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Vaccine

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Vaccinia virus
Description de cette image, également commentée ci-après
Virions de vaccine vus au microscope électronique.
Classification
Realm Varidnaviria
Règne Bamfordvirae
Embranchement Nucleocytoviricota
Classe Pokkesviricetes
Famille Poxviridae
Sous-famille Chordopoxvirinae
Genre Orthopoxvirus
Espèce Vaccinia virus

Espèces de rang inférieur

  • Vaccinia Virus
  • Taterapox virus
  • Camelpox virus
  • Variolavirus
  • Monkeypox Virus
  • Cowpox virus
  • Abatino Macacapox virus
  • etc.

Sous-espèces de rang inférieur

  • Vaccinia Virus
  • Horsepox Virus[1]

La vaccine (en anglais VACV ou VACcinia Virus) est un orthopoxvirus, longtemps confondu avec celui du cowpox ou « variole de la vache », une maladie infectieuse des bovidés (cowpox en anglais) et des équidés (horsepox en anglais). Ces virus, proches de celui de la variole, peuvent fournir un vaccin qui permet d'immuniser l'humain contre cette dernière.

Le vaccin de la vaccine n'est plus guère utilisé de nos jours car la variole a été éradiquée en 1980, mais le virus de la vaccine est devenu un outil important de génie génétique, en étant notamment utilisé comme vecteurs de gènes.

Le cowpox est une maladie transmissible à l'humain, pour qui elle est le plus souvent bénigne (elle peut s'avérer plus grave voire mortelle pour les personnes immunodéprimées)[2].

À la fin du XVIIIe siècle, Edward Jenner constate que le cowpox bénin protège ses porteurs de la variole, maladie grave, par immunité croisée. Ce qui le conduit à l'utiliser dans la prévention de la variole (vaccination)[3], le matériel infectieux inoculé (issu de lésions de cowpox) étant appelé vaccine. Ce nouveau procédé remplaçait l'ancien procédé de variolisation, qui consistait à contaminer le sujet sain avec des lésions de varioleux convalescents[4].

La question des rapports entre la vaccine et la variole furent incertains, du temps de Jenner et plus tard encore, puisqu'en 1880 Pasteur préfère s'abstenir d'une opinion précise sur le sujet, tout en se prévalant de la découverte de Jenner pour rendre acceptable la possibilité de l'atténuation d'un germe[5].

Premiers problèmes

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Au début du XIXe siècle, l'utilisation de matériel provenant de lésions de cowpox se heurte à la difficulté de disposer suffisamment de vaches malades, d'où une pénurie de vaccine, avec divers moyens pour y faire face[6] :

  • La retrovaccination qui consistait à réinoculer à la vache de la variole humaine, avec l'idée, erronée selon laquelle la variole peut se transformer en vaccine/cowpox une fois inoculée à la vache, idée qui a subsisté jusqu'au début du XXe siècle, avec des tentatives d'obtenir ainsi de la lymphe vaccinale (variolo-vaccin).
  • L'utilisation de chevaux atteints de horsepox, c'est « l'équination » pouvant remplacer la « vaccination », proposée par Jenner en 1817, et appliquée plus particulièrement en France.
  • Le procédé de vaccination de bras à bras, par transmission interhumaine, ce qui a pu entrainer des contaminations nosocomiales notamment de syphilis (premiers cas reconnus en Italie en 1814) ou de jaunisse (probablement hépatite B, cas décrits en Allemagne en 1885)[6].

Pour ces raisons, la vaccination de bras à bras est fortement critiquée dès le congrès médical de Lyon (1864). Elle est bientôt abandonnée en France, en Europe et aux États-Unis, la production de vaccine est plutôt obtenue par passages sur des veaux, moyen utilisé en Italie depuis le début du siècle[6].

Le premier siècle de la vaccination s'est effectué sans aucun contrôle étatique de la production de vaccin. Tout médecin pouvait produire individuellement de la vaccine ou maintenir son stock par vaccination de bras à bras. Par exemple, le Royaume-Uni est l'un des derniers pays à abandonner la pratique de bras à bras, interdite par le Vaccination Act (en) de 1898, la règlementation sur la qualité des vaccins n'étant effective qu'à partir de 1925[6].

Production de vaccine

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À la fin du XIXe siècle, dans la plupart des pays développés, la vaccine est obtenue à partir de la peau d'un animal vivant, selon un processus empirique jugé primitif dès les années 1950[7].

Variolisation par variole (à gauche) et vaccination par cowpox ou vaccine, au 10e jour après inoculation (aquarelle médicale de 1802).

Il fallait raser le flanc d'un veau ou d'une génisse, laver la zone d'inoculation puis la scarifier et enfin la badigeonner d'une suspension de vaccine. Au cinquième jour, on récolte une pulpe à partir des lésions. Cette pulpe se présente comme un produit visqueux qui est ensuite broyé puis filtré. On obtient une suspension d'apparence plus ou moins laiteuse, c'est le vaccin inoculable aux humains[7],[8].

Plusieurs expressions historiques sont utilisées pour décrire cette production. L'animal où la vaccine est produite est dit vaccinifère, le matériel utilisé pour l'inoculation à l'animal est dit semence, le matériel recueilli de la lésion animale est dit pulpe vaccinale, et sa mise en suspension est dite lymphe vaccinale qui sert de vaccin pour l'humain ou de semence pour un nouvel animal vaccinifère[7].

Dans les années 1890, le glycérol est utilisé pour stabiliser et conserver la vaccine qui se présentait comme une suspension liquide, instable à la chaleur, en terme de limpidité et de viscosité. Empiriquement le glycérol agissait comme un agent bactéricide sans être virucide[6].

Cette méthode de production de lymphe vaccinale rendait inévitables les contaminations bactériennes, y compris dans les pays les plus avancés. Par exemple, en 1928, le ministère britannique de la santé autorise l'obtention de lymphe non seulement à partir de veau, mais aussi de chevaux, de moutons, de chèvre et de porc. Des pays asiatiques utilisent le buffle[7].

Durant la première moitié du XXe siècle, on se rend compte que les produits biologiques à usage humain doivent être bactériologiquement stériles, mais en ce qui concerne la vaccine, il n'existait pas d'autre méthode pratique de production. La réduction des risques se fait par examen vétérinaire de l'animal et antisepsie soigneuse à chaque étape[7].

Nature et origine de la vaccine

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En 1906, Adelchi Negri (en)[9] montre que la vaccine est un virus filtrant[10].

À partir de 1939, les études comparant les propriétés biologiques du virus cowpox (maladie animale spontanée) et du virus de la vaccine (en anglais Vaccinia virus) indiquent qu'il s'agit de deux virus différents à distinguer, contrairement à ce qui était admis[11],[12].

Au début du XXIe siècle, la provenance exacte du virus utilisé pour vacciner contre la variole reste inconnu, d'autant plus qu'il existe dans les laboratoires de nombreuses souches de vaccine, ce qui complique les études biomoléculaires pour l'établissement d'une phylogénie[13].

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l'origine du virus de la vaccine[11],[13] :

  • Dérive à partir du virus de la variole, mais qui n'a jamais pu être reproduite en laboratoire ;
  • Recombinaison entre le virus Cowpox et le virus de la variole (chez sujet atteint de variole, et vacciné par du cowpox ) ;
  • Dérive à partir d'un poxvirus animal disparu ou non reconnu de nos jours, par exemple à partir du horsepox (variole du cheval)[14].

Cette dernière hypothèse serait la plus probable, car appuyée par des analyses génétiques[15].

Quelle que soit l'origine exacte de la vaccine, les études génétiques indiquent que les différentes souches de virus de la vaccine sont remarquablement similaires les unes aux autres, tout en se distinguant nettement des autres orthopoxvirus comme le cowpox ou le virus de la variole. Cependant, du point de vue antigénique, tous les orthopoxvirus restent étroitement similaires en procurant une immunité croisée[16], aussi le « vaccin de Jenner », quelque soit sa composition exacte, contenait un ou plusieurs orthopoxvirus[14] en procurant une bonne protection contre la variole avec relativement peu de risques pour l'individu ou la collectivité[11].

Souches historiques de vaccine

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Les méthodes empiriques de production de vaccine au cours du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle varient considérablement selon les époques et selon les pays. Une standardisation internationale sur ce sujet n'existe qu'après la deuxième guerre mondiale, à la suite de la création de l'OMS[17].

Kit de vaccination, Londres, 1925-1928, du Wellcome Collection.

Les souches historiques de vaccine sont nombreuses et hétérogènes, avec différentes propriétés biologiques probablement liées à des pertes du génome. Elles portent le nom de leur production géographique d'origine, mais comme les agences et laboratoires se les distribuaient entre eux, pour les modifier en changeant leur nom, la nomenclature historique est restée confuse[16].

Des études de séquençage génétique sur des échantillons historiques cherchent à reconstituer leur origine et leur histoire. Par exemple aux États-Unis, celles conservées dans des laboratoires ou des musées, comme les kits de vaccination datant de la guerre de sécession du Mütter Museum de Philadelphie[18],[19],[20].

Les souches vaccinales utilisées durant la campagne d'éradication mondiale de l'OMS (1967-1977) constituent la première génération de vaccin variolique. La majorité d'entre elles sont produites à partir de cultures cutanées sur animaux vivants (veau, buffle, mouton ou lapin). Aucune souche, plutôt qu'une autre, n'a été officiellement recommandée par l'OMS[21].

Les principales souches utilisées furent[17],[22]:

  • NYCBH (New York City Board of Health), principe actif du vaccin Dryvax (laboratoires Wyeth), utilisé aux Amériques et en Afrique de l'Ouest. Seul approuvé aux États-Unis, et fabriqué jusqu'en 2007 ;
  • EM-63, dérivé du précédent, largement utilisé en URSS et en Inde ;
  • Lister, produit par l'institut Lister (Royaume-Uni), et l'un des plus largement utilisé dans le monde ;
  • Tian-Tian, produit et utilisé en Chine ;
  • Paris, de l'institut Pasteur, utilisé en France, Syrie et Turquie.

Il existe de nombreuses souches supplémentaires : Copenhague (Danemark), Berne (Suisse), Ankara (Turquie), Dairen (Japon)… 71 producteurs de vaccine dans le monde ont participé à la campagne d'éradication de l'OMS[17].

Le Vaccinia virus, membre de la famille des Poxviridae, fait partie des virus les plus grands et complexes connus à ce jour. Comme les autres poxvirus, c'est un virus à ADN double brin, d'environ 190 kilobases, contenant plus de 200 cadres de lecture ouverts qui codent des protéines nécessaires à la réplication virale et d'autres qui interfèrent avec les réponses immunitaires de l'hôte[23].

Le Vaccinia virus pénètre une cellule cible par macropinocytose. Il a évolué de façon à déclencher cette macropinocytose en présentant des molécules de phosphatidylsérine pour mimer la composition lipidique d'un corps apoptotique[24] se faisant ainsi passer pour une cellule morte en attente d'être phagocytée et recyclée.

Il se réplique uniquement dans le cytoplasme par viroplasme[23].

Bibliographie

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Notes et références

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  1. (en) Colin J. McInnes, Inger K. Damon, Geoffrey L. Smith et Grant McFadden, « ICTV Virus Taxonomy Profile: Poxviridae 2023: This article is part of the ICTV Virus Taxonomy Profiles collection. », Journal of General Virology, vol. 104, no 5,‎ (ISSN 0022-1317 et 1465-2099, DOI 10.1099/jgv.0.001849, lire en ligne, consulté le )
  2. C. Chastel, « L'éradication de la variole : menaces persistantes et développements nouveaux », Virologie, vol. 2, no 1,‎ (lire en ligne).
  3. « Troisième époque: 1877 - 1887 », sur Institut pasteur
  4. Frank Fenner, p. 258-261.
  5. Louis Pasteur, De l'atténuation du virus du choléra des poules, Comptes rendus de l'Académie des sciences, , vol. 91.
  6. a b c d et e Frank Fenner, p. 263-267.
  7. a b c d et e Frank Fenner, p. 279-280.
  8. Jean-François Saluzzo, p. 67-68.
  9. Pascu Atanasiu et Jean Théoridès, « À propos d'un double centenaire, Adelchi Negri (1876-1912) et Hideyo Nogchi (1876-1928) » (consulté le ).
  10. (de) A. Negri « Über Filtration des Vaccinevirus » Z Hyg InfektKrankh. 1906, 54:327-346, p. 332-333.
  11. a b et c Frank Fenner, p. 278.
  12. (en) Kevin McCarthy et Michael McEntegart, « Allan Watt Downie 5th september 1901-26 January 1988 : Obituary Notice » », J Med Microbiol, no 28,‎ , p. 291-5 (DOI 10.1093/ref:odnb/40010, lire en ligne)
  13. a et b Jean-François Saluzzo, p. 39.
  14. a et b José Esparza, Andreas Nitsche et Clarissa R. Damaso, « Beyond the myths: Novel findings for old paradigms in the history of the smallpox vaccine », PLoS Pathogens, vol. 14, no 7,‎ , e1007082 (ISSN 1553-7366, PMID 30048524, PMCID 6062137, DOI 10.1371/journal.ppat.1007082, lire en ligne, consulté le )
  15. José Esparza, Livia Schrick, Clarissa R. Damaso et Andreas Nitsche, « Equination (inoculation of horsepox): An early alternative to vaccination (inoculation of cowpox) and the potential role of horsepox virus in the origin of the smallpox vaccine », Vaccine, vol. 35, no 52,‎ , p. 7222–7230 (ISSN 0264-410X, DOI 10.1016/j.vaccine.2017.11.003, lire en ligne, consulté le )
  16. a et b Sherry L. Haller, Chen Peng, Grant McFadden et Stefan Rothenburg, « Poxviruses and the Evolution of Host Range and Virulence », Infection, genetics and evolution : journal of molecular epidemiology and evolutionary genetics in infectious diseases, vol. 0,‎ , p. 15–40 (ISSN 1567-1348, PMID 24161410, PMCID 3945082, DOI 10.1016/j.meegid.2013.10.014, lire en ligne, consulté le )
  17. a b et c Lucas Sánchez-Sampedro, Beatriz Perdiguero, Ernesto Mejías-Pérez et Juan García-Arriaza, « The Evolution of Poxvirus Vaccines », Viruses, vol. 7, no 4,‎ , p. 1726–1803 (ISSN 1999-4915, PMID 25853483, PMCID 4411676, DOI 10.3390/v7041726, lire en ligne, consulté le )
  18. Ana T. Duggan, Jennifer Klunk, Ashleigh F. Porter et Anna N. Dhody, « The origins and genomic diversity of American Civil War Era smallpox vaccine strains », Genome Biology, vol. 21,‎ , p. 175 (ISSN 1474-7596, PMID 32684155, PMCID 7370420, DOI 10.1186/s13059-020-02079-z, lire en ligne, consulté le )
  19. José Esparza, Seth Lederman, Andreas Nitsche et Clarissa R. Damaso, « Early smallpox vaccine manufacturing in the United States: Introduction of the “animal vaccine” in 1870, establishment of “vaccine farms”, and the beginnings of the vaccine industry », Vaccine, vol. 38, no 30,‎ , p. 4773–4779 (ISSN 0264-410X, PMID 32473878, PMCID 7294234, DOI 10.1016/j.vaccine.2020.05.037, lire en ligne, consulté le )
  20. Cristian Molteni, Diego Forni, Rachele Cagliani et Mario Clerici, « Genetic ancestry and population structure of vaccinia virus », NPJ Vaccines, vol. 7,‎ , p. 92 (ISSN 2059-0105, PMID 35953491, PMCID 9372083, DOI 10.1038/s41541-022-00519-4, lire en ligne, consulté le )
  21. Onur Kaynarcalidan, Sara Moreno Mascaraque et Ingo Drexler, « Vaccinia Virus: From Crude Smallpox Vaccines to Elaborate Viral Vector Vaccine Design », Biomedicines, vol. 9, no 12,‎ , p. 1780 (ISSN 2227-9059, PMID 34944596, PMCID 8698642, DOI 10.3390/biomedicines9121780, lire en ligne, consulté le )
  22. Bertram L. Jacobs, Jeffrey O. Langland, Karen V. Kibler et Karen L. Denzler, « Vaccinia Virus Vaccines: Past, Present and Future », Antiviral research, vol. 84, no 1,‎ , p. 1–13 (ISSN 0166-3542, PMID 19563829, PMCID 2742674, DOI 10.1016/j.antiviral.2009.06.006, lire en ligne, consulté le )
  23. a et b Yuxiang Wang, « Rendezvous with Vaccinia Virus in the Post-smallpox Era: R&D Advances », Viruses, vol. 15, no 8,‎ , p. 1742 (ISSN 1999-4915, PMID 37632084, DOI 10.3390/v15081742, lire en ligne, consulté le )
  24. (en) Mercer, J. et Helenius, A., « Vaccinia virus uses macropinocytosis and apoptotic mimicry to enter host cells », Science, nos 320, 531-535,‎ .