Blindage Chobham
Le blindage Chobham est le nom générique donné au blindage composite réactif. Bien que son principe de fonctionnement ne repose pas sur l'emploi de céramiques, le terme blindage Chobham est souvent utilisé, de manière erronée, pour faire référence aux blindages passifs, multicouches à base de céramique[1].
Histoire
[modifier | modifier le code]Années 1960
[modifier | modifier le code]En 1963 au Royaume-Uni, le Fighting Vehicles Research and Development Establishment (en français « Établissement de recherche et développement sur les véhicules blindés »), plus connu sous son acronyme FVRDE, reconnut officiellement que la menace posée par les missiles antichars était clairement établie. La même année, un programme de recherche, largement empirique, fut lancé. Ce programme était dirigé par le docteur G.N. Harvey, à ce moment-là directeur adjoint de la recherche au FVRDE en collaboration avec J.P. Downey, le futur responsable des essais de tir[2].
Les efforts de recherche commencèrent à porter leurs fruits l'année suivante, en 1964 et en 1965, un nouveau genre de blindage était mis au point. Ce nouveau blindage offrait, à masse équivalente, une résistance double à celle de l'acier contre les projectiles à charge creuse et une résistance au moins équivalente à celle de l'acier contre les obus perforants.
Le nouveau blindage fut appelé dès lors blindage Chobham, d'après la rue où se trouvait le centre de recherche du FVRDE à Chobham Lane, près de Chertsey, dans le Surrey.
En , fort des résultats prometteurs de leur nouveau blindage, Solly Zuckerman, alors conseiller scientifique en chef au Gouvernement du Royaume-Uni informa le directeur américain à la défense chargé de la recherche et du développement que le FVRDE avait mis au point un nouveau genre de blindage. S'ensuivirent des présentations techniques à des spécialistes Américains en matière de blindage. Ils étaient peu enthousiastes, le blindage Chobham étant prétendument trop encombrant[2].
À plusieurs occasions entre 1965 à 1968, le gouvernement des États-Unis fut informé sur les derniers progrès réalisés dans le développement du nouveau blindage britannique.
De 1968 à 1970, des études visant à intégrer le blindage Chobham sur un blindé furent entreprises. L'étude de faisabilité dans la gestion de ce projet fut menée d' à .
Années 1970
[modifier | modifier le code]En la décision fut prise de monter le blindage Chobham sur le FV4211, un prototype de char de combat utilisant, entre autres, les composants du Chieftain Mk. 3.
Le FV4211 fut construit par le MVEE (Military Vehicles and Engineering Establishment) en et bien que le programme eut été officiellement abandonné en 1972, les tests perdurèrent jusqu'en 1974.
En 1972, dans le but de faciliter les études conjointes destinées à la mise au point du futur char de combat MBT-80, le Gouvernement fédéral ouest-allemand reçu des détails concernant le nouveau blindage britannique[3].
Au printemps 1972, un détachement américain visita le FVRDE pour prendre connaissance du blindage Chobham et de son efficacité, ce qui aura pour résultat la signature, en fin 1972, d'un mémorandum d'entente portant sur un transfert de technologie.
L'année suivante, au début du mois de , le Major Général Robert J. Baer, gestionnaire du projet XM1, accompagné par du personnel du Ballistic Research Laboratory (laboratoire de recherches balistiques) et des représentants de Chrysler et de General Motors se rendirent au Royaume-Uni pour prendre acte des derniers progrès réalisés dans la mise au point du blindage Chobham[4]. Durant cette visite, ils purent observer le char FV4211 ainsi que son procédé d'assemblage. Après cette visite, Chrysler et General Motors modifièrent leurs projets respectifs afin que leurs futurs prototypes du XM1 intègrent le blindage Chobham.
En 1974, le MVEE lança une étude visant à développer une version Mark 2 du démonstrateur technologique FV4211 dans le cadre du projet de futur char de combat FMBT.
En , l'État impérial d'Iran passe commande au Royaume-Uni de 1 225 FV4030/3 Shir 2, un char de combat similaire au prototype FV4211, comportant entre autres un blindage Chobham qui prit alors la dénomination commerciale de blindage « Pageant »[5] afin d'éviter une tension diplomatique avec les États-Unis.
En , Chrysler et General Motors fabriquèrent leurs prototypes respectifs du XM1, protégés par du blindage Chobham.
Le , l'existence du blindage Chobham fut révélée publiquement par le secrétaire d'État à la Défense Roy Mason. À la suite de cette annonce, des renseignements techniques furent transmis à la société britannique Vickers Defense System et deux de ses directeurs furent invités à rejoindre le Ministry of Defense Chobham Armour Committee.
Dans la présentation faite à l'OTAN, il était précisé que le blindage Chobham assurait une protection suffisante contre les obus perforants sous-calibrés de 105 mm et les charges creuses d'un calibre de 152 mm pour une masse surfacique d'à peine 971,6 kg/m2 contre 3 124,7 kg/m2 pour un blindage classique en acier devant assurer le même niveau de protection[6].
Durant l'été 1976, le journal Daily Express de Londres rapporta que des échantillons de blindage Chobham furent dérobés dans un laboratoire ouest-allemand et acheminés clandestinement en Allemagne de l'Est par des agents soviétiques[7],[8]. Entre et , l'institut de recherche sur l'acier (NII Stali) et Uralvagonzavod développèrent conjointement la tourelle 172.10.077SB pour le T-72B qui sera le premier char de combat soviétique à être protégé par ce type de blindage[9].
En , dans le cadre de sa politique de développer un char de combat pour le marché de l'exportation, Vickers Defense System conçu le Vickers Main Battle Tank Mk. 4, un char de combat de 43 tonnes protégé par du blindage Chobham[10].
En , à la suite de la révolution islamique iranienne, la commande de 1 225 FV4030/3 Shir 2 est annulée et les cinq prototypes du Shir 2 furent utilisés ultérieurement pour le développement du futur char de combat britannique, le FV4030/4 Challenger, également protégé par du blindage Chobham.
Composition et agencement
[modifier | modifier le code]Issu du blindage réactif explosif, le blindage Chobham est constitué d'une succession de sandwichs dit « passifs », chaque sandwich est constitué de deux plaques métalliques (acier, aluminium, titane ou uranium appauvri) entre lesquelles se trouve un matériau non-métallique (MNM) comme le caoutchouc, les élastomères, le polyéthylène, le polycarbonate. Le nylon et le verre sont également utilisés[11]. En fonction du niveau de protection recherché, on combinera un assemblage à claire-voie de plusieurs sandwichs inclinés rappelant une persienne.
Principe de fonctionnement
[modifier | modifier le code]Le mécanisme d'action de ce type de blindage repose sur la résonance d'une onde de choc traversant le sandwich. Le matériau non-métallique, inerte, emprisonné entre les deux plaques métalliques, possède une faible vitesse de propagation alors que la vitesse de propagation dans les plaques métalliques est nettement supérieure. Lorsqu'un projectile frappe le sandwich, l'onde de choc traverse la première plaque métallique (avant), puis rencontre un matériau non-métallique présentant des propriétés élastiques, l'onde de choc se diffracte et cause la déformation de la deuxième plaque (arrière) métallique. Il en résulte une déformation temporaire des deux plaques métalliques qui vont fractionner et déstabiliser le projectile pour s'opposer à la pénétration de ce dernier. Cet effet est comparable à la plaque dite « volante » d'un blindage réactif explosif[11].
La vitesse de propagation de l'onde de choc dans des matériaux tels que la céramique ou le verre (spécial) est telle, qu'une onde réfléchie est produite sur la surface terminant la couche en question, se propage en sens inverse, et provoque le rejet et l'arrêt de la munition incidente par un retour d'énergie équivalent à son énergie au moment de la pénétration ; alors que celle-ci n'a pas encore eu le temps de traverser la couche concernée. L'énergie résultante est absorbée par la munition et les couches métalliques du blindage.
Frais de recherche et de développement
[modifier | modifier le code]Les coûts de développement furent estimés à 6 millions de livres sterling en 1976, soit 13 années après le début des recherches[3].
Appellations dans différentes langues
[modifier | modifier le code]L'appellation du principe de fonctionnement de ce type de blindage est différente selon le pays[11] :
- Français : « PAC » (Plaques Accélérées par Choc)
- Allemand : « beulplatten », soit « plaques bosselées »
- Anglais : « bulging armour », soit « blindage à bombement »
- Russe : « bronja s otražajuŝimi listami » (Броня с отражающими листами), soit « blindage à feuilles réfléchissantes »
Mesures de sécurité à prendre en cas de dommage
[modifier | modifier le code]Selon le manuel officiel[12] du char de combat FV4030/4 Challenger :
« Le contenu et l'arrangement interne du blindage Chobham doivent être protégés contre tout accès non autorisé en temps de paix. Tout dommage qui révèlerait l'intérieur des modules de blindage doit être dissimulé immédiatement. Dans le cas d'un accident causant des dégâts aux modules de blindage Chobham, l'équipage du char, ou la personne qui en est responsable à ce moment, devra immédiatement prendre les mesures suivantes :
Couvrir la zone sensible avec une bâche, les fragments de matériaux sensibles ou les débris qui auraient résulté de l'accident devront être collectés conformément aux instructions de sécurité. Un garde devra rester en faction devant le char jusqu'à ce que les réparations nécessaires soient achevées. L'incident devra être immédiatement reporté à la chaîne de commandement. »
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) m.m., « Chobham armor: facts and fiction 1 », sur below-the-turret-ring.blogspot.com, (consulté le )
- (en) Robert Bud et Philip Gummett, Cold War, Hot Science: Applied Research in Britain's Defence Laboratories 1945-1990, Londres, , 444 p. (ISBN 978-9057024818), p. 135
- (en) « Chobham Tank Armour », sur parliament.uk, (consulté le )
- (en) R. P. Hunnicutt, Abrams: A History of the American Main Battle Tank, Vol. 2, Novato, Californie, Presidio Press, , 320 p. (ISBN 9780891413882), p. 176
- (en) Dick Taylor, Challenger 1 Main Battle Tank Model Owners' Workshop Manual, Sparkford, J H Haynes & Co Ltd, , 156 p. (ISBN 978-0857338150), p. 16
- Proposed presentation on special armour to NATO, Appendix to annex to MO 26/4/2/1, 15 juin 1976
- (en) Stephen Webbe, « New XM-1 tank is just asking to have its turret shot off, critics say », The Christian Science Monitor, (lire en ligne)
- (en) Douglas Devin, « Letters Justified Fears », ARMOR, , p. 2 (lire en ligne)
- (en) Iron Drapes, « T-72: Part 2 », sur thesovietarmourblog.blogspot.com, (consulté le )
- (en) Christopher F. Foss et Peter McKenzie, The Vickers Tanks From Landships to Challenger, Patrick Stephens Limited, , 256 p. (ISBN 9781852601416), p. 204
- Marc Chassillan, « Ne pas être percé », Raids Hors-Série N°5, , p. 56
- « Tank, Combat, 120-mm Gun, Challenger », 1983, Army equipment support publications.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Andrew W. Hull, David Markov et Steven J. Zaloga, Soviet/Russian Armor and Artillery Design Practices: 1945 to Present, Darlington Productions, 1999 (ISBN 1-8928-4801-5)
- (en) Steve Zaloga, M1 Abrams Main Battle Tank 1982-1992, Osprey Publishing Ltd, London, 1993 (ISBN 1-8553-2283-8)
- (en) Tom Clancy, Armored Cav : A guided Tour of an Armored Cavalry Regiment, Berkley Books, New York, 1994 (ASIN B0027WV2UG)
- (en) Rob Griffin, Chieftain, The Crowood Press, Ramsbury, 2001 (ISBN 1-8612-6438-0)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) "Testing Trade Tools" : Chertsey and Longcross Test Track (Chobham Tank Research Centre) - Eye Spy Magazine