Papers / Article publiés by Guy Spielmann
Révolution française et cultures populaires. Mythologies contemporaines. Paris, Garnier, 2013, p. 359-373., 2013
« De quoi Marie Antoinette est-elle le nom ? » s'interrogeait Antoine de Baecque dans Les Inrocku... more « De quoi Marie Antoinette est-elle le nom ? » s'interrogeait Antoine de Baecque dans Les Inrockuptibles de mars 2012 ; il s'agit plus généralement d'une interrogation post-moderne dont la formulation même suggère qu'on ne peut plus simplement s'en tenir au rapport entre personnage historique et personnage de fiction, vision assez simpliste qui s'en tient à une supposée dualité de Marie-Antoinette. Ce ne sont ni la personne-référent, ni le personnage historique, même complexe et multiple, qui m'intéressent ici. C'est une troisième entité, aux contours malaisés à dégager, qui trouve son origine dans la transposition de la figure historique en une figure explicitement fictionnelle (mais sans pour autant basculer tout à fait du côté de la fiction). Dans une première phase, « Marie Antoinette » est le signifiant qui renvoie à un personnage historique multiple dont le référent est la personne bio-psychologique ; dans une deuxième phase, c'est le personnage historique qui devient référent, tandis que le signifié se trouve constitué par un personnage plus ou moins fictionnel ; dans la troisième phase, celle que je me propose d'étudier dans ces pages, le personnage de fiction investit à son tour la fonction de référent alors qu'apparaît un nouveau signifié, qui ne correspond plus à un personnage mais à un type, une quasi-abstraction pour laquelle le nom « Marie Antoinette » est une dénomination trompeuse.
La pagination d'origine est indiquée entre crochets. Les illustrations, utilisées pour la communication présentée au colloque de Vizille en 2012, ne figurent pas dans la version publiée, à l'exception du schéma final.
Molière et la fête, 2003
Le carnaval, manifestation importante dans la société d'Ancien Régime, nous offre une clé indispe... more Le carnaval, manifestation importante dans la société d'Ancien Régime, nous offre une clé indispensable pour saisir la spécificité de la dramaturgie moliéresque. Ce n'est pas un simple thème ou motif, mais une force structurante aux manifestations multiples, évidentes ou non.
Ce texte a été initialement publié dans le recueil collectif «Molière et la fête», sous la direction de Jean Émelina (Pézenas, Domens, 2003), p. 231-259.
La présente version, conforme au texte publié, corrige néanmoins un certain nombre de menues erreurs et de coquilles. La pagination d'origine est indiquée entre crochets.
J'y ajoute quelques illustrations qu'il était malheureusement impossible de publier dans ce recueil, mais qui avaient été montrées lors de ma communication au congrès de Pézenas (7-8 juin 2001).
Image et voyage. De la Méditerranée aux Indes. Dir. Sylvie Requemora et Loïc Guyon. Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence, 2012, p. 185-193. , 2012
La problématique de la représentation du voyage au théâtre en revient souvent à l'absence de véri... more La problématique de la représentation du voyage au théâtre en revient souvent à l'absence de véritable représentation-au sens le plus concret du terme, celui de la figuration scénique, à distinguer de l'iconographique théâtrale (qui soulève d'autres questions). Une telle absence est d'autant plus remarquable qu'elle contraste avec la fréquence du voyage comme thème dans la fiction des XVII e et XVIII e siècles, ce qui nous pousse à nous demander s'il s'agit d'une question de théorie dramatique ou de mise en scène. Si, du XVI e au XIX e siècle, les pièces ne manquent pas-et même se multiplient avec une intensité croissante-où il est question de voyage et de voyageurs, bien rares sont les instances de mise en scène du déplacement des personnages dramatiques d'un point A à un point B, saisi dans son déroulement (son procès, comme disent les sémiologues). Le plus fréquemment, en effet, on montre des personnages qui projettent un voyage, s'apprêtent à partir ou viennent d'arriver à destination, mais on ne montre jamais l'intégralité du déplacement proprement dit ; d'où une sorte de paradoxe entre la forte présence du voyage sur le plan de la thématique fictionnelle, et son absence presque totale de l'action dramatique. On peut assez facilement trouver à ce paradoxe plusieurs solutions qui, cependant, finissent toutes par se révéler insuffisantes, et ce d'autant plus qu'elles ne valent que pour certaines conceptions du spectacle. Il me semble donc indispensable de chercher une solution (ou du moins une hypothèse) généralisable, à contraster avec les solutions particulières, en tentant de déterminer où commence la pratique qu'on peut qualifier de « contemporaine ». Commençons par examiner pour les écarter les deux explications les plus simples : le voyage serait exclu parce qu'il viole l'unité de lieu, ou parce qu'il exigerait des moyens scénographiques alors inconnus. L'unité de lieu, dans la théorie dramatique aristotélicienne, n'est qu'un succédané implicite de l'unité d'action (sur celle de temps, on le sait, la Poétique reste très vague), et le principe du lieu unique de l'action apparaît seulement dans les exégèses ultérieures : il fait encore débat en France lorsque se construit un modèle dramatique cohérent dans le premier tiers du XVII e siècle, comme l'illustre par exemple la querelle du Cid en 1637. Corneille, comme tous les bons dramaturges de l'époque, conservait une conception assez souple des unités, où une certaine logique du vraisemblable (même dans une pièce à machines comme Andromède) le disputait au dogmatisme du lieu unique et des vingt-quatre heures soutenu par l'Académie.
De la conversation au conservatoire: scénographie des genres mineurs (1680-1780). Dir. Aurélie Zygel-Basso et Kim Gladu, 2014
Même dans les domaines historiques du théâtre où l'iconographie est abondante (comme les théâtre... more Même dans les domaines historiques du théâtre où l'iconographie est abondante (comme les théâtres forains et la commedia dell’arte), la valeur documentaire des images reste sujette à caution, et leur interprétation nécessite une méthode où l'histoire de l'art se combine à celle des spectacles et de la littérature. Après avoir naguère démontré à partir d'un corpus précis (les frontispices du Théâtre de la foire de Lesage, Fuzelier et d'Orneval) les défis qui se présentent au chercheur, et esquissé quelques stratégies méthodologiques [« Problématique de l'iconographie des spectacles sous l'Ancien Régime: Une étude de cas à partir des frontispices du Théâtre de la foire (1721-37) », Revue d'Histoire du Théâtre 237 (janvier-mars 2008), p. 77-86], je poursuis ici cette démarche en examinant le cas de la «parade», l’une des formes les plus appréciées du théâtre de société au XVIIIe siècle — , dont les textes et l'iconographie qui sont parvenus jusqu'à nous sont très problématiques, parce qu'ils fonctionnent en complémentarité et en tension, plutôt que sur le mode de l’illustration. On se demandera dans quelle mesure les images et les textes, même lorsqu’on est certain qu'ils «mentent», peuvent nous apporter des données précieuses grâce à une démarche de triangulation des sources—et, éventuellement, de vérification empirique in vivo à travers la mise en jeu.
Revue d'Histoire du Théâtre, 2008
A partir d'un exemple précis, ce travail soulève les principales questions qui se posent dans la ... more A partir d'un exemple précis, ce travail soulève les principales questions qui se posent dans la recherche sur l'histoire des spectacles à partir du corpus iconographique. Comment faut-il interroger les «images de théâtre»? Quelles informations (ne) peut-on (pas) espérer en tirer? Cet article insiste notamment sur le fait que les difficultés d'interprétation et les fausses pistes tiennent souvent à des «détails» négligés par les chercheurs, mais qui se révèlent déterminants.
Texte intégral de l'article paru dans la Revue d'Histoire du Théâtre, nº 237 (Janvier-mars 2008), p. 77-86. (La pagination originale est indiquée entre crochets) L'article tel qu'il a été publié dans la RHT ne comportait que quatre images. Cette version incorpore trois autres images qui sont également analysées.
Le Merveilleux au XVIIe siècle. Éd. David Wetsel, Frédéric Canovas et al. Vol. III. Tübingen, Narr Verlag, 2003, p. 227-240. , 2003
La présence obsédante du merveilleux scénique aux XVIIe et XVIIIe siècles en France semble contre... more La présence obsédante du merveilleux scénique aux XVIIe et XVIIIe siècles en France semble contredire la thèse d'une prédominance de la poétique néo-aristotélicienne (le «classicisme»). Bien qu'on ait tenté de résoudre le problème soit en faisant rentrer ces productions – à la Comédie Italienne, à la foire et à l'Académie Royale de Musique notamment – dans un système d'ensemble cohérent (quadrature du cercle!) , soit en les excluant parce qu'«irégulières» (ce qui n'explique rien), je propose ici de considérer que le véritable obstacle réside dans le concept de «poétique» limité à un ensemble de règles tenues pour immanentes et applicables a priori. J'esquisse donc les contours d'une «poétique du deuxième type», qui procède empiriquement de l'expérience scénique: ce qui a «marché» en situation de spectacle, ce qu'il est possible de réaliser techniquement, ce qui fait sens performativement (plutôt que textuellement). Ce modèle, que je développe ici à partir du merveilleux, permet également d'éclairer toutes les pratiques scéniques de l'Ancien Régime qui sortent du cadre de la poétique conventionnelle mais n'en apparaissent pas moins régies par certaines règles.
AP French Literature, 2008
Cet article propose un certain nombre de pistes et de techniques concrètes pour un enseignement d... more Cet article propose un certain nombre de pistes et de techniques concrètes pour un enseignement de la littérature dramatique à partir de sa dimension performative, trop souvent ignorée ou mal comprise. Ce qu'on appelle communément théâtre présente la difficulté de renvoyer à deux notions presque opposées : celle d'oeuvre littéraire d'une part, c'est-à-dire un texte (ou un ensemble de textes) impliquant d'abord une relation d'auteur à lecteur, qui pourra éventuellement (mais non nécessairement) être joué en scène, et d'autre part celle de spectacle, c'est-à-dire d'un événement impliquant une relation d'acteurs à spectateurs. Tandis que le texte tend à être perçu comme une entité stable, relativement dégagée des contingences spatiales et temporelles, l'événement, par définition unique et éphémère, se caractérise par son ancrage dans un lieu et un moment définis. En d'autres termes, parce que nous, hommes et femmes du XXI e siècle, nous trouvons à lire un texte de Molière très facilement (en édition de poche bon marché, ou même gratuitement sur Internet), nous pouvons avoir l'impression d'un accès tout à fait satisfaisant à l'oeuvre, et lorsque nous parlons du « Misanthrope de Molière » sans autre précision, c'est évidemment au texte dématérialisé que nous faisons référence. En revanche, si nous avons l'occasion de voir jouer la pièce-cas de figure déjà beaucoup moins fréquent-, nous prenons fort probablement conscience du décalage considérable entre ce à quoi nous avons assisté, et l'expérience d'avoir vu jouer Molière et sa troupe, même lorsque la mise en scène se veut « authentique » ou « restituée ». Or, non seulement la nature inaccessible de l'événement spectaculaire en tant que tel ne nous décourage pas de lire les pièces de théâtre du passé, ni de les jouer ou d'aller les voir jouer, mais elle nous pousse à considérer le texte comme essence de l'activité dramatique, et sa lecture comme un substitut tout à fait adéquat, voire comme la forme « normale » (pour ne pas dire : préférable) de l'expérience théâtrale. Néanmoins, tenter d'aborder et de comprendre un texte dramatique comme s'il n'était destiné qu'à être lu, c'est se risquer au non-sens, voire au contre-sens, de même qu'aborder la réalisation d'un spectacle en s'intéressant d'abord au texte tient d'une approche contradictoire. Ce sont pourtant là les démarches les plus courantes en milieu scolaire et universitaire, et c'est pourquoi il est bon de s'interroger sur le travail du texte dramatique avant d'élargir le propos aux modalités de l'élaboration du spectacle, bien qu'en réalité ces dernières devraient naturellement primer.
Annales de l'Association pour un Centre de Recherche sur les Arts du Spectacle aux XVIIe et XVIIIe siècles N° 4, 2010
Le metteur en scène qui s'attaque à une forme dramatique du XVIIIe siècle à la fois absente de la... more Le metteur en scène qui s'attaque à une forme dramatique du XVIIIe siècle à la fois absente de la programmation contemporaine (sans même parler du répertoire), et déclarée négligeable par la majorité des critiques et historiens du théâtre doit faire face à un double défi. Avant même de s'interroger sur les modalités d'une réactualisation de telles œuvres, on doit justifier l'entreprise autrement que par sa nouveauté, ou par l'amour des curiosités théâtrales d'antan seulement partagé par un cercle étroit de connaisseurs. La démarche est donc à distinguer d'un spectacle «de laboratoire» ou d'expérimentation, qui peut parfaitement se satisfaire de trouver des solutions sur le plan technique, quel qu'il soit (jeu, chorégraphie, chant, costume, scénographie, organologie, etc), sans tenir pour essentielle l'épreuve du passage devant le public—en particulier le public néophyte qui, n'étant pas préalablement acquis à la cause des genres anciens, exige qu'on lui procure au moins du sens, et éventuellement du plaisir.
Si le spécialiste, le professionnel ou l'amateur éclairé trouveront évidentes les motivations d'une entreprise restitutive, le «grand public» demande à être convaincu que le jeu en vaut la chandelle. Il s'agira donc de se préoccuper de son point de vue, fort différent de celui de l'expert, et de faire preuve de pédagogie sans tomber dans le didactisme. Le choix de la parade, dont il sera question ici, rendait une telle approche absolument indispensable, ce qui n'est pas forcément le cas pour un travail similaire sur un corpus plus prestigieux, même lorsqu'il a été longtemps oublié, négligé ou dénaturé, somme ce fut le cas pour la tragédie, la musique et la danse «baroques». De plus, l'originalité de notre entreprise réside dans la complémentarité fondamentale de la recherche savante—synthèse historique et théorique, établissement de textes avec appareil critique—et de la production dramatique, cette dernière n'étant pas considérée comme une «application» de la première, mais comme un autre moyen de susciter des hypothèses et de suggérer des solutions, au-delà de ce que le travail historiographique et philologique peut nous apprendre.1
A travers l'exemple particulier de la parade, nous espérons démontrer ici que le souci du spectateur, manifestement critique pour les genres a priori méprisés, s'impose pour toutes les formes de spectacle du passé que l'on souhaite refaire vivre, autant dans une pespective «humaniste» que pour une raison théorique: la co-présence du regardant et du regardé est un élément définitoire de l'événement spectaculaire.
Lumen XXV, p. 103-120., 2006
[English abstract below]
Bien que la «Neuvième livraison» des planches de L’Encyclopédie (1772) c... more [English abstract below]
Bien que la «Neuvième livraison» des planches de L’Encyclopédie (1772) consacrée au théâtre et à ses machines suggère d’abord une démarche positiviste, voire mécaniste, l’ensemble des planches constitue surtout aussi un document précieux sur l’imaginaire du théâtre classique. Ce volume semble proposer une vision raisonnée des moyens dont diposait alors le théâtre le mieux équipé, l’Opéra de Paris, pour concrétiser sur la scène l’univers merveilleux baroque. Or, au-delà de la première impression de technicité, prometteuse d’un savoir concret et pratique, les schémas de machine s’avèrent tout à fait insuffisants à faire comprendre au non-spécialiste comment les dispositifs fonctionnent en réalité. Le rôle de ces planches est de dresser le catalogue des lieux communs scénographiques, le lexique d’un idiome vieux de presque deux siècles qui trouve ici son ultime transcription; loin de constituer un document vivant de la pratique théâtrale de leur époque, elles offrent au lecteur l’image nostalgique et figée d’un imaginaire classique qui était déjà irrémédiablement voué à la disparition.
Although the ninth set of plates for L’Encyclopédie (1772) devoted to theater and its machines seems at first to promote a positivistic, and even mechanistic vision, this set of illustrations really constitutes a precious document on the French “classical” imagination. This volume apparently proposes a rational approach to the means then available to a sophisticated playhouse such as the Paris Opera for materializing on stage the wondrous universe of baroque drama. However, beyond the initial impression of technical accuracy and its promise of concrete, practical knowledge, the machinery schematics turn out to be quite insufficient when it comes to understanding, as a non-specialist, how the devices actually worked. In fact, these plates were really designed to provide a catalog of stagecraft commonplaces, a lexicon for a two-century old idiom that is transcribed here for the last time. Far from being a living document on theatrical practices of their time, the engravings offer the reader the stilted, nostalgic image of a classical imagination that was already fading into obsolescence.
Teaching the Early Modern Period, 2011
While research on the history of drama as a branch of literature can be conducted largely through... more While research on the history of drama as a branch of literature can be conducted largely through texts, the history of spectacle relies on images of all kinds — sketches for sets and costumes, playhouse blueprints, frontispieces, paintings and engravings, and so on — which must necessarily be used in any course that covers more than literary analysis. Unfortunately, a teacher whose background does not specifically include theatre and stagecraft history may find locating and selecting such documents challenging; interpreting them in a manner that is both accurate and appealing may prove near impossible. Therefore, recreations of stage shows featured in motion pictures offer an enticing, ready-made alternative to primary visual resources, because they help students gain an immediate, vivid sense of what spectacular events of the seventeenth and eighteenth centuries looked and sounded like.
However, relying on cinema for sources raises its own problems, which may not be immediately apparent. This paper lays out a number of principles and guidelines that an instructor can follow in deciding which films are appropriate, and how they could best be exploited in teaching. For purposes of coherence and brevity, I will limit myself exclusively to the French domain, with the understanding that the principles discussed here would apply to other national traditions as well, with adjustments according to the current status of a particular dramatic corpus in its native setting. In order to avoid excessive abstraction, I discuss specific titles (24 in all) that prove most useful — or that raise serious problems.
Law and Humanities 5:1, p. 259-270, 2011
Although the practice of law has long provided source material for works of fiction in literature... more Although the practice of law has long provided source material for works of fiction in literature, drama and film, the transformation of the judicial process into spectacle is commonly perceived as a serious problem. However, an analysis of trials that received heavy media exposure, and of various genres of fiction based on legal cases, demonstrates that it is crucial to distinguish between detrimental excesses and the fundamental characteristics of judicial proceedings: they are communicative events bringing together performers and spectators for a session whose efficacy demands their co-presence in a determined space and time. Since the rendering of justice is, essentially, a form of spectacle, we need to question the exact role of fiction in both: while the presence of fiction does not invalidate a trial, from a legal perspective, some real trials are essentially shows whose main purpose is entertainment or propaganda.
Communications n° 92, p. 193-204., 2013
[Abstract in English below]
Depuis les années 1950 s'est développé dans les pays anglophones un v... more [Abstract in English below]
Depuis les années 1950 s'est développé dans les pays anglophones un vaste champ de recherche et d'enseignement autour de la notion de « performance ». Bien que la masse imposante de travaux publiés depuis un-demi siècle, encore très partiellement diffusée hors de l'aire culturelle anglo-américaine, puisse induire à croire que le domaine est aujourd'hui parfaitement balisé, il lui manque encore un objet scientifique bien défini, la performance étant envisagée de manières extrêmement diverses par les théoriciens, qui s'accommodent des divergences au nom de la pluralité. Or, en termes pratiques, la performance ne trouve sa raison d'être qu'en complémentarité avec la spectation, lorsque l'une et l'autre se produisent en un lieu et à un moment donnés. C'est donc cette instance particulière, l'événement-spectacle, qui apparaît désormais comme le légitime objet scientifique d'un champ de recherche qui dépasse les apories propres aux « études théâtrales » et aux Performance Studies.
"A new level of relevance for the concept and theory of performance :
The spectacle event as epistemic framework."
Since the 1950s a vast research and teaching field has developed around the notion of " performance " in English-speaking countries. Although the mass amount of published work in the past fifty years (still relatively unknown outside the U.K., the U.S. and Australia, however) might lead us to [204] believe that this domain has been thoroughly explored, it is still without a clearly defined scientific object, especialy since theorists have accepted that performance should remain a " contested concept " for the sake of pluralism. Yet in practical terms, performance can only be envisioned in mutual implication with spectation, when both occur simultaneously in a given place and at a given time. This particular instance, the "spectacle event", thus emerges as the sole legitimate scientific object of research, which makes it possible to transcend the inherent limitations of both conventional drama studies and performance studies.
Littératures Classiques, 2000
« Clé de voûte de l'Ancien Régime » (Duby), le mariage était régi à la fois par le droit canoniq... more « Clé de voûte de l'Ancien Régime » (Duby), le mariage était régi à la fois par le droit canonique et le droit civil (le second se substituant progressivement au premier sans toutefois le remplacer), mais aussi par diverses coutumes. À partir du XVIIe siècle, la comédie en France a adopté le principe d'un mariage final qui sert de dénouement ; elle reflète ainsi les difficultés, des défis, ainsi que des projets (souvent utopiques) liés à cette institution cruciale pour le fonctionnement social. Au présupposé idéaliste des débuts—le mariage est l'aboutissement heureux d'une relation amoureuse—succède, vers 1680, un positionnement distancé, voire « cynique » qui met à nu les contradictions d'un système profondément dysfonctionnel. Contestations des dogmes, revendications « féministes » et stratégies matrimoniales biscornues deviennent alors l'ordinaire de la comédie pour une trentaines d'années. Cet article examine en détail les dispositions juridiques concernant le mariage sous l'Ancien Régime, puis les confronte au discours comique de la Fin de Règne (1680-1715) pour déterminer dans quelle mesure le théâtre offre un écho des controverses, des luttes et des apories qui caractérisent une institution décrite par certains moralistes comme étant en crise.
[Version revue et corrigée du texte publié en 2000 dans Littératures Classiques]
Papers by Guy Spielmann
Word & image, Jan 2, 2024
Dix-huitième siècle, 2017
De nombreux spectacles scientifiques se donnaient en Grande-Bretagne tout au long du 18e siecle, ... more De nombreux spectacles scientifiques se donnaient en Grande-Bretagne tout au long du 18e siecle, offrant de nouvelles experiences sensorielles qui souvent se prevalaient d’une mission educative sur les merveilles de la nature. Les manifestations et les auditoires se situant en marge des demonstrations publiques presentent un interet particulier, car les vulgarisateurs scientifiques reconnaissaient le pouvoir d’attraction des foules et tentaient de l’exploiter dans la mise en scene de leurs propres spectacles, en canalisant les reactions previsibles d’une partie des spectateurs a la maniere dont les comediens et les auteurs de theâtre employaient une claque. Cette pratique repond a celles des nombreux ouvrages qui presentent une information scientifique sous forme de dialogue plaisant. L’etude de ces procedes ne permet toutefois pas toujours de decider s’ils sont destines a disseminer le savoir au plus grand nombre, ou au contraire a souligner l’esoterisme de la vraie science.
Édité et traduit de l'anglais pas Guy Spielmann
McGill-Queen's University Press eBooks, Oct 20, 2010
Le vaudeville occupe une place à part dans l’histoire des genres littéraires, musicaux et dramati... more Le vaudeville occupe une place à part dans l’histoire des genres littéraires, musicaux et dramatiques. D’abord parce qu’il a, selon les époques, appartenu soit à l’un de ces domaines exclusivement, soit aux trois simultanément ; ensuite parce qu’on lui a souvent prêté des origines quasi mythiques, les diverses variantes du terme lui-même en soulignant l’incertitude : « vau-de-vire » pour les uns, « voix-de-ville » pour les autres, sans d’ailleurs qu’on puisse établir à partir de telles diverg..
Littératures classiques, 2011
Presses universitaires de Provence eBooks, 2012
La problématique de la représentation du voyage au théâtre en revient souvent à l’absence de véri... more La problématique de la représentation du voyage au théâtre en revient souvent à l’absence de véritable représentation — au sens le plus concret du terme, celui de la figuration scénique, à distinguer de l’iconographique théâtrale (qui soulève d’autres questions). Une telle absence est d’autant plus remarquable qu’elle contraste avec la fréquence du voyage comme thème dans la fiction des xviie et xviiie siècles, ce qui nous pousse à nous demander s’il s’agit d’une question de théorie dramatiqu..
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Papers / Article publiés by Guy Spielmann
La pagination d'origine est indiquée entre crochets. Les illustrations, utilisées pour la communication présentée au colloque de Vizille en 2012, ne figurent pas dans la version publiée, à l'exception du schéma final.
Ce texte a été initialement publié dans le recueil collectif «Molière et la fête», sous la direction de Jean Émelina (Pézenas, Domens, 2003), p. 231-259.
La présente version, conforme au texte publié, corrige néanmoins un certain nombre de menues erreurs et de coquilles. La pagination d'origine est indiquée entre crochets.
J'y ajoute quelques illustrations qu'il était malheureusement impossible de publier dans ce recueil, mais qui avaient été montrées lors de ma communication au congrès de Pézenas (7-8 juin 2001).
Texte intégral de l'article paru dans la Revue d'Histoire du Théâtre, nº 237 (Janvier-mars 2008), p. 77-86. (La pagination originale est indiquée entre crochets) L'article tel qu'il a été publié dans la RHT ne comportait que quatre images. Cette version incorpore trois autres images qui sont également analysées.
Si le spécialiste, le professionnel ou l'amateur éclairé trouveront évidentes les motivations d'une entreprise restitutive, le «grand public» demande à être convaincu que le jeu en vaut la chandelle. Il s'agira donc de se préoccuper de son point de vue, fort différent de celui de l'expert, et de faire preuve de pédagogie sans tomber dans le didactisme. Le choix de la parade, dont il sera question ici, rendait une telle approche absolument indispensable, ce qui n'est pas forcément le cas pour un travail similaire sur un corpus plus prestigieux, même lorsqu'il a été longtemps oublié, négligé ou dénaturé, somme ce fut le cas pour la tragédie, la musique et la danse «baroques». De plus, l'originalité de notre entreprise réside dans la complémentarité fondamentale de la recherche savante—synthèse historique et théorique, établissement de textes avec appareil critique—et de la production dramatique, cette dernière n'étant pas considérée comme une «application» de la première, mais comme un autre moyen de susciter des hypothèses et de suggérer des solutions, au-delà de ce que le travail historiographique et philologique peut nous apprendre.1
A travers l'exemple particulier de la parade, nous espérons démontrer ici que le souci du spectateur, manifestement critique pour les genres a priori méprisés, s'impose pour toutes les formes de spectacle du passé que l'on souhaite refaire vivre, autant dans une pespective «humaniste» que pour une raison théorique: la co-présence du regardant et du regardé est un élément définitoire de l'événement spectaculaire.
Bien que la «Neuvième livraison» des planches de L’Encyclopédie (1772) consacrée au théâtre et à ses machines suggère d’abord une démarche positiviste, voire mécaniste, l’ensemble des planches constitue surtout aussi un document précieux sur l’imaginaire du théâtre classique. Ce volume semble proposer une vision raisonnée des moyens dont diposait alors le théâtre le mieux équipé, l’Opéra de Paris, pour concrétiser sur la scène l’univers merveilleux baroque. Or, au-delà de la première impression de technicité, prometteuse d’un savoir concret et pratique, les schémas de machine s’avèrent tout à fait insuffisants à faire comprendre au non-spécialiste comment les dispositifs fonctionnent en réalité. Le rôle de ces planches est de dresser le catalogue des lieux communs scénographiques, le lexique d’un idiome vieux de presque deux siècles qui trouve ici son ultime transcription; loin de constituer un document vivant de la pratique théâtrale de leur époque, elles offrent au lecteur l’image nostalgique et figée d’un imaginaire classique qui était déjà irrémédiablement voué à la disparition.
Although the ninth set of plates for L’Encyclopédie (1772) devoted to theater and its machines seems at first to promote a positivistic, and even mechanistic vision, this set of illustrations really constitutes a precious document on the French “classical” imagination. This volume apparently proposes a rational approach to the means then available to a sophisticated playhouse such as the Paris Opera for materializing on stage the wondrous universe of baroque drama. However, beyond the initial impression of technical accuracy and its promise of concrete, practical knowledge, the machinery schematics turn out to be quite insufficient when it comes to understanding, as a non-specialist, how the devices actually worked. In fact, these plates were really designed to provide a catalog of stagecraft commonplaces, a lexicon for a two-century old idiom that is transcribed here for the last time. Far from being a living document on theatrical practices of their time, the engravings offer the reader the stilted, nostalgic image of a classical imagination that was already fading into obsolescence.
However, relying on cinema for sources raises its own problems, which may not be immediately apparent. This paper lays out a number of principles and guidelines that an instructor can follow in deciding which films are appropriate, and how they could best be exploited in teaching. For purposes of coherence and brevity, I will limit myself exclusively to the French domain, with the understanding that the principles discussed here would apply to other national traditions as well, with adjustments according to the current status of a particular dramatic corpus in its native setting. In order to avoid excessive abstraction, I discuss specific titles (24 in all) that prove most useful — or that raise serious problems.
Depuis les années 1950 s'est développé dans les pays anglophones un vaste champ de recherche et d'enseignement autour de la notion de « performance ». Bien que la masse imposante de travaux publiés depuis un-demi siècle, encore très partiellement diffusée hors de l'aire culturelle anglo-américaine, puisse induire à croire que le domaine est aujourd'hui parfaitement balisé, il lui manque encore un objet scientifique bien défini, la performance étant envisagée de manières extrêmement diverses par les théoriciens, qui s'accommodent des divergences au nom de la pluralité. Or, en termes pratiques, la performance ne trouve sa raison d'être qu'en complémentarité avec la spectation, lorsque l'une et l'autre se produisent en un lieu et à un moment donnés. C'est donc cette instance particulière, l'événement-spectacle, qui apparaît désormais comme le légitime objet scientifique d'un champ de recherche qui dépasse les apories propres aux « études théâtrales » et aux Performance Studies.
"A new level of relevance for the concept and theory of performance :
The spectacle event as epistemic framework."
Since the 1950s a vast research and teaching field has developed around the notion of " performance " in English-speaking countries. Although the mass amount of published work in the past fifty years (still relatively unknown outside the U.K., the U.S. and Australia, however) might lead us to [204] believe that this domain has been thoroughly explored, it is still without a clearly defined scientific object, especialy since theorists have accepted that performance should remain a " contested concept " for the sake of pluralism. Yet in practical terms, performance can only be envisioned in mutual implication with spectation, when both occur simultaneously in a given place and at a given time. This particular instance, the "spectacle event", thus emerges as the sole legitimate scientific object of research, which makes it possible to transcend the inherent limitations of both conventional drama studies and performance studies.
[Version revue et corrigée du texte publié en 2000 dans Littératures Classiques]
Papers by Guy Spielmann
Édité et traduit de l'anglais pas Guy Spielmann
La pagination d'origine est indiquée entre crochets. Les illustrations, utilisées pour la communication présentée au colloque de Vizille en 2012, ne figurent pas dans la version publiée, à l'exception du schéma final.
Ce texte a été initialement publié dans le recueil collectif «Molière et la fête», sous la direction de Jean Émelina (Pézenas, Domens, 2003), p. 231-259.
La présente version, conforme au texte publié, corrige néanmoins un certain nombre de menues erreurs et de coquilles. La pagination d'origine est indiquée entre crochets.
J'y ajoute quelques illustrations qu'il était malheureusement impossible de publier dans ce recueil, mais qui avaient été montrées lors de ma communication au congrès de Pézenas (7-8 juin 2001).
Texte intégral de l'article paru dans la Revue d'Histoire du Théâtre, nº 237 (Janvier-mars 2008), p. 77-86. (La pagination originale est indiquée entre crochets) L'article tel qu'il a été publié dans la RHT ne comportait que quatre images. Cette version incorpore trois autres images qui sont également analysées.
Si le spécialiste, le professionnel ou l'amateur éclairé trouveront évidentes les motivations d'une entreprise restitutive, le «grand public» demande à être convaincu que le jeu en vaut la chandelle. Il s'agira donc de se préoccuper de son point de vue, fort différent de celui de l'expert, et de faire preuve de pédagogie sans tomber dans le didactisme. Le choix de la parade, dont il sera question ici, rendait une telle approche absolument indispensable, ce qui n'est pas forcément le cas pour un travail similaire sur un corpus plus prestigieux, même lorsqu'il a été longtemps oublié, négligé ou dénaturé, somme ce fut le cas pour la tragédie, la musique et la danse «baroques». De plus, l'originalité de notre entreprise réside dans la complémentarité fondamentale de la recherche savante—synthèse historique et théorique, établissement de textes avec appareil critique—et de la production dramatique, cette dernière n'étant pas considérée comme une «application» de la première, mais comme un autre moyen de susciter des hypothèses et de suggérer des solutions, au-delà de ce que le travail historiographique et philologique peut nous apprendre.1
A travers l'exemple particulier de la parade, nous espérons démontrer ici que le souci du spectateur, manifestement critique pour les genres a priori méprisés, s'impose pour toutes les formes de spectacle du passé que l'on souhaite refaire vivre, autant dans une pespective «humaniste» que pour une raison théorique: la co-présence du regardant et du regardé est un élément définitoire de l'événement spectaculaire.
Bien que la «Neuvième livraison» des planches de L’Encyclopédie (1772) consacrée au théâtre et à ses machines suggère d’abord une démarche positiviste, voire mécaniste, l’ensemble des planches constitue surtout aussi un document précieux sur l’imaginaire du théâtre classique. Ce volume semble proposer une vision raisonnée des moyens dont diposait alors le théâtre le mieux équipé, l’Opéra de Paris, pour concrétiser sur la scène l’univers merveilleux baroque. Or, au-delà de la première impression de technicité, prometteuse d’un savoir concret et pratique, les schémas de machine s’avèrent tout à fait insuffisants à faire comprendre au non-spécialiste comment les dispositifs fonctionnent en réalité. Le rôle de ces planches est de dresser le catalogue des lieux communs scénographiques, le lexique d’un idiome vieux de presque deux siècles qui trouve ici son ultime transcription; loin de constituer un document vivant de la pratique théâtrale de leur époque, elles offrent au lecteur l’image nostalgique et figée d’un imaginaire classique qui était déjà irrémédiablement voué à la disparition.
Although the ninth set of plates for L’Encyclopédie (1772) devoted to theater and its machines seems at first to promote a positivistic, and even mechanistic vision, this set of illustrations really constitutes a precious document on the French “classical” imagination. This volume apparently proposes a rational approach to the means then available to a sophisticated playhouse such as the Paris Opera for materializing on stage the wondrous universe of baroque drama. However, beyond the initial impression of technical accuracy and its promise of concrete, practical knowledge, the machinery schematics turn out to be quite insufficient when it comes to understanding, as a non-specialist, how the devices actually worked. In fact, these plates were really designed to provide a catalog of stagecraft commonplaces, a lexicon for a two-century old idiom that is transcribed here for the last time. Far from being a living document on theatrical practices of their time, the engravings offer the reader the stilted, nostalgic image of a classical imagination that was already fading into obsolescence.
However, relying on cinema for sources raises its own problems, which may not be immediately apparent. This paper lays out a number of principles and guidelines that an instructor can follow in deciding which films are appropriate, and how they could best be exploited in teaching. For purposes of coherence and brevity, I will limit myself exclusively to the French domain, with the understanding that the principles discussed here would apply to other national traditions as well, with adjustments according to the current status of a particular dramatic corpus in its native setting. In order to avoid excessive abstraction, I discuss specific titles (24 in all) that prove most useful — or that raise serious problems.
Depuis les années 1950 s'est développé dans les pays anglophones un vaste champ de recherche et d'enseignement autour de la notion de « performance ». Bien que la masse imposante de travaux publiés depuis un-demi siècle, encore très partiellement diffusée hors de l'aire culturelle anglo-américaine, puisse induire à croire que le domaine est aujourd'hui parfaitement balisé, il lui manque encore un objet scientifique bien défini, la performance étant envisagée de manières extrêmement diverses par les théoriciens, qui s'accommodent des divergences au nom de la pluralité. Or, en termes pratiques, la performance ne trouve sa raison d'être qu'en complémentarité avec la spectation, lorsque l'une et l'autre se produisent en un lieu et à un moment donnés. C'est donc cette instance particulière, l'événement-spectacle, qui apparaît désormais comme le légitime objet scientifique d'un champ de recherche qui dépasse les apories propres aux « études théâtrales » et aux Performance Studies.
"A new level of relevance for the concept and theory of performance :
The spectacle event as epistemic framework."
Since the 1950s a vast research and teaching field has developed around the notion of " performance " in English-speaking countries. Although the mass amount of published work in the past fifty years (still relatively unknown outside the U.K., the U.S. and Australia, however) might lead us to [204] believe that this domain has been thoroughly explored, it is still without a clearly defined scientific object, especialy since theorists have accepted that performance should remain a " contested concept " for the sake of pluralism. Yet in practical terms, performance can only be envisioned in mutual implication with spectation, when both occur simultaneously in a given place and at a given time. This particular instance, the "spectacle event", thus emerges as the sole legitimate scientific object of research, which makes it possible to transcend the inherent limitations of both conventional drama studies and performance studies.
[Version revue et corrigée du texte publié en 2000 dans Littératures Classiques]
Édité et traduit de l'anglais pas Guy Spielmann