Neurosciences/Les sens chimiques

Le titre de ce chapitre, à savoir "les sens chimiques" peut sembler étrange à première vue. Par sens chimique, on veut parler de tout ce qui permet de détecter des substances chimiques présentes dans l’environnement et de réagir en conséquence. C'est exactement ce que font l'odorat et le gout, bien que ces deux sens aient quelques différences : les récepteurs du goût et de l'odorat ne sont pas les mêmes et ne sont pas localisés à la même place. Leur rôle est aussi différent : là où le goût se limite à détecter les aliments empoisonnés ou périmés, l'olfaction a des fonctions plus larges (il sert pour chercher de la nourriture, choisir un partenaire sexuel, ou reconnaître des parents ou membres d'une famille/meute).

L'odorat et le goût ne sont pas les seuls sens chimiques : il faut y ajouter la chémocéption trigéminale et la perception des phéromones. La chemocéption trigéminale est la capacité à ressentir des stimulus irritants sur la langue et le visage, transmise par le nerf trijumeau. On peut voir celle-ci comme une perception de la chaleur et de la douleur spécialisée, très localisée. C'est cette chemoception trigéminale qui explique pourquoi les yeux pleurent quand on épluche des oignons, pourquoi les épices et poivrons piquent, et pourquoi les gaz lacrymogènes sont les meilleurs amis des CRS et pires ennemis des étudiants affiliés à la gauche révolutionnaire. Nous n'aborderons pas en détail ces deux formes de perception, et allons surtout nous concentrer sur l'odorat et le goût.

L'odorat : la perception des odeurs

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Chez les vertébrés, l'odorat est géré par un ensemble d'aires cérébrales qui comprend trois grandes structures : les récepteurs olfactifs de la cavité nasale, le bulbe olfactif et le cortex olfactif dans le cerveau. Les molécules odorantes sont captées au niveau de la muqueuse nasale, par des neurones sensoriels spécialisés. Ces neurones olfactifs envoient des axones à travers l'os ethmoïde, l'ensemble de ces axones formant le "nerf olfactif". Ce dernier se dirige en direction du bulbe olfactif, un noyau olfactif particulièrement bien préservé par l'évolution, presque identique chez toutes les espèces animales qui en ont un. Par la suite, le bulbe olfactif émet des faisceaux en direction de plusieurs aires cérébrales distinctes. Chez les mammifères, ces faisceaux innervent une portion du cortex cérébral : le cortex olfactif, aussi appelé cortex piriforme. Les structures principales sont donc : la muqueuse nasale et ses neurones sensoriels olfactifs, le nerf olfactif, le bulbe olfactif, les faisceaux olfactifs et diverses aires cérébrales corticales/thalamiques.

À ces structures évidentes, on peut ajouter d'autres structures annexes, moins bien développées. Ces structures sont absentes chez certains animaux, contrairement au bulbe olfactif, qui est présent chez tous les animaux dotés d'olfaction. La première structure est le nerf terminal. Contrairement à ce que son nom semble indiquer, cette structure n'est pas composée que d'un nerf, mais comprend aussi un ganglion associé. Le ganglion est situé proche de la muqueuse nasale et émet deux nerfs : un en direction de la muqueuse nasale, et un autre en direction du cerveau. La seconde structure anatomique est l'EBOP (Extra bulbar olfactory Pathway). Il s'agit d'un agglomérat de neurones olfactifs, localisés dans la muqueuse olfactive, qui émettent des axones directement en direction du cerveau. L'ensemble des axones forme une sorte de petit "nerf", qui ne passe pas par le bulbe olfactif.

 
Voies olfactives - vue d'ensemble simplifiée

La muqueuse nasale (épithélium nasal)

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Les molécules odorantes traversent les narines lors de l’inspiration et se retrouvent dans une cavité osseuse : la cavité nasale. Il existe deux cavités nasales, une par narine, qui sont séparées par la cloison nasale. Ces cavités servent à réchauffer l'air destiné aux poumons et à le filtrer des impuretés (poussières, virus, bactéries, et ainsi de suite). Une fois cela fait, l'air passe dans la gorge, puis la trachée, et ainsi de suite jusqu'aux poumons. La paroi de la cavité nasale est composée de trois couches : l'os ethmoïde, une couche de tissu conjonctif et un épithélium nasal. Ce dernier, qui va nous intéresser, est une couche de cellule jointives, collées les unes à côté des autres.

 
Anatomie de la cavité nasale.

L'épithélium nasal est divisé en deux grandes sections, l'une ayant un rôle olfactif, l'autre non. Au sommet de chaque cavité, les parois forment un épithélium olfactif capable de capter les molécules odorantes. Le reste des parois est un épithélium respiratoire qui ne joue aucun rôle direct dans l'odorat. Ces épithéliums produisent tous une couche de mucus qui protège les parois des bactéries, poussières et autres impuretés présentes dans l'air. Mucus dont on se rend compte de l’existence lorsqu'on a un gros rhume avec le nez qui coule. L'épithélium olfactif est composé d'une seule couche de cellules qui contient quatre types de cellules différentes :

  • les cellules olfactives, des neurones qui émettent des influx nerveux en direction du cerveau quand ils captent une molécule odorante ;
  • les cellules glandulaires qui sécrètent du mucus ;
  • les cellules de soutien qui maintiennent les autres cellules en place, comme une sorte de squelette cellulaire (et qui sécrètent aussi du mucus) ;
  • les cellules basales, des cellules-souches qui peuvent se transformer en neurones ou cellules de soutien sur demande.
 
Coupe-section de la paroi nasale, au niveau de l'épithélium olfactif.

Le mucus nasal et les odor binding protein

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Les molécules odorantes doivent traverser le mucus, pour atteindre les récepteurs sensoriels associés, ce qui est loin d'être facile. Les molécules hydrophiles, c.a.d capables de se dissoudre dans l'eau, se dissolvent dans le mucus et le traversent par simple diffusion. Mais les molécules hydrophobes n'en sont pas capables, car le mucus est composé essentiellement d'eau. Leur transport dans le mucus fait intervenir des protéines de liaison à l'odeur (odor binding protein : OBP) présentes dans le mucus. Ces protéines sont sécrétées par l'épithélium olfactif, au niveau de petites glandes spécifiques. Les OBP se lient aux molécules odorantes et facilitent leur transport jusqu'au récepteur olfactif adéquat. Quel que soit l'espèce, elles ont une forme de tonneau ouvert dont l'intérieur donne une cavité hydrophobe. Les molécules odorantes, du moins celles faiblement solubles dans l'eau, se placent à l'intérieur de la cavité et sont isolées du mucus.

Elles sont présentes chez de nombreux animaux, que ce soit chez les vertébrés ou les insectes. Précisons cependant que les OBP des insectes n'ont aucun point commun digne de ce nom avec les OBP des vertébrés. Les OBP des vertébrés sont des molécules protéiniques de la classe des lipocalines. De même, les OBP varient suivant l'espèce considérée : par exemple, les OBP d'un chat ne sont pas exactement les mêmes que celles d'un porc ou d'une souris. Chez un même animal, les OBP ne sont pas très nombreuses et ne dépassent pas la dizaine. Chez l'Homme, on a identifié deux OBP, qui ont été appelées hOBPIIa et hOBPIIb, qui sont chacune codées par un gène sur le chromosome 9. Ce faible nombre est à mettre en contraste avec le nombre de molécules odorantes, qui est bien plus grand ! La seule explication à cette différence est que les OBP se lient chacune à un grand nombre de molécules odorantes, sans compter que certaines molécules odorantes n'ont pas besoin de l'aide des OBP pour faire leur office. Chez le rat, l'OBP-1 et l'OBP-3 semblent se lier avec les molécules organiques cycliques, alors que l'OBP-2 aurait une affinité spécifique pour les aldéhyles et les chaines carboxyliques.

Les neurones olfactifs

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Les neurones olfactifs des vertébrés ont tous la même forme, décrite dans le dessin ci-dessous. On voit que leur dendrite est en quelque sorte compressée par les cellules voisines, sauf pour la partie qui au contact du mucus nasal. La partie en contact avec le mucus exprime des cils olfactifs, qui ressemblent cependant peu aux cils auditifs des cellules ciliées. Les neurones de l'organe voméronasal ont une forme différente de celle des neurones olfactifs : leurs cils sont remplacés par des microvillosités. Chez les insectes, les multiples cils sont remplacé par une sorte de poil effilé qui fait saillie au-dehors de la muqueuse nasale.

 
Neurone olfactif

Les molécules odorantes sont détectées par des récepteurs spécialisés à la surface des cils olfactifs : les récepteurs olfactifs. Un neurone olfactif n'est sensible qu'à certaines molécules odorantes : certains neurones n'émettent de potentiels d'action que lorsqu'ils sont en présence d'une odeur bien précise, alors que d'autres répondent à quelques odeurs. La raison à cela est que tous les récepteurs à la surface d'un neurone sont de même type et répondent aux mêmes molécules. En clair, un seul gène olfactif s'exprime dans le neurone, les autres étant inactivés par des mécanismes génétiques relativement complexes.

Certains troubles olfactifs proviennent de défauts des récepteurs olfactifs, souvent d'origine génétique. On peut par exemple citer l'anosmie, l'incapacité à percevoir certaines odeurs : le sujet ne perd pas tout son odorat, mais ne peut pas percevoir l'odeur du café, l'odeur de viande avariée, etc. L'anosmie est souvent causée par une inactivation ou une absence du récepteur sensoriel lié à cette odeur : les personnes atteintes naissent sans pouvoir percevoir une odeur bien précise. Mais il arrive que certaines anosmies soient acquises à la suite d'un accident vasculaire cérébral, d'un traumatisme crânien, ou tout autre accident qui endommage le cerveau : on en retrouve dans certaines affections neurodégénératives comme Alzheimer, Parkinson, etc. Le vieillissement non-pathologique est aussi un facteur aggravant ; plus l'âge avance, plus des symptômes d'hyposmie et d'anosmie sont fréquents, même sans atteinte cérébrale.

La neurogenèse olfactive

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Les neurones sensoriels olfactifs ont une durée de vie assez courte et meurent par apoptose en quelques semaines ou quelques mois. Ils sont renouvelés régulièrement, ce qui fait que les neurones olfactifs morts sont remplacés par des nouveaux neurones sensoriels. L'épithélium olfactif contient de nombreuses cellules souches qui régénèrent le stock de neurones olfactifs. Ces cellules souches sont appelées des cellules basales et elles peuvent donner soit des neurones olfactifs, soit les autres cellules (de soutien, granulaires). On peut les classer en deux types : les cellules basales globulaires régénèrent les neurones olfactifs uniquement, alors que les cellules basales horizontales régénèrent seulement les autres types de cellules nasales. L'épithélium olfactif est donc un lieu de neurogenèse très actifs, les neurones olfactifs étant régénérés régulièrement.

Ce processus de neurogenèse est contrôlé par un grand nombre de mécanismes, qui impliquent l'expression de facteurs de croissance, des neurotrophines, et bien d'autres molécules. Il semblerait que les neurones olfactifs émettent des facteurs de croissance qui inhibent la neurogenèse. Cette rétroaction négative évite une surproduction de neurones olfactifs, quand la muqueuse nasale contient suffisamment de neurones olfactifs. Par contre, quand le nombre de neurones olfactifs est trop bas, ce signal d'inhibition est levé, et les autres facteurs de croissance peuvent enclencher la neurogenèse. Le bulbe olfactif produirait des facteurs de croissance qui favorisent la neurogenèse et la survie des neurones olfactifs, comme en témoignent les expériences de bulbectomie, où le bulbe olfactif est retiré et/ou lésé. À la suite d'une bulbectomie, on observe une augmentation de l'apoptose des neurones de l'épithélium nasal. Si on ne sait pas grand chose du processus de neurogenèse proprement dit, on sait que la neurogenèse diminue avec l'âge.

Le bulbe olfactif

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Les axones des neurones olfactifs se regroupent en plusieurs nerfs qui traversent l'os ethmoïde, avant d'arriver directement dans le cerveau. La zone du cerveau située immédiatement au-dessus de l'os ethmoïde est appelée le bulbe olfactif. Il existe deux bulbes olfactifs : un par hémisphère cérébral. Fait intéressant, chaque nerf olfactif va se connecter sur le bulbe olfactif du même hémisphère. Sur les espèces dont les membres communiquent entre eux avec des phéromones, le bulbe est divisé en deux parties : un bulbe olfactif primaire pour les odeurs et un bulbe olfactif accessoire dédié aux phéromones.

 
Bulbe olfactif, nerf olfactif et épithélium olfactif.

Pour simplifier, on peut dire que le bulbe olfactif primaire est composé de deux couches principales, composées de neurones aux propriétés différentes. La première couche est composée de glomérules, des boules de neurones fortement interconnectés. La seconde est composée de neurones, qui sont appelés neurones de projection chez les insectes, cellules mitrales ou cellules à panache chez les vertébrés. Chaque cellule mitrale émet une dendrite dans un glomérule et émet un axone en direction d'autres aires du cerveau que le bulbe olfactif.

 
Architecture du bulbe olfactif. Les OSN sont les neurones olfactifs de l'épithélium olfactif et ne font pas partie du bulbe olfactif. Les glomérules olfactifs (Olfactory glomeruli) sont des groupes de neurones en forme de boules. Les cellules mitrales (mitral cells) forment une seconde couche de cellules intégratrices. Enfin, les axones des cellules mitrales se regroupent et forment un faisceau : le faisceau olfactif (olfactory tract).

Chez les vertébrés, chaque glomérule s'active en réponse à une odeur bien précise dans un certain intervalle de concentration. Pour expliquer cela, on suppose que tous les neurones olfactifs qui expriment les mêmes récepteurs sur leur surface se connectent tous à un même glomérule. Ainsi, le sujet sait quelle est l'odeur perçue par ses narines en regardant quels sont les glomérules activés : il sait qu'à telle configuration d'activation des glomérules correspond telle odeur. Reste à faire cette intégration de l’activation des différents glomérules, réalisée par la seconde couche de cellules mitrales. Leur fonction est loin d'être claire à l'heure où j'écris ces lignes, mais on suppose qu'elles permettent d'intégrer les informations de plusieurs glomérules pour détecter des odeurs complexes, dont les molécules associées activent plusieurs glomérules. Un glomérule peut recevoir des dendrites de plusieurs cellules mitrales, mais chaque cellule mitrale n'est connectée qu'à un seul glomérule.

 
Fonctionnement simplifié du bulbe olfactif

Aux neurones précédents, il faut rajouter des interneurones, comme les cellules périglomérulaires et granulaires. Les cellules périglomérulaires se situent dans la couche qui contient les glomérules. Comme leur nom l'indique, les cellules périglomérulaires se placent entre les glomérules. Elles connectent les neurones des glomérules, vraisemblablement par des synapses inhibitrices. Leur rôle physiologique supposé est l'augmentation du contraste entre odeurs concurrentes. Ainsi, quand une odeur est perçue par un glomérule, les cellules périglomérulaires désactiveraient les glomérules voisins, histoire de diminuer la perception d'odeurs concurrentes. Quant aux cellules granulaires, elles se placent entre les cellules mitrales, dans la seconde couche. Elles forment des synapses avec les cellules mitrales, mais ne servent pas vraiment d'interneurones inhibiteurs. La fonction de ces cellules est loin d'être claire.

 
Bulbe olfactif, image obtenue après coloration. On voit bien la structure en deux couches du bulbe olfactif, avec une couche de glomérules (couche notée G) et une couche de cellules mitrales (couche notée MC). On voit aussi le bulbe olfactif accessoire, notée AOB dans le schéma.

Les faisceaux olfactifs

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Les axones des cellules mitrales du bulbe primaire se regroupent pour former entre un et plusieurs faisceaux. L'un d'entre eux est présent chez toutes les espèces animales dotées d'olfaction. C'est le faisceau olfactif latéral. À côté de lui, on peut observer un second faisceau, le faisceau olfactif médian. Ce dernier est lui-même divisé en 1 à 3 sous-faisceaux, suivant l'espèce considérée. Au total, il y a entre 1 et 4 faisceaux, suivant l'espèce animale considérée 1 chez les espèces avec un simple faisceau olfactif latéral, entre 2 et 4 chez les espèces qui ont un faisceau médian. Les faisceaux innervent des structures diverses, qui varient selon l'espèce animale considérée.

Précisons que l'on parle uniquement des faisceaux qui sortent du bulbe olfactif primaire. On verra dans la section sur les phéromones qu'il existe aussi un bulbe olfactif accessoire, duquel sort un faisceau olfactif accessoire, qu'on met de côté ici.

Les espèces qui n'ont qu'un simple faisceau olfactif latéral sont assez rares. L'exemple le plus classique est celui des mammifères, chez lesquels il n'existe qu'un seul faisceau, appelé le pédoncule olfactif, qui n'est autre que le faisceau olfactif latéral. Ils possèdent aussi un nerf terminal, mais pas d'EBOP.

Chez les oiseaux et les amphibiens (Salentia), il y a deux faisceaux : un faisceau latéral et un faisceau médian. Le faisceau médian n'est pas subdivisé et est d'un seul tenant. On suppose aussi que c'est le cas chez les raies et les requins (chrondichthyes). Les oiseaux, amphibiens et raies/requins se distinguent cependant par les faisceaux annexes, à savoir l'EBOP (Extra-Bulbar Olfactory Pathway) et le nerf terminal. Chez les oiseaux et amphibiens, les deux structures sont présentes, aussi bien l'EBOP (Extra-Bulbar Olfactory Pathway) que le nerf terminal. Par contre, ce n'est pas le cas chez les requins, chez qui on n'observe que le nerf terminal.

D'autres espèces animales ont trois faisceaux : le faisceau latéral et deux faisceaux médian. Parmi ces espèces, on peut citer les poissons craniates, les lamproies, les squamates (lézards et serpents) et les poissons actinoptérygiens. Ces espèces se distinguent encore au niveau des structures annexes. L'EBOP n'est présente que chez les poissons craniates et les lamproies, qui n'ont pas de nerf terminal. De l'autre côté, les squamates et les actinoptérygiens ont à la fois l'EBOP et le nerf terminal. Sur les lamproies, il existe aussi un quatrième faisceau, qui sort du bulbe olfactif primaire et innerve le bulbe olfactif controlatéral.

Les rares espèces à avoir quatre faisceaux sont des espèces de tortues et quelques autres reptiles. Elles ont aussi un nerf terminal, mais pas d'EBOP.

Espèces animales Faisceaux olfactifs
Mammifères Pédoncule olfactif
Oiseaux et amphibiens Faisceau olfactif latéral et médian
Poissons Craniata et actinoptérygiens, lamproies, squamates (lézards et serpents) Faisceau olfactif latéral, médian-latéral, médian-médian
Tortues Faisceau olfactif latéral, médian-latéral, médian-médian et médian-intermédiaire

Le cortex olfactif

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Les faisceaux olfactifs distribuent les axones des cellules mitrales dans diverses aires cérébrales, localisées aussi bien dans le cortex cérébral que dans quelques noyaux distincts. Globalement, le bulbe olfactif innerve le lobe temporal. Plus précisément, il innerve le cortex piriforme, le striatum ventral, le lobe temporal médian, l'amygdale, l'hypothalamus et quelques autres structures mineures.

La cible principale des faisceaux olfactifs est le cortex piriforme, un cortex situé non loin du lobe temporal et du lobe insulaire. Sa fonction est mal connue, et son implication dans l'odorat l'est encore plus. On sait cependant que c'est l'aire la plus innervée par le bulbe olfactif, loin devant les autres structures. Passons maintenant à ses éfférences. Il innerve le cortex orbitofrontal par deux voies distinctes : une voie indirecte et une voie directe. La voie directe est composée d'axones qui partent du cortex piriforme et innervent directement le cortex orbitofrontal. La voie indirecte fait un détour par le thalamus, dans le sens où le cortex piriforme innerve le thalamus, qui lui-même innerve le cortex orbitofrontal. Le relai thalamique est composé du noyau thalamique dorsomédian.

Le noyau olfactif antérieur est un noyau à la fonction mal connue, mais qu'on peut voir comme un relai synaptique. Il relie les aires olfactives d'un hémisphère à celui de l’hémisphère controlatéral. Il émet des axones en direction d'une commissure inter-hémisphérique : la commissure antérieure. Rappelons que la commissure antérieure relie les deux lobes temporaux et occipitaux controlatéraux. Pour les régions olfactives, elle connecte les bulbes olfactifs, les deux cortex piriformes et les noyaux olfactifs antérieurs. Précisément, elle reçoit des axones en provenance du noyau olfactif ipsilatéral, et envoie ces axones au cortex piriforme (olfactif) controlatéral. Le tout permet de connecter le bulbe olfactif ipsilatéral au cortex olfactif controlatéral, par le relai du noyau olfactif antérieur.

Le lobe temporal médian est une des cibles des faisceaux olfactifs. Il aurait un rôle à jouer dans la mémorisation des odeurs. Par exemple, un rat à qui on sectionne les connexions entre le lobe temporal médian et le bulbe olfactif peut toujours percevoir les odeurs (pas d'anosmie), mais a des difficultés à en mémoriser de nouvelles. En général, le lobe temporal médian est spécialisé dans la mémoire. Il prend en charge la mémorisation des stimulus rencontrés et la formation d'associations/relations entre eux. Pour l'odorat et le goût, il s'occupe d'associer les odeurs/goûts avec d'autres stimulus pour former des souvenirs complets. Un souvenir est en effet la somme de multiples stimulus complexes : des stimulus visuels qui permettent de reconnaître des objets ou des lieux, des sons, des odeurs, des goûts, et bien d'autres. Un bon exemple n'est autre que celui de la madeleine de Proust : l'odeur de la madeleine fait partie intégrante de souvenirs complets, au point que sa simple évocation permet à ces derniers de revenir à la surface.

L'amygdale est une autre cible des faisceaux olfactifs. Précisons que seule un petit noyau de l'amygdale est innervé par le le bulbe olfactif : le noyau cortical antérieur de l'amygdale. En outre, une petite portion du cortex qui entoure l’amygdale, le cortex péri-amygdaloïde, est innervé par le bulbe olfactif. Le rôle général de l'amygdale est la reconnaissance des stimulus menaçants/dangereux/désagréables/dégoûtants. Dans le cas du cortex péri-amygdaloïde, il reconnaît les mauvaises odeurs, elle détermine si telle ou telle odeur est désagréable ou dégoûtante. Par exemple, c'est grâce à elle que l'odeur d'un aliment périmé nous dégoûte et nous pousse à ne pas le consommer. C'est au niveau du cortex péri-amygdaloïde que chaque odeur est associée à des émotions négatives, comme du dégoût ou de la peur. L'association entre odeur et dégoût/peur peut être innée, comme c'est sans doute le cas des odeurs de putréfaction, mais peut aussi être apprise. Par exemple, l'odeur de fumée nous est menaçante parce que l'on a appris qu'elle est le signe que quelque chose brûle. En soit, l'odeur n'est ni dégoûtante, ni menaçante, mais l'amygdale l'a associée à un stimulus qui l'est. Dans de tels cas, l'amygdale associe une odeur à des stimulus dangereux/désagréables, elle donne une charge émotionnelle indirecte à l'odeur. De manière général, l’amygdale prend en charge les processus de conditionnement, d'association entre un stimulus neutre (ici, une odeur) et un stimulus émotionnellement négatif.

La fonction des autres aires cérébrales innervées par le faisceau olfactif est encore mal connue.

 
Aires cérébrales liées à l'olfaction

La perception des phéromones

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Outre les odeurs, certains animaux peuvent détecter des phéromones, des molécules particulières impliquées dans le comportement sexuel, le marquage du territoire, et d'autres fonctions utiles pour la survie. Pour rappel, ces phéromones sont des odeurs particulières, qui engendrent une réaction automatique chez l'animal qui les perçoit. Elles sont émises par un individu afin d'influencer le comportement d'un autre individu, généralement en déclenchant un comportement instinctif. Par exemple, l'odeur de l'urine d'un chat lui permet de marquer son territoire, de dire à un autre membre de son espèce de dégager d'ici de plus vite possible parce que son territoire c'est chez lui et qu'il devient très méchant face à des inconnus. D'autres phéromones permettent de déclencher un comportement reproducteur, comme une parade nuptiale chez certains insectes.

D'ordinaire, ces phéromones sont transportées par des liquides et non par l'air, mais il existe des exceptions. Précisons que la perception des phéromones est présente chez les animaux aquatiques et non-aquatiques, mais que les animaux aquatiques sont les seuls à avoir des structures anatomiques dédiées. Chez les animaux aquatiques, la perception des phéromones est prise en charge par le système olfactif proprement dit. Les phéromones sont captées par la muqueuse olfactive, et le bulbe olfactif primaire s'occupe de leur perception. Mais chez les animaux terrestres, ce n'est plus le cas. Des structures anatomiques spécialisées apparaissent et se spécialisent dans la perception des phéromones. La muqueuse nasale n'est plus sensible aux phéromones, pas plus que le bulbe olfactif primaire. À la place, les phéromones sont captées par une structure spécialisée qui apparaît dans le nez des animaux terrestres : l'organe voméronasal. De plus, un second bulbe olfactif, spécialisé dans les phéromones, apparaît en plus du bulbe olfactif primaire.

L'organe voméronasal

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Organe voméronasal d'un serpent.

Chez les animaux terrestres, perception des phéromones est différente de l'olfaction, ces deux sens étant indépendants. Les structures anatomiques et cérébrales qui s'occupent des odeurs et des phéromones ne sont pas les mêmes. Chez les mammifères et reptiles, les phéromones sont captées par l'organe voméronasal, aussi appelé "organe de Jacobson". Il est localisé dans une zone précise de la cavité nasale, parfois totalement séparée de la muqueuse nasale proprement dit. La forme exacte de l'organe voméronasal dépend de l'espèce considérée, tout comme sa taille. En général, il a la forme d'un tube creux, dont une des extrémités est fermée. L'autre extrémité s'ouvre vers l'extérieur par un petit canal, assez étroit par rapport au tube. Le canal en question s'ouvre vers le cavité nasale chez les espèces avec un nez, la cavité buccale chez d'autres animaux. L'ensemble est recouvert par un tissu protecteur, souvent du cartilage ou de l'os. La taille de l'organe voméronasal est très variable : de quelques millimètres à quelques centimètres, suivant l'espèce. Il est particulièrement massif chez les serpents, mais aussi chez les souris et les brebis.

L'organe de Jackbson contient un épithélium dédié, spécialement conçu pour la perception des phéromones. L'épithélium voméronasal ressemble beaucoup à l'épithélium olfactif. Comme l’épithélium olfactif, est composé de neurones sensoriels intercalés entre des cellules de soutien. Les cellules de soutien ressemblent aussi aux cellules de soutien olfactives, sans compter qu'on trouve aussi des cellules-souches qui renouvellent l'épithélium voméronasal régulièrement (équivalentes aux cellules basales de l’épithélium olfactif). Les neurones sensoriels de l'organe voméronasal sont des neurones bipolaires, dont les récepteurs captent les phéromones. Leurs dendrites sont orientées vers l'intérieur du tube voméronasal et sont recouvertes de microvillosités, qui ressemblent aux cils des neurones olfactifs. Enfin, les neurones voméronasaux n'expriment qu'un seul type de récepteur voméronasal, comme pour les neurones olfactifs. Tous les neurones qui expriment un même récepteur rassemblent leurs axones ensemble, et les font converger vers une même cible, localisée dans le bulbe olfactif accessoire.

Les insectes n'ont pas d'organe voméronasal et captent les phéromones au niveau de leurs antennes.

Le bulbe olfactif accessoire

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Les espèces qui perçoivent les phéromones ont un bulbe olfactif accessoire totalement dédié à la perception des phéromones, en plus du bulbe olfactif primaire. Sur les autres espèces, le bulbe olfactif accessoire n'existe pas ou est fortement réduit. Qu'il s'agisse de l'organe voméronasal ou du bulbe accessoire, les deux structures sont quasi-absentes chez l'homme ou ne sont pas connectées entre elles. Il y a de très fortes chances pour que ces phéromones n'aient pas d'influence sur le comportement sexuel humain (pareil chez les primates), contrairement à ce qu'ont prétendu certains écrits ou certaines études.

Le bulbe olfactif accessoire est composé de glomérules et de cellules mitrales, comme le bulbe olfactif primaire avec toutefois quelques différences mineures. Les glomérules reçoivent des axones en provenance des neurones voméronasaux. Tous les neurones qui expriment le même récepteur convergent vers le même glomérule, comme pour le bulbe olfactif primaire. La principale différence avec le bulbe olfactif primaire est la distinction entre les neurones à récepteurs V1R et V2R. Pour simplifier, le bulbe accessoire est composé de deux portions : un bulbe olfactif antérieur et un bulbe postérieur. Le premier fait synapse avec des neurones à récepteurs V1R, alors que le second fait synapse avec des neurones aux récepteurs V2R. Une autre différence est que le bulbe olfactif accessoire ne se connecte pas aux mêmes aires cérébrales que le bulbe olfactif primaire.

Le bulbe olfactif accessoire est connecté avec peu d'aires cérébrales, contrairement à ce qu'on observe avec le bulbe olfactif primaire. Le bulbe accessoire fait synapse l'hypothalamus et l'amygdale, deux structures chargées respectivement des automatismes végétatifs et des émotions. Chez la plupart des espèces, la connexion avec l'hypothalamus est indirecte, dans le sens où elle passe par l'intermédiaire de l'amygdale. Le bulbe olfactif accessoire fait une connexion directe avec l’amygdale, qui elle-même se connecte sur l'hypothalamus. Les liens directs entre hypothalamus et bulbe accessoire sont moins fréquents et sont secondaires.

Les aires innervées par le bulbe olfactif secondaire

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Le bulbe olfactif secondaire, s'il existe, est uniquement connecté sur l'amygdale et l'hypothalamus. La connexion directe sur l'hypothalamus permet aux phéromones d'induire des comportements stéréotypés. L'hypothalamus est en effet capable de déclencher certains "réflexes", certains comportements moteurs innés, stéréotypés et peu sujets à l'apprentissage. Tel est le cas des parades nuptiales des insectes, des comportements parentaux des animaux, etc. D'autres phéromones sont capables de déclencher des modifications corporelles sur le récepteur. Tel est le cas des reines chez les abeilles, qui secrètent des phéromones qui rendent stériles les ouvrières. Là encore, l'hypothalamus est impliqué : les phéromones stimulent la production d'hormones par l'hypophyse/hypothalamus, hormones qui sont responsables de changements corporels chez le récepteur.

Le goût : la perception des molécules sapides

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Position des papilles gustatives (papillae) sur la langue.

Le goût est un sens perçu essentiellement par la langue, là où se trouvent les neurones sensoriels du goût. On sait que ces neurones sensoriels sont localisés dans la langue, dans des formations nommées papilles gustatives. Grosso-modo, il en existe quatre types différents, localisés à des endroits bien précis sur la langue. Selon leur position, les papilles ont une forme et une organisation quelque peu différente. On distingue ainsi les papilles fongiformes, filiformes, foliées et circumviliées.

 
1 - Amer, 2 - Acide, 3 - Salé, 4 - Sucré.

On vous a certainement appris que ces papilles pouvaient capter certaines saveurs bien précises : salé, sucré, amer, acide, et umami (la dernière est moins connue que les autres). En réalité, si certaines portions de la langue sont plus sensibles à certaines saveurs que d'autres, chaque saveur est bien perçue par toutes les papilles gustatives de la langue. De plus, certaines saveurs ne rentrent pas dans ces catégories : les substances grasses, l'amidon, les saveurs piquantes, le menthol, etc. Néanmoins, les récepteurs pour certaines saveurs sont nettement plus nombreux sur certaines portions de la langue. Ainsi, certaines zones de la langue sont plus sensibles que les autres au sucré, d'autres au salé, etc. Mais comme dit plus haut, cette sensibilité supérieure ne signifie pas exclusivité de sensation.

Ces papilles sont des replis de la surface de la langue, qui servent de tranchée dans laquelle les molécules s'accumulent lors de la dégustation (l'existence de ces replis permet de protéger les cellules gustatives des papilles du passage des aliments, qui raclent la surface de la langue). À l'exception des papilles fongiformes, les cellules réceptrices des molécules gustatives ne sont pas localisées au sommet des papilles, mais sur les rebords des replis, bien caché dans les tranchées qui séparent les papilles.

 
Papille fongiforme.
 
Papille foliées.
 
Papille circumvallées.

Les bourgeons du goût

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Les papilles gustatives contiennent des bourgeons du goût, aussi appelés bourgeons gustatifs, des amas de cellules qui contiennent des neurones sensoriels gustatifs. Chacun de ces bourgeons fait quelques micromètres et contient près d'une centaine de cellules.

 
Types de cellules rencontrées dans les bourgeons gustatifs. Le type 1 correspond à des cellules semblables à des cellules gliales. Le type 2 correspond aux neurones sensoriels gustatifs, ceux qui perçoivent les saveurs. Le type 3 correspond à des interneurones locaux qui forment des synapses avec les neurones de type 2. Enfin, les cellules de type 4 sont des cellules souches. Le type 5 correspond à des cellules localisées en périphérie des bourgeons gustatifs et dont le rôle est mal connu.

Les cellules en question ne sont pas très variées et peuvent se classer en deux à trois types : des cellules de soutien d'un côté, et deux types de neurones de l'autre. Pour ce qui est des neurones, les deux types se distinguent suivant leur place et leur fonction. Le premier type est au contact des molécules sapides et perçoit directement les saveurs. Ils émettent des cils, de petits poils qui captent les molécules sapides, à la surface de la langue. Ce sont des neurones sensoriels, et sont les seuls que l'on peut formellement qualifier de neurones gustatifs. Les neurones du second type forment des synapses avec les neurones gustatifs proprement dit et effectuent une première étape de traitement sensoriel. Outre les neurones sensoriels gustatifs, les bourgeons du goût contiennent aussi des cellules de soutien qui ressemblent à des cellules gliales. Enfin, on trouve des cellules précurseur, des cellules-souches qui participent au renouvellement des bourgeons gustatifs.

 
Bourgeon du gout.

Les cellules des bourgeons gustatifs sont régulièrement renouvelés, leur durée de vie allant de quelques jours (4-10) à plusieurs semaines. La formation de nouveaux neurones est le fait des cellules précurseur, les cellules de type 4. Celles-ci se divisent régulièrement et se transforment en cellules gustatives, afin de renouveler les neurones gustatifs.

Les aires cérébrales de la gustation

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Au sortir des bourgeons du goût, les axones des neurones gustatifs se regroupent dans plusieurs nerfs. On les retrouve dans le nerf facial, le nerf glossopharyngéal (qui innerve la gorge et la langue), le nerf vague et même le nerf trijumeau. Évidemment, ces nerfs n'innervent pas exactement les mêmes structures anatomiques, ce qui fait que l'on peut distinguer plusieurs voies de transmission du goût. La première passe par le nerf trijumeau et plus précisément par une de ses branche : le nerf lingual. La seconde voie passe par les autres nerfs et se connecte à un noyau situé dans le myélencéphale, le noyau du faisceau solitaire. Dans ce qui suit, nous allons appeler ces deux voies par les termes : voies gustative (qui passe par le noyau solitaire) et voie trigéminale (qui passe par le trijumeau).

La voie trigéminale

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La voie trigéminale est une voie secondaire, qui est partiellement impliquée dans le goût. Elle est composée des axones des bourgeons du gout qui passent dans le nerf trijumeau. Outre ses connexions avec les bourgeons du goût, le nerf trijumeau émet aussi des terminaisons nerveuses libres qui se dispersent dans la langue et la cavité buccale. Elles captent les sensations de chaud et de froid, mais aussi quelques saveurs irritantes. C’est grâce à elles que le menthol entraîne une sensation de fraîcheur, ou que le piment irrite la gorge et la langue

L'existence de cette voie secondaire explique que certains patients, dont les voies gustatives sont lésées, sont encore capables de percevoir le goût des aliments, bien que d'une manière amoindrie, moins intense qu'à la normale. Cela implique que le nerf trijumeau fait synapse avec des noyaux dans le système nerveux central, sans quoi nous ne pourrions percevoir les sensations trigéminales. Mais outre ses connexions avec le système nerveux central, le nerf trijumeau est aussi impliqué dans des réflexes locaux. Par exemple, il innerve les glandes lacrymales, par intermédiaire du nerf lacrymal. Ce qui explique pourquoi certaines molécules volatiles ou sapides peuvent faire pleurer. Ceux qui ont déjà pleuré en épluchant des ognons ou en respirant du gaz lacrymogène peuvent en témoigner.

Formellement, la voie trigéminale fait partie non pas du sens du goût proprement dit, mais de la chémoception trigéminale. Mais cette distinction est surtout liée au fait que les deux voies gustatives et trigéminales sont anatomiquement séparées.

La voie gustative

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Passons maintenant à la voie gustative. Elle est composé des axones qui passent à travers le nerf vague, le nerf glossopharyngéal et le nerf facial, qui atterrissent dans le noyau du tractus solitaire. Les deux voies principales sont celles du nerf facial et du glossopharyngéal. Le nerf facial naît au niveau du ganglion géniculé, alors que le nerf glossopharyngéal naît au niveau du ganglion Petrosal. Le nerf facial reçoit les axones en provenance du palais et du bout de la langue, alors que le nerf glossopharyngéal est connecté aux côtés de la langue. Pour le dire autrement, le nerf facial est connecté aux papilles fongiformes et filiformes, alors que le nerf glossopharyngéal est connecté aux papilles foliées et circumviliées. Les sensations transmises par ces deux nerfs ne sont pas les mêmes : salé et sucré pour le nerf facial, amer et acide pour le nerf glossopharyngéal. Le tout est illustré dans le schéma ci-contre.

Le noyau du tractus solitaire est un noyau localisé dans le myélencéphale (la moelle allongée). Il analyse les goûts perçus, ses efférences transmettant l'information gustative aux autres aires cérébrales. Mais ce n'est pas là sa seule fonction. Dans les grandes lignes, ce noyau est un centre intégrateur qui analyse de nombreuses sensations, qui compile et traite un grand nombre d'informations sensorielles : sensations sapides, teneur en CO2/O2 du sang, pH sanguin, diverses hormones, etc. De ce fait, il est impliqué dans de nombreuses fonctions homéostatiques et joue un grand rôle dans le système nerveux autonome/végétatif. Par exemple, il est impliqué dans la régulation du rythme cardiaque, dans la respiration, dans la perception de la douleur, du goût, et bien d'autres encore.

Anatomiquement, le noyau du tractus solitaire est composé de nombreux sous-noyaux, qu'on peut regrouper en deux : une colonne viscérale et une colonne gustative. La colonne viscéro-sensitive est impliquée dans l'homéostasie de manière générale. Elle collecte les informations sensorielles autres que le goût, comme la sensibilité du tube digestif, la teneur en CO2/O2 du sang, et bien d'autres informations vitales pour la survie. Elle joue un rôle dans la régulation de la respiration et du rythme cardiaque, et dans les sensations digestives. Elles contient le centre du vomissement, ainsi que des noyaux cardiaques et respiratoires. Nous en reparlerons dans le chapitre sur la régulation du rythme cardiaque et la respiration, ainsi que dans le chapitre sur la motricité digestive. À l'opposé, la colonne gustative est composé de noyaux impliqués dans le goût. On l'appelle aussi le noyau gustatif. C'est lui qui nous intéresse dans ce chapitre.

Les afférences du noyau du tractus solitaire sont nombreuses, mais toutes ne sont pas impliquées dans le goût. Si on tient seulement compte des sensations gustatives, seules quelques connexions sont importantes, les autres étant dédiées aux autres rôles du noyau du tractus solitaire. Pour ce qui nous intéresse ici, le noyau du tractus solitaire communique avec le noyau parabrachial médian, une subdivision du noyau parabrachial. Son rôle est assez mal connu, mais on peut le voir comme un relai synaptique entre le noyau solitaire et le reste du cerveau. Les informations provenant du noyau du tractus solitaire font relai dans le noyau parabrachial médian, avant d'être distribué dans tout un ensemble d'aires cérébrales distinctes.

Là encore, toutes les éfférences de ce noyau ne sont pas dédiées à la gustation. Pour ce qui est de la sensation gustative seule, il semblerait que les sorties importantes soient celles en direction : de l'hypothalamus, du thalamus, du cortex insulaire et de l'amygdale. Vu le nombre de cibles différents, pas étonnant que la sensation gustative entraîne des réactions diverses. La première connexion est avec l'amygdale. Pour rappel, l'amygdale est, pour simplifier, le centre de la peur. Pour ce qui est du goût, elle associe le goût perçu à une émotion de dégoût et/ou de peur. Cela peut permettre de détecter les aliments pourris ou périmés. Notons que les informations sont transmises à l'amygdale par deux voies : une voie directe et une voie qui fait relai par le thalamus et le cortex. Passons maintenant avec la seconde sortie du noyau parabrachial médian : le cortex insulaire. Le cortex insulaire contient le cortex gustatif proprement dit, en plus d'autres aires cérébrales. Le rôle du cortex insulaire est d'analyser le goût perçu pour donner naissance à la conscience de la sensation gustative. Il communique avec le cortex orbitofrontal, qui évalue le caractère plaisant ou déplaisant du goût perçu. Notons qu'aussi bien l'amygdale que le cortex orbitofrontal sont impliqués dans les sensations de dégoût. Ils communiquent l'un avec l'autre par des connexions réciproques, l'une allant de l'amygdale au cortex orbitofrontal, l'autre allant du cortex orbitofrontal à l'amygdale (c'est la seconde voie qui passe par le relai thalamus->cortex évoquée précédemment).

 
Neuroanatomie de la perception gustative.