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Les '''Piaroas''' sont un [[peuple indigène]] d'agriculteurs du [[bassin de l'Orénoque]] oriental. Ils sont environ {{formatnum:12000}}<ref name="ethno"/> au [[Venezuela]], principalement dans le département de l'[[Amazonas (Venezuela)|Amazonas]] dans une région de {{unité|45000|km}}²<ref name="kent"/> à peu près circonscrite par les rivières Parguaza (nord), Ventuari (sud-est), Manapiare (nord-est) et la rive droite de l'[[Orénoque]] (ouest) et 600 <ref name="kent"/> en [[Colombie]], dans plusieurs réserves dans le sud du département du [[Vichada]], entre le [[río Vichada]] au nord et le [[río Guaviare]] au sud <ref name="salud"/>.
Les '''Piaroas''' sont un [[peuple indigène]] d'agriculteurs du [[bassin de l'Orénoque]] oriental. Ils sont environ {{formatnum:12000}}<ref name="ethno"/> au [[Venezuela]], principalement dans le département de l'[[Amazonas (Venezuela)|Amazonas]] dans une région de {{unité|45000|km}}²<ref name="kent"/> à peu près circonscrite par les rivières Parguaza (nord), Ventuari (sud-est), Manapiare (nord-est) et la rive droite de l'[[Orénoque]] (ouest) et 600 <ref name="kent"/> en [[Colombie]], dans plusieurs réserves dans le sud du département du [[Vichada]], entre le [[río Vichada]] au nord et le [[río Guaviare]] au sud <ref name="zent"/>{{,}}<ref name="salud"/>.


Les Piaroas sont fortement [[égalitaire]]s, [[anti-autoritarisme|anti-autoritaires]], rejettent l'accaparement de biens par quiconque et soutiennent l'[[autonomie]] individuelle, leurs décisions sont prises par [[consensus]]. Ils ont donc été décrits par certains [[Anthropologie|anthropologues]] (tels que [[Pierre Clastres|Clastres]] ou [[Joanna Overing|Overing]]) comme une société [[anarchiste]] qui fonctionne réelement<ref name="graeber"/>.
Les Piaroas sont fortement [[égalitaire]]s, [[anti-autoritarisme|anti-autoritaires]], rejettent l'accaparement de biens par quiconque et soutiennent l'[[autonomie]] individuelle, leurs décisions sont prises par [[consensus]]. Ils ont donc été décrits par certains [[Anthropologie|anthropologues]] (tels que [[Pierre Clastres|Clastres]] ou [[Joanna Overing|Overing]]) comme une société [[anarchiste]] qui fonctionne réelement<ref name="graeber"/>.
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==Nom==
==Nom==


Les Piaroas s'appellent eux-mêmes ''De'arua'' (maîtres de la forêt), ''Wóthuha'' (personnes bien informées), ''De'atʰïhä'' (les gens de la forêt) et ''Thhã'' (gens, personnes), suivant les personnes à qui ils s'adressent et la situation<ref name="every3"/>.<br/>
« Piaroa » n'est pas un nom arborigène et son éthymologie est mal connue. Les Piaroas s'appellent eux-mêmes ''De'arua'' (maîtres de la forêt), ''Wóthuha'' (personnes bien informées), ''De'atʰïhä'' (les gens de la forêt) et ''Thhã'' (gens, personnes), suivant les personnes à qui ils s'adressent et la situation<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every3"/>.<br/>
''Wóthuha'' est également orthographié ''Huǫttųją'' (orthographe du [[Summer Institute of Linguistics]]) et ''Wötʰïhä'' (orthographe de l'[[alphabet phonétique international]])<ref name="salud"/>.<br/>
''Wóthuha'' est également orthographié ''Huǫttųją'' (orthographe du [[Summer Institute of Linguistics]]) et ''Wötʰïhä'' (orthographe de l'[[alphabet phonétique international]])<ref name="salud"/>.<br/>
On trouve aussi: ''Adole, Ature, Dearuwa, De'athhã, De'at-iha, Guagua, Huo, Kuakua, Mako, Quaqua, Th hã, Thiha, Ttö,ja, Uhuottoja, Uwotjuja, Wathiha, Wot-iha, Wõthhã, Wotiha, Wotiheh''<ref name="bnf"/>.
On trouve aussi: ''Adole, Ature, Dearuwa, De'athhã, De'at-iha, Guagua, Huo, Kuakua, Mako, Quaqua, Th hã, Thiha, Ttö,ja, Uhuottoja, Uwotjuja, Wathiha, Wot-iha, Wõthhã, Wotiha, Wotiheh''<ref name="bnf"/>.
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Les premières références aux Piaroas datent de la seconde moitié du XVII{{e}} siècle avec les contacts entre ce peuple et les missionnaires [[jésuites]] établis entre le [[Río Meta]] et le [[Río Casanare]], qui décrivent ces indigènes comme se nommant ''Pearoa''. Le nom ''Piaroa'' apparaît avec les expéditions dans la région de plusieurs explorateurs durant la fin du XVIII{{e}} siècle et au cours du XIX{{e}} siècle (notamment [[Alexander von Humboldt|Humboldt]] et [[Aimé Bonpland|Bonpland]] en 1814-1819 et [[Jean Chaffanjon|Chaffanjon]] en 1889)<ref name="salud"/>.
Les premières références aux Piaroas datent de la seconde moitié du XVII{{e}} siècle avec les contacts entre ce peuple et les missionnaires [[jésuites]] établis entre le [[Río Meta]] et le [[Río Casanare]], qui décrivent ces indigènes comme se nommant ''Pearoa''. Le nom ''Piaroa'' apparaît avec les expéditions dans la région de plusieurs explorateurs durant la fin du XVIII{{e}} siècle et au cours du XIX{{e}} siècle (notamment [[Alexander von Humboldt|Humboldt]] et [[Aimé Bonpland|Bonpland]] en 1814-1819 et [[Jean Chaffanjon|Chaffanjon]] en 1889)<ref name="salud"/>.


Il faudra attendre les années 1960 pour voir un contact régulier entre la société occidentale et les Piaroas, lorsque ceux-ci s'installent dans des zones où ils peuvent avoir un accès facile aux marchés et aux services de l'État. Jusqu'ici, même plus de 300 ans après le premier contact, les Piaroas se sont tenus à l'écart en raison de leur mode de vie pacifique, leur stratégie principale de défense étant l'évitement. Il ont ainsi fui la colonisation de l'Orénoque entraînant violence, esclavagisme, missions religieuses et épidémies dues aux nouvelles maladies et se sont réfugiés dans les zones reculées, montagneuses et densément boisées<ref name="salud"/>.
Il faudra attendre les années 1960 pour voir un contact régulier entre la société occidentale et les Piaroas, lorsque ceux-ci s'installent dans des zones où ils peuvent avoir un accès facile aux marchés et aux services de l'État. Jusqu'ici, même plus de 300 ans après le premier contact, les Piaroas se sont tenus à l'écart en raison de leur mode de vie pacifique, leur stratégie principale de défense étant l'évitement. Il ont ainsi fui la colonisation de l'Orénoque entraînant violence, esclavagisme, missions religieuses et épidémies dues aux nouvelles maladies et se sont réfugiés dans les zones reculées, montagneuses et densément boisées<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="salud"/>.


L'arrivée de l'[[Église catholique]] en 1937 et de l'[[Organisation non gouvernementale|ONG]] chrétienne évangélique [[New Tribes Mission]] en 1946 apportèrent beaucoup de changements dans la région des Piaroas. Cette dernière, en particulier, eut un impact majeur sur la population parce que leurs missionnaires apportèrent des soins médicaux mêlés à une conversion religieuse et finirent par bien maitriser la langue. Cela modifia la perception des occidentaux par les Piaroas. Les convertis attirés à la mission Tamatama étaient entraînés comme disciples avant de retourner dans leurs communautés où ils convertissaient leurs famille et voisins. L'Église catholique, d'autre part, est devenue un important fournisseur de services sur le territoire depuis les années 1960. De nombreux jeunes Piaroas ont commencé à fréquenter l'école de la mission catholique [[salésienne]] d'[[Isla Ratón]] sur l'Orénoque où ils apprennent l'espagnol et les coutumes occidentales. C'est aussi à cette époque, et peut être à cause de ces contacts, que des épidémies de maladies d'origine étrangère, comme la [[rougeole]], le [[paludisme]] et les [[maladies vénériennes]] ont ravagé la population Piaroa, obligeant de nombreuses personnes à quitter l'intérieur du pays à la recherche de médecine moderne. Le {{Dr}} Hans Baumgartner (1954-) et d'autres membres du Service de Paludisme leur ont fourni des médicaments modernes et ont étudié l'état de santé de la population. Beaucoup de Piaroas se sont donc concentrés près des missions religieuses et des centres occidentaux où les soins de santé modernes étaient disponibles<ref name="salud"/>.
L'arrivée de l'[[Église catholique]] en 1937 et de l'[[Organisation non gouvernementale|ONG]] chrétienne évangélique [[New Tribes Mission]] en 1946 apportèrent beaucoup de changements dans la région des Piaroas. Cette dernière, en particulier, eut un impact majeur sur la population parce que leurs missionnaires apportèrent des soins médicaux mêlés à une conversion religieuse et finirent par bien maitriser la langue. Cela modifia la perception des occidentaux par les Piaroas. Les convertis attirés à la mission Tamatama étaient entraînés comme disciples avant de retourner dans leurs communautés où ils convertissaient leurs famille et voisins. L'Église catholique, d'autre part, est devenue un important fournisseur de services sur le territoire depuis les années 1960. De nombreux jeunes Piaroas ont commencé à fréquenter l'école de la mission catholique [[salésienne]] d'[[Isla Ratón]] sur l'Orénoque où ils apprennent l'espagnol et les coutumes occidentales. C'est aussi à cette époque, et peut être à cause de ces contacts, que des épidémies de maladies d'origine étrangère, comme la [[rougeole]], le [[paludisme]] et les [[maladies vénériennes]] ont ravagé la population Piaroa, obligeant de nombreuses personnes à quitter l'intérieur du pays à la recherche de médecine moderne. Le {{Dr}} Hans Baumgartner (1954-) et d'autres membres du Service de Paludisme leur ont fourni des médicaments modernes et ont étudié l'état de santé de la population. Beaucoup de Piaroas se sont donc concentrés près des missions religieuses et des centres occidentaux où les soins de santé modernes étaient disponibles<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="salud"/>.


L'augmentation de l'investissement public dans les années 1970 dans le sud du Venezuela alimentée par la richesse pétrolière a contribué à une tendance croissante à la concentration de la population dans le voisinage des écoles, des établissements de santé et centres économiques tels que [[Puerto Ayacucho]], capitale de l'état de l'[[Amazonas (Venezuela)|Amazonas]]. On estime que 80 % de la population a été convertie au christianisme et les écoles rurales dirigées par des enseignants Piaroa se trouvent dans plus de vingt communautés<ref name="every5"/>. Depuis un peu plus de trente ans, les Piaroas ont cessé de vivre en petites communautés mobiles et reculées pour s'installer dans des centres sédentaires de plus en plus importants, au voisinage de missions ou de villes et villages<ref name="salud"/>.
L'augmentation de l'investissement public dans les années 1970 dans le sud du Venezuela alimentée par la richesse pétrolière a contribué à une tendance croissante à la concentration de la population dans le voisinage des écoles, des établissements de santé et centres économiques tels que [[Puerto Ayacucho]], capitale de l'état de l'[[Amazonas (Venezuela)|Amazonas]]. On estime que 80 % de la population a été convertie au christianisme et les écoles rurales dirigées par des enseignants Piaroa se trouvent dans plus de vingt communautés<ref name="every5"/>. Depuis un peu plus de trente ans, les Piaroas ont cessé de vivre en petites communautés mobiles et reculées pour s'installer dans des centres sédentaires de plus en plus importants, au voisinage de missions ou de villes et villages<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="salud"/>.


L'intégration culturelle et économique a largement été influencée par les progrès dans les moyens de transport comme les routes, les moteurs hors-bord et les pistes d'atterrissage. La plupart des Piaroas ont des contacts réguliers avec la société occidentale pour y vendre leur farine de [[manioc]] et leurs produits cultivés ou récoltés dans la forêt ainsi que pour acheter des biens occidentaux. Seuls 5 % des Piaroas - surtout ceux dans la partie supérieure du bassin versant Cuao-Parguaza-Cataniapo - restent largement isolés de la société occidentale et ont toujours un style de vie traditionnel<ref name="every5"/>.
L'intégration culturelle et économique a largement été influencée par les progrès dans les moyens de transport comme les routes, les moteurs hors-bord et les pistes d'atterrissage. La plupart des Piaroas ont des contacts réguliers avec la société occidentale pour y vendre leur farine de [[manioc]] et leurs produits cultivés ou récoltés dans la forêt ainsi que pour acheter des biens occidentaux. Seuls 5 % des Piaroas - surtout ceux dans la partie supérieure du bassin versant Cuao-Parguaza-Cataniapo - restent largement isolés de la société occidentale et ont toujours un style de vie traditionnel<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every5"/>.


==Économie==
==Économie==
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[[File:Piaroa - canoés chargés de productions agricoles.jpg|thumb|Canoés piaroas chargés de productions agricoles]]
[[File:Piaroa - canoés chargés de productions agricoles.jpg|thumb|Canoés piaroas chargés de productions agricoles]]
La culture économique et matérielle des Piaroas est typique de la [[Plateau des Guyanes|région guyanaise]] et de l'[[Amazonie]]. Leurs moyens de subsistance sont basés sur la culture itinérante , la [[chasse]], la [[Pêche (halieutique)|pêche]] et la [[cueillette]] de plantes sauvages et de micro-faune. En plus des activités qui visent directement à l'obtention de nourriture, une partie intégrante de leur économie de subsistance est la fabrication de divers objets utilitaires. Ils sont aussi célèbres pour le [[Curare en Amazonie|curare]] de haute qualité qu'ils produisent et vendent à d'autres groupes ethniques sous forme d'œuf et qui sert de monnaie d'échange. Ce mode de vie permet aux Piaroas de vivre quasiment en [[autosuffisance]]<ref name="every4"/>.
La culture économique et matérielle des Piaroas est typique de la [[Plateau des Guyanes|région guyanaise]] et de l'[[Amazonie]]. Leurs moyens de subsistance sont basés sur la culture itinérante , la [[chasse]], la [[Pêche (halieutique)|pêche]] et la [[cueillette]] de plantes sauvages et de micro-faune. En plus des activités qui visent directement à l'obtention de nourriture, une partie intégrante de leur économie de subsistance est la fabrication de divers objets utilitaires. Ils sont aussi célèbres pour le [[Curare en Amazonie|curare]] de haute qualité qu'ils produisent et vendent à d'autres groupes ethniques sous forme d'œuf et qui sert de monnaie d'échange. Ce mode de vie permet aux Piaroas de vivre quasiment en [[autosuffisance]]<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>.


Cette industrie indigène est fondée sur la connaissance et l'utilisation d'un grand nombre de plantes de l'habitat Piaroa. Les artefacts ne sont pas seulement utilisés dans les travaux d'exploitation, domestiques ou religieux, mais aussi pour échanger avec les autres tribus et groupes ethniques ou obtenir les marchandises fournies par les Piaroas occidentalisés (couteaux, hameçons, vêtements, chaussures, perles, etc...). Une bonne partie des fruits et du manioc consommés à [[Puerto Ayacucho]] provient du commerce avec les Piaroas<ref name="every4"/>.
Cette industrie indigène est fondée sur la connaissance et l'utilisation d'un grand nombre de plantes de l'habitat Piaroa. Les artefacts ne sont pas seulement utilisés dans les travaux d'exploitation, domestiques ou religieux, mais aussi pour échanger avec les autres tribus et groupes ethniques ou obtenir les marchandises fournies par les Piaroas occidentalisés (couteaux, hameçons, vêtements, chaussures, perles, etc...). Une bonne partie des fruits et du manioc consommés à [[Puerto Ayacucho]] provient du commerce avec les Piaroas<ref name="every4"/>.
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====Chasse, pêche et cueillette====
====Chasse, pêche et cueillette====
Les Piaroas [[chasse]]nt à la [[lance]], à la [[sarbacane]] ou avec des pièges ([[Collet (chasse)|collets]], bâtons englués), bien que le [[Fusil de chasse|fusil]] soit devenu l'arme principale. Leurs proies sont principalement des [[Paca (rongeur)|pacas]], [[pécari]]s et [[cervidés]]<ref name="kent"/>.
Les Piaroas [[chasse]]nt à la [[lance]], à la [[sarbacane]] ou avec des pièges ([[Collet (chasse)|collets]], bâtons englués), bien que le [[Fusil de chasse|fusil]] soit devenu l'arme principale. Leurs proies sont principalement des [[Paca (rongeur)|pacas]], [[pécari]]s et [[cervidés]]<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="kent"/>.


Ils [[Pêche (halieutique)|pêchent]] de préférence dans les eaux noires plutôt que dans les eaux blanches, à la ligne, au harpon, à l'arc, avec des pièges, des barrières, des nasses ou à la [[nivrée]] (empoisonnement de l'eau grâce à des plantes ichtyotoxiques)<ref name="kent"/>.
Ils [[Pêche (halieutique)|pêchent]] de préférence dans les eaux noires plutôt que dans les eaux blanches, à la ligne, au harpon, à l'arc, avec des pièges, des barrières, des nasses ou à la [[nivrée]] (empoisonnement de l'eau grâce à des plantes ichtyotoxiques)<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="kent"/>.


L'importance donnée à la chasse ou à la pêche dépend de la zone d'habitation. Ainsi, la chasse domine dans les zones en amont des rivières tandis que la pêche est plus importante sur les sites en aval<ref name="every4"/>.
L'importance donnée à la chasse ou à la pêche dépend de la zone d'habitation. Ainsi, la chasse domine dans les zones en amont des rivières tandis que la pêche est plus importante sur les sites en aval<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>.


Les Piaroas cueillent dans la [[forêt primaire]] de nombreuses plantes, notamment les fruits de différents palmiers et les fibres de piaçava ([[Leopoldinia]] piassaba), récoltent du [[miel]] et divers animaux de la [[microfaune]]: [[grenouilles]], [[araignées]], [[chenilles]], [[ver]]s, fourmis bachacos ([[Atta]] laevigata), [[termites]], [[cigales]] et [[larves]]<ref name="every4"/>{{,}}<ref name="kent"/>.
Les Piaroas cueillent dans la [[forêt primaire]] de nombreuses plantes, notamment les fruits de différents palmiers et les fibres de piaçava ([[Leopoldinia]] piassaba), récoltent du [[miel]] et divers animaux de la [[microfaune]]: [[grenouilles]], [[araignées]], [[chenilles]], [[ver]]s, fourmis bachacos ([[Atta]] laevigata), [[termites]], [[cigales]] et [[larves]]<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>{{,}}<ref name="kent"/>.


====Artisanat====
====Artisanat====
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[[File:Piaroa - artisanat.jpg|thumb|Artisanat chez les Piaroas]]
[[File:Piaroa - artisanat.jpg|thumb|Artisanat chez les Piaroas]]
[[File:Piaroa Indianer.JPG|thumb|Piaroa au travail]]
[[File:Piaroa Indianer.JPG|thumb|Piaroa au travail]]
Les Piaroas fabriquent de nombreux objets d'artisanat et autres produits: paniers, râpes à manioc, poteries peintes, hamacs, objets en bois (canoés, pagaies, mortiers sculptés, meubles basiques) et en caoutchouc, teintures (dont la ''chicha'', un colorant rouge), poisons (curare et plantes ichtyotoxiques), plantes magiques, tissus, cordes, torches, couronnes de plumes, perles, masques de cérémonie peints, sarbacanes, tissu d'écorce et gourdes<ref name="every4"/>.
Les Piaroas fabriquent de nombreux objets d'artisanat et autres produits: paniers, râpes à manioc, poteries peintes, hamacs, objets en bois (canoés, pagaies, mortiers sculptés, meubles basiques) et en caoutchouc, teintures (dont la ''chicha'', un colorant rouge), poisons (curare et plantes ichtyotoxiques), plantes magiques, tissus, cordes, torches, couronnes de plumes, perles, masques de cérémonie peints, sarbacanes, tissu d'écorce et gourdes<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>.


<gallery>
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===Économie occidentalisée===
===Économie occidentalisée===


Le système traditionnel et l'autonomie économique qui va avec sont perdus dans les villes modernes nucléées et sédentaires. Actuellement, l'importance de la chasse et de la cueillette pour leur subsistance se réduit. Les savoirs techniques, botaniques et zoologiques traditionnels se perdent au profit de nouvelles cultures et d'animaux domestiques, notamment les bovins, dans le but d'avoir une agriculture de vente. On voit une augmentation du temps accordé au travail [[salarié]] et à des activités d'extraction comme les [[mines d'or]] ou la collecte de tiges de palmier pour la vente aux fabricants de meubles en [[rotin]], de l'utilisation accrue de [[Monnaie|liquidités]] dans les échanges économiques, de l'achat d'aliments emballés, de la consommation de produits de luxe occidentaux et de la mise en place d'entreprises communautaires pour commercialiser les produits agricoles. En outre, une nouvelle classe économique supérieure est formée par des professionnels (enseignants, infirmières, employés de l'administration qui touchent un salaire du gouvernement) et les hommes d'affaires: propriétaires de magasins et exploitants de bateaux à moteur<ref name="every4"/>.
Le système traditionnel et l'autonomie économique qui va avec sont perdus dans les villes modernes nucléées et sédentaires. Actuellement, l'importance de la chasse et de la cueillette pour leur subsistance se réduit. Les savoirs techniques, botaniques et zoologiques traditionnels se perdent au profit de nouvelles cultures et d'animaux domestiques, notamment les bovins, dans le but d'avoir une agriculture de vente. On voit une augmentation du temps accordé au travail [[salarié]] et à des activités d'extraction comme les [[mines d'or]] ou la collecte de tiges de palmier pour la vente aux fabricants de meubles en [[rotin]], de l'utilisation accrue de [[Monnaie|liquidités]] dans les échanges économiques, de l'achat d'aliments emballés, de la consommation de produits de luxe occidentaux et de la mise en place d'entreprises communautaires pour commercialiser les produits agricoles. En outre, une nouvelle classe économique supérieure est formée par des professionnels (enseignants, infirmières, employés de l'administration qui touchent un salaire du gouvernement) et les hommes d'affaires: propriétaires de magasins et exploitants de bateaux à moteur<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>.


==Société==
==Société==
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Les femmes s’occupent de quasiment toutes les cultures vivrières comme le manioc, les patates douces, l’igname, {{etc}} et du déherbage.
Les femmes s’occupent de quasiment toutes les cultures vivrières comme le manioc, les patates douces, l’igname, {{etc}} et du déherbage.
Avec la tendance récente d’agriculture de vente, les hommes ont un plus grand rôle dans la plantation, le désherbage et la récolte tandis que les femmes se chargent du traitement du manioc (pelage, lavage, râpage, pressage et cuisson du pain). Les hommes chassent et font la majorité de la pêche, la construction des maisons et les tâches religieuses.
Avec la tendance récente d’agriculture de vente, les hommes ont un plus grand rôle dans la plantation, le désherbage et la récolte tandis que les femmes se chargent du traitement du manioc (pelage, lavage, râpage, pressage et cuisson du pain). Les hommes chassent et font la majorité de la pêche, la construction des maisons et les tâches religieuses.
Les femmes sont expertes dans le tissage alors que les hommes sont les vanneurs et les potiers<ref name="every4"/>.
Les femmes sont expertes dans le tissage alors que les hommes sont les vanneurs et les potiers<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every4"/>.


====Habitat====
====Habitat====
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[[File:Piaroa - ensemble de maisons traditionnelles.jpg|thumb|Ensemble de maisons traditionnelles]]
[[File:Piaroa - ensemble de maisons traditionnelles.jpg|thumb|Ensemble de maisons traditionnelles]]
[[File:Piaroa - ensemble de maisons de style similaires à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.jpg|thumb|Maisons de style similaire à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.]]
[[File:Piaroa - ensemble de maisons de style similaires à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.jpg|thumb|Maisons de style similaire à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.]]
Traditionnellement, les communautés vivaient de façon dispersée et [[semi-nomade]]. Elles se regroupaient dans une seule maison communautaire avec des toits de chaume en feuilles de palmier touchant le sol (''churuata'' ou ''isode'')<ref name="every2"/>. Selon le statut du chef, les maisons collectives sont conico-rondes (pouvant abriter 100 personnes), éliptico-coniques (40 personnes) ou rectangulaires (15 personnes) et peuvent être associées autour d'un chef régional.<ref name="kent"/>. Le foyer est constitué de cinq à soixante personnes ou plus, formé de couples ou de familles élargies pouvant regrouper quatre générations. La quantité des membres fluctue du fait des longues visites aux parents vivant dans d'autres communautés et des changements dans les relations des individus et des familles. Certains Piaroas ont aussi une participation active dans plusieurs communautés<ref name="every2"/>. L'intérieur des ''churuatas'' ne dispose pas de structures de séparation physiques divisant les familles: chaque famille a sa propre zone où elle stocke ses effets, des hamacs et un foyer pour cuisiner. Tous les habitants de la churuata sont libres d'utiliser la zone centrale, où ils peuvent se rassembler pour accomplir les rituels, faire de l'artisanat, et divertir les invités<ref name="orinoco"/>.
Traditionnellement, les communautés vivaient de façon dispersée et [[semi-nomade]]. Elles se regroupaient dans une seule maison communautaire avec des toits de chaume en feuilles de palmier touchant le sol (''churuata'' ou ''isode'')<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every2"/>. Selon le statut du chef, les maisons collectives sont conico-rondes (pouvant abriter 100 personnes), éliptico-coniques (40 personnes) ou rectangulaires (15 personnes) et peuvent être associées autour d'un chef régional.<ref name="kent"/>. Le foyer est constitué de cinq à soixante personnes ou plus, formé de couples ou de familles élargies pouvant regrouper quatre générations. La quantité des membres fluctue du fait des longues visites aux parents vivant dans d'autres communautés et des changements dans les relations des individus et des familles. Certains Piaroas ont aussi une participation active dans plusieurs communautés<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every2"/>. L'intérieur des ''churuatas'' ne dispose pas de structures de séparation physiques divisant les familles: chaque famille a sa propre zone où elle stocke ses effets, des hamacs et un foyer pour cuisiner. Tous les habitants de la churuata sont libres d'utiliser la zone centrale, où ils peuvent se rassembler pour accomplir les rituels, faire de l'artisanat, et divertir les invités<ref name="orinoco"/>.


Les communautés Piaroas s'installent le plus souvent près d'un ruisseau éloigné des cours d'eau plus importants, dans une clairière au pied d'une colline. Les sites sont occupés pour des courtes durées allant de un à cinq ans. Habituellement, une tribu possède de deux à quatre sites distincts occupés à des époques différentes suivant la maturité des cultures<ref name="every2"/>.
Les communautés Piaroas s'installent le plus souvent près d'un ruisseau éloigné des cours d'eau plus importants, dans une clairière au pied d'une colline. Les sites sont occupés pour des courtes durées allant de un à cinq ans. Habituellement, une tribu possède de deux à quatre sites distincts occupés à des époques différentes suivant la maturité des cultures<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every2"/>.


Vers le milieu du {{XXème}} siècle, la concentration des tribus Piaroas dans les centres urbains a changé leur type d'habitat. La majorité de la population vit maintenant dans les communautés nucléées et permanentes de 40 à 300 personnes vivant dans des maisons séparées. Ces villes modernes ont été fortement subventionnés par les programmes du gouvernement vénézuélien, y compris des fonds pour la construction des écoles rurales, des dispensaires médicaux, des centrales électriques et d'eau courante, avec dans certains endroits des logements de type « boîte à chaussure » en béton<ref name="every2"/>.
Vers le milieu du {{XXème}} siècle, la concentration des tribus Piaroas dans les centres urbains a changé leur type d'habitat. La majorité de la population vit maintenant dans les communautés nucléées et permanentes de 40 à 300 personnes vivant dans des maisons séparées. Ces villes modernes ont été fortement subventionnés par les programmes du gouvernement vénézuélien, y compris des fonds pour la construction des écoles rurales, des dispensaires médicaux, des centrales électriques et d'eau courante, avec dans certains endroits des logements de type « boîte à chaussure » en béton<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every2"/>.


Au Venezuela, les terres habitées par les Piaroas sont [[domaniale]]s, avec deux parcs nationaux et une réserve forestière, {{unité|41000|ha}} sont accordés à des communautés en aires discontinues<ref name="kent"/>. Plus de 30 communautés ont reçu des terrains collectifs du gouvernement, bien que la plupart soient petits<ref name="every4"/>. En Colombie il y a trois réserves totalisant {{unité|181193|ha}}<ref name="kent"/>.
Au Venezuela, les terres habitées par les Piaroas sont [[domaniale]]s, avec deux parcs nationaux et une réserve forestière, {{unité|41000|ha}} sont accordés à des communautés en aires discontinues<ref name="kent"/>. Plus de 30 communautés ont reçu des terrains collectifs du gouvernement, bien que la plupart soient petits<ref name="every4"/>. En Colombie il y a trois réserves totalisant {{unité|181193|ha}}<ref name="kent"/>.
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====Panthéon====
====Panthéon====


La religion indigène comprend la croyance en des héros ancestraux et en des esprits bons ou mauvais associés à des éléments environnementaux qui contrôlent la destinée humaine et l'expérience hallucinogène comme moyen de communication avec le monde des esprits. Un panthéon constitué de héros et de dieux vivants dans les temps mythiques et qui ont créé le monde, ont apporté à l'Homme la culture et la connaissance de l'agriculture, de la pêche et de la chasse.
La religion indigène comprend la croyance en des héros ancestraux et en des esprits bons ou mauvais associés à des éléments environnementaux qui contrôlent la destinée humaine et l'expérience hallucinogène comme moyen de communication avec le monde des esprits. Un panthéon constitué de héros et de dieux vivants dans les temps mythiques et qui ont créé le monde, ont apporté à l'Homme la culture et la connaissance de l'agriculture, de la pêche et de la chasse.<ref name="zent"/>


====Sépultures====
====Sépultures====
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Lors de son expédition dans les Guyanes, [[Jules Crevaux]] rapporte qu'il a découvert au sommet d'une grande roche, sous un rocher, trois momies empaquetées dans de l'écorce, parées de bijoux, avec un hamac et des poteries contenant de la liqueur fermentée<ref name="saint"/>.
Lors de son expédition dans les Guyanes, [[Jules Crevaux]] rapporte qu'il a découvert au sommet d'une grande roche, sous un rocher, trois momies empaquetées dans de l'écorce, parées de bijoux, avec un hamac et des poteries contenant de la liqueur fermentée<ref name="saint"/>.


De nos jours, comme environ 80 % des Piaroas sont chrétiens depuis les années 1950, la plupart des corps sont enterrés. Même si un grand nombre s'est converti, ils respectent beaucoup les sépultures traditionnelles et les décès sont toujours dus aux ''mær'' ou mauvais esprits. Les âmes des morts ou ''aweti'' sont censées rester sur Terre jusqu'à ce que les ''mær'' soient exorcisés (''warawœ'') par des rituels sacrés. L'esprit retourne alors dans le monde des esprits et dans l'esprit du clan (''hœdõk w œt'ï'')<ref name="every"/>.
De nos jours, comme environ 80 % des Piaroas sont chrétiens depuis les années 1950, la plupart des corps sont enterrés. Même si un grand nombre s'est converti, ils respectent beaucoup les sépultures traditionnelles et les décès sont toujours dus aux ''mær'' ou mauvais esprits. Les âmes des morts ou ''aweti'' sont censées rester sur Terre jusqu'à ce que les ''mær'' soient exorcisés (''warawœ'') par des rituels sacrés. L'esprit retourne alors dans le monde des esprits et dans l'esprit du clan (''hœdõk w œt'ï'')<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every"/>.


====Animaux sacrés====
====Animaux sacrés====
[[File:Tapirus terrestris (2) by JM Rosier.JPG|left|thumb|150 px|Le [[tapir]], génie protecteur des Piaroas.]]
[[File:Tapirus terrestris (2) by JM Rosier.JPG|left|thumb|150 px|Le [[tapir]], génie protecteur des Piaroas.]]
Le [[tapir]], incarnation du héros ''Wahari'', est considéré comme le créateur bienveillant des Piaroas<ref name="every"/>. Selon Roulin, {{citation|Les Piaroas semblent considérer le tapir comme un génie protecteur. Non-seulement ils ne le tuent jamais sans une extrême nécessité, mais encore ils cherchent à l'attirer près des plantations (''conucos'') qu'ils forment au milieu des bois, en y cultivant les fruits qu'il préfère. Si un Piaroa trouve, le matin, ses ananas mangés par un tapir, il s'en réjouit comme d'un heureux augure}}<ref name="roulin"/>.
Le [[tapir]], incarnation du héros ''Wahari'', est considéré comme le créateur bienveillant des Piaroas<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every"/>. Selon Roulin, {{citation|Les Piaroas semblent considérer le tapir comme un génie protecteur. Non-seulement ils ne le tuent jamais sans une extrême nécessité, mais encore ils cherchent à l'attirer près des plantations (''conucos'') qu'ils forment au milieu des bois, en y cultivant les fruits qu'il préfère. Si un Piaroa trouve, le matin, ses ananas mangés par un tapir, il s'en réjouit comme d'un heureux augure}}<ref name="roulin"/>.
Dans son roman inspiré des récits de l'explorateur [[Jean Chaffanjon]], [[Jules Verne]] dit que les Piaroas {{citation|regardent le tapir comme un de leurs aïeux, le plus vénérable et le plus vénéré des ancêtres piaroas. C'est dans le corps d'un tapir que va se loger l'âme de l'Indien, quand il meurt}}<ref name="verne"/>.
Dans son roman inspiré des récits de l'explorateur [[Jean Chaffanjon]], [[Jules Verne]] dit que les Piaroas {{citation|regardent le tapir comme un de leurs aïeux, le plus vénérable et le plus vénéré des ancêtres piaroas. C'est dans le corps d'un tapir que va se loger l'âme de l'Indien, quand il meurt}}<ref name="verne"/>.


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La musique a une place importante chez les Piaroas. De nombreux instruments de musique sont conservées dans les maisons sacrées{{refnec}}.
La musique a une place importante chez les Piaroas. De nombreux instruments de musique sont conservées dans les maisons sacrées{{refnec}}.
Les instruments de musique imitent les sons des animaux ancestraux. Le ''wora'', par exemple, est une flûte de bambou qui imite le bruit de grondement d'un jaguar. Les autres flûtes imitent le cri du toucan ou du singe hurleur. Bien que considérés comme des objets sacrés, aujourd'hui, beaucoup de ces instruments sont également faits pour la vente commerciale<ref name="orinoco"/>.
Les instruments de musique imitent les sons des animaux ancestraux. Le ''wora'', par exemple, est une flûte de bambou qui imite le bruit de grondement d'un jaguar. Les autres flûtes imitent le cri du toucan ou du singe hurleur. Bien que considérés comme des objets sacrés, aujourd'hui, beaucoup de ces instruments sont également faits pour la vente commerciale<ref name="orinoco"/>.
Les chansons sont composées d'une forme stylisée de langue archaïque et de métaphores, mise en cadence avec des changements de la hauteur de la voix<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every"/>.


====Cérémonies====
====Cérémonies====


La cérémonie la plus importante est le ''sãr'', festival de danse et de boisson qui se tient à la saison des pluies à laquelle assistent les familles voisines. Les autres rituels sont ceux du passage à l'âge adulte à la fin de la saison des pluies et les exorcismes lors de la mort d'un membre de la communauté. Des rites individuels impliquent habituellement des tabous alimentaires au cours des différentes étapes du cycle de vie<ref name="every"/>.
La cérémonie la plus importante est le ''sãr'', festival de danse et de boisson qui se tient à la saison des pluies à laquelle assistent les familles voisines. Les autres rituels sont ceux du passage à l'âge adulte à la fin de la saison des pluies et les exorcismes lors de la mort d'un membre de la communauté. Des rites individuels impliquent habituellement des tabous alimentaires au cours des différentes étapes du cycle de vie<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every"/>.


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[[File:Piaroa danse.jpg|thumb|400 px|Danse sacrée des Piaroas]]
[[File:Piaroa danse.jpg|thumb|400 px|Danse sacrée des Piaroas]]


Les Piaroas croient que les dieux antiques étaient violents, avides et arrogants. Le chaman contrôle la violence en chantant et en soufflant les mots dans un mélange d'eau et de miel chaque soir, que la tribu consomme le lendemain matin. Ce processus tient la tribu en sécurité pour la journée. La plupart des adultes sont chamanes à divers degrés, mais seulement un ou deux individus par village peuvent guérir et offrir une protection spirituelle<ref name="indiancultures"/>.
Les Piaroas croient que les dieux antiques étaient violents, avides et arrogants. Le chaman contrôle la violence en chantant et en soufflant les mots dans un mélange d'eau et de miel chaque soir, que la tribu consomme le lendemain matin. Ce processus tient la tribu en sécurité pour la journée. La plupart des adultes sont chamanes à divers degrés, mais seulement un ou deux individus par village peuvent guérir et offrir une protection spirituelle<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="indiancultures"/>.


Il existe deux types de [[chamane]]s (''piache'') dans la société Piaroa le ''menyeruâ'' ou ''meñura'', (chanteur) et le ''märitû'' ou ''ñ ærærua'' (tueur de ''märitü'' ou ''mær'', les esprits qui causent des maladies ou entraînant la malédiction). Les maladies peuvent être causées par une infection avec des animaux en mangeant leur chair contenant des cristaux invisibles envoyés par les ''märitüs'', certains endroits de la forêt concentrent des milliers d'entre eux, les cristaux atteignent différents organes du corps et s'y accumulent. Les maladies peuvent également être données par les ''märitüs'' pour avoir enfreint un tabou ou les valeurs de la société, ou bien être envoyées par un sorcier ennemi<ref name="indiancultures"/>.
Il existe deux types de [[chamane]]s (''piache'') dans la société Piaroa le ''menyeruâ'' ou ''meñura'', (chanteur) et le ''märitû'' ou ''ñ ærærua'' (tueur de ''märitü'' ou ''mær'', les esprits qui causent des maladies ou entraînant la malédiction). Les maladies peuvent être causées par une infection avec des animaux en mangeant leur chair contenant des cristaux invisibles envoyés par les ''märitüs'', certains endroits de la forêt concentrent des milliers d'entre eux, les cristaux atteignent différents organes du corps et s'y accumulent. Les maladies peuvent également être données par les ''märitüs'' pour avoir enfreint un tabou ou les valeurs de la société, ou bien être envoyées par un sorcier ennemi<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="indiancultures"/>.


Les ''piaches'' peuvent extraire la cause de la maladie pour défendre la société contre les deux formes d'agressions invisibles par des chants magiques, pratiquer des rituels pour la chasse et fabriquer des amulettes<ref name="blanchet"/>.
Les ''piaches'' peuvent extraire la cause de la maladie pour défendre la société contre les deux formes d'agressions invisibles par des chants magiques, pratiquer des rituels pour la chasse et fabriquer des amulettes<ref name="blanchet"/>.

Les chansons sont composées d'une forme stylisée de langue archaïque et de métaphores, mise en cadence avec des changements de la hauteur de la voix<ref name="every"/>.


Pour Robin Rodd, le chamanisme Piaroa est une façon sophistiquée d'interpréter la relation entre les forces de la Nature et les processus émotionnels dans le but de minimiser le stress de la survie: un système qui concilie le soi (soi-même, l'individualité) dans la société, l'écosystème, et le cosmos<ref name="rodd"/>.
Pour Robin Rodd, le chamanisme Piaroa est une façon sophistiquée d'interpréter la relation entre les forces de la Nature et les processus émotionnels dans le but de minimiser le stress de la survie: un système qui concilie le soi (soi-même, l'individualité) dans la société, l'écosystème, et le cosmos<ref name="rodd"/>.
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L'utilisation de ces substances, en particulier l'[[Ayahuasca]], permet de mieux comprendre l'invisible et de restaurer l'ordre naturel des choses. Selon Monod, le ''yopo'' permet la séparation de l'esprit ''ti'are ta'kwarua'' (littéralement « image de l'œil ») et du corps, de sorte que l'esprit peut voler et pénétrer dans les rochers où il peut voir les choses cachées. Le ''dä'dä'' et le ''tuipä hä'', mélanges hallucinogènes, produisent un changement plus radical de l'esprit, qui est tranformé en maripä (transe) ou esprit magique et peut voir les choses qui n'ont jamais existé, en ayant accès à des mondes se trouvant au-delà des cieux. Le ''yopo'' permet à l'homme de prendre conscience des événements passés, le ''dä'dä'' permet de créer de nouvelles choses et donne à l'homme la puissance des dieux<ref name="monod"/>.
L'utilisation de ces substances, en particulier l'[[Ayahuasca]], permet de mieux comprendre l'invisible et de restaurer l'ordre naturel des choses. Selon Monod, le ''yopo'' permet la séparation de l'esprit ''ti'are ta'kwarua'' (littéralement « image de l'œil ») et du corps, de sorte que l'esprit peut voler et pénétrer dans les rochers où il peut voir les choses cachées. Le ''dä'dä'' et le ''tuipä hä'', mélanges hallucinogènes, produisent un changement plus radical de l'esprit, qui est tranformé en maripä (transe) ou esprit magique et peut voir les choses qui n'ont jamais existé, en ayant accès à des mondes se trouvant au-delà des cieux. Le ''yopo'' permet à l'homme de prendre conscience des événements passés, le ''dä'dä'' permet de créer de nouvelles choses et donne à l'homme la puissance des dieux<ref name="monod"/>.


Les chamans utilisent aussi d'autres remèdes à base de plantes pour soigner les malades. Toutefois, ces dernières années, la médecine occidentale est devenue de plus en plus populaire<ref name="indiancultures"/>.
Les chamans utilisent aussi d'autres remèdes à base de plantes pour soigner les malades. Toutefois, ces dernières années, la médecine occidentale est devenue de plus en plus populaire<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="indiancultures"/>.


====Évolution contemporaine====
====Évolution contemporaine====
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Les Piaroas parlent le ''Wötʰïhä tivene'' ou [[Piaroa (langue)|langue des Piaroas]], qui appartient à la famille des [[langues salivanes]]<ref name="every3"/> et qui n'a développé une écriture que récemment (en [[alphabet latin]]). Certains mots sont empruntés à d'autres langues, notamment [[arawaks]]<ref name="orinoco"/>.
Les Piaroas parlent le ''Wötʰïhä tivene'' ou [[Piaroa (langue)|langue des Piaroas]], qui appartient à la famille des [[langues salivanes]]<ref name="every3"/> et qui n'a développé une écriture que récemment (en [[alphabet latin]]). Certains mots sont empruntés à d'autres langues, notamment [[arawaks]]<ref name="orinoco"/>.


Des variations dans la prononciation distinguent les locuteurs d'au moins trois régions: Sipapo / moyen-Orénoque, haut-Cuao / Parguaza et Ventuari / Manapiari<ref name="every3"/>.
Les différences de dialecte sont importantes selon les régions. Des variations dans la prononciation distinguent les locuteurs d'au moins trois régions: Sipapo / moyen-Orénoque, haut-Cuao / Parguaza et Ventuari / Manapiari<ref name="zent"/>{{,}}<ref name="every3"/>.


Il y a environ 64 % de monolingues<ref name="kent"/>. Il est possible que 50 % des hommes parlent également en [[maquiritari (langue)|maquiritari]], [[yabarana (langue)|yabarana]] ou [[espagnol]]<ref name="indiancultures"/>.
Il y a environ 64 % de monolingues<ref name="kent"/>. Il est possible que 50 % des hommes parlent également en [[maquiritari (langue)|maquiritari]], [[yabarana (langue)|yabarana]] ou [[espagnol]]<ref name="indiancultures"/>.


==Références== <!-- merci de mettre toutes les références ci-dessous avec un <ref name=""/> dans le texte de l'article pour simplifier l'édition -->
==Références==


{{Références|colonnes=2|références=
{{Références|colonnes=2|références=
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*{{chapitre|langue=en|prénom1=Stanford Rhode|nom1=Zent|lien auteur1=|titre chapitre=Piaroa|auteurs ouvrage=David Levinson (dir.) Johannes Wilbert (dir.) {{et al.}}|titre ouvrage=Encyclopedia of World Cultures|sous-titre ouvrage=South America|volume=7|lieu=|éditeur=G.K. Hall|année=1994|passage=275|pages totales=488|isbn=0-81611813-2|isbn2=978-0816118137|présentation en ligne=|lire en ligne=http://www.encyclopedia.com/doc/1G2-3458001245.html|consulté le=|id=zent1994}}
*{{chapitre|langue=en|prénom1=Stanford Rhode|nom1=Zent|lien auteur1=|titre chapitre=Piaroa|auteurs ouvrage=David Levinson (dir.) Johannes Wilbert (dir.) {{et al.}}|titre ouvrage=Encyclopedia of World Cultures|sous-titre ouvrage=South America|volume=7|lieu=|éditeur=G.K. Hall|année=1994|passage=275|pages totales=488|isbn=0-81611813-2|isbn2=978-0816118137|présentation en ligne=|lire en ligne=http://www.encyclopedia.com/doc/1G2-3458001245.html|consulté le=|id=zent1994}}


===Autres ouvrages sur le sujet=== <!-- COMME L'ARTICLE EST EN COURS DE RÉDACTION, MERCI DE LAISSER TOUS LES OUVRAGES SUIVANTS -->
===Autres ouvrages sur le sujet===


*{{ouvrage|langue=es|prénom1=Pablo J.|nom1=Anduze|lien auteur1=|titre=Dearuwa, los dueños de la selva|lien titre=|éditeur=Academia de Ciencias Físicas, Matemáticas y Naturales|lien éditeur=|lieu=Caracas|année=1974|volume=13|pages totales=|isbn1=|isbn2=|présentation en ligne=http://books.google.fr/books?id=RXpsAAAAMAAJ&q=bibliogroup:%22Biblioteca+de+la+Academia+de+Ciencias+F%C3%ADsicas,+Matem%C3%A1ticas+y+Naturales%22&dq=bibliogroup:%22Biblioteca+de+la+Academia+de+Ciencias+F%C3%ADsicas,+Matem%C3%A1ticas+y+Naturales%22&source=bl&ots=792-rbVgPS&sig=vwt4lQ_qS1omPG674JvUusaa3jI&hl=fr&sa=X&ei=HcEmUKKtJ9GV0QWtwYG4Cg&ved=0CDQQ6AEwAA|lire en ligne=|consulté le=}}
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Version du 16 août 2012 à 20:14

Piaroa
Chef de communauté Piaroa

Populations importantes par région
Venezuela 12200 (2001)[1](recensement)
Colombie 600 (1992)[2]
Population totale 12800
Autres
Langues piaroa, maquiritari, yabarana, espagnol[1]
Religions chamanisme, christianisme
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de répartition

Les Piaroas sont un peuple indigène d'agriculteurs du bassin de l'Orénoque oriental. Ils sont environ 12 000[1] au Venezuela, principalement dans le département de l'Amazonas dans une région de 45 000 km²[2] à peu près circonscrite par les rivières Parguaza (nord), Ventuari (sud-est), Manapiare (nord-est) et la rive droite de l'Orénoque (ouest) et 600 [2] en Colombie, dans plusieurs réserves dans le sud du département du Vichada, entre le río Vichada au nord et le río Guaviare au sud [3],[4].

Les Piaroas sont fortement égalitaires, anti-autoritaires, rejettent l'accaparement de biens par quiconque et soutiennent l'autonomie individuelle, leurs décisions sont prises par consensus. Ils ont donc été décrits par certains anthropologues (tels que Clastres ou Overing) comme une société anarchiste qui fonctionne réelement[5].

Les quarante dernières années ont vu des grands changements sociaux et culturels chez les Piaroas, y compris une migration massive vers la périphérie de leur territoire traditionnel pour accéder aux biens et services des sociétés de leurs pays. Les centres de soins attirent notamment beaucoup de monde, même si la concentration de la population dans leurs alentours entraîne une raréfaction des ressources naturelles et foncières. Malgré cela, les Piaroas ont gardé l'agriculture comme base de leur économie et sont relativement indépendants du point de vue nutritionnel[1].

Nom

« Piaroa » n'est pas un nom arborigène et son éthymologie est mal connue. Les Piaroas s'appellent eux-mêmes De'arua (maîtres de la forêt), Wóthuha (personnes bien informées), De'atʰïhä (les gens de la forêt) et Thhã (gens, personnes), suivant les personnes à qui ils s'adressent et la situation[3],[6].
Wóthuha est également orthographié Huǫttųją (orthographe du Summer Institute of Linguistics) et Wötʰïhä (orthographe de l'alphabet phonétique international)[4].
On trouve aussi: Adole, Ature, Dearuwa, De'athhã, De'at-iha, Guagua, Huo, Kuakua, Mako, Quaqua, Th hã, Thiha, Ttö,ja, Uhuottoja, Uwotjuja, Wathiha, Wot-iha, Wõthhã, Wotiha, Wotiheh[7].

Histoire

Piaroa. dessin d'Édouard Riou (1833-1900)

Les premières références aux Piaroas datent de la seconde moitié du XVIIe siècle avec les contacts entre ce peuple et les missionnaires jésuites établis entre le Río Meta et le Río Casanare, qui décrivent ces indigènes comme se nommant Pearoa. Le nom Piaroa apparaît avec les expéditions dans la région de plusieurs explorateurs durant la fin du XVIIIe siècle et au cours du XIXe siècle (notamment Humboldt et Bonpland en 1814-1819 et Chaffanjon en 1889)[4].

Il faudra attendre les années 1960 pour voir un contact régulier entre la société occidentale et les Piaroas, lorsque ceux-ci s'installent dans des zones où ils peuvent avoir un accès facile aux marchés et aux services de l'État. Jusqu'ici, même plus de 300 ans après le premier contact, les Piaroas se sont tenus à l'écart en raison de leur mode de vie pacifique, leur stratégie principale de défense étant l'évitement. Il ont ainsi fui la colonisation de l'Orénoque entraînant violence, esclavagisme, missions religieuses et épidémies dues aux nouvelles maladies et se sont réfugiés dans les zones reculées, montagneuses et densément boisées[3],[4].

L'arrivée de l'Église catholique en 1937 et de l'ONG chrétienne évangélique New Tribes Mission en 1946 apportèrent beaucoup de changements dans la région des Piaroas. Cette dernière, en particulier, eut un impact majeur sur la population parce que leurs missionnaires apportèrent des soins médicaux mêlés à une conversion religieuse et finirent par bien maitriser la langue. Cela modifia la perception des occidentaux par les Piaroas. Les convertis attirés à la mission Tamatama étaient entraînés comme disciples avant de retourner dans leurs communautés où ils convertissaient leurs famille et voisins. L'Église catholique, d'autre part, est devenue un important fournisseur de services sur le territoire depuis les années 1960. De nombreux jeunes Piaroas ont commencé à fréquenter l'école de la mission catholique salésienne d'Isla Ratón sur l'Orénoque où ils apprennent l'espagnol et les coutumes occidentales. C'est aussi à cette époque, et peut être à cause de ces contacts, que des épidémies de maladies d'origine étrangère, comme la rougeole, le paludisme et les maladies vénériennes ont ravagé la population Piaroa, obligeant de nombreuses personnes à quitter l'intérieur du pays à la recherche de médecine moderne. Le Dr Hans Baumgartner (1954-) et d'autres membres du Service de Paludisme leur ont fourni des médicaments modernes et ont étudié l'état de santé de la population. Beaucoup de Piaroas se sont donc concentrés près des missions religieuses et des centres occidentaux où les soins de santé modernes étaient disponibles[3],[4].

L'augmentation de l'investissement public dans les années 1970 dans le sud du Venezuela alimentée par la richesse pétrolière a contribué à une tendance croissante à la concentration de la population dans le voisinage des écoles, des établissements de santé et centres économiques tels que Puerto Ayacucho, capitale de l'état de l'Amazonas. On estime que 80 % de la population a été convertie au christianisme et les écoles rurales dirigées par des enseignants Piaroa se trouvent dans plus de vingt communautés[8]. Depuis un peu plus de trente ans, les Piaroas ont cessé de vivre en petites communautés mobiles et reculées pour s'installer dans des centres sédentaires de plus en plus importants, au voisinage de missions ou de villes et villages[3],[4].

L'intégration culturelle et économique a largement été influencée par les progrès dans les moyens de transport comme les routes, les moteurs hors-bord et les pistes d'atterrissage. La plupart des Piaroas ont des contacts réguliers avec la société occidentale pour y vendre leur farine de manioc et leurs produits cultivés ou récoltés dans la forêt ainsi que pour acheter des biens occidentaux. Seuls 5 % des Piaroas - surtout ceux dans la partie supérieure du bassin versant Cuao-Parguaza-Cataniapo - restent largement isolés de la société occidentale et ont toujours un style de vie traditionnel[3],[8].

Économie

Économie traditionnelle

Fichier:Piaroa - canoés chargés de productions agricoles.jpg
Canoés piaroas chargés de productions agricoles

La culture économique et matérielle des Piaroas est typique de la région guyanaise et de l'Amazonie. Leurs moyens de subsistance sont basés sur la culture itinérante , la chasse, la pêche et la cueillette de plantes sauvages et de micro-faune. En plus des activités qui visent directement à l'obtention de nourriture, une partie intégrante de leur économie de subsistance est la fabrication de divers objets utilitaires. Ils sont aussi célèbres pour le curare de haute qualité qu'ils produisent et vendent à d'autres groupes ethniques sous forme d'œuf et qui sert de monnaie d'échange. Ce mode de vie permet aux Piaroas de vivre quasiment en autosuffisance[3],[9].

Cette industrie indigène est fondée sur la connaissance et l'utilisation d'un grand nombre de plantes de l'habitat Piaroa. Les artefacts ne sont pas seulement utilisés dans les travaux d'exploitation, domestiques ou religieux, mais aussi pour échanger avec les autres tribus et groupes ethniques ou obtenir les marchandises fournies par les Piaroas occidentalisés (couteaux, hameçons, vêtements, chaussures, perles, etc...). Une bonne partie des fruits et du manioc consommés à Puerto Ayacucho provient du commerce avec les Piaroas[9].

Culture itinérante

Plantation de manioc des indiens Piaroa, Venezuela.
Fichier:Piaroa - travail dans un conuco.jpg
Piaroas au travail dans un conuco (lopin de terre)
Fichier:Piaroa - conuco brulé avec cabane communautaire sur l'île Lencho du Rio Sipapo.jpg
Conuco brulé avec cabane communautaire sur l'île Lencho du Rio Sipapo

Le cycle de culture piaroa est constitué d'une série de phases interdépendantes qui se suivent et parfois se chevauchent. La principale différence se situe entre les phases intensives, connues sous le nom de patha et une série de phases décrites avec le terme générique resaba. Ces dernières commencent quand les cultures exigeantes comme le manioc ou le maïs sont remplacées par celles à croissance lente comme les arbres, qui demandent peu d'attention et des périodes de production beaucoup plus longues. On peut voir dans le tableau ci-après que ces deux termes génériques sont divisibles en plusieurs catégories plus petites, qui décrivent les phases de l'évolution du jardin, des espèces dominantes, du propriétaire, etc[10].

Le nombre d'espèces et de variétés plantées est élevé. Même si seulement cinq variétés de manioc son plantées majoritairement pour leur commercialisation, il est planté dans 15 à 25 variétés[10] et connu en plus de 100 variétés ayant des différences de saveur, d'acidité ou de couleur. Le manioc est à la base d'une trentaine de plats différents: huit types de gâteaux, quatre types de farine grillée, trois façons de consommer les tubercules, onze types de boissons et trois façons d'utiliser le yare (jus pressé), tels que la fameuse sauce cathare ou chaude (fabriqué à partir de yare, de piment et de têtes de fourmis bachaco)[11].

Principales phases de culture[10]
Français Piaroa Période Végétation dominante
Forêt abattue Isaka homena/isaka sakwa - Végétation haute
Champ abattu mais pas encore brûlé Dawye hoipia 0-4 mois Végétation séchant
Champ brûlé, période de culture Isaka kwoa 4-5 mois Végétation brûlée, écorces
Jardin de maïs Yamu patha/patha aleata 5-11 mois Maïs (Zea mays)
Jardin de manioc Ire patha 1-3 (5) ans Manioc (Manihot esculenta), cultures mineures
Début de jachère, végétation basse/buissonnante, champ de manioc récemment abandonné Resaba sakwa/resaba hareaba 3-4 ans Légumineuses, palmiers, plantes à fruits, plantes médicinales et magiques
Jachère avec péjibaie / jachère avec uvilla / (le nom dépend de l'espèce dominante) Pahare resaba / nai resaba / etc. plus de 4 ans Péjibaie, palmier pêche (Bactris gasipaes), Cupuaçu (cacao sauvage) (Theobroma grandiflorum), Uvilla (Raisin d'Amazonie) (Pourouma cecropiifolia), etc.
Vieille forêt secondaire Tabo(saba) resaba plus de 6 ans Mélange de plantes cultivées et sauvages (en particulier palmiers et arbres fruitiers)
Vieux jardin des ancêtres Tabotihamina resaba plus de 25 ans Végétation sauvage et plantes associées à l'intervention humaine (par ex. Sclerolobium guianense
Forêt primaire et vieille forêt secondaire De’a plus de 75 ans Végétation sauvage


Liste non exhaustive de plantes cultivées par les Piaroas dans le haut-Cuao[10].
Nom vernaculaire Nom scientifique Nom piaroa Lieu de plantation/récolte Utilisation
Manioc Manihot esculenta Ire jardins nourriture
Maïs Zea mays Yamu jardins nourriture
Patate douce Ipomoea batatas Wiriya jardins nourriture
Ananas Ananas comosus Kana jardins nourriture
Banane Musa sp. Paruru forêt secondaire nourriture
Péjibaie, palmier pêche Bactris gasipaes Pahare forêt secondaire nourriture
Cupuaçu (cacao sauvage) Theobroma grandiflorum Harewa forêt secondaire nourriture
Uvilla (Raisin d'Amazonie) Pourouma cecropiifolia Nai forêt secondaire nourriture
Mingucha Oenocarpus bataua Bare pu’ori forêt primaire et secondaire nourriture
Piment Capsicum frutescens Rate jardins nourriture
Cucurito Attalea maripa Wacha forêt secondaire nourriture
Manaca Euterpe precatoria Menea forêt secondaire nourriture
Papaye Carica papaya Mapaya jardins, forêt secondaire nourriture
Cocona,túpiro Solanum sessiliflorum Nu’e forêt secondaire nourriture
Camon, manoco, punáma, milpesos Oenocarpus bacaba Pho pu’ori forêt primaire et secondaire nourriture
Igname Dioscorea sp. Huare jardins nourriture
Mamure Heteropsis spruceana Kiyo wipo forêt secondaire vannerie
Tabac Nicotiana tabacum Jatte jardins tabac à fumer
Capi Banisteriopsis caapi Tuhuipä forêt primaire et secondaire plante magique
Yopo Anadenanthera peregrina Yuhua forêt primaire et secondaire plante magique

Chasse, pêche et cueillette

Les Piaroas chassent à la lance, à la sarbacane ou avec des pièges (collets, bâtons englués), bien que le fusil soit devenu l'arme principale. Leurs proies sont principalement des pacas, pécaris et cervidés[3],[2].

Ils pêchent de préférence dans les eaux noires plutôt que dans les eaux blanches, à la ligne, au harpon, à l'arc, avec des pièges, des barrières, des nasses ou à la nivrée (empoisonnement de l'eau grâce à des plantes ichtyotoxiques)[3],[2].

L'importance donnée à la chasse ou à la pêche dépend de la zone d'habitation. Ainsi, la chasse domine dans les zones en amont des rivières tandis que la pêche est plus importante sur les sites en aval[3],[9].

Les Piaroas cueillent dans la forêt primaire de nombreuses plantes, notamment les fruits de différents palmiers et les fibres de piaçava (Leopoldinia piassaba), récoltent du miel et divers animaux de la microfaune: grenouilles, araignées, chenilles, vers, fourmis bachacos (Atta laevigata), termites, cigales et larves[3],[9],[2].

Artisanat

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Artisanat chez les Piaroas
Piaroa au travail

Les Piaroas fabriquent de nombreux objets d'artisanat et autres produits: paniers, râpes à manioc, poteries peintes, hamacs, objets en bois (canoés, pagaies, mortiers sculptés, meubles basiques) et en caoutchouc, teintures (dont la chicha, un colorant rouge), poisons (curare et plantes ichtyotoxiques), plantes magiques, tissus, cordes, torches, couronnes de plumes, perles, masques de cérémonie peints, sarbacanes, tissu d'écorce et gourdes[3],[9].

Économie occidentalisée

Le système traditionnel et l'autonomie économique qui va avec sont perdus dans les villes modernes nucléées et sédentaires. Actuellement, l'importance de la chasse et de la cueillette pour leur subsistance se réduit. Les savoirs techniques, botaniques et zoologiques traditionnels se perdent au profit de nouvelles cultures et d'animaux domestiques, notamment les bovins, dans le but d'avoir une agriculture de vente. On voit une augmentation du temps accordé au travail salarié et à des activités d'extraction comme les mines d'or ou la collecte de tiges de palmier pour la vente aux fabricants de meubles en rotin, de l'utilisation accrue de liquidités dans les échanges économiques, de l'achat d'aliments emballés, de la consommation de produits de luxe occidentaux et de la mise en place d'entreprises communautaires pour commercialiser les produits agricoles. En outre, une nouvelle classe économique supérieure est formée par des professionnels (enseignants, infirmières, employés de l'administration qui touchent un salaire du gouvernement) et les hommes d'affaires: propriétaires de magasins et exploitants de bateaux à moteur[3],[9].

Société

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Famille Piaroa
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Femme Piaroa et son fils

Organisation sociale

En voyant la concurrence comme spirituellement mauvaise et en louant la coopération, les Piaroas sont à la fois fortement égalitaires et soutiennent l'autonomie individuelle. Ils sont également fortement anti-autoritaires, conscients de l'importance de veiller à ce que personne ne soit sous les ordres d'un autre et s'opposent à la thésaurisation des ressources, qu'ils considèrent comme donnant aux membres le pouvoir de contraindre leur liberté. Ils sont aussi considérés comme l'une des sociétés les plus pacifiques du monde, l'assassinat étant un concept qui est à la fois inconnu et tout à fait inexistant. L'anthropologue Joanna Overing note également que la hiérarchie sociale est minime et qu'il serait difficile de dire si une forme de domination masculine existe, malgré que les dirigeants soient traditionnellement masculins[5]. Concernant le rapport entre les sexes, les Piaroas pensent que le repas idéal est composé de viande et de pain de manioc, le produit de la chasse d'un homme et du jardin d'une femme. Leur idéal tant pour les hommes que les femmes, c'est la tranquillité et le contrôle, de maîtriser ses émotions[12]. Les décisions touchant la communauté sont prises par consensus[2]. En conséquence, les Piaroas ont été décrits par certains anthropologues comme une société anarchiste fonctionnant[5].

Éducation

Le chaman apprend aux enfants la responsabilité personnelle, l'autodiscipline et le respect d'autrui quand ils atteignent l'âge de six ou sept ans. Il leur apprend à éviter les querelles et à contrôler la jalousie, l'arrogance, la méchanceté, la malhonnêteté, la vanité et la cruauté. Il leur enseigne que les émotions et les désirs doivent être maîtrisés, ce qui leur permet de devenir responsables tout en ayant le libre arbitre de respecter les autres. La punition physique est inexistante et remplacée par une obligation au silence pour prévenir les comportements indésirables. Les enfants n'ont pas de modèles de comportement violent ou coercitif. Leurs jeux sont énergiques mais sans compétition ou expressions de colère. Les comportements individualistes tels que l'ambition ou le courage sont découragés, mais les décisions individuelles sont respectées et jamais critiquées négativement. Les enfants de 8 à 15 ans fréquentent régulièrement l'école et apprennent l'espagnol ainsi que la culture de leur pays[13],[12].

Division du travail

De nombreuses tâches sont assignées en fonction du sexe: les hommes coupent la forêt pour créer les jardins, plantent le maïs ainsi que toutes les cultures utilisées uniquement par eux: tabac, capi et les autres drogues, bromelia curagua, lonchocarpus (poison de pêche), les caladiums investis par la magie et toutes les autres plantes pour la chasse magique. Les femmes s’occupent de quasiment toutes les cultures vivrières comme le manioc, les patates douces, l’igname, , etc. et du déherbage. Avec la tendance récente d’agriculture de vente, les hommes ont un plus grand rôle dans la plantation, le désherbage et la récolte tandis que les femmes se chargent du traitement du manioc (pelage, lavage, râpage, pressage et cuisson du pain). Les hommes chassent et font la majorité de la pêche, la construction des maisons et les tâches religieuses. Les femmes sont expertes dans le tissage alors que les hommes sont les vanneurs et les potiers[3],[9].

Habitat

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Habitat des Piaroas
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Ensemble de maisons traditionnelles
Fichier:Piaroa - ensemble de maisons de style similaires à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.jpg
Maisons de style similaire à celles d'autres peuples. Pendare, Rio Sipapo.

Traditionnellement, les communautés vivaient de façon dispersée et semi-nomade. Elles se regroupaient dans une seule maison communautaire avec des toits de chaume en feuilles de palmier touchant le sol (churuata ou isode)[3],[14]. Selon le statut du chef, les maisons collectives sont conico-rondes (pouvant abriter 100 personnes), éliptico-coniques (40 personnes) ou rectangulaires (15 personnes) et peuvent être associées autour d'un chef régional.[2]. Le foyer est constitué de cinq à soixante personnes ou plus, formé de couples ou de familles élargies pouvant regrouper quatre générations. La quantité des membres fluctue du fait des longues visites aux parents vivant dans d'autres communautés et des changements dans les relations des individus et des familles. Certains Piaroas ont aussi une participation active dans plusieurs communautés[3],[14]. L'intérieur des churuatas ne dispose pas de structures de séparation physiques divisant les familles: chaque famille a sa propre zone où elle stocke ses effets, des hamacs et un foyer pour cuisiner. Tous les habitants de la churuata sont libres d'utiliser la zone centrale, où ils peuvent se rassembler pour accomplir les rituels, faire de l'artisanat, et divertir les invités[15].

Les communautés Piaroas s'installent le plus souvent près d'un ruisseau éloigné des cours d'eau plus importants, dans une clairière au pied d'une colline. Les sites sont occupés pour des courtes durées allant de un à cinq ans. Habituellement, une tribu possède de deux à quatre sites distincts occupés à des époques différentes suivant la maturité des cultures[3],[14].

Vers le milieu du XXe siècle, la concentration des tribus Piaroas dans les centres urbains a changé leur type d'habitat. La majorité de la population vit maintenant dans les communautés nucléées et permanentes de 40 à 300 personnes vivant dans des maisons séparées. Ces villes modernes ont été fortement subventionnés par les programmes du gouvernement vénézuélien, y compris des fonds pour la construction des écoles rurales, des dispensaires médicaux, des centrales électriques et d'eau courante, avec dans certains endroits des logements de type « boîte à chaussure » en béton[3],[14].

Au Venezuela, les terres habitées par les Piaroas sont domaniales, avec deux parcs nationaux et une réserve forestière, 41 000 ha sont accordés à des communautés en aires discontinues[2]. Plus de 30 communautés ont reçu des terrains collectifs du gouvernement, bien que la plupart soient petits[9]. En Colombie il y a trois réserves totalisant 181 193 ha[2].

Habillement

Traditionnellement, les hommes et les femmes Piaroas portent des pagnes tissés de coton récolté dans leurs plantations. Ils ornent leurs corps avec des couronnes de plumes, des bracelets et des colliers. Les colliers sont faits avec des dents d'alligator ou de pecari, enfilées avec des plumes multicolores. Les peintures corporelles sont considérées comme la représentation graphique de la connaissance des rituels acquise au fil des générations. Des timbres en bois de différents modèles, formes et tailles leur servent à s'imprimer des motifs sur la peau. Les signes féminins affirment leur destin de fertilité tandis que ceux des hommes les identifie comme chasseurs ou chamanes[15].

Culture

Forêt

La forêt est un élément primordial de la culture des Piaroas. Ils peuvent facilement identifier les forêt secondaires, leurs propriétaires et l'histoire de leurs communautés grâce à sa composition. Pour eux, la santé et le bien-être dépendent en grande partie de la reconnaissance de la relation étroite entre une partie de la forêt et les esprits des ancêtres qui y ont vécu. Les gens qui ne parviennent pas à cerner cette relation souffrent de bien des malheurs dont les mauvaises récoltes, la malchance à la chasse et de nombreuses maladies[10]. La réactualisation de l'alliance avec les entités créatrices donne lieu à des rituels en forêt, spécialement près des cascades dans les zones montagneuses[2].

Sang

Le sang est vu d'un très mauvais œil par les Piaroas: celui-ci ne doit pas tomber sur le sol. C'est pourquoi les personnes blessées sont isolées dans la forêt, dans un hamac. Au cours de leurs menstruations, les femmes sont également isolées dans la forêt. Elles accouchent toujours dans les eaux peu profondes des rivières proches des villages. Les animaux chassés ne sont jamais écorchés. En effet, ils sont juste éviscérés sur une pierre, dans l'eau de la rivière, puis cuits entiers[16].

Panthéon

La religion indigène comprend la croyance en des héros ancestraux et en des esprits bons ou mauvais associés à des éléments environnementaux qui contrôlent la destinée humaine et l'expérience hallucinogène comme moyen de communication avec le monde des esprits. Un panthéon constitué de héros et de dieux vivants dans les temps mythiques et qui ont créé le monde, ont apporté à l'Homme la culture et la connaissance de l'agriculture, de la pêche et de la chasse.[3]

Sépultures

Pictogrammes près de Puerto Ayacucho

La tradition veut que les morts soient momifiés, mis dans des catumares (sortes de long paniers de palmes tressées ou en écorce) et placés avec leur biens dans une grotte ou cueva. Le Dr Labesse a visité plusieurs de ces cuevas, situées dans les montagnes (cerros) ou dans des îles de l'Orénoque. Il a trouvé des amas d'ossements brisés et éparpillés, quelques catumares entiers, des poteries et des urnes en terre cuite avec des couvercles dotés d'une poignée en forme de chien, symbole de la fidélité qui garde l'urne funéraire. Les Piaroas enduisent les ossements de chicha de couleur rouge pour les conserver plus longtemps. Les parois sont parfois recouvertes de symboles, de dessins réguliers et d'animaux divers peints à la chicha[17]. Lors de son expédition dans les Guyanes, Jules Crevaux rapporte qu'il a découvert au sommet d'une grande roche, sous un rocher, trois momies empaquetées dans de l'écorce, parées de bijoux, avec un hamac et des poteries contenant de la liqueur fermentée[18].

De nos jours, comme environ 80 % des Piaroas sont chrétiens depuis les années 1950, la plupart des corps sont enterrés. Même si un grand nombre s'est converti, ils respectent beaucoup les sépultures traditionnelles et les décès sont toujours dus aux mær ou mauvais esprits. Les âmes des morts ou aweti sont censées rester sur Terre jusqu'à ce que les mær soient exorcisés (warawœ) par des rituels sacrés. L'esprit retourne alors dans le monde des esprits et dans l'esprit du clan (hœdõk w œt'ï)[3],[19].

Animaux sacrés

Le tapir, génie protecteur des Piaroas.

Le tapir, incarnation du héros Wahari, est considéré comme le créateur bienveillant des Piaroas[3],[19]. Selon Roulin, « Les Piaroas semblent considérer le tapir comme un génie protecteur. Non-seulement ils ne le tuent jamais sans une extrême nécessité, mais encore ils cherchent à l'attirer près des plantations (conucos) qu'ils forment au milieu des bois, en y cultivant les fruits qu'il préfère. Si un Piaroa trouve, le matin, ses ananas mangés par un tapir, il s'en réjouit comme d'un heureux augure »[20]. Dans son roman inspiré des récits de l'explorateur Jean Chaffanjon, Jules Verne dit que les Piaroas « regardent le tapir comme un de leurs aïeux, le plus vénérable et le plus vénéré des ancêtres piaroas. C'est dans le corps d'un tapir que va se loger l'âme de l'Indien, quand il meurt »[21].

Musique

La musique a une place importante chez les Piaroas. De nombreux instruments de musique sont conservées dans les maisons sacrées[réf. nécessaire]. Les instruments de musique imitent les sons des animaux ancestraux. Le wora, par exemple, est une flûte de bambou qui imite le bruit de grondement d'un jaguar. Les autres flûtes imitent le cri du toucan ou du singe hurleur. Bien que considérés comme des objets sacrés, aujourd'hui, beaucoup de ces instruments sont également faits pour la vente commerciale[15]. Les chansons sont composées d'une forme stylisée de langue archaïque et de métaphores, mise en cadence avec des changements de la hauteur de la voix[3],[19].

Cérémonies

La cérémonie la plus importante est le sãr, festival de danse et de boisson qui se tient à la saison des pluies à laquelle assistent les familles voisines. Les autres rituels sont ceux du passage à l'âge adulte à la fin de la saison des pluies et les exorcismes lors de la mort d'un membre de la communauté. Des rites individuels impliquent habituellement des tabous alimentaires au cours des différentes étapes du cycle de vie[3],[19].

Chamanisme

Danse sacrée des Piaroas

Les Piaroas croient que les dieux antiques étaient violents, avides et arrogants. Le chaman contrôle la violence en chantant et en soufflant les mots dans un mélange d'eau et de miel chaque soir, que la tribu consomme le lendemain matin. Ce processus tient la tribu en sécurité pour la journée. La plupart des adultes sont chamanes à divers degrés, mais seulement un ou deux individus par village peuvent guérir et offrir une protection spirituelle[3],[13].

Il existe deux types de chamanes (piache) dans la société Piaroa le menyeruâ ou meñura, (chanteur) et le märitû ou ñ ærærua (tueur de märitü ou mær, les esprits qui causent des maladies ou entraînant la malédiction). Les maladies peuvent être causées par une infection avec des animaux en mangeant leur chair contenant des cristaux invisibles envoyés par les märitüs, certains endroits de la forêt concentrent des milliers d'entre eux, les cristaux atteignent différents organes du corps et s'y accumulent. Les maladies peuvent également être données par les märitüs pour avoir enfreint un tabou ou les valeurs de la société, ou bien être envoyées par un sorcier ennemi[3],[13].

Les piaches peuvent extraire la cause de la maladie pour défendre la société contre les deux formes d'agressions invisibles par des chants magiques, pratiquer des rituels pour la chasse et fabriquer des amulettes[22].

Pour Robin Rodd, le chamanisme Piaroa est une façon sophistiquée d'interpréter la relation entre les forces de la Nature et les processus émotionnels dans le but de minimiser le stress de la survie: un système qui concilie le soi (soi-même, l'individualité) dans la société, l'écosystème, et le cosmos[23].

Les pratiques chamaniques comprennent l'utilisation de diverses plantes psychoactives: le Yopo ou Yuhua(Anadenanthera peregrina), le tabac (jatte) Nicotiana tabacum et le dä'dä (Malouetia flavescens, Malouetia schomburgkii). Ils utilisent aussi la capi ou tuhuipä (Banisteriopsis caapi) dont on distingue cinq variétés (yurina, mäe, kohö, duhui huioka et les espèces cultivées kunahua) pour mélanger avec de l'ameu (Psychotria erecta ou Psychotria poeppingiana) et faire ainsi de l'Ayahuasca, une boisson hallucinogène utilisée dans les rituels[23].

L'utilisation de ces substances, en particulier l'Ayahuasca, permet de mieux comprendre l'invisible et de restaurer l'ordre naturel des choses. Selon Monod, le yopo permet la séparation de l'esprit ti'are ta'kwarua (littéralement « image de l'œil ») et du corps, de sorte que l'esprit peut voler et pénétrer dans les rochers où il peut voir les choses cachées. Le dä'dä et le tuipä hä, mélanges hallucinogènes, produisent un changement plus radical de l'esprit, qui est tranformé en maripä (transe) ou esprit magique et peut voir les choses qui n'ont jamais existé, en ayant accès à des mondes se trouvant au-delà des cieux. Le yopo permet à l'homme de prendre conscience des événements passés, le dä'dä permet de créer de nouvelles choses et donne à l'homme la puissance des dieux[24].

Les chamans utilisent aussi d'autres remèdes à base de plantes pour soigner les malades. Toutefois, ces dernières années, la médecine occidentale est devenue de plus en plus populaire[3],[13].

Évolution contemporaine

Le fief de la culture traditionnelle Piaroa est dans le haut Cuao, une zone difficile d'accès caractérisée par une topographie accidentée et couverte par une forêt dense. Là, les habitants conservent une culture indigène relativement traditionnelle, comme un habitat dispersé et semi-nomade, une technologie simple où les objets traditionnels sont encore visibles, une économie de subsistance, un micro-réseau de commerce entre les communautés voisines et la religion indigène. Ils conservent également leurs biens matériels traditionnels comme les pagnes en coton blanc décoré, les maisons communautaires, les sarbacanes aux flèches humidifiées de curare, les peintures végétales, les pirogues et pagaies taillées dans un seul tronc d'arbre.

La culture Piaroa est le produit du métissage des survivants d'autres groupes autochtones qui ont habité la région et qui se sont mêlés aux Piaroas des montagnes qui avait réussi à mieux résister aux effets de la dépopulation causée par la colonisation grâce à leur dispersion démographique et la difficulté d'accès à leurs territoires. Par conséquent, l'un des profils les plus frappants de la formation culturelle est un mélange de traits, qui à un moment donné ont appartenu à des groupes maintenant disparus de leur territoire actuel comme les Maipuri, les Avani, les Sereu, les Mabu, les Quirubas et les Atures, entre autres.

Les Piaroas qui ont migré en aval de leurs rivières sont plus métissés. Ils vivent dans des communautés nucléées et sédentaires, ne portent plus leurs costumes traditionnels et ont adopté les religions occidentales. Ils sont intégrés dans le commerce régional et ont des contacts fréquents avec les peuples créoles. Ils sont considérés comme des partenaires fiables dans l'Amazonie vénézuélienne et l'activité agricole est une caractéristique déterminante de la sociologie de ce groupe. Toutefois, leur production très diverse comprenant différents outils, de la nourriture, des ornements, des biens rituels, des résines et colorants, s'est limitée aux produits agricoles exigés par les populations indigènes (fruits et manioc principalement).

Langue

Les Piaroas parlent le Wötʰïhä tivene ou langue des Piaroas, qui appartient à la famille des langues salivanes[6] et qui n'a développé une écriture que récemment (en alphabet latin). Certains mots sont empruntés à d'autres langues, notamment arawaks[15].

Les différences de dialecte sont importantes selon les régions. Des variations dans la prononciation distinguent les locuteurs d'au moins trois régions: Sipapo / moyen-Orénoque, haut-Cuao / Parguaza et Ventuari / Manapiari[3],[6].

Il y a environ 64 % de monolingues[2]. Il est possible que 50 % des hommes parlent également en maquiritari, yabarana ou espagnol[13].

Références

  1. a b c et d M. Paul Lewis, « Piaroa : A language of Venezuela », Ethnologue: Languages of the World, (consulté le )
  2. a b c d e f g h i j k et l (fr)CSAC Ethnographics Gallery
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z et aa (fr)Zent 1994
  4. a b c d e et f (es)Freire 2007, p. 137-203
  5. a b et c (en)Graeber 2004
  6. a b et c (en)Countries and Their Cultures, « Piaroa - Orientation », sur http://www.everyculture.com/ (consulté le )
  7. (fr)Bibliothèque Nationale de France
  8. a et b (en)Countries and Their Cultures, « Piaroa - History and Cultural Relations », sur http://www.everyculture.com/ (consulté le )
  9. a b c d e f g et h (en)Countries and Their Cultures, « Piaroa - Economy », sur http://www.everyculture.com/ (consulté le )
  10. a b c d et e (en)Freire 2007, p. 681-696
  11. (es)Rivas 2009
  12. a et b (en)peacefulsocieties.org
  13. a b c d et e (en)indian-cultures.com
  14. a b c et d (en)Countries and Their Cultures, « Piaroa - Settlements », sur http://www.everyculture.com/ (consulté le )
  15. a b c et d (en)orinoco.org
  16. (en)softpedia.com
  17. (fr)Labesse 1904
  18. (fr)Saint-Arroman 1894, p. 265
  19. a b c et d (en)everyculture.com
  20. (fr)Roulin 1835, p. 569 (note [3])
  21. (fr)Verne 1898, p. 186
  22. (fr)Blanchet et Monod 1969
  23. a et b (en)Rodd 2008
  24. (pt)Monod 1976, p. 7-28


Bibliographie

Ouvrages utilisés pour la rédaction de l'article

  • (en) Germán Nicolás Freire, « Indigenous Shifting Cultivation and the New Amazonia: A Piaroa Example of Economic Articulation », Human Ecology, Boston, Springer US, vol. 35, no 6,‎ , p. 681-696 (ISSN 0300-7839, DOI 10.1007/s10745-007-9120-y, lire en ligne)
  • Dr Labesse, « Les sépultures (Cuevas) des indiens du Haut-Orénoque. », Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, Angers, Éditions de l'Ouest, 5e série, vol. VII,‎ , p. 14-21 (ISSN 17752493[à vérifier : ISSN invalide], lire en ligne)
  • (pt) Jean Monod, « Os Piaroa e o invisível », dans Vera Penteado Coelho (dir.) et al., Os Alucinógenos e o mundo simbólico : O uso dos alucinógenos entre os índios da América do Sul, Editora Pedagógica e Universitária, , 176 p. (présentation en ligne), p. 7-28
  • (es) Pedro Rivas, « La agricultura en los piaroa », Así Somos, no 3,‎ , p. 37 (lire en ligne)
  • (en) Robin Rodd, « Reassessing the cultural and psychopharmacological significance of Banisteriopsis caapi: preparation, classification and use among the Piaroa of Southern Venezuela », Journal of Psychoactive Drugs, vol. 40, no 3,‎ , p. 301-307 (ISSN 0279-1072, PMID 19004422, résumé)
  • M. Roulin, « Mémoire pour servir à l'histoire du tapir et description d'une espèce nouvelle appartenant aux hautes régions de la Cordilière des Andes », Mémoires présentés par divers savans à l'Académie royale des sciences de l'Institut de France, et imprimés par son ordre : sciences mathématiques et physiques, Paris, Bachelier, vol. 6,‎ , p. 980 (lire en ligne)
  • (en) Stanford Rhode Zent, « Piaroa », dans David Levinson (dir.) Johannes Wilbert (dir.) et al., Encyclopedia of World Cultures : South America, vol. 7, G.K. Hall, , 488 p. (ISBN 0-81611813-2 et 978-0816118137, lire en ligne), p. 275

Autres ouvrages sur le sujet

  • (es) Pablo J. Anduze, Dearuwa, los dueños de la selva, vol. 13, Caracas, Academia de Ciencias Físicas, Matemáticas y Naturales, (présentation en ligne)
  • (en) Joanna Overing, « The Stench of Death and the Aromas of Life: The Poetics of Ways of Knowing and SensoryProcess among Piaroa of the Orinoco Basin », Tipití, vol. 4,‎ , p. 9-32 (ISSN 1545-4703, lire en ligne)
  • (en) Joanna Overing, « Who Is the Mightiest of Them All? Jaguar and Conquistador in Piaroa Images of Alerity and Identity », dans Albert James Arnold (dir.) et al., Monsters, Tricksters, and Sacred Cows : Animal Tales and American Identities, University of Virginia, , 291 p. (ISBN 0-81391646-1 et 978-0813916460, lire en ligne), p. 50-79
  • (en) Stanford Rhode Zent, Historical and Ethnographic Ecology of the Upper Cuao River Wõthĩhã : Clues For an Interpretation of Native Guianese Social Organization, New York, Columbia University, , 478 p. (lire en ligne) (thèse de doctorat).

Liens externes

Vidéos

  • De'Arua, de CFE, CNRS (prod.) et de Vincent Blanchet et Jean Monod (réal.), 1969, Film 16 mm, VHS, Beta SP [présentation en ligne] [visionner en ligne]
  • Histoire de Wahari, de Vincent Blanchet et Jean Monod (prod.) et de Vincent Blanchet et Jean Monod (réal.), 1969, Film 16 mm, VHS, Beta SP [présentation en ligne]
  • (en)The shaman's necklace: extrait d'une minute d'un documentaire dirigé par l'anthropologiste Lajos Boglár en 1968, mis en ligne par le Muséum Ethnographique de Budapest. [vidéo] « Disponible », sur YouTube