Peut-on s’immuniser contre une crise ?
Le Coronavirus n’a émis aucun signal pour annoncer sa venue. Dès les premiers cas constatés, il était trop tard pour éviter les impacts spectaculaires de sa propagation.
En quelques semaines, la moitié de l’humanité s’est retrouvée en isolement, modelant ainsi une curieuse société où chacun s’est vu confiné pour faire obstacle à la menace que représente l’autre.
Sans éluder la gravité sanitaire de la crise, intéressons-nous à l’entreprise, victime collatérale de cet évènement aussi inédit qu’imprévu.
L’entreprise face à l’imprévu
Les managers ont pour mission de saisir des opportunités et évaluer les risques associés pour créer de la valeur. Ils sont formés et expérimentés dans ce principe de gestion. Mais ils ne sont pas préparés à l’imprévu, destructeur de valeur.
La gestion des risques est gouvernée par l’empirique. Par définition, l’imprévu échappe à cette logique de gestion. L’imprévu ne se gère pas, il est subi, et les solutions aux problèmes qu’il soulève relèvent davantage de l’adaptation, jusqu’à l’improvisation, que de la bonne exécution d’un processus.
Le digital comme levier
Le digital permet la réalisation d’une tâche où que soit celui qui l'exécute. La crise l’a démontré en autorisant le déplacement massif de la population active vers son domicile en quelques jours. Une performance remarquable si l’on considère le volume de travailleurs concernés par cette migration.
Mais le digital ne fait pas tout, si les outils ont, dans la majorité des cas, permis cette transhumance, l’affaire fut plus compliquée pour les organisations et processus. Ceux-ci ont été élaborés pour fonctionner dans des contextes normatifs, et la crise a ébranlé les fondations de ces contextes en quelques heures. L’anormal est devenu la norme.
La part de l’humain
La continuité de l’activité des entreprises est menacée, de nombreuses questions inédites cherchent leurs réponses. Quelques réponses ont néanmoins été apportées, qui ont puisé leur inspiration dans les initiatives humaines.
Là où le respect strict des processus est le gardien de la performance en conditions normales, la transgression, bienveillante, autorisée, de l’humain en est le dernier rempart. La capacité de résilience d'une organisation se mesure au champ d'action cédé à l'humain. La crise nous a enseigné cela, sans contestation.
Démonstration faite du poncif : remettre l’humain au cœur de l’entreprise ?
En tant que contemporains de cette crise, nous avons l’obligation de créer la prochaine évolution de l’entreprise, en s'interrogeant sur le rôle à conférer à l'humain.
Il n’est plus apte au changement que l’Homme, et, face à l’imprévu, il n’est point meilleur processus que l’aptitude au changement. Cette philosophie darwinienne doit s’ancrer dans nos stratégies et organisations.
Faire appel à notre créativité
Alors comment faire ? Appuyons-nous sur les succès constatés pendant cette crise, les inventions humaines qui ont su résoudre des problèmes inédits.
Réfléchissons aux moyens de porter les processus à l’extérieur de l’entreprise, de repenser les organisations selon ce nouveau modèle, de faire évoluer les méthodes de management sur cette base, et par là-même, de redonner du sens à la mission de l’entreprise. Le brassage du « virtuel » et du « physique » est une promesse, une presque-obligation, auxquelles il faut confier les moyens adaptés.
Des habitudes sont nées dans l’organisation du travail pendant cette crise, créatrices de solutions inédites. Ne faudrait-il pas prolonger certaines habitudes COVID après COVID ? La conservation d’un savant dosage de fonctionnement de crise dans l’entreprise après la crise instituerait la recherche de solutions en système, faisant d’elle une organisation humaine adaptative, aux défenses immunitaires renforcées.
Une organisation apte à faire face à l’imprévu
Le digital, la robotique, l’automatisation, la virtualisation, l’intelligence artificielle, la blockchain, l’externalisation de certains processus, protégés par une sécurité de l’information adaptée, sont autant d’actifs sur lesquels capitaliser pour construire un modèle d’entreprise apte au changement, à faire face à l’imprévu.
Cela nécessite de revisiter certaines valeurs de l’entreprise, de viser un équilibre à moyen terme. Mais cela nécessite avant tout d’inciter l’humain à convoquer ses qualités d’invention, ses capacités naturelles d’adaptation, pour rendre l’entreprise plus intelligente collectivement et résiliente.
Nous disposons de moyens digitaux et de méthodologies pour analyser les faits marquant de la crise, tirer parti des innovations spontanées de ces quelques semaines, les installer durablement, et bâtir sur cette fondation un nouveau référentiel systémique, plus mobile et adaptatif.
Gérer des risques pour une entreprise est vital mais s’avère insuffisant dans un contexte d’imprévu. Ne dépensons pas exclusivement notre énergie à l’évitement, consacrons-en au changement pour nous immuniser contre les prochaines crises.
Ce pas vers l’inconnu peut faire peur, il représente le plus grand défi du siècle pour les entreprises. Mais les crises ont toujours donné naissance à de grandes évolutions, nous devons envisager ce défi comme une formidable opportunité de moderniser nos sociétés.
“Technology driven transformation will succeed only if it can recognize and leverage the value created by humans”
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