194-195
251
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La colonia latina di Hatria, fiorente in età repubblicana, come dimostrano oltre
che le strutture urbane quali le mura, il foro e un settore abitativo, anche le attività
produttive di terrecotte architettoniche, non presenta interventi riferibili al periodo
successivo alla guerra sociale e alla municipalizzazione, mentre all’ età augustea sarebbe
da riferire il teatro 252
B- Pinna Vestinorum, Peltuinum e Aveia
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Alcuni tratti murari in opus quadratum a nord dell’ attuale paese, lungo Via della Circonvallazione,
sono da riferirsi alla cinta muraria coeva alla fondazione della colonia, e di cui si può ipotizzare il percorso a
nord, ovest e sud del sito condizionata dalla geomorfologia del territorio Più complesso rimane determinare
invece il limite orientale della città, che andrebbe oltre l’ attuale confine del centro medievale della città,
fino al Colle Maralto, Colle di Mezzo e Colle Muralto, con un’ estensione che oscilla nelle varie ipotesi tra
i 45 e i 70 ettari Per la cinta muraria coeva alla deduzione della colonia vd Azzena 1987, p 48, n 31; 67
Azzena 1987, p 65-67 è incline a vedere un’ estensione ridotta della città, che comprenderebbe a est la zona
della Villa comunale (il colle di Mezzo) escludendo la zona del Colle Maralto a Nord e Colle Muralto a
sud Di diverso avviso M P Guidobaldi che sulla base di rinvenimenti anche su questi due colli è propensa
a vedere la città più ampia, fatto che non sarebbe anomalo confrontando altre città dell’ Italia romana:
Guidobaldi 1995, p 198-200 Il foro della città è da collocare presso la Piazza antistante il Comune di
Atri, oggi Piazza Duchi d’ Acquaviva, lungo il prosieguo dell’ odierno Corso Adriano, che coinciderebbe
con il decumanus maximus della città, e a nord di esso Non sono forniti dati sulla datazione della piazza
che rientra pienamente nell’ urbanistica della città: Azzena 1987, p 72-75 Risulta superata l’ idea che la
piazza forense fosse collocata presso la piazza della Cattedrale per la presenza di abitazioni private nell’ area
nel periodo repubblicano: Azzena 1987, p 72; Guidobaldi 1995, p 204 A circa 300 m a est della piazza
del foro, al di sotto del piano pavimentale della zona antistante la Catterdrale di Atri sono state messe in
luce alcune strutture riconducibili a un settore abitativo, collocato genericamente all’ età repubblicana e
probabilmente coevo alla fondazione della colonia Ad una fase successiva sono attribuibili invece resti di
suspensurae oltre a muri di sostruzioni che hanno fatto interpretare l’ area come un complesso termale il
cui abbandono è da collocare nel I sec d C : Azzena 1987, p 24-17, n 4-6; p 57-60, n 35 Infine il teatro
posto nella parte nord-est della città sarebbe stato costruito tra l’ età augustea e la fine del I sec d C La
datazione ad età augustea è stata proposta sulla base dell’ integrazione della struttura nel piano urbanistico
della città alla fine del I sec a C , oltre a confronto dei muri in laterizio con i tratti murari rinvenuti
nell’ area della Cattedrale: Azzena 1987, p 53-57, n 34; Guidobaldi 1995, p 205
252
253
Diodoro Siculo, XXVII, 19, 3-5; 20-21
254
Valerio Massimo, V, 4, ext 7
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Riguardo invece ai Vestini, tra gli esempi è da citare il caso di Pinna L’ insediamento
si trova lungo la strada per Ausculum, nella zona abitata dai Vestini Transmontani
Durante la guerra sociale la città rimase fedele a Roma,253 tanto da essere assediata dagli
Italici e poi rioccupata da parte dei Romani 254 Probabilmente la città doveva essere
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cinta da mura 255 Dopo la guerra sociale Roma conferì a Pinna Vestinorum un territorio
molto ampio che andava fino all’Adriatico 256 La città fu amministrata da quattuorviri,
come attesta un’ iscrizione che riferisce dell’ opera di regolamentarizzazione della fonte
di Acqua Ventina, mediante la costruzione di camere di smistamento e delle relative
cellae a volta (castella e concomeratio), intervento dedicato alle divinità Fons, Ventina e
Vires La fonte è da collocare probabilmente presso l’ estrema propaggine occidentale del
Colle del Duomo 257 Il piano urbanistico della città è stato datato a partire dal I sec a C ,
contestualmente alla sua elevazione a municipium, dopo la guerra sociale (fig. 3) 258
Il municipium è collocato lungo la strada che da Asculum passando per
Interamna e Pinna conduceva a Teate, corrispondente all’ attuale SS 81 Piceno Aprutina
Nonostante la continuità di frequentazione fino ai giorni nostri e al disfacimento del
sito per via delle costruzioni medievali, tratti di tale strada sono ricostruibili presso Porta
da Piedi sul Colle Castello fino a Porta San Francesco, che tra I sec a C e I sec d C
sarebbe stata oggetto di un rifacimento Il tracciato risale almeno fino al III sec a C ,
come dimostrano alcuni tratti scavati fuori dalla città così come edifici rustici e necropoli
rinvenuti lungo il suo tracciato Il terrazzamento sostruttivo della strada di ingresso alla
città è stato collocato però cronologicamente ad un periodo non anteriore alla metà del I
sec a C , in concomitanza con la formazione del municipium 259 L’ altro asse importante
per la città era costituito da un diverticolo della via Flaminia Adriatica ad est
La città antica era situata sul Colle Duomo, dove scavi sistematici hanno messo
in evidenza un piano ortogonale con orientamento nord-est/sud-ovest 260 L’ impianto
viene adattato alla morfologia del luogo e disposto su terrazzamenti Rimane difficile
ricostruire con precisione l’ impianto urbanistico della città, che durante l’ età romana
doveva estendersi su una superficie corrispondente al successivo insediamento
medievale 261 La città romana occupava infatti parte del Colle Castello, le sue pendici
255
Franchi dell’ Orto 2010, p 167-170
256
Liber Coloniarum, II, 257, 11 L
CIL IX, 3351 L’ acqua di Pinna è ricordata tra l’ altro da Vitruvio per le sue proprietà terapeutiche:
Vitruvio, De Architectura, VIII, 3, 5
257
Staffa 2000-2001, p 295; Staffa 2010, p 94 Secondo M Buonocore l’ insediamento sarebbe stato
formato subito dopo la fine della guerra sociale: Buonocore 2010, p 222
258
259
Staffa 2010, p 158
260
Staffa 2000-2001, p 306-311
261
Staffa 2000-2001, p 295
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Figura 3: Pinna Vestinorum, planimetria della città moderna con i resti delle strutture antiche.
Crediti/fonte: Franchi Dell’ Orto 2010.
262
Staffa 2010, p 97
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verso l’ attuale viale Ringa, l’ area di piazza Luca da Penne ed il Colle del Duomo fino
all’ area di Porta San Francesco 262 Un impianto termale è stato rinvenuto nella zona
della cattedrale e datato alla prima età imperiale, così come una strada è stata individuata
presso il Palazzo vescovile e datata anch’ essa a questa fase
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Nel settore meridionale di Colle Castello, lungo l’ attuale Viale Ringa, è stato messo
in luce un quartiere residenziale con domus particolarmente sontuose, con la presenza di
ninfei, costruite in opera reticolata e mista, e datate dal II sec a C fino al I sec d C 263
Numerosi bolli laterizi attestano santuari, tra cui quelli con la dicitura Ops/Opes
databili alla metà del I sec a C , che indicherebbero il culto della divinità all’ inizio
della formazione del municipium (81) 264 Un unico santuario dei tanti attestati nei bolli
laterizi è stato collocato nel centro urbano, anche se in maniera molto ipotetica Questo
presenta una pianta quadrata, cella tripartita con pronao antistante La grandezza
sarebbe simile a quella di Castel di Ieri (15 x 19,9 m) datato tra il II e il I sec a C e
troverebbe confronti anche con quello di San Giovanni in Galdo Dalla descrizione
fornita nelle pubblicazioni sembra possa trattarsi di un capitolium
Le élite locali, mercanti e proprietari arricchitisi, si lasciano seppellire a partire
dal II sec a C e nel I sec a C in tombe a camera, come attestano le necropoli di Porta
San Francesco, Arce Conaprato, Casale e Trofigno Nell’ ambito dei corredi vi sono
letti in osso e balsamari in bronzo 265 Riguardo invece alla necropoli di età imperiale
riferibile al centro, questa doveva situarsi a sud-est della città, presso l’ attuale campo
sportivo, lungo il tracciato che conduceva alla valle del Tavo, verso Teate, ed è costituita
da nuclei di tombe a incinerazione 266
Un’ organizzazione urbanistica regolare è stata postulata anche per il sito più
interno di Aveia (fig. 4) Il sito è collocato in Provincia de L’ Aquila e corrisponde in
parte al paese di Fossa, in territorio vestino, lungo un diverticolo che portava alla via
Claudia nova Lo status giuridico di Aveia rimane ancora incerto allo stato attuale della
ricerca Con verosimiglianza fu dapprima praefectura e solo in età augustea il centro fu
elevato a municipium 267
263
Staffa 2000-2001, p 296-299
Sui bolli laterizi riferibili a divinità vd Buonocore 2010, p 222 Tra le divinità attestate vi sono Vesta,
Venere e Giunone
264
265
Franchi dell’ Orto 2010, p 68-81
266
Buonocore, Firpo 1998, p 855, n 44; Franchi dell’ Orto 2010, p 252-253, n 52
La città non compare nell’ elenco fornito da Plinio relativo ai municipia delle regiones augustee
(Plinio, Naturalis historia, III, 107, Vestinorum Angulani, Pennenses, Peltuinates, quibus inguntur Aufinates
Cismontani), è stato quindi proposto che questa, come Peltuinum, fosse da ritenere una praefectura (CIL
IX, 3627 e 3613), mantenendo probabilmente tale status anche in età imperiale L’ unica iscrizione che
menziona il municipium è datata infatti al III sec d C : ILS 9087 Vd La Regina 1968, p 383-384; Coarelli,
La Regina 1984, p 14 e anche La Torre 1985, p 157 A La Regina propone una lettura diversa del testo di
267
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Figura 4: Aveia, ricostruzione planimetrica.
Crediti/fonte: Pesando 2014.
Anche se le indagini sono ancora limitate e preliminari, Aveia sembra evidenziare
comunque un’ organizzazione ortogonale, con una parte alta alle pendici del monte
Circolo e una più bassa pianeggiante, separate da una strada pedemontana 268 L’ unica
evidenza archeologica ricostruibile in linea di massima è la cinta muraria di cui sono
stati indagati alcuni tratti Si tratta di mura in opera incerta di grande pezzatura, con
nucleo in cementizio, che cingono sia la città alta che quella bassa Le due strutture
interconnesse tra loro sono state datate al periodo augusteo, anche se in maniera
molto ipotetica e in attesa di ulteriori auspicabili indagini, sulla base di esigui reperti,
provenienti dalle fosse di fondazione, e in particolare della tecnica muraria, e fatti risalire
all’ istituzione del municipium, secondo l’ ipotesi che vede l’ istituzione del municipium
di Aveia in età augustea 269 Interessante risulta l’ individuazione di un tratto murario
precedente a tale fortificazione, con una tecnica muraria simile, definito genericamente
di età pre-romana ancora non datato con precisione 270 La città si estendenderebbe per
un’ area di ca 24 ettari e presenterebbe isolati rettangolari di 105 x 60 m 271
Plinio integrandolo in questo modo: Vestinorum: Angulani, Pennenses, Trasmontani; Aveiates, Peltuinates
quibus iuguntur Aufinates, Cismontani (La Regina 1968, p 370-371) Di diverso avviso M Buonocore, che
colloca l’ istituzione del municipium all’ epoca augustea, ipotesi accettata anche da F Pesando: Buonocore
2004, p 418-428; Pesando 2014, p 236
Le indagini sono state condotte da La Torre 1985 negli anni Ottanta del secolo scorso e riprese
successivamente nel 2009 da Pesando 2014 Vd anche Sommella 1988, p 141-142
268
269
Pesando 2014, p 235-236
270
Pesando 2014, p 239
271
La Torre 1985, p 162; Sommella 1988, p 142
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Figura 5: Peltuinum, planimetria.
Crediti/fonte: Migliorati 2016.
Secondo Coarelli, La Regina 1984, p 28 la città rimase praefectura senza divenire municipium
Dello stesso avviso G Firpo in Buonocore, Firpo 1998, p 859 e La Regina 1968, p 400 Diversamente
Sisani 2010, p 191: Peltuinum presenterebbe anomalie rispetto alla struttura di tipo quattuorvirale/
duovirale caratteristica dei municipia d’ Italia, tenuto conto che in relazione a questo centro sono attestati
solo quaestores, aediles, praefecti iure dicundo, con la prerogativa censoria segnata dal titolo quinquennalis
associata agli aediles È probabile quindi che il municipium fosse retto da un collegium costituito da praefecti
iure dicundo con affianco gli aediles Peltuinum quindi pur essendo stato elevato a municipium “continua a
rapportarsi al proprio territorio come una praefectura”, quale doveva essere anteriormente al municipium
Sulle fonti letterarie e epigrafiche provenienti da Peltuinum vd Buonocore, Firpo 1998, p 859-891
272
Su Peltuinum Buonocore, Firpo 1998, p 859-891 Secondo Coarelli, La Regina 1984, p 28 la città
rimase praefectura senza divenire municipium Dello stesso avviso G Firpo in Buonocore, Firpo 1998,
p 859 e La Regina 1968, p 400 Diversamente Sisani 2010, p 191 Sulle fonti letterarie e epigrafiche
provenienti da Peltuinum vd Buonocore, Firpo 1998, p 859-891 Un’ analoga attestazione epigrafica del
praefectus iure dicundo è stata restituita da Amiternum e da Nursia, che lascia ipotizzare come in questi
centri la magistratura maggiore del municipium almeno durante la sua prima fase fosse quella dei praefecti:
Sisani 2010, p 202, 205
273
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Nel caso del vicino centro di Peltuinum,272 sempre in area vestina, il centro da
praefectura fu elevato a municipium dopo la guerra sociale (fig. 5) 273
371
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Situato lungo una via della transumanza sul cui tracciato viene costruita nel
47 d C la via Claudia Nova, è verosimile ipotizzare un luogo di culto a partire dall’ età
arcaica probabilmente legato ad Ercole e successivamente a partire dalla metà del
I sec a C consacrato ad Apollo, come attestato da un’ iscrizione che cita la divinità
su una mensa per offerte votive reimpiegata come soglia di una delle tabernae situate
lungo la via Claudia Nova (fig. 7) 274 Una cisterna coperta dal temenos del successivo
tempio di età augustea con materiale di ambito votivo databile tra la fine del IV e la
metà del I sec a C , avvalorerebbe tale ipotesi 275 Inoltre alcune strutture in mattoni
crudi hanno fatto ipotizzare la presenza di un insediamento nel III-II sec a C legato
all’ attività transumante, seppur di difficile definizione e probabilmente non ancora a
carattere urbano 276
In continuità con l’ area sacra viene impostato in epoca augustea all’ estremità
meridionale dell’ area forense un tempio con podio, esastilo prostilo circondato da una
porticus 277
La pianificazione urbanistica del centro è stata collocata alla metà del I
sec a C ,278 proponendo una datazione al 40/30 a C per la cinta muraria in opera
incerta 279 Ancora visibili sono in particolare i resti della porta occidentale a due fornici
I tratti murari visibili e quelli ipotizzati racchiuderebbero un’ area di ca 22 ettari di
274
Migliorati 2008; Migliorati 2011, p 4-5 Sull’ iscrizione (AÉ 1994, 545) e la datazione alla fine dell’ età
repubblicana (II-I sec a C ) vd in particolare Buonocore 1989-1990, p 218 in cui fa riferimento al
contributo di Giustizia 1985, tav XLVII; Sommella 1995, p 284-288, che fornisce una datazione generica
alla fine della Repubblica; per la datazione, ritenuta più probabile, alla metà del I sec a C vd Buonocore
2022, p 144 (l’ articolo è aggiornato rispetto a quello pubblicato nel 1989-1990) e Sommella 2011-2012,
p 284 L’ iscrizione si trova anche nel catalogo di iscrizioni in Buonocore, Firpo 1998, p 882-883, n 106
Sul tratturo e in generale la transumanza in tale territorio vd Migliorati 2010-2011; Migliorati, Canino
2014, p 127-135
275
Migliorati 2008, p 344-346; Migliorati 2011, p 4
276
Sommella 1995, p 280
Per la datazione del tempio all’ epoca augustea vd Bianchi 2009, p 140 Per la divinità titolare del
tempio vd in particolare le osservazioni in Sommella 2011-2012, p 285-286 Sulla porticus vd inoltre
Migliorati, Canino 2014, p 135-138
277
278
Sommella 1988, p 178; Migliorati 2011, p 1; Sommella 2011-2012, p 275
Sommella 2011-2012, p 275 P Sommella esclude tra l’ altro la formazione del centro e la costruzione
della cinta muraria in un periodo precedente alla guerra sociale I tratti di mura in opera incerta ricondotti
alla cinta muraria erano stati collocati in precedenza genericamente alla metà del I sec a C : Blake 1947,
p 233; Jouffroy 1986, p 21
279
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C- Sulmo e Corfinium
Passando ad analizzare i vicini municipia di area peligna, il municipium di
Sulmo, collocato nell’ estremità meridionale della valle Peligna su un pianoro a ca 400 m
s l m delimitato dal fiume Gizio e dal torrente Vella, si trova sulla strada che collegava
la via Valeria con Aufidena e il Sannio La città divenne municipium amministrato da
quattuorviri e iscritto nella tribù Sergia, probabilmente dopo la guerra sociale 286 La
città antica si estende tra la via di Porta romana a nord, il lato settentrionale di piazza
Garibaldi a sud, la via Quatrario a ovest e la circonvallazione orientale a est (fig. 6)
Tali limiti sono inoltre determinati dalla presenza di necropoli, datate in particolare
all’ età imperiale Non si hanno dati dalla città per il periodo precedente l’ istituzione
del municipium, ma solo dal territorio, seppur esigui, in cui sono attestate tombe di età
repubblicana a est del fiume Gizio e fuori la Porta Napoli, che hanno fatto ipotizzare la
posizione dell’ insediamento peligno a Nord di Porta Napoli La posizione risulterebbe
infatti piuttosto strategica, alla confluenza di strade che passano lungo la valle del
Sagittario e in direzione del fiume Sannio
280
Se valida la ricostruzione ipotetica di Coarelli e La Regina: Coarelli, La Regina 1984, p 28
281
Sommella 2011-2012, p 276-277
282
Migliorati 2016, p 54
Con verosimiglianza il teatro è da ritenere intramurario (Sommella 2011-2012, p 279) a differenza
dell’ ipotesi che vedeva l’ edificio collocato al di fuori della cinta muraria (Coarelli, La Regina 1984, p 28)
283
284
285
286
Migliorati 2016, p 53
Campanelli 1996, p 32-34, 37-38
CIL IX, 3023; Bispham 2007, p 469, nota 90
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forma irregolare, di ca 650 m in direzione est-ovest e 600 m in direzione nord-sud 280
L’ impianto urbano è legato al doppio multiplo dell’ actus, che lo fa collocare alla fase
tardo-repubblicana/augustea La strada in direzione NW-SE, poi divenuta claudia
nova, costeggia il rettangolo forense lungo il lato breve settentrionale 281 L’ unico
scavo effettuato lungo la parte conservata del tratturo ha messo in evidenza una strada
ortogonale ad esso 282
Immediatamente a sud del tempio è situato il teatro datato a età giulio-claudia,283
mentre a nord-ovest del sito sono documentate alcune domus costituite da muri in opera
reticolata e opera incerta 284 Le domus sono state collocate alla prima età augustea, con
rifacimenti successivi dell’ età di Caligola 285
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Figura 6: Sulmona, pianta della città con indicazione dei resti antichi.
Crediti/fonte: Van Wonterghem 1984, p. 228, fig. 306.
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L’ urbanizzazione della città è collocata nel I sec a C per la presenza della
maggior parte degli edifici in opera reticolata 287 Si tratta di un impianto quadrato di
400 m di lato, non dissimile da quello successivo medievale, che segue il corso dei fiumi
Gizio e Vella Questi ne costituiscono i confini occidentale e orientale L’ impianto è
suddiviso in modo regolare da sei assi viari nei due sensi, per una superficie totale di
ca 17 ettari 288 La città doveva essere cinta da mura, anche se non se ne sono trovati
resti Si ipotizza che in parte le mura servissero a sostruire i pendii scoscesi verso i due
fiumi 289 L’ asse centrale della città è costituito dall’ odierno Corso Ovidio, lungo il quale
sarebbe da collocare il foro Agli estremi di questo asse dovevano collocarsi due porte,
Porta di S Agostino a nord e Porta Salvatoris a sud, come in età medievale Solo la
porta meridionale ha restituito strutture riconducibili all’ età romana, anche se non
riconosciute unanimemente come appartenenti ad una porta (fig. 6, n 28) 290 L’ altro
asse era probabilmente costituito da quello trasversale che unisce la Porta Joannis
Bonorum Hominum e la Porta Joannis Passeri, e che avrebbe costituito probabilmente
il decumano L’ andamento delle vie trasversali ha fatto pensare ad un orientamento non
perfettamente ortogonale, che richiamerebbe quello di Sepino 291
E’ stato ipotizzato che la città fosse dotata anche di un teatro e un anfiteatro nella
zona nord-est, tra le odierne via Solimo e via Innocenzo VII
All’ interno della città antica sono collocati resti più tardi, soprattutto di
pavimenti mosaicati riconducibili ad abitazioni, da collocare tra il II e il III sec d C
Resti di un quartiere residenziale suburbano sono stati rinvenuti a nord della città, tra
la Porta S Agostino e la Cattedrale S Panfilo (fig. 6, n 20) 292
Riguardo alla necropoli, le tombe più antiche, la maggior parte delle quali
collocate presso la necropoli del Crocefisso, non risalgono oltre il I sec a C (fig. 6,
La Regina 1966, p 115 Secondo A La Regina la città in realtà presentava una cinta muraria e quindi
era già strutturata prima della guerra sociale
287
288
Coarelli, La Regina 1984, p 133-137 Per la ricostruzione urbanistica della città vd La Regina 1966
289
Secondo Ovidio le mura delimitavano una città di piccole dimensioni: Ovidio, Amores, III, 15, 12
290
Van Wonterghem 1984, p 130, n 28
291
Van Wonterghem 1984, p 226
Van Wonterghem 1984, p 130, n 20 Inoltre le iscrizioni attestano numerosi culti, tra cui quello di
Angitia, Cerere e Venere (CIL IX, 3076) oltre a una serie di culti di divinità romane e al culto imperiale
Inoltre sono attestati vari personaggi di origine locale quali L Staio Murco, pretore nel 45 a C e il poeta
Ovidio, che sottolinea l’ estensione limitata della città CIL IX, 3080; Velleio, II, 69
292
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n 35) 293 Ad ovest della città invece lungo le vie di percorrenza verso ovest erano situate
le necropoli più antiche, nella parte settentrionale con una frequentazione anche in età
imperiale 294
Subito fuori dalla città, a nord-ovest di essa, è stata rinvenuta una stipe votiva
con monete, oltre a ornamenti in bronzo e statuette fittili, databili alla seconda metà del
I sec a C , probabilmente riconducibili a un santuario extra-urbano (fig. 6, n 25) 295
Sulmona mostrerebbe quindi un’ urbanizzazione dopo la guerra sociale,
diventando con l’ amministrazione da parte di Roma il centro principale in quest’ area 296
Passando al centro di Corfinium, questo situato nell’ attuale Corfinio è il centro
più importante tra i Peligni fino alla guerra sociale (fig. 7) 297 La sua posizione risulta
particolarmente strategica, in quanto posto sulla riva destra del fiume Aterno, in cui
confluiscono la via appenninica proveniente da nord e la via Valeria, che in antichità
aveva come ultimo centro proprio Corfinium La città ebbe il ruolo di capitale degli
insorti durante la guerra sociale, assumendo il nome di Italica 298 Secondo Diodoro
Siculo al tempo la città presentava un foro, una curia, oltre ad arsenali e depositi di
tesoro e provviste 299
La città divenne municipium verosimilmente subito dopo la guerra sociale per la
presenza dei quattuorviri 300 Come tutta la zona dei Peligni, il territorio venne inserito
nella tribù Sergia Cesare colloca Corfinium a 7 miglia a N di Sulmo Successivamente
nel liber Coloniarum Corfinium è collocato nella Provincia Valeria301 sotto le Civitates
Piceni e Civitates Regionis Samnii 302
293
Van Wonterghem 1984, p 130, n 35
294
Van Wonterghem 1984, p 226
295
Van Wonterghem 1984, p 130, n 25
296
Ipotesi avanzata anche in Dionisio 2015
Van Wonterghem 1984, p 113-122; Coarelli, La Regina 1984, p 118-132; Plinio, Naturalis historia,
III, 106; Strabone, V, 4, 2 Su Corfinium vd in generale van Wonterghem 1984; Valenti 2010; Biella 2010;
Isayev 2011; Dionisio 2015
297
298
Velleio Petercolo, II, 16; Diodoro Siculo, XXXVII, 2
299
Diodoro Siculo, XXXVII, 2
300
Bispham 2007, p 500, Q84
301
Cesare, De bello civili, I, 16-23; Liber Coloniarum, I, 228, 18
302
Liber Coloniarum, II, 255, 3-12; II, 260, 3
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Figura 7: Corfinio, pianta della città con indicazione dei resti antichi.
Crediti/fonte: Van Wonterghem 1984, p. 121, fig. 108.
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Il primo nucleo della città si ipotizza fosse posto su una zona terrazzata, dove fu
in seguito costruito il Castro medievale di Pentima L’ area presenta le pareti scoscese su
tre lati, mentre un quarto lato è collegato con un altopiano E’ stato ipotizzato si tratti
di un vicus per la presenza di relative tombe a camera datate tra il IV e il I sec a C Tale
vicus, con una frequentazione a partire dal V sec a C viene lentamente ad allargarsi
dal IV sec in poi, in modo particolare nel II sec a C 303 L’ uso della lingua locale così
come l’ utilizzo delle tombe a camera terminano con la fine della guerra sociale Con
l’ istituzione del municipium sono attestate infatti tombe a incinerazione, così come i
monumenti funerari a torre
La collocazione della città della fine dell’ età repubblicana e di età imperiale è stata
riconosciuta nella località Piano di Civita L’ impianto urbano si organizza intorno alla
via Valeria (attuale via Poppedio)304 e la via proveniente da sud-est, corrispondente alla
via di Pratola, lungo la quale è collocata una necropoli di età repubblicana (fig 84, n 3,
p 33-35) 305 Lungo la via di Pratola tra il Castrum e la necropoli sarebbe da collocare
secondo Wonterghem l’ area sacra di un ipotizzato pagus,306 mentre la via Poppedio
determina l’ urbanizzazione di età romana, nell’ attuale loc Madonna del Loreto e
Loc S Giacomo La collocazione del foro rimane incerta, ipotizzata inizialmente
vicino la chiesa di Madonna delle Grazie, lungo la via di Pratola in quello che più
probabilmente sembrerebbe trattarsi di un campus 307
Cesare fa riferimento a mura probabilmente costruite quando il centro divenne
municipium, che comprenderebbero sia la parte arroccata sia parte dell’altopiano, come
testimonia la posizione delle necropoli di età repubblicana 308 Il teatro, di cui si riconosce la
planimetria grazie alla disposizione a semicerchio delle case intorno al paese, si addossava
alle pendici della collina, con muri radiali in opera incerta per la parte occidentale
costruita e una cavea di 75 m (fig 84, n 4) 309 L’ edificio è stato datato all’inizio del I
Molti segnacoli presentano iscrizioni in dialetto locale e alfabeto latino, segno di una precoce
penetrazione della cultura romana
303
304
Van Wonterghem 1984, p 48, n 3
Van Wonterghem 1984, p 48, n 33-35 Per una descrizione dettagliata delle varie tipologie di tombe
rinvenute a Corfinium vd Van Wonterghem 1984, p 144-154
305
306
Van Wonterghem 1984, p 118
307
Van Wonterghem 1984, p 157-162
Cesare, De bello civili, I, 16-23 Caesar […] iuxtaque murum castra posuit; Cesare, De bello civili, I, 21:
Domitius […] portas murosque adversari iubet
308
309
Van Wonterghem 1984, p 48, n 4
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sec a C , per via di un’iscrizione in cui viene menzionato un quattuorviro quinquennale
T. Mittius Celer, che ne curò la sua costruzione, con gradinate 310 E’ inoltre menzionata la
costruzione di un mundus, inteso come probabile atto fondativo del municipium 311
Presso il cimitero di Corfinio, sempre nella zona Piano S Giacomo, sono state
trovate tombe repubblicane, che non documentano un utilizzo della necropoli in età
imperiale (fig 84, n 20) 312 L’ assenza di una fase imperiale ha fatto pensare che tale zona
fosse occupata dal centro urbano tra la fine della Repubblica e la prima età imperiale
Lungo la via di Pratola, probabilmente in posizione extraurbana sono collocati
due edifici templari di piccole dimensioni di età tardo repubblicana o inizio dell’ età
imperiale 313 Uno presenta un edificio in opera cementizia con paramento in opera
incerta, orientato nord ovest/sud-est, con cella quadrata, pronao e due colonne in antis
Per la tecnica costruttiva il tempietto è stato ricondotto a un periodo compreso tra la
prima metà del I sec a C e il I sec d C Il materiale votivo trovato nelle vicinanze tra
cui sette statuette bronzee di Ercole, hanno fatto identificare in questa divinità quella
venerata nel tempio L’ orientamento non coincide con quello della città, ma segue la via
San Giacomo e alcuni edifici nelle vicinanze, elemento che ha fatto ipotizzare si tratti
probabilmente dell’ area sacra del più antico pagus poi monumentalizzata durante l’ età
imperiale (fig 84, n 10) 314
D- Teate
Nel territorio della popolazione italica dei Marrucini viene istituito invece un
unico municipium, quello di Teate, i cui resti sono situati nella città di Chieti (fig. 8) 315
Definita da Silio Italico magnum Teate, il centro è situato su di un colle tra il fiume
Pescara a ovest e il fiume Alento a est Il municipium fu amministrato da quattuorviri,
mentre successivamente divenne colonia, come attesta un’ iscrizione di età tarda (113) 316
CIL IX, 3173 T. Muttius P.f. Celer IIII v(ir) q(uinquennalis)/theatrum, mundum, /gradus, faciendos
cura(vit), / senatique consultum / fecit[que] utei pequnia(m) a/populo pageis retribueret.
310
311
Vd a tal proposito Buonocore, Firpo 1991, p 227, n 31; Gros, Torelli 1988, p 153
312
Van Wonterghem 1984, p 48, n 20
313
Van Wonterghem 1984, p 48, n 12; per la descrizione dell’ edificio vd ibid , p 127-130
314
Van Wonterghem 1984, p 48, n 10; CIL IX, 6333, 6336
315
Viglietti 2008; Iaculli 2017; Liberatore 2017
Silio Italico, VIII 522; CIL IX, 3022; CIL IX, 3044 Secondo Buonocore, Firpo 1991, p 100 Teate
divenne municipium durante la guerra sociale e mantenne anche in seguito tale status giuridico
316
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Figura 8: Teate, posizionamento degli edifici antichi nell’ area della città moderna.
Crediti/fonte: Liberatore 2017.
A Teate è stato individuato l’ asse centrale della città, che correva parallelo
all’ attuale corso Marrucino, spostato di 6 m verso est rispetto a questo e corrispondente
al tratto urbano della via Valeria La gran parte degli edifici antichi rinvenuti, quali
un edificio termale, il teatro e tre tempietti lungo il lato lungo nord-occidentale
dell’ ipotetica piazza forense, si colloca alla metà del I sec d C 317
Pochi ma di estremo interesse sono i dati sulla fase precedente, riferibili in
particolare a strutture di carattere sacro Sulla Civitella, una zona ad ovest e più elevata
rispetto alle evidenze di età imperiale, una porticus in opera reticolata di età cesariana
interseca una struttura sacra più antica (il c d edificio De Chiara), costituendone il
terminus ante quem relativo alla sua dismissione 318 La struttura non si è conservata,
ma gli elementi di decorazione architettonica in terracotta permettono la ricostruzione
di un frontone con la Triade capitolina, oltre a due frontoni, uno con i Dioscuri e
Coarelli, La Regina 1984, p 143-151; Sommella 1988, p 180-181 Teate divenne municipium
subito dopo la guerra sociale e rimase tale anche in età imperiale: su Teate vd anche Gabba 1972, p 100;
Buonocore, Firpo 1991, p 392
317
318
Liberatore 2017
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l’ altro con Apollo, Ercole e le Muse, questi ultimi due collocati alla prima metà del
II sec a C 319 La costruzione del capitolium della città potrebbe riferirsi invece ad
una fase subito successiva alla guerra sociale, in concomitanza con l’ istituzione del
municipium 320 E’ stato inoltre ipotizzato che la sua costruzione sia dovuta a uno dei
membri della famiglia degli Asinii 321
Il culto capitolino probabilmente fu spostato in età imperiale nella zona
orientale della città presso l’ area forense con la costruzione alla metà del I sec d C
di tre tempietti su alto podio interpretati non senza riserve come capitolium 322 Anche
i tempietti si impostano su strutture in opera quadrata riconducibili a una struttura
sacra precedente, cui sarebbero da riferire terrecotte architettoniche del II sec a C 323
All’ angolo occidentale della piazza del foro è stato individuato un tempio tetrastilo
prostilo in antis contemporaneo ai tre tempietti, nella cui costruzione sono stati
reimpiegati blocchi di tufo riconducibili a un edificio precedente, con funzione sacra,
se si attribuiscono a questo edificio alcune terrecotte architettoniche datate tra la fine
del II sec a C e l’ inizio del I sec a C , oppure da interpretare come curia se si esclude
un legame con le terrecotte architettoniche 324
E- Alba Fucens, Marruvium e Anxa
Una microregione distinta è caratterizzata dal lago del Fucino e i municipia
a esso afferenti, corrispondenti alle zone delle popolazioni dei Marsi e in parte degli
Aequi Dopo la guerra sociale vennero istituiti in quest’ area tre municipia: Marruvium
sulla sponda orientale del lago Fucino in una zona verosimilmente non abitata in
precedenza, Anxa sulla sponda occidentale, su di un sito dove dal III sec a C sorgeva
un santuario consacrato alla divinità italica Angitia e l’ antica colonia di Alba Fucens a
nord, lungo la via Valeria
La colonia latina di Alba Fucens fu fondata nel 303 a C per controllare la
regione della popolazione italica degli Equi lungo la Via Valeria, la cui costruzione
319
Liberatore 2017, p 157-160
320
Liberatore 2017, p 160-161
321
Liberatore 2017, p 161-163
322
Iaculli 2017, p 108-115; Liberatore 2017, p 158-165
323
Liberatore 2017, p 164
324
Iaculli 2017, p 115
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può essere collocata con verosimiglianza nel 307 a C (fig. 9) 325 La città è divisa da
assi stradali in blocchi regolari di forma allungata e risulta munita da mura in opera
poligonale costruite nel momento della fondazione della città; a questa fase sono state
riferite anche la rete stradale urbana e le porte urbiche 326 Tra la cosiddetta Via del
Miliario e Via dei Pilastri è situato il foro, con i principali edifici di carattere civile: il
comitium e il diribitorium ritenuti contemporanei alla fondazione della colonia, e la
successiva basilica di fine II-inizio I sec a C , impostata su di una zona verosimilmente
già in precedenza funzionalizzata ad area pubblica;327 più a sud si trova il santuario
di Ercole, le cui terrecotte architettoniche lasciano ipotizzare una prima fase già a
partire dal III sec a C 328 Tale complesso è da interpretare verosimilmente come un
forum pecuarium 329 A nord-ovest del santuario vi sono edifici più tardi, in particolare
un complesso con il macellum del I sec a C e le terme di cui è attestata una fase di
II sec d C Le altre strutture poste lungo le strade sono tabernae e abitazioni, di cui
emerge con sicurezza una fase medio-imperiale 330
L’ antica Marruvium, oggi situata nel comune di San Benedetto dei Marsi, in
Abruzzo, è collocata invece direttamente sulla sponda orientale del Lago Fucinus,
non lontano dalla via Valeria e lungo il fiume Giovenco Inserito nell’ elenco di
Plinio il Vecchio il municipium è retto da quattuorviri, carica documentata fino ad
età tiberiana,331 e di conseguenza con verosimiglianza sorto nel periodo successivo la
guerra sociale 332 Rimangono comunque ad oggi nulli i dati archeologici relativi alla
fase precedente la guerra sociale Differente invece la situazione per ciò che riguarda il
periodo successivo a questa, quando Marruvium divenne municipium
Livio, IX, 45; X, 1, 1-2; In particolare una sintesi relativa alle vicende di scavo nel sito di Alba Fucens
si trovano in Balty 2012
325
326
Liberatore 2004, p 132
327
Liberatore 2004, p 135-141
328
De Visscher et al. 1963; Liberatore 2014
Coarelli, La Regina 1984, p 87 I materiali rinvenuti nell’ area del santuario lasciano ipotizzare un’ area
sacra in questo luogo già a partire dal III sec a C , mentre le strutture risalgono solo al I sec a C L’ ipotesi
del forum pecuarium non viene accettata da D Liberatore, che ritiene l’ apparato scultoreo troppo ricco per
una tale interpretazione: Liberatore 2014
329
330
Di Cesare, Liberatore 2017
331
CIL IX, 3664 e 7678
332
Plinio, Naturalis historia, III, 106 Per una discussione a riguardo vd Letta 1988, p 206-207
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Figura 9: Alba Fucens, planimetria.
Crediti/fonte: Mertens 1969.
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Il centro presenta un’ organizzazione ortogonale all’ interno di un’ area compresa
tra un ramo del fiume Giovenco a nord, un tratto di cinta muraria a sud, due monumenti
funerari a torre a ovest e alcune tombe del I sec a C a est, dove poi verrà impostato
l’ anfiteatro di età augustea (fig. 10) 333
A Marruvium è attestato su base epigrafica anche un capitolium della fine dell’ età
repubblicana, da collocare con buona probabilità presso l’ attuale Chiesa di Santa
Sabina nel centro del paese di San Benedetto dei Marsi 334 Una serie di strutture in opera
reticolata, riferite ad edifici sia privati che pubblici, indicano una strutturazione della
città nel periodo subito successivo alla municipalizzazione e una monumentalizzazione
in età augustea In particolare lungo via Vittorio Veneto è attestata una ricca domus nei
pressi dell’ area pubblica della città
Figura 10: Marruvium, probabile estensione del municipium con indicazione delle evidenze archeologiche.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
333
Per una sintesi critica delle evidenze vd Blasetti Fantauzzi 2016; Blasetti Fantauzzi 2019
CIL IX, 3688; Letta, D’ Amato 1975, n 49: Octavius Laenas [.] Cervasius P.f. IIIIvir(i) quinq. viam
post Capitolium silice sternend(am) ex d.d. locarunt idemq(ue) probar(unt) Per la collocazione vd Coarelli,
La Regina 1984, p 101
334
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La fondazione ex nihilo del municipium Marruvium si è resa necessaria con
verisimiglianza per sfruttare il territorio lungo la sponda orientale del lago 335 Il
lago, così come la vicinanza all’ unico fiume della regione e più in generale quindi il
complesso delle risorse naturali, hanno probabilmente giocato il ruolo decisivo per il
posizionamento del sito Dirimente inoltre è stato certamente anche il rapporto con
la rete stradale, poiché Marruvium era collegato alla via Valeria, situata a non molta
distanza, ed era inoltre in comunicazione con le strade che gravitavano intorno al lago
La posizione strategica rispetto alla disponibilità di risorse e il buon collegamento con il
territorio sono stati probabilmente i criteri dirimenti alla base di tale nuova fondazione
Sulla sponda del lago opposto a Marruvium è situato invece un complesso
sacro ricondotto al culto della dea italica Angitia, intorno al quale venne organizzato
dopo la guerra sociale uno spazio urbano, che divenne municipium, con il nome di
Anxa, come attesta la notizia di Plinio 336 Il municipium, disposto su terrazze lungo
le pendici scoscese e rocciose del monte Penna, si allargò dopo il 52 d C , acquisendo
parte delle terre bonificate da Claudio 337 Non si hanno dati sufficienti per delineare le
caratteristiche del sito urbano o la sua estensione In località il Tesoro presso l’ attuale
paese di Luco dei Marsi è stata individuata l’ imponente area sacra, nella parte orientale
del monte Penna, disposta su terrazze rivolte verso il Fucino ai piedi di un balzo roccioso
e all’ interno di un circuito murario in opera poligonale datato per la tecnica muraria di
III e IV maniera al IV sec a C Tale area è stata identificata con il Nemus Angitiae di
cui riferisce Virgilio nell’ Eneide, luogo legato sia ai serpenti sia alle sue caratteristiche
magiche, curative e di fertilità 338 Il complesso è considerato nella letteratura come il
santuario federale dei Marsi, mentre il nome della dea nella più antica attestazione è
A(n)ctia da cui deriverebbe il nome del municipium
F- Iuvanum e Larinum
Così come per il caso di Anxa, nell’ ambito dell’ impostazione dei municipia,
sono attestati alcuni casi di santuari con una valenza territoriale scelti come sede per le
nuove città Tali santuari vengono monumentalizzati nel II secolo a C e si trovano in
335
Blasetti Fantauzzi 2019; Blasetti Fantauzzi 2020
336
Plinio, Naturalis historia, III, 106
Di diverso avviso S Sisani, che colloca il sito di Anxa presso Scanno, per la presenza di iscrizioni che
menzionano i decuriones (CIL IX, 3088; 3093) e un quattuorvir (CIL IX, 7143): Sisani 2021, p 45, nota
30
337
338
Virgilio, Eneide, VII, 755-760
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Figura 11: Iuvanum, planimetria dei templi A e B.
Crediti/fonte: Fabbricotti 1997.
Un sito importante in questo senso è quello di Iuvanum nel territorio dei
Carricini L’ insediamento, situato su di un plateau ad un’ altitudine di 1 000 m,
Alcuni di questi santuari furono definitivamente abbandonati dopo la guerra sociale, come il
santuario di Monte Rinaldo nel Picenum e quello di Pietrabbondante nel Sannio Riguardo al santuario di
Pietrabbondante vd Strazzulla 1971; La Regina 1976; La Regina 1984; Coarelli, La Regina 1984, p 230256; Stek 2009, p 40-43 Monte Rinaldo è stato oggetto di recenti scavi archeologici, che hanno permesso
di delineare con precisione le sue fasi di frequentazione: Demma 2019, p 343-344; Giorgi et al. 2020
339
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punti territoriali importanti lungo le rotte della transumanza, risultando poi inglobati
nei nuovi municipia 339
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presenta una fase di frequentazione a partire dal IV sec a C fino al VI sec d C 340 A
partire dal III sec a C è attestato un santuario sannita Durante il III o il II sec a C fu
costruito un temenos di forma poligonale (fig. 11) All’ interno dell’ area terrazzata, sono
stati posti due templi allineati tra di loro, rivolti a sud-est dove è situato l’ ingresso 341
Alla fine del II secolo a C , il santuario fu completato da un teatro di pietra locale, che
potrebbe essere stato utilizzato per spettacoli, riunioni religiose, civili e politiche 342
Il sito di Iuvanum presenta una continuità di frequentazione durante il periodo
della municipalizzazione Nella parte settentrionale della collina del santuario, su di
un altopiano, viene infatti impostato il foro del municipio (fig. 12) Lo spazio forense
risulta di piccole dimensioni (67 x 27 m), con la via d’ accesso che collega il foro
con l’ area rialzata dei templi Nell’ area settentrionale è presente una basilica, la cui
costruzione, sulla base di un’ iscrizione in cui si menzionano anche un tribunal e altri
edifici ma in cui non è possibile riconoscere il nome dei costruttori, è stata fatta risalire
alla concessione dello statuto municipale 343
Il foro presenta poi una monumentalizzazione di età giulio-claudia, come
attesta un’ iscrizione pavimentale bronzea su tre lastre, rivenuta lungo l’ asse minore
mediano del foro datata al 49 d C , che menziona C Herennius Capito, a cui si deve la
pavimentazione dell’ area 344 Alcune strutture a sud della piazza, allineate con il foro di
forma pseudo-rettangolare, sarebbero da collegarsi alle pratiche cultuali del santuario 345
In generale su Iuvanum vd Fabbricotti 1990; Fabbricotti 1992; Fabbricotti 1997; Fabbricotti 2008;
Lapenna 1997; Lapenna 2006 Il nome del municipium è noto da fonti epigrafiche tarde del 352/357 d C
(CIL IX, 2956)
340
Un primo tempio (A) fu costruito nel III o nella prima metà del II sec a C nella parte centrale del
recinto sacro All’ inizio del II sec a C , il secondo tempio (B) fu costruito parallelamente al primo, a una
distanza di circa 4 m a nord di esso Le datazioni fornite in vari contributi di E Fabricotti e S Lapenna sono
differenti In Fabbricotti 2008 si parla di un temenos costruito nel corso del III sec a C , con il tempio A
anch’ esso datato nel III sec a C , mentre in Lapenna 1997 la datazione è più tarda, spostata alla prima
metà del II sec a C Verosimilmente si deve ritienere valida quest’ ultima datazione, poiché proposta in
tutte le pubblicazioni successive allo scavo
341
342
La datazione del teatro non è certa, tenuto conto che la documentazione di uno scavo effettuato negli
anni Quaranta del Secolo scorso è andata persa
343
CIL IX, 2961; Jouffroy 1986, p 49; Paci 1990, p 56; Gros 1996, p 244; Walthew 2002, p 45-52
Sull’ iscrizione oltre che per la posizione dell’ iscrizione, la planimetria del foro e i confronti con altri
siti della penisola vd Iaculli 1990 Vd anche Firpo 1997
344
Un certo numero di altre strutture indicano un’ occupazione precedente a questa fase La loro funzione,
tuttavia, non è chiara È stato ipotizzato possano aver avuto una funzione abitativa Queste (stanze I, L, K,
345
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Figura 12: Iuvanum, foro e basilica.
Crediti/fonte: Gros 1996.
L’ osservazione di questi esempi mostra in modo evidente come lo spazio forense
sia stato impostato al momento della nascita dei municipia, diventando un elemento
costitutivo di queste città La connessione tra foro e processo di municipalizzazione
risulta evidenziata anche dal fatto che in alcune città fondate in una fase anteriore alla
guerra sociale e quindi già strutturate, il foro sembra svilupparsi solo in concomitanza
con la municipalizzazione
Una situazione piuttosto simile è attestata a Larinum nell’ area dei Frentani, dove
il foro è sovrapposto a un quartiere abitativo più antico
J, W, X, Z) hanno un orientamento diverso dalle strutture del periodo giulio-claudio collocate nell’ angolo
sudorientale del foro (strutture A, B, C, D, G) e sono parzialmente intersecate dalla strada del foro
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Figura 13: Larinum, prima fase del
foro.
Crediti/fonte: Caliò et al. 2012.
Figura 14: Larinum, seconda fase
del foro.
Crediti/fonte: Caliò et al. 2012.
346
Su Larinum vd in particolare De Felice 1994; Caliò et al. 2012; Robinson 2021
347
Caliò et al. 2012, p 174
348
Caliò et al. 2012, p 173-174
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Sono documentate tre aree con differenti orientamenti all’ interno della città 346
La più recente di queste, relativa al foro, indica una riorganizzazione urbanistica nel
contesto della municipalizzazione (fig. 13) Il foro, costruito nella sua prima fase
all’ inizio del I sec a C , presenta una planimetria piuttosto semplice, con una struttura
a pettine con stanze rettangolari, situata su uno dei lati corti della piazza (50 x 100 m)
e preceduta da un portico, con una funzione verosimilmente commerciale 347 Nel
periodo augusteo, il foro fu ampiamente rimodellato e dotato di monumenti onorari,
rivelando così una maggiore attenzione alle funzioni di rappresentanza, nel cui contesto
fu costruita anche un’ area absidata (fig. 14) 348
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I dati topografici dei municipia lasciano emergere come questi siano nella gran
parte situati in zone pianeggianti o leggermente elevate e quasi costantemente nei pressi
di corsi d’ acqua (fig. 15) E’ possibile infatti individuare un rapporto con il sistema
fluviale costituito dal corso d’ acqua principale oppure dalla media o alta valle di un
fiume Nel caso di Sulmo il municipium è a fondovalle tra due fiumi che ne costituiscono
anche il confine topografico lungo i due lati Allo stesso modo Marruvium sembrerebbe
evidenziare confini naturali in due rami del fiume Giovenco
Alcuni municipia sono disposti in posizione strategica, in zone collinari in
prossimità di fiumi Teate è situata su un colle tra i fiumi Pescara a ovest e Alento a est,
Hadria su un plateau tra i fiumi Piomba e Calvano e Larinum presso la Valle del Biferno
Interamna Praetuttianorum è situata anch’ essa su una terrazza fluviale di forma trapezoidale
delimitata a Nord e a Est rispettivamente dai fiumi Vezzola e Tordino 349 Direttamente
sulla costa sono collocati pochi municipia, tra cui quelli di Hortona e Histonium 350
Figura 15: Il contesto geografico dei municipia dell’ Italia centrale.
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
349
Migliorati 1976, p 246 Indicativo anche il toponimo
350
Sulla collocazione topografica di tali municipi si hanno solo dati epigrafici
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3- Il rapporto dei municipia con il sistema fluviale e quello viario
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Spesso i fiumi vengono utilizzati anche come confini territoriali, come nel caso
di Hadria, Angulum351 e Pinna Vestinorum Verso l’ interno, la vicinanza a un corso
d’ acqua o la collocazione lungo una valle fluviale risultano essere allo stesso modo una
caratteristica quasi generale Aveia si trova presso il fiume di Fossa, affacciato sulla Valle
dell’ Aterno La presenza di una falda acquifera e la conseguente disponibilità di acqua
e di facilità nell’ approvvigionamento idrico deve aver contributo anche alla scelta del
luogo per l’ impianto del centro romano di Peltuinum, oltre alla posizione su un vasto
pianoro all’ interno di una conca intramontana 352
Le valli fluviali costituiscono nel contempo un elemento di collegamento tra i
vari municipia come si evince dai municipia situati nella valle del Sangro, quali Aufidena
nell’ alta valle del Sangro e Iuvanum e Anxanum (Lanciano)353 lungo la media e bassa
valle del Sangro, mentre Histonium (Vasto) gravita sul Trigno, alla cui foce è vicino
Nella parte appenninica più interna hanno lo stesso ruolo le Valli dell’ Aterno, la Valle
del Sagittario e la Valle Roveto Un caso diverso è quello dei municipia nati intorno
all’ antico lago del Fucino, ora bonificato e usato per scopi agricoli, lago che costituiva
nell’ antichità la risorsa naturale più significativa della zona in particolare per i municipia
di Marruvium e Anxa
L’ altro fattore che si può riscontrare nella collocazione dei municipia è il
rapporto con il sistema viario romano, sia con le strade romane principali sia con i loro
diverticoli e, soprattutto per ciò che riguarda l’ area interna appenninica, con i percorsi
della transumanza (fig. 16) 354
351
La collocazione topografica del municipium di Angulum è su base epigrafica
352
Migliorati 2007, p 108-111; Migliorati 2008, p 342; Migliorati 2011, p 2-4
353
La collocazione topografica del municipium di Anxanum è su base epigrafica
Per le strade romane è stato utilizzato McCormick et al. 2013 Le rotte della transumanza sono state
digitalizzate secondo quelle tracciate in van Wonterghem 1992
354
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Figura 16: Il sistema viario dei municipia dell’ Italia centrale. Strade romane (rosso); diverticoli (giallo); strade della
transumanza (tratteggiate).
Crediti/fonte: C. Blasetti Fantauzzi.
Significative in questo contesto si dimostrano la via Caecilia,355 prolungamento
della Salaria, che collega Roma con l’ Adriatico passando per Interocrium, Forum,
Amiternum fino a Hadria, e la Via Valeria che passando per Carseoli, Alba Fucens,
Corfinium arriva fino a Teate e alla costa adriatica Da quest’ ultima si dipanano
diverticoli che collegano Alba Fucens con Antinum verso Sora; Marruvium con
Aufidena; Corfinium con Sulmo, Aufidena, Aesernia fino a Saepinum I municipia sulla
costa sono invece collegati tra di loro tramite la strada costiera che da Castrum Novum
passa per Hortona e proseguendo per Histonium arriva ad attraversare Larinum
355
Sulla via Caecilia vd Guidobaldi 1995, p 293-313
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Particolarmente significative si presentano le rotte della transumanza su cui
sono collocati i centri di Amiternum e Peltuinum, rotte che passando per Anxanum e
Larinum arrivano fino ad Arpi L’ altra rotta nord-sud è costituita dalla strada CelanoFoggia, lungo la quale è collocata Sulmona La terza grande strada di transumanza è
quella che da Aufidena passando per Aesernia si dirige verso Saepinum 356
Il sistema stradale nel suo insieme, come le vie della transumanza, sembrano
quindi aver agito come catalizzatori per lo sviluppo di queste città, in tutta l’ area
appenninica e adriatica dell’ Italia centrale I municipia, situati generalmente nella
valle, vicino ai fiumi e nei pressi di strade e tratturi permettono, infatti, sia un migliore
uso agricolo dell’ area circostante sia di trarre profitto dall’ allevamento intensivo del
bestiame, con il controllo dei relativi mercati, che giocava un ruolo rilevante nelle
dinamiche economiche dell’ Italia centrale tardorepubblicana 357
4- Osservazioni conclusive
Sulla scorta dei dati archeologici presentati, la municipalizzazione in Italia
centrale non sembrerebbe essere stata un processo lento e frammentario, come in genere
supposto, ma più verosimilmente un processo controllato e organizzato centralmente
da Roma L’ istituzione dei municipia coincide, infatti, in molti casi con una nuova
organizzazione urbanistica Gli edifici pubblici non sono solo monumentalizzati con
atti evergetici, ma in molti casi vengono costruiti solo a partire dalla fase municipale
Più in generale, in alcuni casi gli stessi centri furono più probabilmente fondati solo
durante la municipalizzazione piuttosto che semplicemente monumentalizzati in
questa fase, come mostra chiaramente il caso di Marruvium
In questo contesto anche insediamenti già esistenti furono elevati a municipia
Si tratta, soprattutto di colonie latine più antiche e di alcuni insediamenti situati lungo
le vie della transumanza o in generale in punti strategici del sistema stradale romano
Tali centri mostrano in ogni caso una chiara e radicale ristrutturazione dal punto di
Molto probabilmente da un’ indagine di superficie effettuata nel territorio del Fucino sarebbe da
individuare un’ ulteriore rotta in quella che da Marruvium si ricollega ad Aufidena, così come una strada
parallela, la c d via Pecorale, che da Anxa attraversa la Vallelonga per giungere anch’ essa ad Aufidena In
alcuni casi le rotte stradali coincidono con quelle della transumanza (Blasetti Fantauzzi 2016; Blasetti
Fantauzzi 2020)
356
357
Esempi sono il forum pecuarium di Alba Fucens, Nursia e Forum Novum
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vista urbanistico, nell’ ambito della quale si assiste alla realizzazione dell’ area del foro e
degli edifici funzionali alla gestione della vita amministrativa e politica del municipium
La radicale riorganizzazione degli insediamenti più antichi può essere spiegata
in relazione alla funzione che i municipia venivano a svolgere L’ analisi della struttura di
questi centri, infatti, sembrerebbe evidenziare in primo luogo un loro coinvolgimento
nell’ amministrazione e nello sfruttamento delle risorse dei territori Roma aveva infatti
necessità di strutturare dei nuovi poli politico-amministrativi in Italia Si spiegano
quindi in relazione al loro carattere principalmente amministrativo le dimensioni
relativamente ridotte di molti di questi centri Riguardo ai centri di cui è possibile
riscostruire la planimetria, emerge chiaramente una organizzazione ortogonale del loro
spazio urbano con dimensioni ridotte, che supera raramente i 20 ettari
Il municipium presenta in genere soprattutto il foro e alcune strutture pubbliche
Significativa in questo senso è la connessione tra la strutturazione dei fora e l’ istituzione
dei municipia Il foro si configura, infatti, come elemento essenziale e dirimente per i
municipia, sottolineando ulteriormente la natura amministrativa ed economica di tali
centri A ciò si aggiungono gli edifici pubblici connotanti la città, quali ad esempio i
capitolia di Teate e Marruvium o la basilica di Iuvanum
I contesti residenziali finora identificati sostanziano ulteriormente questo
quadro, tenuto conto che si tratta in genere di singole domus, ricche e di grandi
dimensioni Esempi importanti in questo senso sono la domus di via Vittorio Veneto
a Marruvium e le ricche domus di Intermana 358 Tali edifici sono di norma situati nelle
vicinanze del foro, mentre le aree suburbane sembrano non essere occupate, almeno
nelle prime fasi della municipalizzazione La popolazione continua a vivere nelle
campagne circostanti, probabilmente in piccoli insediamenti, in villae e fattorie, come
prima della municipalizzazione Si potrebbe con verosimiglianza interpretare queste
domus come sede di magistrati o edifici con funzioni pubbliche, per la loro vicinanza al
foro e ai suoi monumenti 359
Un ulteriore elemento da sottolineare è relativo alla centralità da riconoscere
ai grandi santuari tardorepubblicani per la localizzazione di alcuni municipia Il
municipium come visto viene istituito nei pressi di alcuni di questi: nel caso di Iuvanum
358
Blasetti Fantauzzi 2016
Alla stregua della condivisibile interpretazione fornita da S Sisani su alcuni casi di singole domus in
municipia di area umbra (Sisani 2014)
359
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il santuario fu integrato nel municipium dopo la guerra sociale, nell’ area del santuario
di Angitia fu istituito invece il municipium di Anxa
Le motivazioni alla base della scelta dei santuari come centri intorno ai quali
strutturare i municipia vanno riconosciute con ogni probabilità nello stretto legame
che questi avevano sviluppato con i territori circostanti, a cui erano collegati attraverso
la rete stradale anteriore all’ istituzione del municipium, che ne favoriva pertanto la
centralità anche nel rinnovato quadro amministrativo di questi comprensori Angitia
e Iuvanum, entrambi strettamente collegati al territorio e posizionati lungo percorsi
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