Ligne Roset, deux siècles
de made in France

Ligne Roset, deux siècles de made in France

 Alors que la pandémie a cloué toute la planète dans son salon, le groupe familial vend ses meubles partout dans le monde.

FLORENCE HUBIN

« AVANT, il fallait 8 semaines entre le moment où le client commandait le canapé en boutique et celui où il le recevait dans son salon. Aujourd’hui c’est 31 : on n’a jamais vu ça ! » Pierre Roset, actuel dirigeant et arrière-petit-fils du fondateur du groupe éponyme, n’en revient pas. Les carnets de commandes débordent, mais les techniciens d’ameublement viennent à manquer et les piles de panneaux de contreplaqués descendent trop vite…

Cependant, le groupe propriétaire des marques Ligne Roset et Cinna a connu des périodes plus difficiles et les frères ou autres cousins ne sont jamais à court d’idées.

Antoine Roset, le fondateur, monte en 1860 une petite fabrique de cannes pour ombrelles près de Pont-d’Ain.

Quand, à la fin du siècle, les femmes délaissent cet accessoire, il reconvertit ses tours à bois pour concevoir des pieds et barreaux de chaises. Après sa mort, son épouse puis son fils Emile reprennent les établissements Veuve A. Roset, qui produisent des sièges de style jusque dans les années 1930.

 Le pari de la création

Dans l’après-guerre, Jean Roset, le petit-fils, donne à cette entreprise d’une cinquantaine de salariés une dimension industrielle en réalisant des meubles modernes pour les collèges, lycées, universités et maisons de retraite. Mais au milieu des années 1960, ce passionné de mobilier contemporain revient vers la clientèle privée en optant pour des objets de créateurs. « Après avoir fait du siège, on a fait du meuble, mais aussi des tapis, des luminaires, car les spécialistes ne peuvent pas vivre. D’ailleurs ils ont disparu », observe Michel Roset, le fils de Jean.

L’un des premiers designers maison sera Michel Ducaroy, qui imagine en 1973 un canapé à l’assise non conventionnelle, où on se love dans une mousse enveloppante. Il devient au fil des décennies un objet iconique, écoulé à 1,2 million d’exemplaires.

Les ventes du Togo explosent à nouveau depuis la crise sanitaire, alors que la marque est attaquée depuis des années par des revendeurs de contrefaçons. « Mais l’avancée technologique protège des copies », assure-t-il, d’où un important investissement dans ce domaine.

Après avoir fait travailler des créateurs en interne, les frères dirigeants, Michel et Pierre, sont allés les trouver à l’extérieur. « Il faut de la nouveauté, on va chercher les meilleurs », assure le premier.

Les frères Roset collaborent avec des designers de talent : Pierre Paulin (1927-2009), dont le bureau très compact, épuré, est toujours assemblé dans les ateliers de Briord, Inga Sempé, la fille du dessinateur, plusieurs fois primée, ou encore les frères Bouroullec.

On trouve aussi dans le catalogue de la marque une ribambelle de jeunes signatures. Miser sur un objet original est toujours un pari. Un canapé comme le Ploum (Bouroullec) nécessite 18 mois de développement.« On prend des risques », sourit Michel. Mais le pari est souvent gagnant.

 

Etre son propre distributeur

Pour grandir, l’entreprise s’est appuyée sur son outil de fabrication et son savoir-faire, en restant fidèle à la région dominée par les monts du Bugey. Antoine, le fondateur, s’y était installé à la fin du XIXe siècle et le siège social y demeure aujourd’hui encore. La société dispose de cinq sites industriels, soit 118 000 m² au total, dans l’Ain et l’Isère. De l’atelier menuiserie, équipé d’une nouvelle scie entièrement robotisée qui évite aux employés de décharger les palettes, à l’atelier de contrôle qualité et de coupe des cuirs, en passant par ceux de couture à Bourgoin-Jallieu…

A l’époque où d’autres délocalisaient, la famille Roset a conservé ses usines et ouvert l’une des premières crèches d’entreprise. Même si elle a dû supprimer des postes pendant la crise mondiale de 2007-2008, elle a conservé sa force de fabrication.

« On a toujours valorisé l’expertise et le produit, c’est ce qui fait notre différence. On est avant tout des producteurs, et ensuite des distributeurs », insiste Olivier Roset, qui reprend les rênes de la société avec son cousin. « On a reçu un héritage. Mon père ne voulait pas tomber dans les griffes des distributeurs, il a créé sa marque et son réseau (NDLR : 859 points de vente dans le monde, dont 250 exclusifs). Cette stratégie nous a réussi », rappelle son papa, Michel. « On a investi, développé. Et au lieu d’aller fabriquer en Chine, on est allé vendre là-bas. »

12 000 à 15 000 canapés expédiés par bateaux vers l’Asie

 Une des grandes forces de la société est d’avoir commencé à exporter très tôt. La filiale allemande est créée en 1967.

L’international est développé par Pierre et Michel, les deux fils de Jean. Le premier magasin en Chine ouvre dès 2000, et les cousins Antoine, fils de Pierre, et Olivier, fils de Michel, poursuivent le travail, notamment sur les marchés asiatiques.

Depuis des années, l’export représente entre 65 et 70 % du chiffre d’affaires de 115 millions d’euros, sans grosse variation. Le premier marché est le grand export en Asie et Australie (plus de 20 % du CA monde). Viennent ensuite l’Europe, avec Allemagne et Autriche mais aussi la Russie, puis les Etats-Unis (environ15 %). Chaque année sont envoyés en Asie entre 12 000 et 15 000 canapés, par voie maritime, mais plus uniquement…

Les trains de plusieurs centaines de mètres de long qui empruntent les nouvelles routes de la soie, depuis l’Europe de l’ouest jusqu’à la Chine orientale, en traversant la région autonome ouïghoure, ne contiennent pas que des produits chimiques. Certains wagons sont remplis de canapés et autres objets design fabriqués en France, dont les Chinois aisés sont friands.

Le choix du ferroviaire pour expédier une partie des commandes découle de l’augmentation des tarifs sur la voie maritime depuis la fin 2020. « C’est aussi une solution plus rapide et moins polluante», souligne Nicolas Mazur, directeur transport chez Roset et à l’initiative de ce choix, qui prouve encore une fois la capacité du groupe à s’adapter. Dans les années 2020, le nouveau défi à relever pour Roset est de trouver une place sur le marché de la seconde main, avec une plate-forme dédiée au mobilier d’occasion. Mais prolonger la durée de vie de son fauteuil est déjà possible en le faisant réparer, ou en changeant de housse. Le groupe joue encore sur la carte de l’attachement à la marque avec un Club Ligne Roset, dont les adhérents pourront notamment visiter les sites de fabrication dans l’Ain. Michel résume très bien les clés de ce succès familial : la création de produits signés, la recherche de matériaux innovants « avec la volonté de tout fabriquer nous mêmes », le développement d’un réseau de distribution et, très tôt, de l’export.

veronique COINTET

Graphiste designer - le + : une expertise en packaging

3 ans

Le pukka en jaune : magnifique ! Beau et péchu !

Alain PITTET

CHEF D ENTREPRISE chez SPL

3 ans

Une superbe saga familiale un exemple et vive la France

Thomas Vienot

Expert Technique chez SUEZ Eau France

3 ans

"Et au lieu d’aller fabriquer en Chine, on est allé vendre là-bas" #punchline

Marc Widenlocher

Délégué départemental bénévole pour la Vienne chez Association Énergie Jeunes

3 ans

Felicitations à Pierre et à son équipe!

Stéphane Gros

Président chez NEOSPI - Conseil et Ingénierie dans l'industrie

3 ans

Beau succès et gros challenge logistique !

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