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RDC : « scènes chaotiques » à Goma, où les combats font rage

Le site de déplacement de Rusayo 2 dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo.
© UNHCR/Joel. Z. Smith
Le site de déplacement de Rusayo 2 dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo.

RDC : « scènes chaotiques » à Goma, où les combats font rage

Paix et sécurité

Alors que les combats à l’arme lourde s’étendent désormais au centre-ville de Goma, suite à la percée des rebelles du M23 dans cette métropole de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), des hauts responsables de l’ONU ont appelé les belligérant à convenir de pauses humanitaires pour faciliter l’évacuation des civils et des blessés.

« Les zones de combat actives se sont étendues à tous les quartiers de la ville », a rapporté lundi le Coordonnateur humanitaire de l’ONU en RDC, lors d'une conférence de presse avec des journalistes à New York.

« Des tirs d’artillerie lourde ont été dirigés dans la matinée vers le centre-ville », a précisé Bruno Lemarquis, qui s'exprimait par visioconférence depuis Kinshasa, la capitale du pays.

Des obus ont notamment touché la maternité de l’hôpital Charité maternelle, dans le centre de Goma, tuant et blessant plusieurs civils, y compris des nouveau-nés et des femmes enceintes.

« Les scènes rapportées par les collègues et partenaires humanitaires sur le terrain sont tout simplement chaotiques », a indiqué le Coordonnateur humanitaire.

Changement d'équilibre sur le terrain

Pour le chef des opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, qui participait également à la conférence de presse depuis Damas, en Syrie, cette situation est le reflet d’un changement significatif dans l'équilibre des forces sur le terrain en faveur des forces du Mouvement du 23 mars, dit M23, et de l’armée rwandaise, qui soutient le groupe armé.

M. Lacroix a précisé que les Casques bleus de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) restent sur leurs positions sur le terrain, aux côtés de l’armée régulière du gouvernement de Kinshasa et des forces de la mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SAMIDRC).

Une situation humanitaire très préoccupante

Alors que les combats font rage, des centaines de milliers de personnes tentent à l’heure actuelle de fuir les violences à Goma, l’une des principales métropoles du pays.

Selon M. Lemarquis, 700.000 d’entre elles étaient déjà déplacées et vivaient dans des conditions « désastreuses » aux abords de la ville.

Vendredi dernier, alors que la ligne de front progressait rapidement en direction de Goma, le Coordonnateur humanitaire a indiqué que plusieurs sites hébergeant au moins 300.000 déplacés ont été complètement vidés.

« Fuir au beau milieu des affrontements présente un risque mortel, mais pour beaucoup il n'y a pas d’autre choix », a-t-il ajouté.

Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, compte plus de 2 millions d'habitants, dont au moins 500.000 déplacés.
UNOCHA/Francis Mweze

Des hôpitaux débordés

Dans ce contexte, les hôpitaux de Goma sont débordés et peinent à gérer l’afflux de blessés.

Le Coordonnateur humanitaire a notamment indiqué que l’hôpital général de Ndosho, l’un des principaux établissements de santé de la ville, est inondé de patients, bien au-delà de sa capacité d’accueil.

Au 24 janvier, l'établissement traitait 259 patients, dont 90 civils, alors qu’il ne dispose que de 146 lits, a précisé M. Lemarquis. 

Rien qu’aujourd’hui, a-t-il ajouté, 117 blessés supplémentaires ont été admis pour des soins critiques.

L’approvisionnement en eau et en électricité est lui aussi compromis, et les services Internet ont été coupés.

« Bien que les réseaux téléphoniques restent opérationnels pour l’instant, la communication et la coordination des efforts humanitaires sont de plus en plus difficiles », a reconnu le responsable de l’ONU.

Appel à des pauses humanitaires

Pour faire face à la détérioration de la situation, M. Lemarquis a appelé les belligérants à convenir de pauses humanitaires temporaires dans les zones les plus touchées et à établir des couloirs humanitaires pour garantir la reprise des activités humanitaires à grande échelle.

A cette fin, le Coordonnateur humanitaire a jugé essentiel de procéder à la réouverture de l’aéroport de Goma et de maintenir opérationnels les postes frontières entre le Rwanda et la RDC dans la ville.

« Cela permettra aux personnes fuyant la violence de chercher refuge loin des zones de combat », a-t-il indiqué.

Point positif, toutefois, le chef de l’humanitaire de l’ONU, Tom Fletcher, a annoncé, dimanche, l’allocation de 17 millions de dollars du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) pour soutenir l'acheminement de l’aide humanitaire dans l’est de la RDC.

Le Conseil de sécurité condamne le M23

Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné les avancées des rebelles du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, où le groupe armé a pris le contrôle de plusieurs centres stratégiques depuis le début de l’année.

« Ces avancées constituent une grave violation du cessez-le-feu, aggravent la grave crise humanitaire et de déplacement dans l’est de la RDC et compromettent les efforts visant à parvenir à une solution pacifique et politique durable au conflit », a déploré dimanche le Conseil dans une déclaration de sa Présidence, après s’être réuni d’urgence sur la situation en RDC.

Le Conseil a constaté la percée récente du M23 dans la province du Nord-Kivu, à l’est du pays, où les rebelles ont pris le contrôle des localités de Masisi, le 4 janvier 2025, et de Sake, le 23 janvier 2025.

Appel à la cessation des hostilités

Les membres du Conseil ont exigé la cessation immédiate de l’offensive en cours.

Ils ont en outre appelé le M23 à inverser sans délai son expansion territoriale.

Le Conseil de sécurité a réitéré son soutien « sans réserve » à la MONUSCO, qui accomplit selon  lui un travail essentiel en RDC, conformément à son mandat.

Les 15 membres ont rendu hommage à tous les soldats de la paix qui risquent leur vie et ont exprimé leurs condoléances aux familles des soldats de la paix tués la semaine dernière, ainsi qu’à l’Afrique du Sud, au Malawi, à l’Uruguay et à l’ensemble des Nations Unies.

Le Conseil a souhaité un prompt rétablissement aux soldats de la paix blessés et a réaffirmé que les attaques contre les soldats de la paix sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.

Le Conseil a souligné que la participation aux attaques contre les soldats de la paix de la MONUSCO constituait un motif de sanctions.

Les Casques bleus de la MONUSCO maintiennent leurs positions en soutien aux forces armées de la RDC pour repousser le M23 et protéger les civils dans l'est du pays.
© MONUSCO
Les Casques bleus de la MONUSCO maintiennent leurs positions en soutien aux forces armées de la RDC pour repousser le M23 et protéger les civils dans l'est du pays.

Retrait des forces étrangères

Les membres du Conseil de sécurité ont par ailleurs condamné le « mépris flagrant » de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC, notamment la présence non autorisée de forces extérieures dans l’est du pays.

Ils ont exigé que ces forces se retirent immédiatement et que le M23 mette fin à la mise en place d’administrations parallèles sur le territoire de la RDC.

Ils ont exhorté toutes les parties à respecter scrupuleusement le cessez-le-feu et ont réitéré leur condamnation de l’exploitation illicite systématique des ressources naturelles dans l’est de la RDC, notant que ces actions alimentent le conflit.

Raviver le processus de Luanda

Le Conseil a exhorté le Rwanda et la RDC à reprendre les pourparlers diplomatiques pour parvenir à une résolution durable et pacifique du conflit.

Les 15 membres ont notamment enjoint aux deux pays d’aborder les questions relatives à la présence des Forces de défense rwandaises dans l’est de la RDC et au soutien de la RDC aux rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

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Le Conseil a exhorté les deux parties au conflit à mettre rapidement en œuvre leurs engagements pris dans le cadre du processus de Luanda et à coopérer avec l’Angola afin d’accélérer la mise en œuvre du plan harmonisé de neutralisation des FDLR et le désengagement des forces.

Le Conseil a réaffirmé son soutien « indéfectible » aux efforts de médiation en cours entre la RDC et le Rwanda dans le cadre du processus de Luanda, sous l’égide du Président angolais João Manuel Gonçalves Lourenço, désigné par l’Union africaine comme médiateur.

Les membres du Conseil ont également appelé à raviver le processus de Nairobi, sous la conduite de l’ancien Président Uhuru Kenyatta, afin de régler le problème persistant des groupes armés, notamment le M23, opérant en RDC, et d’identifier les voies de paix et de stabilité dans la région.

Condamnation des brouillage du GPS

Les membres du Conseil se sont dit profondément alarmés par les cas persistants de brouillage et de falsification du GPS à l’appui des opérations du M23 au Nord-Kivu, qui représentent un risque imminent pour la sécurité de l’aviation civile et ont un impact négatif sur l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin.

Ils ont appelé à mettre fin à ces brouillages et au déploiement de missiles sol-air, qui menacent la sécurité des soldats de la paix de l’ONU et entravent la mise en œuvre de leur mandat de protection des civils.

Les membres du Conseil ont en outre condamné les violations persistantes du droit international humanitaire et les atteintes aux droits de l’homme dans l’est de la RDC, notamment les violences sexuelles et de genre, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats et les exécutions sommaires par des groupes armés.