Pédobaptisme
Le pédobaptisme, ou baptême des enfants, est une doctrine chrétienne selon laquelle il est nécessaire d'administrer le baptême aux jeunes enfants voire aux nouveau-nés[1]. Elle s'oppose à la doctrine du crédobaptisme ou baptême du croyant qui professe que le baptême ne peut être valablement accordé qu'aux individus ayant fait leur profession de foi.
La majorité des dénominations chrétiennes pratique le baptême des jeunes enfants, mais il est rejeté par certaines communautés ecclésiales protestantes, en particulier par les anabaptistes et mennonites, les baptistes et la grande majorité des évangéliques.
Fondements scripturaires
[modifier | modifier le code]Cette pratique n'est pas explicitement indiquée dans les textes néotestamentaires qui parlent néanmoins de baptiser « toute une maison » (Ac 16:15 et 33 ; 1 Co 1:16), qui pousse certains historiens, dont Pierre Maraval et Simon Claude Mimouni à y voir un baptême d'enfants[2].
Elle s'explique par l'existence d'un lien établi par Dieu dans la famille entre les parents et les enfants (1 Co 7:14), en vertu de laquelle les enfants ont droit au baptême en tant que membre de l'alliance dont le baptême est le signe. Le fait que la Bible contienne plusieurs récits de baptêmes d'adultes s'explique aussi par le fait que, durant les premières générations du christianisme, l'évangélisation et la conversion au christianisme passaient nécessairement par les adultes, tous issus de contextes non chrétiens[3]. Selon l'évangile de Matthieu (19/14) et l'évangile de Luc (18/16), l'attitude de Jésus est en outre d'accueillir les jeunes enfants : « Et Jésus dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. Il leur imposa les mains, et il partit de là. »[4]
Histoire
[modifier | modifier le code]Antiquité
[modifier | modifier le code]La date à laquelle le baptême des enfants a commencé à être pratiqué est sujette à débat. Certains croient que les chrétiens du Ier siècle ne le pratiquaient pas, notant l'absence de toute preuve explicite de pédobaptisme[5]. D'autres, constatant au contraire l'absence de toute preuve explicite de l'exclusion des jeunes enfants, pensent qu'il était déjà pratiqué à cette époque[2],[6]. Les travaux de Joachim Jeremias ont permis d'apporter des preuves de l'occurrence du baptême des nourrissons pendant les quatre premiers siècles[7],[8].
Cyprien de Carthage[9], Irénée de Lyon[10], la Tradition apostolique[11] et Origène[12] défendent le baptême des enfants en plaçant cette pratique dans le cadre d'une tradition immémoriale qu'ils ont reçue. De plus, de nombreuses preuves épigraphiques donnent aux enfants dans les premiers siècles le titre d'« enfants de Dieu », réservé aux baptisés[13],[14].
En soutenant que les enfants morts sans être baptisés n'iraient pas au paradis, le théologien Augustin d'Hippone fait beaucoup pour la diffusion du baptême des enfants. Les fidèles catholiques et orthodoxes demandent que ce sacrement soit conféré le plus tôt possible, l'enfant étant justifié par la « foi des autres »[15]. Cette doctrine a été proclamée lors du concile de Carthage en 418, et déclare que le Baptême peut servir de remède contre le péché originel[16]. Le baptême des enfants se généralise alors dans la chrétienté.
Le pédobaptisme est adopté par la plupart des Pères de l'Église, à l'exception notable de Tertullien qui pense que puisque le baptême lave de tout péché, il vaut mieux différer le baptême jusqu'à ce que la personne ne pèche plus. Il pense en particulier au péché de chair qu'il estime fréquent avant le mariage. Auteur de l'adage « On ne naît pas chrétien, on le devient » (Apol, XVIII), et lui-même converti à l'âge adulte, il est toutefois excommunié ultérieurement après s'être déclaré en faveur de l'hérésie montaniste[7].
Moyen Âge
[modifier | modifier le code]La mortalité infantile élevée contribue très largement à répandre, à partir du VIe siècle, le pédobaptisme, qui est souvent pratiqué comme un baptême in extremis (d'où le recours au sanctuaire à répit). Le baptême des enfants se généralise avec les réformes carolingienne puis grégorienne des IXe siècle puis XIe-XIIe siècles[17].
Controverses entre Réformateurs
[modifier | modifier le code]Conservée par les premiers Réformateurs, le pédobaptisme fut vivement rejeté par la Réforme radicale, particulièrement par le mouvement anabaptiste au XVIe siècle, puis, à sa suite, par les baptistes, disciples de John Smyth. Leur position est largement partagée par les églises évangéliques actuelles, ainsi que par les baptistes et mennonites.
Chez les autres protestants et en particulier chez les réformés (calvinistes), le pédobaptisme est considéré comme conforme à l'enseignement de l’Écriture pour plusieurs raisons :
- le parallèle entre circoncision dans l'Ancienne Alliance et baptême dans la nouvelle alliance[18],[19],
- les cas de baptêmes de familles[20],
- la théologie de l'Alliance[21],[22],
- le statut de l'enfant dans le Nouveau Testament[23].
Les découvertes récentes sur les traités du Moyen-Orient[24] ou d'autres arguments[25] sont régulièrement invoqués pour soutenir cette pratique.
Dans l'Église catholique
[modifier | modifier le code]Le Catéchisme de l'Église catholique[26] (Art.1250 à 1252) affirme clairement la nécessité de baptiser les enfants "peu après la naissance", ajoutant : "Les parents chrétiens reconnaîtront que cette pratique correspond aussi à leur rôle de nourriciers de la vie que Dieu leur a confiée".
La destinée finale, qui pouvait paraitre incertaine, des enfants morts sans baptême avait donné naissance à la théorie des Limbes. Celle-ci - qui du reste, n'a jamais été un article de foi -, n'est plus soutenue par l'Église.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- https://www.universalis.fr/dictionnaire/pedobaptisme/ Pédobaptisme, Encyclopædia Universalis
- Pierre Maraval et Simon Claude Mimouni, Le christianisme des origines à Constantin, Paris, Presses universitaires de France (PUF), , « Des enfants étaient aussi baptisés avant les autres lors de ces cérémonies collectives. Cette pratique existe depuis les origines, lorsqu'on baptise un chef de famille avec toute sa maison (Ac 16, 15) »
- Anne Pasquier, « Itinéraires de conversion dans le christianisme ancien », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, no 9, (ISSN 1760-5776, DOI 10.4000/cerri.869, lire en ligne, consulté le )
- Citation de la Bible, traduction Louis Segond, évangile de Matthieu, chapitre 19 verstes 14 et 15.
- (en) Stanley J. Grenz, Theology for the Community of God, Wm. B. Eerdmans Publishing, , p. 528
- (en) Gregg Strawbridge, Ph.D., All Saints' Presbyterian Church, « Infant baptism », 1998
- « Le pédobaptême : l’histoire de l’Église », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Joachim Jeremias, Infant Baptism in the First Four Centuries, SCM Press, réédité par Wipf and Stock Publishers (1974), , 111 p. (ISBN 978-1-59244-757-2, lire en ligne)
- (la) Cyprien de Carthage, Lettre 64, Carthage, PL, 3, 1018
- (grk) Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, II, Lyon, p. 22, 4
- (grk) Hippolyte de Rome, Tradition apostolique, Rome
- (grk) Origène, In Romanos, Alexandrie, p. V, 9 : Patr. Grec., 14, 1047
- (la) Corpus inscriptionum graecarum, Rome, p. 9727, 9817, 9801
- E. Diehl, Inscriptiones latinae christianae veteres, Berlin, , p. 1523 / p. 4429 A
- Jean-Pierre Arrignon, Bernard Merdrignac, Cécile Treffort, Christianisme et Chrétientés en Occident et en Orient, Editions Ophrys, , p. 87
- William J. Collinge, Historical Dictionary of Catholicism, Scarecrow Press, USA, 2012, p. 324
- Philippe Faure (dir.), La protection spirituelle au Moyen Âge, Honoré Champion, , p. 170
- « Le pédobaptême : le fameux argument de la circoncision. », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- Jean Calvin consacre à cette question un chapitre entier de l'Institution de la religion chrétienne, où il estime que « le baptême succède à la circoncision » des temps bibliques en tant que signe d'appartenance au peuple de Dieu et de promesse de salut, issu de l'Alliance entre Dieu et les hommes ; voir : Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, livre IV, chapitre XVI "Que le baptême des petits enfants convient très bien à l'institution de Jésus-Christ et à la nature du signe.", p. 488 et suivantes [1]
- « Le pédobaptême : le témoignage explicite du Nouveau Testament », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- « Le pédobaptême : l’Alliance de Dieu », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- Également très marqué chez Calvin dans le chapitre de l'Institution de la religion chrétienne cité plus haut : "Par ce que notre Seigneur a ordonné anciennement la circoncision aux enfants, il a montre évidemment qu'il les faisait participants de tout ce qui y était représenté. Autrement il faudrait dire que telle institution n'aurait été que mensonge et feintise, et même belle tromperie, ce qui ne peut être ouï ni enduré par les fidèles. Car le Seigneur dit notamment que la circoncision donnée au petit enfant lui sera en confirmation de l'alliance laquelle a été récitée. Si donc l'alliance demeure toujours une, il est très certain que les enfants des chrétiens n'en sont pas moins participants que l'ont été les enfants des Juifs sous le Vieux Testament." (Institution de la religion chrétienne, livre IV, chapitre XVI)
- « Le pédobaptême : le silence du Nouveau Testament », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- « Le pédobaptême : le fonctionnement d’une alliance au Moyen-Orient », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- « 10 raisons pour lesquelles je ne suis pas baptiste (réponse au Bon Combat) », PAR LA FOI, (lire en ligne, consulté le )
- Catholic Church, Catéchisme de l'Eglise catholique., Centurion, (ISBN 2-7289-0891-5, 978-2-7289-0891-2 et 2-7028-1230-9, OCLC 41271528, lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- André Benoit, « Le Problème du pédobaptisme », Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, no 2, , p. 132-141 (lire en ligne)
- Franz J. Leenhardt, « Pédobaptisme catholique et pédobaptisme réformé », Études théologiques et religieuses, no 3, , p. 141-206 (lire en ligne)