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Frances Perkins
Frances Perkins | |
Frances Perkins vers 1932. | |
Fonctions | |
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4e secrétaire au Travail des États-Unis | |
– (12 ans, 3 mois et 26 jours) |
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Président | Franklin Delano Roosevelt Harry S. Truman |
Gouvernement | Administration F. D. Roosevelt Administration Truman |
Prédécesseur | William N. Doak |
Successeur | Lewis B. Schwellenbach |
Biographie | |
Nom de naissance | Frances Coralie Perkins |
Surnom | Madam Secretary, Mother of Social Security |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Boston (Massachusetts) (États-Unis) |
Date de décès | (à 85 ans) |
Lieu de décès | New York (États-Unis) |
Nature du décès | Infarctus du myocarde |
Sépulture | Glidden Cemetery à Newcastle (Maine) |
Nationalité | Américaine |
Parti politique | Parti démocrate |
Père | Frederick W. Perkins |
Mère | Susan E. Perkins, née Bean |
Fratrie | Ethel Perkins |
Conjoint | Paul Caldwell Wilson |
Enfants | Susanna Wilson |
Diplômé de | Mount Holyoke College Wharton School Université Columbia |
Religion | Église épiscopalienne des États-Unis |
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Secrétaires au Travail des États-Unis |
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Frances Perkins, surnommée Fanny ou Fannie par ses parents[1], née Frances Coralie Perkins, le 10 avril 1880 dans le quartier de Beacon Hill à Boston (Massachusetts) et morte le 14 mai 1965 à New York, est une femme politique, professeure, haut fonctionnaire et femme d'État américaine. Membre du Parti démocrate, elle est Secrétaire au Travail sous la présidence de Franklin Delano Roosevelt, de 1933 à 1945.
Elle est la première femme de l'histoire des États-Unis à siéger dans un cabinet présidentiel et, avec le secrétaire à l'Intérieur Harold Ickes, la seule membre du cabinet à être présente durant la totalité de la présidence de Roosevelt. Elle siège ensuite brièvement dans l'administration de son successeur Harry S. Truman.
Durant ses fonctions, Frances Perkins mène de grandes réformes sociales dans l'État de New York et aux États-Unis. Importante architecte du New Deal, elle a participé à la création du programme Civilian Conservation Corps et a établi le premier système de sécurité sociale aux États-Unis en ayant dirigé et supervisé le rapport du Committee on Economic Security remis au président Franklin Delano Roosevelt qui a largement inspiré la rédaction du Social Security Act de 1935. Elle a également contribué à l'amélioration des conditions de travail des ouvriers dans les usines américaines. Si aux États-Unis, Franklin Delano Roosevelt est appelé le « père de la sécurité sociale », Frances Perkins est appelée la « mère de la sécurité sociale ».
Dès 1905, elle s'engage dans le combat pour les droits des femmes, dont elle deviendra une des figure éminentes de l'État de New York.
Biographie
[modifier | modifier le code]Jeunesse et formation
[modifier | modifier le code]Une vieille famille américaine
[modifier | modifier le code]Frances Perkins est la fille aînée de Susan E. Perkins, née Bean, et de Frederick W. Perkins, tous deux sont originaires du Maine, sa mère Susan est née à Bethel et son père Frederick est né à Newcastle. Après la guerre de Sécession, le couple Perkins quitte leur ferme du Maine pour emménager à Boston en quête de meilleures conditions de vie. Leur première enfant naît le 10 avril 1880. Frederick W. Perkins venant de lire l'histoire de Francesca da Rimini immortalisée par Dante Alighieri dans la Divine Comédie, il choisit de baptiser sa fille Frances Coralie ; devant le scepticisme de son épouse, il lui dit « En famille nous pourrons l'appeler Fanny Cora ou tout simplement Fanny[2]. » En 1882, ils déménagent à Worcester où la jeune Frances Perkins passe son enfance. Frederick W. Perkins y achète un magasin de papeterie et de fournitures de bureau qui assure à la famille un niveau de vie confortable. En 1884, naît Ethel, la sœur cadette de Frances Perkins. Frederick W. Perkins et Susan Perkins sont tous les deux des conservateur et membres actifs de la Plymouth Congregational Church[3],[4],[5],[6],[7],[8].
Sa grand-mère, Cynthia Otis Perkins, auprès de qui elle passe régulièrement ses vacances d'été, l’influence fortement lors de sa jeunesse[9]. L’ascendance de Frances Perkins vient d'une famille de colons britanniques implantée dans la Nouvelle-Angleterre depuis 1620[10]. Parmi les membres de la famille de Frances Perkins, on peut citer James Otis Jr., avocat et militant politique qui a aidé à formuler les griefs des colons contre le gouvernement britannique dans les années 1760, et serait à l’origine du slogan “Taxation without Representation is Tyranny”[11] ainsi que de la sœur de celui-ci, Mercy Otis Warren, poète, dramaturge et historienne proche de nombreux révolutionnaires américains[12]. Le cousin de Cynthia Otis Perkins est Oliver Otis Howard, général de l’Union lors de la guerre de Sécession, chef du Freedmen’s Bureau dès la fin de la guerre (de 1865 à 1872) et fondateur de la Howard University. L’été de ses 15 ans, Frances lui sert de secrétaire lors de vacances passées par Oliver Howard chez Cynthia Perkins[13],[14].
Quand Frances Perkins fête ses dix ans, ses parents lui offrent un tricorne, conçu à la façon de ceux portés par les soldats de la Continental Army, lors de la guerre d'indépendance américaine, plus tard elle portera un tricorne pendant ses activités sociales et politique, elle sera appelée « la dame au tricorne », et utilisera son tricorne comme symbole de sa lutte contre les anti-féministes[15],[16],[17],[4].
Ses études
[modifier | modifier le code]Frances Perkins suit sa scolarité primaire dans une école privée, l'Oxford Street Grammar School, où elle reçoit en outre un enseignement biblique. Alors qu'en cette fin du XIXe siècle, seulement 3 % des jeunes filles américaines suivent des études secondaires, grâce à son père qui a remarqué sa précocité intellectuelle, elle entre à la Worcester's Classical High School, elle y apprend le latin et le grec, en plus des autres matières. Elle fait partie des rares élèves filles et se fait remarquer par sa capacité à débattre. Sa scolarité secondaire étant achevée, ses parents sont divisés quant à son avenir ; sa mère songe à lui trouver un mari, mais son père est plus ouvert. Il a assisté lors de ses voyages d'affaires, à une conférence donnée par la suffragette Anna Howard Shaw qui l'a convaincu sur le droit de vote des femmes et sur un élargissement de la place des femmes dans la société. Aussi contre l'avis de son épouse, sur les conseils du principal de la Worcester's Classical High School , Edward Goodwin, il pense qu'elle ferait une bonne enseignante et pour cela, elle doit entreprendre une formation universitaire. Le , elle est acceptée au Mount Holyoke College de South Hadley, dans le Massachusetts, une université réservée aux femmes fondée par Mary Lyon dont la devise est : « Allons de l'avant pour essayer de grandes choses et accomplir de grandes choses ». Elle y obtient le Bachelor of Arts (licence) en 1902 avec comme option majeure la physique et pour options mineures la chimie et la biologie, ce qui à l'époque était inhabituel pour une femme[18],[19],[20],[21].
Pendant ses études au Mount Holyoke College, elle suit les cours d'Esther van Dieman, professeure titulaire de latin, qui lui apprendra la rigueur grammaticale et d'expression dans les exercices de version. Sa professeure de chimie, Nellie Esther Goldthwaite, la pousse dans la maîtrise des raisonnements et des démonstrations ce qui fera dire plus tard à Frances Perkins « Pour la première de ma vie, j'ai découvert sous l'aiguillon de cette professeure la prise de conscience de ma pensée propre. J'ai acquis une confiance en mes capacités intellectuelles et acquis la ferme détermination d'en tirer le maximum durant mes études universitaires. ». Bien qu'ayant orienté ses études universitaires en des domaines scientifiques, Frances Perkins est particulièrement marquée par le cours d’histoire économique américaine donné par l’historienne Annah May Soule . Cette dernière encourage ses étudiantes à visiter les usines pour connaitre la réalité des conditions du travail industriel. Frances Perkins visite le chantier de construction d'un canal le long du Connecticut (fleuve). Elle y constate des conditions de travail particulièrement pénibles des femmes et des enfants poussant des wagonnets. Elle se rend dans d'autres usines aux locaux sombres et humides dont les machines sont dénuées de dispositifs de sécurité provoquant de nombreux accidents de travail, accidents qui ne sont couverts par aucune assurance. Elle consigne minutieusement ses observations touchant le manque d’hygiène et de sécurité touchant les conditions d'emploi des ouvriers et ce qu'il faudrait faire pour améliorer leur sort[22],[23],[24].
Ces visites sont, pour elle, la première confrontation à la pauvreté, elle en fait part à sa professeure Anna May Soule, en s'étonnant que ses parents lui avaient caché cette réalité et reprend une des citations de son père « Nul n'est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ! ». Quand elle revient à la maison familiale pendant des vacances de Pâques, elle fait part de ses découvertes et de ses interrogations à ses parents, ces derniers la rabrouent se demandant s'ils ont eu raison de l'envoyer faire des études universitaires et accuse Anna May Soule de lui avoir tourné la tête ; Frances Perkins réplique « Miss Soule est bien plus chrétienne que les gens que je connais ! ». Ses parents la raille en lui disant que lorsqu'elle sera mariée, elle sera suffisamment occupée aux tâches ménagères pour se préoccuper de cela. Là, Frances Perkins prend conscience qu'elle ne sera jamais réduite à l'état de femme au foyer[25].
C'est aussi pendant ses études, qu'elle élargit sa vie extra universitaire en rejoignant la section locale de la Young Women's Christian Association dont elle devient la présidente où durant les réunions, elle aime plus particulièrement les débats philosophiques[26],[27],[28].
Des influences déterminantes
[modifier | modifier le code]Le début du XXe siècle marque un tournant dans la vie de Frances Perkins. En 1901, Mary Emma Woolley devient la présidente du Mount Holyoke College. Cette dernière fait partie des deux première femmes diplômée de l'université Brown en 1894 ; après avoir été professeure d'histoire biblique et de littérature au Wellesley College, elle est choisie par le conseil d'administration du Mount Holyoke College pour prendre la suite d'Elizabeth Storrs Mead[29]. Son but est de faire du College un établissement de qualité, l'amener au plus haut niveau des universités. Mary E. Woolley est également connue pour ses positions vis du mariage. À l'époque, le mariage était vu comme une nécessité pour la réussite d'une vie de femme. Or elle était célibataire et cachait point son opinion, pour elle le mariage est une possibilité pour une femme mais ne saurait point être un passage obligé pour qu'une femme ait une vie accomplie. Les idées de Mary E. Woolley laisseront une empreinte déterminante sur les orientations futures de Frances Perkins[30].
En février 1902, Frances Perkins assiste à une conférence de Florence Kelley[31], la secrétaire générale de la National Consumers League (NCL), donnée au Mount Holyoke College dont le thème est la lutte de la NCL pour obtenir l'abolition du travail des enfants et l'élimination des ateliers clandestins connus sous le nom de sweatshops / (ateliers de misère). Pour cela Florence Kelley sensibilise les classes moyennes pour qu'elles aient une attitude de consommateurs éthiques, qu'acheter en cherchant le prix le plus bas, c'est maintenir l'exploitation salariale des femmes et des enfants dans des conditions de travail dépourvues des règles élémentaires d’hygiène et de sécurité. Florence Kelley, une quaker était connue pour ses positions féministes, pour avoir occupé la fonction d'inspectrice en chef des usines pour le compte de l'État de l'illinois, ce qui était une première pour une femme. Par ailleurs, Florence Kelley était une marxiste, qui avait réalisé la première traduction en anglais de La Situation de la classe ouvrière en Angleterre en 1844 écrit par Friedrich Engels. Elle a aussi grandement contribué à une approche scientifique des questions sociales par l'élaboration de méthodes d'enquêtes[32]. Florence Kelley sera, jusqu'à sa mort en 1932, la mentor, l'amie et la conseillère privilégiée de Frances Perkins[33].
C'est pendant ses études que Frances Perkins lit l'essai de Jacob Riis[34], How the Other Half Lives[35] qui décrit de façon réaliste, photographies à l'appui, la vie dans les bas-quartiers de New York, lecture qui la marque et la marquera et la conforte dans sa recherche de la justice sociale[36],[37].
Carrière
[modifier | modifier le code]Les premiers pas dans l'action sociale et politique (1904-1907)
[modifier | modifier le code]La vocation
[modifier | modifier le code]Après ses études universitaires, Frances Perkins retourne dans la maison familiale à Worcester. Elle travaille comme chimiste analytique[38] dans une conserverie. Ses parents voient d'un mauvais œil cet emploi qu'ils jugent indécent pour une jeune femme « convenable » et préfèrent qu'elle devienne enseignante en attendant qu'elle se marie. Sous la pression familiale, Frances Perkins enseigne dans divers établissements scolaires et participe aux activités paroissiales. Avec sa soeur Ethel, elle y fonde un club pour jeunes femmes, d'après ce qu'elles savaient des centres communautaires inspirés par le Settlement movement[39]. Dans ce club, elles organisent des activités sportives, des randonnées, et des classes d'enseignement[40],[41].
En 1904, Frances Perkins est embauchée à la Ferry Hall School (en) de Lake Forest dans l'Illinois, ville située dans la banlieue de Chicago, pour y enseigner la physique et la biologie. Elle emménage à Lake Forrest le , où elle doit, comme l'exige le règlement concernant les enseignantes célibataires, vivre dans la résidence des étudiantes et observer le couvre-feu et l'extinction des lumières à 22 h[42],[43].
L'année 1904 est marquée par la réélection du président Theodore Roosevelt qui sera le premier président des États-Unis à se faire le défenseur des pauvres, des opprimés et des exploités, et à promouvoir un programme de réformes sociales. Les discours de ce président encouragent France Perkins à s'engager dans le combat de la justice sociale. Comme lui elle est persuadée de la nécessité d'un gouvernement fédéral volontariste qui met en œuvre une politique visant à l'amélioration de la condition ouvrière, qui réponde aux demandes sociales et fasse barrage aux demandes du capitalisme sauvage. Elle notera plus tard « Pendant la période de mes études, une nouvelle génération apparaît, essentiellement des femmes, mais aussi des hommes, génération habitée par la passion de la justice sociale. »[43].
Une fois installée, elle se rend régulièrement à Chicago pour visiter les musées, les bibliothèques et d’assister à représentations théâtrales et des concerts. Elle est également conviée par des collègues à joindre des réunions de féministes, mouvement qui se développait dans l'aire de Chicago[44]. Elle visite la Hull House que Jane Addams a fondé d'après le modèle du Toynbee Hall de Londres qu'elle avait visité en 1888, premier établissement créé dans la mouvance du Settlement movement. Ces centres communautaires ont pour vocation de favoriser la mixité sociale, de donner, aux plus pauvres, des soins de santé, des ateliers d’apprentissages, des conseils d'éducation des enfants, une bibliothèque et une banque d'urgence[45]. Frances Perkins visite également la Chicago Commons (en), fondée par Graham Taylor, sur le modèle de la Hull House[46], deux centres d'action communautaires situées dans les bas quartiers de Chicago[47],. Frances Perkins découvre des conditions de vie misérables, des taudis où sévissent les maladies, la malnutrition, la surpopulation, des personnes sous payées[48].
La Chicago Commons et la Hull House
[modifier | modifier le code]Sur les recommandations d'une membre de l'association féministe qu'elle fréquentait, Frances Perkins prend rendez-vous auprès de Graham Taylor, professeur de sociologie au Chicago Theological Seminary (en), qui dirige la Chicago Commons. Lors de cette rencontre, il lui expose les conditions de vie des habitant du West Side (Chicago) et au détour de leur conversation, il lui dit « la seule réponse aux problèmes des ouvriers pauvres et de les organiser au sein de syndicats ouvriers » qui leur permettra d'obtenir un salaire minimum sans devoir faire appel à la charité ou à l’assistance sociale ; affirmation qui entrait en contradiction avec l'opinion que ses parents lui avaient transmises, considérant que les syndicats « sont un mal à proscrire », cette sentence de Graham Taylor va conduire Frances Perkins à s'intéresser aux mouvements ouvriers, l'éloignant une fois de plus du chemin proposé par sa famille[49]. Puis à la question que signifie le terme de Commons, Graham Taylor lui répond que c'est un mot pour désigner un centre communautaire d'œuvres sociales au service des plus démunis de la ville et il l'invite à s'installer dans la Chicago Commons pendant ses vacances de Noël pour qu'elle puisse faire plus ample connaissance avec la population accueillie et accompagnée. Proposition que Frances Perkins accepte avec joie. Lors de son séjour, Frances Perkins se joint à l'animation des enfants, remarquant qu'il y avait de nombreuses mères Italiennes, elle s'adresse à elles dans leur langue, ce que personne n'avait jamais fait auparavant et leur sert d’interprète[50].
Face à sa demande de mieux connaître la vie des bas-quartiers de Chicago, Graham Taylor lui dit « Si vous voulez vraiment travailler dans les quartiers les plus pauvres, vous devez vous rendre à la Hull House. Jane Addams est l'une des femmes les plus remarquables du monde. Vous devez au moins la voir. ». Frances Perkins est directement reçue par Jane Addams, avertie de sa venue par Graham Taylor. Elles partagent toutes les deux des points communs, elles sont nées au sein d'une famille bourgeoise, elles ont toutes les deux reçues une éducation universitaire, ce qui facilite les échanges entre les deux femmes. À la suite de l'entretien, il est convenu que France Perkins travaillerait à la Hull House à partir de septembre 1906, dans la foulée, elle notifie sa démission à la direction de la Ferry Hall School. Elle part également annoncer la nouvelle à son père, ce dernier lui répond « Je sais combien Miss Addams est hautement considérée, si tu veux te jeter dans l'aventure de l'amélioration des conditions sociales, je me réjouis que tu sois en de si bonnes mains »[51].
Dans premier temps elle travaille sous la houlette de Alice Hamilton[52], docteur en médecine, pour lui donner un coup de main pour établir un partenariat entre les dispensaires, les hôpitaux et la Hull House. Alors qu'elle était nommée par son diminutif de Fannie, donné par ses parents, elle demande à ce qu'elle soit appelée par son prénom de Frances afin de marquer une rupture d'avec son enfance, son éducation familiale, un nouveau commencement. Elle accompagne Alice Hamilton dans ses visites médicales auprès d'enfants qui souffrent notamment de carence en calcium, c'est pour cela que la Hull House fait des distributions quotidiennes de bouteilles de lait. Son travail consiste à calmer les enfants pendant qu'Alice Hamilton les ausculte, les baigne, les soigne. Alice Hamilton félicite Frances pour sa capacité à se confronter aux pires misères avec sang froid, alors que rien ne l'y préparait, surtout quand elle l'accompagne dans des taudis qui sentent la mauvaise graisse, l'ail et les excréments et aux escaliers jonchés d'ordures, habités par des personnes illettrées, à la sante minée par des conditions de travail dénuées de toute hygiène. Au sujet de l’alcoolisme très répandu qui surprend Frances Perkins, Alice Hamilton lui répond « Si vous étiez à leur place, je crois que vous aussi vous vous mettriez à boire ! » , ce que Frances Perkins admet[53].
Après cette première épreuve réussie, Jane Addams donne une nouvelle mission à Frances Perkins, elle la nomme pour seconder Julia Lathrop[54] pour mener des actions en vue d'améliorer les conditions carcérales, des hôpitaux pour les pauvres, des refuges, des orphelinats, pour que soit adoptées un minimum de lois concernant des règles sanitaires et de confort minimum. Le combat de Julia Lathrop passionne Frances Perkins. Elle se rappelle des conseils que lui avait prodigués Florence Kelley après une conférence prononcée à Mount Holyoke : « La plupart des gens ont un coeur ; Frances notre mission est de leur faire comprendre qu'il faut agir contre les démons de notre système industriel. Ces démons sont des illusions, des artifices, des fabrications, il suffit que les gens prennent conscience de leur capacité à agir pour que les choses changent. ». cela faisait également écho à l'enseignement d'Anna May Soule. Ces différentes prises de conscience font dire par Jane Addams que désormais Frances est prête pour travailler dans l'action sociale, aussi elle lui propose de poser sa candidature auprès de la Philadelphia Research and Protective Association (PPRA) de Philadelphie qui sont en recherche d'une secrétaire générale[55].
Philadelphie et la Philadelphia Research and Protective Association (1907-1909)
[modifier | modifier le code]Cette demande est confirmée par Rachel Reilly, une amie de Jane Addams. La Philadelphia Research and Protective Association (PPRA) est une organisation qui s'est donnée pour mission l'aide auprès des jeunes femmes afro-américaines venues du Sud et de jeunes migrantes qui viennent en nombre croissant à Philadelphie pour chercher du travail. Quand ces jeunes femmes arrivent sur les quais de la gare ou du port, elles sont sollicitées par de soi-disant représentants des employeurs et qui en fait sont des membres de gangs qui les forcent à se prostituer dans les bordels locaux, à travailler comme domestiques ou ouvrières sous-payées ou leur proposent des logements hors de prix. Plusieurs de ces jeunes femmes abusées attrapent des maladies sexuellement transmissibles et certaines se suicident. De nombreux ministres du culte dénonçaient ce fléau en chaire. Frances Perkins est embauchée en 1907 par Frances Alice Kellor, la présidente de la PPRA, en tant que secrétaire générale, pour un salaire mensuel de 50 $, ce qui est bien inférieur à ce qu'elle touchait en tant qu'enseignante. Elle y est la seule salariée, mais le bureau de l'association lui donne carte blanche pour recruter les personnes dont elle aurait besoin pour faire aboutir ses actions. Dans un premier temps, elle fait le tour des bas-quartiers de Philadelphie pour étudier l'ampleur et la nature des problèmes. Pour financer ses actions, elle sollicite l'aide d'habitants de Philadelphie fermement opposés par ces trafics de femmes, notamment des familles de Quakers et de descendants d’abolitionnistes. Elle embauche une assistante, une Afro-Américaine diplômée de l'université Cornell. Après cet audit, elle lance sa stratégie. Elle enrôle des jeunes femmes migrantes et afro-américaines pour neutraliser les gangs ; à chacune d'entre elles, elle fournit un sifflet et les « arme » d'une ombrelle et d'une épingle à chapeau, leur mission est de signaler avec force bruit la présence des gangsters pour alerter la police, elle-même se porte volontaire pour les premières opérations. Puis, avec l'aide de deux assistantes, elle établit une liste de pensions de familles et d'employeurs dignes de confiance et prêts à coopérer, auxquels les jeunes femmes pourront s'adresser. Dans son travail d'enquête, elle découvre également que la sur exploitation salariale des femmes était une des causes de l'entrée à la prostitution pour simplement survivre. Par son petit ami de l'époque, Joseph E. Cohen un syndicaliste membre de la section du Parti socialiste d'Amérique de Philadelphie, elle fait la connaissance de George et Joe Caylor également membres du Parti socialiste d'Amérique qui deviendront ses amis. Ce parti socialiste d'inspiration social-démocrate, en dehors de ses luttes contre les inégalités consécutives à l'accélération de l'industrialisation, attirait de nombreuses femmes convaincues que leur émancipation et l'égalité des droits civiques entre hommes et femmes ne pouvaient pas se réaliser dans une société sous la domination du capitalisme. Frances Perkins s'interroge longuement sur les excès du capitalisme que ceux ci conduisent à une classe ouvrière opprimée et elle adhère au Parti socialiste d'Amérique en 1909[56],[57],[58].
Afin de consolider ses connaissances, elle s'inscrit à la Wharton School de l'université de Pennsylvanie pour suivre les cours de sociologie et d'économie, elle est particulièrement assidue aux cours donnés par Simon Patten, un économiste précurseur de la civilisation du bien être pour tous, sa thèse principale étant que les progrès techniques et scientifiques pouvaient permettre une vie décente pour tous grâce à des réformes sociales et économiques. En échangeant avec elle, Simon Patten est impressionnée, et lui enjoint de passer un Master of Arts auprès de l'université Columbia. Simon Patten écrit une lettre de recommandation à son collègue Samuel McCune Lindsay[59] professeur de droit social à l'université Columbia. C'est ainsi que Frances Perkins obtient une bourse d'un montant de 500 $ pour suivre des cours à la New York School of Philanthropy (actuellement connue sous le nom de la Columbia University School of Social Work (en)). Elle y apprendra comment mener des enquêtes sociales, et acquérir les différentes méthodes investigations utilisées dans la recherche sociale[60],[61],[48],[62].
L'arrivée à New York (1909)
[modifier | modifier le code]Elle se rend à New York en 1909, elle y loue un appartement sur la Waverly Place (en) dans le quartier de Greenwich Village à Manhattan. À côté de ses études, elle profite de la vie culturelle new-yorkaise, visite les expositions. Elle apprécie plus particulièrement les peintures de Georgia O'Keefe , de Diego Rivera et George Bellows dont le tableau Portait of a Little Girl est sa toile préférée. Pour améliorer ses revenus, elle publie des nouvelles du genre romances sous des noms d'emprunt, elle arrête son activité littéraire après que Theodore Dreiser ait jugé ses nouvelles trop sophistiquées. Elle écoute également les conférences de John Silas Reed qui fait les louanges du bolchevisme russe, des révoltes paysannes dirigées par Pancho Vila au Mexique ; à ce sujet elle écrira plus tard « En ces jours, rien ne nous heurtait, aucune idéologie nous dérangeait ]...[ vous n'allez pas vous scandaliser parce des gens ont des idées amusantes (funny dans le texte), c'est ce qu'était l'Amérique ! » . Dans ses pérégrinations new-yorkaises, elle est accompagnée par l'architecte Robert Moses et le futur Prix Nobel de littérature, Sinclair Lewis qui devient son ami et son confident. Selon la biographe de Frances Perkins, Emily Keller, le roman Ann Vickers de Sinclair Lewis serait inspiré par la vie de Frances Perkins. Elle fréquente également le centre communautaire d'aide sociale, le Henry Street Settlement (en)[63], fondé en 1893 par Lillian D. Wald, elle y fait la connaissance du futur maire de New York John Purroy Mitchel et de son secrétaire Paul Caldwell Wilson qui deviendra son époux. C'est lors d'un thé dansant qu'elle rencontre pour la première fois Franklin Delano Roosevelt. [64],[65].
La militante pour les droits des femmes
[modifier | modifier le code]New York est le moment où elle va construire un réseau d'amies au sein du mouvement des suffragettes. Régulièrement, elle prend la parole, juchée sur une caisse à savons, dans des coins de rue pour haranguer les passants sur la nécessité de changer la Constitution des États-Unis pour donner le droit de vote des femmes. Elle accompagne des amies qui prennent la défense du droit de vote pour les soutenir et retourner la foule quand elle se montre agressive. Elle mène également des actions « coup de poing », comme lorsqu'elle prend la tête d'un groupe de féministes pour fumer en public dans le hall d'un grand hôtel new-yorkais pour montrer que les femmes ont aussi le droit de le faire. Peu à peu elle émerge comme une figure de proue du mouvement féministe. Ses positions se radicalisent, lors d'un meeting féministe qui se tient à l'université Cooper Union, elle déclare : « Le féminisme signifie la révolution, je suis une révolutionnaire, la révolution est une principe nécessaire, elle sera une bonne chose pour tout un chacun »[66].
La National Consumers League de New York (1910-1912)
[modifier | modifier le code]En 1910, Frances Perkins est sollicitée par la National Consumers League (NCL) fondée par Josephine Shaw Lowell[67], John Graham Brooks (en)[68] et Florence Kelley[31], Frances Perkins connaissait cette dernière quand elle avait prononcé une conférence à Mount Holyoke. La mission de la NCL est d'informer les consommateurs en leur indiquant les modalités de fabrication et les circuits de distribution à l'aide de rapports d'inspection, d'analyse, de statistiques et de photographies documentaires. La NCL avait dressé une liste blanche d’entreprises et de magasins qui donnaient satisfaction en matière d'hygiène et de sécurité, par ailleurs la NCL menait une action de lobbyiste pour mettre fin au travail des enfants et à la pratique des bas salaires. Le slogan de la NCL est « investigate, agitate, legislate / enquêter, faire campagne, légiférer ». La mission de la NCL est en accord aux idées de Frances Perkins qui est convaincue que la surexploitation des femmes et des enfants et la pratique des bas salaires étaient à la racine des problèmes sociaux américains. Frances Perkins négocie son poste, elle fait valoir son expérience auprès de la PPRA, elle demande que son emploi de secrétaire générale de la branche new-yorkaise de la NCL soit à plein temps avec un salaire annuel de 1 200 $ ; la NCL fait une contre proposition de 1 000 $, et il est convenu qu'elle pourra embaucher une sténographe pour la seconder, Frances Perkins accepte et emménage à la Greenwich House (en) (résidence dans la mouvance du Settlement mouvement)[69],[70],[71].
L'enquête sur les boulangeries
[modifier | modifier le code]Le première tâche qu'entreprend Frances Perkins pour la NCL est une enquête sur les industries boulangères de New York. Elle visite une centaine d'usines et de boulangeries artisanales et fait appel à des volontaires en visiter des centaines d'autres. Le rapport final souligne des dysfonctionnements graves en matière d'hygiène : prolifération de rats où sont entreposés les sacs de farines, les chats qui ont élu domicile auprès des fournils, etc. Elle demande à ce que les consommateurs mènent des actions pour établir des règles d'hygiène dans le secteur de la boulangerie[72].
La tragédie de l'incendie de l'usine Triangle Shirtwaist Company
[modifier | modifier le code]Puis, elle s'est intéressée à la prévention des incendies. Pour cela, elle interviewe des pompiers, des architectes et toutes les autres professions concernées, notamment sur la mise en place de systèmes d'extinction automatique à eau ou sprinkler, des escaliers de secours, l'entreposage des matières inflammables, etc. Elle découvre que les dispositifs comme les sprinklers sont rarement installés, les sorties de secours sont soit inexistantes, soit difficilement accessibles et que de nombreux ateliers en étage sont hors de la portée des lances à incendies des pompiers. Le , alors qu'elle prend le thé avec son amie la militante féministe Margaret Morgan Norrie[73], elle est interrompue par les sirènes, elle se précipite à l'extérieur et découvre horrifiée qu'un incendie s'est déclaré au huitième étage de l'usine Triangle Shirtwaist Company, située au coin de la Greene Street et de la Washington Place, à Manhattan. Le contremaître tente d'éteindre le feu par le robinet d'incendie armé, mais celui-ci est défectueux, il faut évacuer les 600 ouvrières présentes par les ascenseurs, mais sur les quatre ascenseurs trois sont en panne, l'ascenseur en ordre de marche ne peut accueillir que douze personnes à la fois, les portes d'accès aux escaliers sont fermées de l'extérieur pendant les heures de travail, c'est la panique ! En l'espace de dix huit minutes, 49 personnes meurent brûlées vives ou étouffées par la fumée, 36 meurent asphyxiées dans la cage d'ascenseur et 58 meurent en sautant par les fenêtres, s'écrasant sur les trottoirs, trois autres décèdent des suites de leurs blessures. En tout, l'incendie a fait 146 victimes dont 129 femmes certains cadavres sont tellement mutilés par les brûlures que plusieurs ne peuvent être identifiés comme l'indique avec précision, un article du New York Times[74],[75],[76],[77],[78],[79],[80],[81],[82].
C'est un choc dans l'opinion, entre 100 000 personnes assistent aux funérailles et quelques jours plus tard 350 000 personnes participent à une marche funèbre en mémoire des victimes, marche organisée par la Women's Trade Union League (WTUL) et l'International Ladies' Garment Workers' Union. La presse comme les syndicats dénoncent les manquements aux règles de sécurité, aux règles d'évacuation les plus élémentaires[83].
En réponse à l'incendie, deux commissions se créent, le Commitee on Safety of the City of New York (Comité sur la sécurité de la ville de New York) formée de citoyens de la ville de New York et la New York State Factory Investigating Commission (Commission d'enquête de l'État de New York sur l'usine) fondée le sur l'initiative de la Législature de l'État de New York, commission présidée par deux sénateurs de l'État de New York : Robert F. Wagner et Al Smith, respectivement président et vice-président. Dans cette dernière commission, des particuliers y siègent également comme Simon Brentano, le directeur des éditions et libraires Brentano's ou Mary Dreier la présidente de la Women's Trade Union League (WTUL) (Ligue d'union syndicale des femmes). Frances Perkins est appelée à y témoigner en tant qu'experte[84],[85].
Le , commence le procès de Max Blanck et Isaac Harris[86], propriétaires de la Triangle Waist Company, accusés d'homicide involontaire au premier et au second degrés, après trois semaines de débats, de nombreuses preuves et témoignages démontrant leur incurie et négligences, ils sont acquittés par le jury[87]. Max Blanck et Isaac Harris ont finalement versé une indemnité de 75 $ à chaque famille des victimes - une fraction des 400 $ par décès versée par leur assureur[88],[75].
Cet incendie a marqué profondément Frances Perkins qui en fut témoin, et la détermine plus que jamais à lutter contre les circonstances qui ont rendu possible cette tragédie[89],[90].
Le travail des enfants
[modifier | modifier le code]Après la tragédie de l'incendie de la Triangle Waist Company, Frances Perkins reprend son travail au sein de la NCL en ciblant dorénavant ses actions sur le travail des enfants. Elle prononce plusieurs conférences auprès d'associations de mères parentes d'élèves, de femmes engagées dans la protection de l'enfance et autres associations féminines. Elle note que : « Ces enfants travaillent entre soixante à soixante douze heures par semaine selon les saisons. Ils travaillent au milieu des poussières et de vapeurs diverses. Le taux de mortalité y est particulièrement élevé. » Elle milite pour que soit réduit le temps de travail à cinquante heures par semaine pour tous les mineurs, garçons comme filles, de moins de 18 ans. Elle se rend au Congrès de l'État de New York à Albany pour convaincre les élus. Elle y reçoit l'appui du sénateur Timothy Sullivan (en) dit « Big Tim » ou « The King of The Bowery » [91],[92],[93] et du sénateur Franklin Delano Roosevelt récemment élu. En mars 1911, une proposition de loi est déposée à la Législature de l'État de New York pour réduire le temps de travail des mineurs de moins de 18 ans à cinquante quatre heures, malgré le soutien et les arguments de Timothy Sullivan et de Franklin D. Roosevelt la loi est refusée[94],[95].
Malgré sa charge de travail, elle accepte de donner des cours de sociologie à l'Université Adelphi, située à Garden City, dans le comté de Nassau, dans l'État de New York[96].
La Hell's Kitchen de Manhattan et le Tammany Hall (1910-1911)
[modifier | modifier le code]En 1910, Frances Perkins obtient son Master of Arts (Master) après avoir soutenu son mémoire ayant pour titre « Somes Facts Concerning Certain Undernourished Children, a Study of Malnutrition in 107 Children from Public School 51 » décrivant des cas de malnutrition chez 107 enfants scolarisés à la Public School 51 de Manhattan[97],[98],[99],[71].
Son mémoire est, entre autres, le résultat de ses observations sur la malnutrition des enfants d'un quartier défavorisé de Manhattan surnommé la Hell's Kitchen (la cuisine du Diable). Pendant ses prises de notes, elle prend contact avec Thomas J. McManus (en) dit « The McManus », le sénateur du quartier ; bien qu'elle connaisse sa réputation de politicien véreux et corrompu membre du Tammany Hall, groupe devenu le symbole de la corruption[100]. Lors de cette entrevue, elle lui expose le cas d'un jeune homme qui est en garde à vue, dans des circonstances douteuses malgré les témoignages de sa mère et de ses sœurs qui avait cherché des aides auprès d'une organisation caritative dépendant du Tammany Hall, en vain. L'intervention de Frances Perkins a ébranlé McManus, ce dernier invite Frances Perkins le lendemain pour lui annoncer que le jeune homme a été relâché[101],[102].
Frances Perkins, malgré la réputation sulfureuse du Tammany Hall, sait leur pouvoir d'influence sur Manhattan, la ville de New York et plus généralement sur l'État de New York, et donc va chercher des alliés parmi ce groupe pour faire du lobbying pour la NCL à Albany. Elle fait alliance avec deux membres influents du Tammany Hall Robert F. Wagner, sénateur démocrate de la Législature de l'État de New York, et Al Smith, représentant à l'Assemblée de l'État de New York et futur gouverneur de l'État de New York, qui forment duo connu sous le nom de « Tammany Twins / les jumeaux de Tammany »[103].
La Commitee on Safety of The City of New York - CSCNY (1912-1917)
[modifier | modifier le code]En mai 1912, Frances Perkins quitte la NCL pour accepter la proposition du Commitee on Safety of The City of New York (CSCNY) de devenir sa secrétaire générale. Elle profite de ses liens avec son président Robert F. Wagner et les membres du conseil Al Smith, pour travailler étroitement avec eux. Elle intègre dans la CSCNY, la suffragette Mary Dreier , le procureur général de l'État de New Abram Isaac Elkus (en) et le juriste Bernard L. Shientag[104],. Elle compte sur la coopération de Samuel Gompers, le président de la puissante Fédération américaine du travail (AFL), mais il se désintéresse totalement du travail des femmes dans des ateliers plus ou moins clandestins (Sweatshop) comme celui de l'atelier de la Triangle Shirtwaist Company, il pose une distinction radicale parmi les syndiqués, excluant ces femmes jusqu'à dire qu'elles n'ont rien à faire en tenue d'ouvriers : « Que font ces salopes dans ces blouses »[105].
Accompagnée du sénateur Robert f. Wagner et du représentant Al Smith, elle mène des audits dans diverses entreprises industrielles de l'État, les points interrogés sont l'existence d'escaliers de secours, et si oui, s'ils possèdent des rampes de sécurité des deux côtés, la vérification du libre accès aux sorties de secours, l'entreposage des produits inflammables dans des locaux sécurisés, le port de charlotte comme protection des cheveux plus spécialement pour les ouvrières, le port de gants de protection, le port de tablier ou de blouses, les mesures de prévention des accidents. Elle constate chez des patrons de bonne foi un manque de sens des responsabilité et un fatalisme mettant les accidents sur le compte d'une volonté divine impénétrable. Tous les manquements aux règles élémentaires d'hygiène et de sécurité sont consignés afin d'en tirer des préconisations dans un rapport final[106].
Le rapport final de la CSCNY supervisé et finalisé par Frances Perkins fait un grand effet sur les membres de la New York State Factory Investigating Commission. Tant et si bien que l'État de New York devient un précurseur en matière d'hygiène et de sécurité au sein des entreprises. Plus de trente lois sont votées par la Législature de l'État, dont l'interdiction de l'emploi des enfants en dessous de l'âge de quatorze ans, un système de compensation en cas d'accidents du travail, l'installation obligatoire de sprinklers dans les ateliers situés à une hauteur de plus de sept étages, l'obligation de faire des exercices d'évacuation en cas d'incendies, l'interdiction de fumer dans les ateliers, l'obligation de la pose d'escaliers d'incendies en extérieur, obligation de l’installation de toilettes et robinet d'eau potable, ventilation des salles de repos[107],[108].
L'État de New York crée un département du travail, suivi en 1913, par la création au niveau fédéral du Département du Travail des États-Unis, sous la présidence de William Howard Taft[109],[110],[111].
Le 6 avril 1917, le président Woodrow Wilson déclare la guerre à l’Allemagne[112], les urgences changent, le CSCNY ayant rempli ses principales missions est dissous[113].
Continuer l'engagement pour le droit de vote des femmes
[modifier | modifier le code]La position de Frances Perkins est paradoxale, elle est devenue une personnalité politique éminente de la ville et de l'État de New York, mais en tant que femme elle n'a pas le droit de vote ni celui d'être une élue. C'est pourquoi, avec d'autres femmes, elle s'était engagée dès 1909, dans le mouvement des suffragettes pour mettre fin à cet état de chose absurde. Se relevant d'une longue convalescence liée à une septicémie consécutive à son premier accouchement de février 1915, le , elle participe à la Marche des femmes pour le droit de vote à New York qui a rassemblé plus de 25 000 manifestantes auxquels se sont joints 2 000 manifestants. Les femmes obtiennent le droit de vote en 1917 pour les élections concernant l'État de New York et en 1920 sur l'ensemble des États-Unis par la ratification du Dix-neuvième amendement de la Constitution des États-Unis[114],[115],[116],[117].
Le Women's City Club de New York (1918-1919)
[modifier | modifier le code]En avril 1918, après la dissolution du CSCNY, Frances Perkins est embauchée comme secrétaire générale du Women's City Club de New York, l'actuel Women Creating Change (en). Association fondée en 1915 par des suffragettes qui s'est donnée pour mission d'agir auprès des autorités de la ville de New York et de l'État de New York pour améliorer la condition des femmes, promouvoir l'éducation civique des femmes pour en faire des responsables politiques[118],[119],[120].
Deux médecins obstétriciens, Ralph Lobenstein et J. Clifton Edgar[121], sachant que depuis l'accouchement de sa fille Susanna en décembre 1916, Frances Perkins est sensibilisée aux problèmes des maternités, l'approchent pour qu'elle puisse user de son influence pour développer les soins de santé périnatale et post-natalité en direction des femmes pauvres. En effet les États-Unis sont à l'époque le pays développé où il y a le plus grand nombre de femmes qui décèdent en couche et d'enfants qui meurent précocement et New York tient le triste record de la ville la plus dangereuse du monde en la matière, spécialement pour les populations précaires. Pour en savoir plus et agir en conséquence, Frances Perkins intègre dans le bureau du Women's City Club des patientes du docteur Ralph Lobenstein, issues de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Grâce à leur soutien, le Women's City Club recueille la première année, la somme de 64 000 $. Elle recrute deux infirmières qui vont jouer un rôle majeur Anne Stevens et Hazel Corbin[122] qui elles-mêmes vont embaucher une vingtaine d'infirmières qui reviennent du front et cherchent du travail. L'argent et le personnel étant là, Frances Perkins fonde à la fin de l'année 1918, la Maternity Center Association (actuelle Childbirth Connection (en)) dont la mission est de promouvoir la qualité des soins des jeunes femmes enceintes et des jeunes mères. En moins d'une année, la Maternity Center Association a pu réaliser 1 640 entretiens médicaux, 3 666 visites à domicile à titre gratuit. En plus le Centre accepte également des dons, de la nourriture, du lait et des vêtements qui sont distribués auprès des indigents. Frances Perkins établit un réseau de partenariats avec la Croix rouge américaine, le National Council of Jewish Women (en), la National Urban League, la Young Women's Christian Association pour financer et construire des maternités pilotes dans tout Manhattan. En 1920, grâce au travail de Frances Perkins le Centre emploie 34 infirmières qui interviennent dans 26 maternités pour donner des soins gratuitement. En 1919, appelée à d'autres fonctions, Frances Perkins transmet le flambeau à Hazel Corbin[123],[124].
Un nouveau contexte
[modifier | modifier le code]Au lendemain de l'après première guerre mondiale, des événements marquent les États-Unis[125].
Le Dix-huitième amendement de la Constitution des États-Unis qui institue la prohibition est ratifié le [126].
De janvier 1919 à avril 1920, éclatent des attentats à la bombe causés par des anarchistes et des militants communistes déclenchent des grèves d'avril à novembre 1919, provocant une « peur des rouges » connue sous le nom de la First Red Scare (en) (Première peur des rouges)[127] ; en réponse, le Procureur général des États-Unis, Alexander Mitchell Palmer, lance une campagne de répression, les Palmer Raids par lesquels des centaines de personnes sont arrêtées et d'autres expulsées du territoire[128],[129],[130],[131].
Du au , c'est le Red Summer, période sanglante où se produisent 25 émeutes raciales, 97 lynchages, et qui atteint son point culminant avec le massacre d'Elaine, où plus de 200 Afro-Américains trouveront la mort et cela sur fond de résurgence des actes de terrorisme du Ku Klux Klan[132],[133],[134],[135].
Le Dix-neuvième amendement de la Constitution des États-Unis qui donne le droit de vote aux femmes dans l’ensemble de l’Union est ratifié le [136].
La New York State Industrial Commission (1919-1923)
[modifier | modifier le code]Un choix qui fait polémique
[modifier | modifier le code]En 1918, Al Smith est élu gouverneur de l'État de New York. Quand il prend ses fonctions en janvier 2019, sur les conseils d'Abraham Isaac Elkus, il invite Frances Perkins pour qu'elle le rencontre à son cabinet de gouverneur situé à Albany. Dès que Frances Perkins entre dans son bureau, Al Smith lui demande de façon abrupte si elle accepterait un poste de direction, pour une rémunération annuelle de 8 000 $ au sein de la future New York State Industrial Commission (NYSIC), dont la mission principale serait de diriger des inspecteurs chargés de vérifier l'observance des règles d'hygiène et de sécurité au sein des entreprises et de régler les différends entre les employeurs et les salariés quant aux problèmes d'indemnisation des accidents du travail. Prudente, Frances Perkins, sachant qu'il n'y avait jamais eu de femmes siégeant dans cette commission, et qu'il est a-priori risqué d'accepter une telle offre, si attractive soit-elle. Avant de donner son accord, Frances Perkins lui demande les raisons de son choix. Al Smith lui répond qu'il faut une personne forte qui soit capable de faire bouger les choses, et qu'il est persuadé qu'elle est la bonne personne et sa nomination à la tête de cette commission serait un signal fort lancé auprès des femmes qui maintenant votent. Avant de donner son accord, Frances Perkins veut en parler avec Florence Kelley, et prévient Al Smith : « Je vais être honnête avec vous, je ne suis pas engagée politiquement, je ne suis affiliée à personne, je m'exprime avec franchise, si j'accepte, je servirais la Loi et Dieu. »[137],[138],[139].
Le lendemain, elle rencontre Florence Kelley pour lui faire part de la proposition d'Al Smith, cette dernière lui répond bouleversée « Gloire à Dieu ! Je n'avais jamais pensé que je vivrais assez longtemps pour voir le jour où, une personne que j'ai formée, qui est au courant des conditions de vie dans les usines, qui se soucie du sort des femmes, qui soit consciencieuse, puisse avoir la chance d'être nommée à un poste officiel ! ». Frances Perkins lui formule une réserve « Vous savez, je serai amenée à faire des erreurs... Dois-je prendre les réformes par dessus la jambe ? », Florence Kelley lui réplique « ça n'arrivera pas, si vous vous lancez avec honnêteté »[140],[141].
Quand Al Smith annonce sa proposition de candidature de Frances Perkins à la New York State Industrial Commission. Le New York Times, apprenant la nouvelle, prédit qu' « il y aura certainement un combat acharné pour s'opposer à la confirmation ». De fait, les réactions sont féroces, les patrons veulent que ce soit un hommes d'affaires comme eux qui soit nommé, les syndicats veulent que ce soit un syndicaliste, un sénateur va même jusqu'à dire que Frances Perkins n'est rien d'autre qu'une agitatrice, plus généralement plusieurs opinions refusent que ce soit une femme qui occupe un tel poste, que c'est un précèdent qui mènera des femmes à siéger au gouvernement fédéral . Les amies de Frances Perkins se mobilisent, des lettres affluent sur le bureau d'Al Smith ; Mary Harriman Rumsey (en) s'adresse à tous les new-yorkais qui d'une manière ou d'une autre soutiennent le Settlement movement pour qu'ils écrivent à Al Smith pour qu'il soutienne la candidature de France Perkins et l'en remercient d'avance. Al Smith ne recule point, il maintient la candidature de Frances Perkins, et le , le sénat de l'État de New York, avalise la nomination de Frances Perkins à la tête de la New York State Industrial Commission par un vote de trente-quatre voix contre seize grâce au soutien des démocrates et au ralliement de treize sénateurs républicains[142],[143],[144].
Organiser la New York State Industrial Commission
[modifier | modifier le code]Sa nomination étant faite, Frances Perkins donne sa démission de la Maternity Center Association[145]. Pour des raisons diplomatiques et politiques, Al Smith enjoint Frances Perkins de s'inscrire au Parti démocrate, ce qu'elle fait. Pour organiser ce nouveau service de l'État de New York, Frances Perkins fait appel à Belle Moskowitz , une conseillère très influente d'Al Smith, qui avait le « génie » de l'organisation[146],[147] et à Bernard L. Shientag, avec qui elle avait travaillé au Commitee on Safety of The City of New York[148]. Sur les conseils d'Abraham Isaac Elkus, elle intègre au sein de la commission des figures du monde syndical comme John Mitchell (United Mine Workers) (en), l'ancien président du syndicat des mineurs l'United Mine Workers of America et vice président de la puissante fédération syndicale l'American Federation of Labor (AFL), Henry Sayer, James M. Lynch, etc.,[149].
Frances Perkins réorganise la Factory Inspection Division (Division de l'inspection des usines) qui est maintenant rattachée à la New York State Industrial Commission, division dirigée par Louis Havens un des fidèles soutiens de Frances Perkins[150].
Parallèlement, Al Smith recrute Jeremiah O'Connor, un des commissaires institués par le Moreland Act (en)[151] de 1907, pour qu'il surveille et dépiste des cas éventuels de corruption qui serait lancée de l'extérieur. Le trio Al Smith, Jeremiah O'Connor, Frances Perkins va permettre un bon fonctionnement de la New York State Industrial Commission[152].
Frances Perkins et Belle Moskowitz sont les seules femmes faisant partie de l'entourage immédiat d'Al Smith. Ce dernier nomme Belle Moskowitz à la tête de la Commission de la reconstruction. Cette commission a pour mission l'élaboration d'un programme en faveur des anciens combattants et de veiller à ce que les hôpitaux dispensent les meilleurs soins possibles aux vétérans handicapés du fait de leurs blessures de guerre[153].
Débuter dans un contexte houleux
[modifier | modifier le code]Au début du mois de juin 1919, la ville de Rome située dans le comté d’Oneida, dans l’État de New York est le théâtre d'une grève qui mobilise 4 400 ouvriers, soit un habitant sur six. La plupart des grévistes sont d'origine italienne et parlent très mal voire pas du tout l'anglais. Bien que le mouvement soit inorganisé et n'ait pas de leader, la grève se prolonge et le , une émeute se produit, des patrons sont agressés physiquement, le maire demande au gouverneur Al Smith s'il peut faire intervenir la police de l'État[154].
Or Frances Perkins a la charge du Bureau de médiation et d'arbitrage des conflits, peu de temps avant les échauffourées, elle reçoit un appel téléphonique de John Flynn, un des responsables du syndicat des métallurgistes, qui s'est rendu à Rome, pour lui faire part de ses inquiétudes, il lui indiquant entre autres que les grévistes ont raison et qu'il lui faut faire appel à Packy Downey, un des médiateurs du Bureau de médiation et d'arbitrage des conflits. Frances Perkins envoie Packy Downey sur place, il confirme les propos de John Flynn. Les ouvriers sont en conflit contre cinq usine de transformation du cuivre, leur revendications sont d'obtenir la journée de huit heures et une augmentation des salaires qui seraient alignés sur ceux de leurs homologues travaillant dans les industries du cuivre de l'État voisin du Connecticut. Profitant de leur inorganisation, les patrons refusent toute négociation, blocage qui empire la situation qui ne peut qu'aboutir à des violences[154].
Vu la dégradation de la situation, Frances Perkins, après avoir obtenu l'accord d'Al Smith, décide de se rendre sur place. Le , elle prend un train de nuit pour se rendre à Rome et demande à Packy Downey de la rejoindre. Durant le voyage, elle apprend en lisant le Daily Sentinel de Rome[155], que James A. Spargo, un patron, après selon les rumeurs avoir tiré sur des ouvriers, a été blessé par un coup de couteau. D'autres patrons sont aussi agressés. Le New York Times du signale que Hoffman, le maire de Rome, qui n'a que quatorze policiers à sa disposition ne peut plus faire face à la situation et a fait appel au gouverneur Al Smith pour qu'il fasse intervenir la police de l'État afin de « mater les émeutiers »[156],[157].
Le New York State Industrial Board (1923-1927)
[modifier | modifier le code]La commissaire à l'industrie de New York (1927-1933)
[modifier | modifier le code]Secrétaire au Travail (1933-1946)
[modifier | modifier le code]Une nomination controversée
[modifier | modifier le code]Le , le président des États-Unis Franklin D. Roosevelt annonce qu'il a terminé la liste de sa nouvelle administration par les choix de Daniel C. Roper au poste de Secrétaire au Commerce des États-Unis et de Frances Perkins au poste de Secrétaire au Travail (l'équivalent français de ministre du Travail), charge qu'elle occupera pendant douze ans. Elle est ainsi jusqu'à ce jour la personnalité politique ayant gardé ce ministère le plus longtemps. Elle est en outre la première femme à siéger dans une administration des États-Unis et est également la première femme à figurer dans l'ordre de succession présidentielle des États-Unis. Si la nomination de Daniel C. Roper ne pose pas de problème, en revanche celle de Frances Perkins suscite des controverses, si les organisations féminines s'en réjouissent, d'autres comme l'American Federation of Labor (AFL) sont furieux car elle n'est pas issue des rangs syndicaux et d'autres railleront le fait qu'il s'agit d'une femme, William Green le président de l'AFL déclare qu'il ne peut pas accepter ce choix et ne l'acceptera jamais[158],[159],[160].
Frances Perkins ne se démonte pas, quelques jours après les propos fracassants de William Green, elle tient une conférence de presse où elle dit : « Monsieur Green et l'AFL sont dans leurs droits (...) je me réjouis qu'ils s'expriment publiquement avec franchise. Cela assainit la situation, et en aucun cas je prends ces déclarations comme une expression de malveillance contre moi. », elle poursuit par ces paroles « Monsieur Green est un homme d'une grande intégrité, un homme de projet et un patriote. » et je pense qu'il y a beaucoup à faire avec lui et l'AFL, comme avec les autres instances représentatives du monde du travail et finit par « S'ils ne trouvent pas le temps de venir me voir, je ferai de sorte de les rencontrer dans les plus brefs délais. ». À la question de journalistes, quant à savoir comment elle vivait le fait d'être la première femme nommée à un poste ministériel, elle répond simplement « ça me fait un peu bizarre ». Aux interrogations sur les conséquences sur sa vie familiale, notamment sur son époux Paul Caldwell Wilson et leur fille de seize ans, Suzanna, elle rétorque, non sans une certaine irritation, qu'elle espère que les journaux n'exploiteront pas les membres de sa famille qui sont en dehors de sa vie publique. Quoique des journalistes soient au courant des troubles mentaux de son mari, elle ne tenait pas à ce que l'on sache qu'il était en ce moment dans une institution psychiatrique à cause de ses troubles bipolaires. Il lui est demandé si elle signera ses décisions par son nom de jeune fille Frances Perkins, elle répond que cela ne lui pose aucun problème, qu'elle signera ses documents officiels Frances Perkins. Son sang froid recueille un écho favorable dans la presse. Le , elle prend le train pour Washington (district de Columbia) pour participer à la cérémonie d'investiture de Franklin D. Roosevelt qui a lieu le [161],[162],[163].
À peu d'exception près, le président Roosevelt a systématiquement soutenu les objectifs et les programmes de la secrétaire Perkins. Comme secrétaire au Travail, elle joue un rôle clé dans l'administration du président, notamment confronté à la Grande Dépression qui suit la crise de 1929. Elle participe ainsi au New Deal[164] en écrivant une nouvelle législation d'affaires et créant des lois de salaires minimaux. Elle réalise ses plus importantes contributions à partir de 1934, où elle devient, parallèlement à son poste, présidente du comité de la Sécurité économique. À ce poste, elle s'implique énormément dans les audiences pour finalement aboutir, en 1935, à la signature par le président du Social Security Act.
En 1933-1934, elle plaide auprès du président pour une adhésion des États-Unis à l'Organisation internationale du travail, faisant ensuite campagne avec le secrétaire d'État adjoint Francis Bowes Sayre Sr. (en) auprès des parlementaires américains et de l'opinion des intérêts d'une telle action, arguant que cela permettrait de favoriser la mise en œuvre du New Deal.
En 1939, elle entre en conflit avec certains membres du Congrès des États-Unis pour s'opposer à la déportation du leader syndicaliste de l'International Longshore and Warehouse Union et directeur de la Congress of Industrial Organizations (CIO) pour la côte ouest des États-Unis, Harry Bridges (en) soupçonné d'appartenir au parti communiste[165]. Finalement, la décision de la 9° cour d'appel des États-Unis qui avait prononcé l'acte de déportation est annulé par l'arrêt Bridges v. Wixon de la Cour suprême des États-Unis prononcé le [166],[167].
En 1944, aux funérailles de son ami Al Smith, un tacticien politique de la vieille école, elle consacre son image de femme politique engagée dans la « croisade sociale ».
Fin de carrière
[modifier | modifier le code]En 1945, à la suite du décès de Frank D Roosevelt, Frances Perkins donne sa démission de son poste de de Secrétaire au Travail, le président Harry Truman lui propose de siéger à la United States Civil Service Commission (en) (Commission des services publics des États-Unis) , poste qu'elle occupe jusqu'à 1952, à la mort de son mari (elle démissionne de toutes ces fonctions fédérales). Pendant cette période, elle publie un livre sur celui qui fut également son ami, The Roosevelt I Knew (traduit par : « Le Roosevelt que je connaissais »), dressant un portrait élogieux du président américain.
Après sa carrière dans les service fédéraux, Frances Perkins est restée active comme professeure et conférencière à l'université Cornell (au New York State School of Industrial and Labor Relations) jusqu'à sa mort, en 1965, à l'âge de 85 ans.
Vie privée
[modifier | modifier le code]Conversion à l’épiscopalisme
[modifier | modifier le code]Après avoir découvert l’Église épiscopalienne (branche américaine de l'Église anglicane), Frances Perkins s'y convertit le lors d'une cérémonie qui s'est tenue en l'Église du Saint Esprit de Lake Forest. Cette conversion ne s'est pas faite à la légère, elle cherchait un point d'appui lui permettant de suivre en toute sérénité son chemin de femme en rupture d'avec les canons de la féminité victorienne de son époque. Les rites de l'Église épiscopalienne proches de ceux de l'Église catholique possédaient une assise antique. Le message d'espérance du christianisme confortait son optimisme et quand plus tard, ses amis l'interrogeront en quoi sa foi était importante pour ses combats en faveur des pauvres, elle répondit : « C'est ce que Jésus aurait voulu faire pour eux »[168],[169].
Vie familiale
[modifier | modifier le code]Le , Frances Perkins épouse dans la plus stricte intimité Paul Caldwell Wilson, un économiste et un expert financier, en la Grace Church (Manhattan) (en), une église épiscopalienne[170]. Mariage auquel elle était plutôt réticente. D'après elle c'était plutôt un mariage de raison pour échapper aux diverses sollicitudes de soupirants et pour convenir aux moeurs de l'époque où par plusieurs fois, vu sa position et son rôle politique il était bienséant qu'elle soit mariée pour qu'elle ne soit pas soupçonnée de moeurs dissolus. Le couple emménage dans une maison à la West Washington Place, à proximité du Washington Square Park dans le quartier de Greenwich Village. Frances Perkins, contre les usages de l'époque garde son nom de jeune fille, pour d'une part, par fidélité à ses idées féministes où elle tenait à garder son identité, ne pas être la « femme de » et d'autre part, marquer une ligne entre sa vie privée et sa vie publique, à ce sujet elle donnait cette explication « le titre de madame, est habituellement compris comme désignant une femme essentiellement préoccupée par l’entretien de son foyer et l'éducation de ses enfants et votre époux est considéré comme le premier centre d'intérêt. C'est une des raisons qui explique pourquoi les femmes ne sont pas embauchées à des postes importants alors qu'elle possèdent les qualifications pour ». Cela convenait également à Paul Caldwell Wilson, dont la carrière politique aurait pu être entravée ou tout du moins gênée par les engagement politiques de sa femme comme sa promotion du contrôle des naissance où son soutien à l’école de danse d'Isadora Duncan dont la bisexualité notoire scandalisait la société[171],[172]. Ils donnent naissance à premier enfant qui meurt quelques jours après sa naissance en février 1915. Ce premier accouchement a connu des complications, Frances Perkins est frappée par une septicémie qui la cloue au lit pendant plusieurs mois. Elle continue son travail par téléphone[173]. Le , naît une fille Susanna Winslow Wilson, ses prénoms viennent d'une aïeule de sa mère, Susanna Winslow, seconde épouse d'Edward Winslow, troisième gouverneur de la Colonie de Plymouth[174],[175],[176] ; Susanna Winslow Wilson épousera en 1938 le photographe David Meredith Hare[177],[178],[179].
À partir de novembre 1918, Paul Caldwell Wilson commence à développer des troubles de type bipolaires entraînant des périodes d'hospitalisation en établissements spécialisés[180].
La fin
[modifier | modifier le code]Frances Perkins décède des suites d'un infarctus du myocarde le au Midtown Hospital de New York[181].
Après ses funérailles qui ont eu lieu à l'église épiscopalienne de la Church of the Resurrection (Manhattan) (en), Frances Perkins est inhumée au Glidden Cemetery de Newcastle dans l'État du Maine[182],[183].
Archives
[modifier | modifier le code]Les archives de Frances Perkins sont déposées et consultables auprès de la bibliothèque de l'université Columbia de New-York[184],[185] et à la salle des archives du Mount Holyoke College[186].
Œuvres
[modifier | modifier le code]Mémoires
[modifier | modifier le code]- (en-US) The Roosevelt I Knew, New York (réimpr. 1 juin 2011, aux éditions Penguin Group) (1re éd. 28 janvier 1946, aux éditions Viking Press), 440 p. (ISBN 9781101535356, lire en ligne)[187],
Essais
[modifier | modifier le code]- (en-US) People at Work, New York, The John Day Company. Inc, , 291 p. (lire en ligne),
Articles (sélection)
[modifier | modifier le code]- (en-US) « Industrial Research », The Journal of Education, Vol. 91, No. 18, , p. 488 (1 page) (lire en ligne),
- (en-US) « A Coöperative Program Needed for Industrial Stabilization », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 154, , p. 124-130 (7 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « Unemployment and Relief », American Journal of Sociology, Vol. 39, No. 6, , p. 768-775 (8 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « Social Security Here and Abroad », Foreign Affairs, Vol. 13, No. 3, , p. 373-387 (15 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « A National Labor Policy », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 184, , p. 1-3 (3 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « A National Nutrition Policy and the Wage Earner », Monthly Labor Review, Vol. 53, No. 1, , p. 1-8 (8 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « Labor Standards and War Production », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 224, , p. 54-57 (4 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « Women's Work in Wartime », Monthly Labor Review, Vol. 56, No. 4, , p. 661-665 (5 pages) (lire en ligne),
- (en-US) « Building the Peace », Monthly Labor Review, Vol. 60, No. 4, , p. 701 (1 page) (lire en ligne),
- (en-US) « My Recollections of Florence Kelley », Social Service Review, Vol. 28, No. 1, , p. 12-19 (8 pages) (lire en ligne),
Prix et distinctions
[modifier | modifier le code]- 1982 : cérémonie d'admission au musée dédié aux américaines illustres le National Womens Hall of Fame[188].
- 1989 : cérémonie d'inscription sur le mur du hall d'entrée du Département du Travail des États-Unis, le Labor's Hall of Honor[189],
- 2020 : le magazine Time a intégré Frances Perkins à sa liste des 100 femmes les plus importantes de l'année[190],[191],
Hommages
[modifier | modifier le code]Le , un portrait de Frances Perkins fait la une du magazine Time[192].
En 1980, le président Jimmy Carter a rebaptisé le siège du département du Travail à Washington en Frances Perkins Building[193].
Le , la Frances Perkins House (en), sise au 2326, California Street. NW à Washington (district de Columbia), où elle a vécu avec la représentante Caroline Love Goodwin O'Day (en) de 1937 à 1940, est inscrite au National Historic Landmark et au Registre national des lieux historiques[194],[193],[195],[196].
De nombreuses journalistes, essayistes, historiens américains surnomment Frances Perkins la « Mère de la sécurité sociale »[197],[198], voire la mettent sur le même pied que Franklin Delano Roosevelt, tel Max Richtman — président/directeur général du National Committee to Preserve Social Security and Medicare (en) — écrivant ; « Si FDR [Franklin D. Roosevelt] était le père de la sécurité sociale, la toute première femme secrétaire au travail [Frances Perkins] en était la mère[199]. »
En mars 2019, Frances Perkins est célébrée à l'occasion du Women's History Month (en)[200].
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Galerie de photos
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Maison de Frances Perkins, à Washington.
-
Frances Perkins présente aux côtés du président Franklin Roosevelt signant la promulgation du Social Security Act
-
Frances Perkins à la prestation de serment du président Harry Truman.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Les sources divergent, tel biographe utilise Fannie d'autres Fanny
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Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Liste de femmes membres du cabinet présidentiel des États-Unis
- Liste des premières femmes ministres par pays
- Social Security Act
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en-US) « Perkins Frances 1880-1965 », sur Bibliothèque du Congrès,