Christian Berner
Professeur d'histoire de la philosophie de langue allemande
Université Paris Nanterre - département de philosophie
Membre de l'Institut de Recherches Philosophiques (IRePh, EA 373)
Axes de recherche
1. Histoire de la philosophie allemande :
Parmi les philosophes auxquels nous nous sommes attaché figurent nombre d’auteurs souvent considérés comme philosophiquement « secondaires » ou « mineurs ». « Secondarité » dont on sait tout ce qu’elle a de problématique dans son concept, la difficulté tenant avant tout à la détermination de ce qu’est un « grand philosophe ». Nous soutenons que l’intérêt d’un auteur tient au développement qu’il sait donner, dans sa cohérence, à un possible de la pensée, composant une position « typique », en lui donnant une expression systématique. Ce qui signifie que l’histoire de la philosophie ne se réduit pas pour nous à la seule succession des « grands auteurs » : l’histoire de la philosophie nous a semblé plus difficile et devant allier des vues d’ensemble, des synthèses permettant de dégager des grandes lignes comme des grandes ruptures, et des études de détail dans lesquelles l’historien fait finalement régulièrement l’expérience que « ce n’est pas si simple que cela » : il y a bien des ruptures et des continuités secrètes, des intuitions qui n’ont pas été reprises ou reconnues bien qu’intégrées, des dialogues parfois plus serrés qu’en apparence avec des auteurs que le tri de l’histoire n’a pas reconnu.
Nos premières recherches systématiques ont porté sur Schleiermacher, dont nous avons analysé le système philosophique sans isoler, comme cela a le plus souvent été le cas, une partie de son système. Schleiermacher retrouvait ainsi une place légitime auprès des grands philosophes allemands post-kantiens de la réflexion critique (Fichte, Schelling, Hegel). Parallèlement à ces recherches sur Schleiermacher, nous avons resitué, là aussi historiquement, le jeune Feuerbach dans ses rapports avec Schelling et Hegel.
Poursuivant d’une part des recherches sur Schleiermacher commencées il y a plus de vingt ans, nos analyses se sont portées, relativement à la question de la vérité, du sens et de l’absolu, vers d’autres romantiques, notamment Friedrich Schlegel et Novalis autour de 1800. Notre but a été d’éclairer ce moment singulier de l’histoire de la pensée où se développe une théorie réflexive et dialectique de la raison. Cette problématique nous a conduit à revenir en amont sur la philosophie de Kant, et en aval sur Hegel, sur Feuerbach et son anthropologisation dialogique de la raison ainsi que sur le jeune Marx. Il m’importe, pour chacun de ces auteurs, de mettre en évidence la structure réflexive de la raison finie qui s’accomplit comme polémique, conflit, contradiction ou dialectique.
2. Histoire de l’herméneutique :
L’histoire de l’herméneutique est un aspect particulier de nos études historiques. Il s’agit de dégager les enjeux du comprendre dans une tentative d’une fondation non phénoménologique de l’herméneutique. C’est cette caractéristique qui fait la spécificité de notre approche. A cette fin, nous avons mobilisé Kant tout d’abord, lu dans la perspective d’une théorie de la communication, et son précurseur G.F. Meier (dont nous sommes en train de traduire et de commenter l’Essai d’un art universel de l’interprétation [1757]). Pour ce faire, il a fallu se livrer à une lecture critique de l’histoire traditionnelle de l’herméneutique, et nous avons consacré des études non seulement à Dilthey et Gadamer, mais encore à Cassirer, rarement pris en compte dans l’histoire de l’art de comprendre.
3. Herméneutique :
Les recherches historiques sur l’herméneutique trouvent leur écho systématique dans l’élaboration d’une « herméneutique transcendantale et réflexive » qui s’appuie sur E. Cassirer, J. Habermas, K.-O. Apel, J. Simon, J.-M. Ferry. Il s’agit pour nous non seulement de préciser les principaux concepts de l’herméneutique (dictionnaire De l’interprétation en cours de réalisation, en co-direction avec Denis Thouard et avec la collaboration d’une trentaine de spécialistes internationaux), mais encore de s’interroger sur leur instrumentalité même : quelles sont les opérations qu’ils permettent. Partant de cette approche en grande partie épistémologique, qui voit dans l’herméneutique une méthode de saisie du sens pour une raison finie, nous développons une approche plus générale qui s’ouvre d’une part sur la portée éthique de la compréhension (Pourquoi vouloir comprendre ? Tous les hommes désirent-ils naturellement comprendre ? Quels en sont les présupposés ?), d’autre part sur la dimension politique du comprendre (comment sont structurées et comment se règlent des communautés d’interprétation ?). Nous cherchons donc à développer une philosophie de la compréhension qui couvre tant le champ théorique que le champ pratique.
Université Paris Nanterre - département de philosophie
Membre de l'Institut de Recherches Philosophiques (IRePh, EA 373)
Axes de recherche
1. Histoire de la philosophie allemande :
Parmi les philosophes auxquels nous nous sommes attaché figurent nombre d’auteurs souvent considérés comme philosophiquement « secondaires » ou « mineurs ». « Secondarité » dont on sait tout ce qu’elle a de problématique dans son concept, la difficulté tenant avant tout à la détermination de ce qu’est un « grand philosophe ». Nous soutenons que l’intérêt d’un auteur tient au développement qu’il sait donner, dans sa cohérence, à un possible de la pensée, composant une position « typique », en lui donnant une expression systématique. Ce qui signifie que l’histoire de la philosophie ne se réduit pas pour nous à la seule succession des « grands auteurs » : l’histoire de la philosophie nous a semblé plus difficile et devant allier des vues d’ensemble, des synthèses permettant de dégager des grandes lignes comme des grandes ruptures, et des études de détail dans lesquelles l’historien fait finalement régulièrement l’expérience que « ce n’est pas si simple que cela » : il y a bien des ruptures et des continuités secrètes, des intuitions qui n’ont pas été reprises ou reconnues bien qu’intégrées, des dialogues parfois plus serrés qu’en apparence avec des auteurs que le tri de l’histoire n’a pas reconnu.
Nos premières recherches systématiques ont porté sur Schleiermacher, dont nous avons analysé le système philosophique sans isoler, comme cela a le plus souvent été le cas, une partie de son système. Schleiermacher retrouvait ainsi une place légitime auprès des grands philosophes allemands post-kantiens de la réflexion critique (Fichte, Schelling, Hegel). Parallèlement à ces recherches sur Schleiermacher, nous avons resitué, là aussi historiquement, le jeune Feuerbach dans ses rapports avec Schelling et Hegel.
Poursuivant d’une part des recherches sur Schleiermacher commencées il y a plus de vingt ans, nos analyses se sont portées, relativement à la question de la vérité, du sens et de l’absolu, vers d’autres romantiques, notamment Friedrich Schlegel et Novalis autour de 1800. Notre but a été d’éclairer ce moment singulier de l’histoire de la pensée où se développe une théorie réflexive et dialectique de la raison. Cette problématique nous a conduit à revenir en amont sur la philosophie de Kant, et en aval sur Hegel, sur Feuerbach et son anthropologisation dialogique de la raison ainsi que sur le jeune Marx. Il m’importe, pour chacun de ces auteurs, de mettre en évidence la structure réflexive de la raison finie qui s’accomplit comme polémique, conflit, contradiction ou dialectique.
2. Histoire de l’herméneutique :
L’histoire de l’herméneutique est un aspect particulier de nos études historiques. Il s’agit de dégager les enjeux du comprendre dans une tentative d’une fondation non phénoménologique de l’herméneutique. C’est cette caractéristique qui fait la spécificité de notre approche. A cette fin, nous avons mobilisé Kant tout d’abord, lu dans la perspective d’une théorie de la communication, et son précurseur G.F. Meier (dont nous sommes en train de traduire et de commenter l’Essai d’un art universel de l’interprétation [1757]). Pour ce faire, il a fallu se livrer à une lecture critique de l’histoire traditionnelle de l’herméneutique, et nous avons consacré des études non seulement à Dilthey et Gadamer, mais encore à Cassirer, rarement pris en compte dans l’histoire de l’art de comprendre.
3. Herméneutique :
Les recherches historiques sur l’herméneutique trouvent leur écho systématique dans l’élaboration d’une « herméneutique transcendantale et réflexive » qui s’appuie sur E. Cassirer, J. Habermas, K.-O. Apel, J. Simon, J.-M. Ferry. Il s’agit pour nous non seulement de préciser les principaux concepts de l’herméneutique (dictionnaire De l’interprétation en cours de réalisation, en co-direction avec Denis Thouard et avec la collaboration d’une trentaine de spécialistes internationaux), mais encore de s’interroger sur leur instrumentalité même : quelles sont les opérations qu’ils permettent. Partant de cette approche en grande partie épistémologique, qui voit dans l’herméneutique une méthode de saisie du sens pour une raison finie, nous développons une approche plus générale qui s’ouvre d’une part sur la portée éthique de la compréhension (Pourquoi vouloir comprendre ? Tous les hommes désirent-ils naturellement comprendre ? Quels en sont les présupposés ?), d’autre part sur la dimension politique du comprendre (comment sont structurées et comment se règlent des communautés d’interprétation ?). Nous cherchons donc à développer une philosophie de la compréhension qui couvre tant le champ théorique que le champ pratique.
less
Uploads
Papers by Christian Berner
Abstract - The aim of the article is to give an account of the origin of a questioning on the status of the language of philosophy that starts out from the reflection of Friedrich Schlegel on the impetus towards the absolute. This reflection pursued from the debates on the foundation of philosophy in the first post-Kantians, leads him to take up again the ancient dialectic in favour of the rediscovery of Plato. Followed by Schleiermacher in this reactivation of dialectic, we show that it is in this context that hermeneutics, ethics and dialectic are formed simultaneously, all three of which recognise the fact that it is in words that we think. The language of philosophy then finds itself as the object of specific reflection, notably in the text, rarely taken into consideration, that Schleiermacher devotes to «Leibniz’s idea, still incomplete, of a universal philosophical language».
Il s’agit donc de s’intéresser à la notion de sens et de signification (Sinn, Bedeutung) hors de leurs usages directement sémiotiques – soit la perspective que « quelque chose ait un sens ». Dans une telle expression, il ne semble pas en effet que nous faisions pour autant de ces « choses » des signes. La structure d’un « sens » dont seraient porteuses soit les choses, soit surtout la façon dont nous les vivons et en faisons des pièces de notre expérience (ce qui rend en fait cette acception du terme très commune), pourrait être décrite plutôt comme le renvoi d’une réalité donnée à l’horizon d’une réalité (ou d’une idéalité) cette fois simplement postulée, que l’on peut certes nommer, mais pas directement connaître. C’est pourquoi on peut penser que c’est notamment avec Kant que s’ouvre la possibilité philosophique de penser cette structure : c’est en effet aussi celle qui lie l’expérience aux « idées de la raison », notamment les idées de la raison pratique. Si en effet, un objet tel que « Dieu », les diverses instances divines, a de tout temps été capable d’aimanter la réalité humaine en la projetant vers un autre ordre que celui qui paraît émaner du donné, Kant pose le geste de rupture par lequel la philosophie ne posera plus Dieu comme être (dont l’attribut est alors la perfection ; objet de la connaissance métaphysique), mais comme idée orientant l’agir pratique, à partir de ce qu’on ne peut pourtant que « penser » (donc cette fois comme simple limite de la connaissance métaphysique).
Autrement dit, nous sommes désormais renvoyés à ce qui rend pour nous possible l’exercice de la liberté non pas comme à une réalité dont l’effectivité serait certaine en tant qu’antérieure à la nôtre – mais comme à l’objet d’une fin/« telos ». Ce qui fait que quelque chose « fait sens » dans l’existence aurait donc le mode d’effectivité de la cause finale : ce pourquoi on est aussi en droit de penser qu’il agit sur nous, selon la formule aristotélicienne cette fois, « ὤς ἐρώμενος », comme objet d’un/du désir.
La traduction de l’Essai en français permet d’introduire l’herméneutique des Lumières, sa prétention à l’objectivité, son rapport avec la logique et la théorie du langage, dans un paysage marqué par la philosophie herméneutique de Heidegger et Gadamer.